Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant de Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

Cérémonie au champ de tir du Bêle

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Commémoration du 77ème anniversaire des fusillades du 22 octobre 1941
Lundi 22 octobre 2018 – Monument du Bêle

Allocution de Madame Johanna Rolland, Maire de Nantes.
Monsieur le Directeur de Cabinet (de la Préfète)
Mesdames et messieurs les parlementaires ,
Madame la représentante du Conseil Départemental,
Monsieur le représentant de la Délégation Militaire départementale
Monsieur le représentant la Région de Gendarmerie,
Monsieur le représentant de la DDSP,
Monsieur le représentant du SDIS,
Monsieur le Président du Comité du Souvenir des Fusillés de Nantes et Châteaubriant de la Résistance en Loire- Inférieure,
Mesdames et messieurs les membres et représentants des associations d’anciens combattants,

Madame la Conseillère aux cérémonies patriotiques et aux affaires militaires, chère Christine,
Mesdames, messieurs,
Je vous remercie toutes et tous de votre présence aujourd’hui, pour la commémoration du 77ème anniversaire de cette exécution, si profondément ancrée dans nos mémoires. Ce que nous célébrons aujourd’hui constitue en effet une page d’histoire, un de ces moments qui constituent l’aventure collective d’un peuple. Et commémorer cette exécution, c’est aussi tirer du passé les exemples et les leçons indispensables à notre présent et à notre avenir.
Rappelons nous tout d’abord ces circonstances tragiques, qui conduisirent à la mort ceux dont nous honorons aujourd’hui la mémoire. Un officier allemand, le lieutenant- colonel Karl Hotz, commandant les troupes d’occupation dans le département de Loire-Inférieure, selon le nom de l’époque, est abattu le 20 octobre 1941 par un commando de résistants.
La réaction ne se fait pas attendre. En représailles, les Nazis exigent du sang. Ils veulent que des otages soient fusillés.
La barbarie est venue s’ajouter l’ignominie, celle du gouvernement de Vichy qui a accepté de désigner lui-même les victimes. Et ce régime n’a pas eu grand mal à les choisir, lui qui ne savait que diviser, hiérarchiser. Lui que l’infamie du statut des juifs poursuivra à jamais. Lui qui a créé un « fossé de sang entre les Français », pour reprendre l’expression de Robert Paxton.
Il a choisi ses victimes parmi celles et ceux qu’il détestait parce qu’ils refusaient d’abjurer leur confiance en l’homme, leur lutte pour la dignité humaine. Il les a choisis parmi celles et ceux qui refusaient que s’efface la magnifique devise de notre République, « liberté, égalité, fraternité ».
Il y a eu 48 exécutions. Seize sont tombés ici même, au champ de tir du Bêle, vingt-sept dans la carrière de la Sablière, à Châteaubriant, et cinq au Mont-Valérien, à Paris. Tous, dans la mort, se sont montrés admirables. René-Guy
Cadou nous les a si bien décrits, comme seul sait le faire un poète, en nous les montrant  » exacts au rendez-vous (convaincus) que la mort surtout est une chose simple, puisque toute liberté se survit ». Tous ont donné leur vie avec courage, pour leurs convictions, pour la France. A chacun d’entre eux, nous devons respect et reconnaissance.
A ces otages, je veux associer la mémoire de l’ensemble des résistants, de l’ensemble des combattants de l’ombre qui, dans ces années terribles, ont refusé l’inadmissible, ont entretenu l’espoir et sauvé l’honneur. Je veux saluer celles et ceux qui sont devenus des héros parce qu’ils ont été fidèles à eux-mêmes, à leurs convictions, à leurs valeurs. Celles et ceux qui auraient pu reprendre à leur compte la très belle formule de Jean Moulin, pudique et admirable, selon qui « c’est si simple de faire son devoir quand on est en danger ». A tous ceux-là, nous devons une reconnaissance éternelle, une reconnaissance simple et vraie, à la hauteur de leur engagement qui ne visait pas la gloire, bien au contraire, qui se faisait au profit d’une cause qui les dépassait et qui leur a donné tant de forces.
Bien sûr, ici, à Nantes, ces combats et ces sacrifices nous parlent tout particulièrement. Car ils sont nombreux, celles et ceux qui ont donné leur vie pour la cause de la liberté, pour l’honneur, pour la France, ici, à Nantes, lors de la seconde guerre mondiale.
Notre ville a en effet joué un rôle particulier durant la seconde guerre mondiale. Nantes, durant les années tragiques de l’occupation, durant ces années noires, a vu nombre de ses habitants refuser l’oppression, la barbarie, la fatalité de la défaite et de l’humiliation. Très rapidement, la Résistance a pris corps à Nantes. Peu de villes ont connu une activité si intense contre l’occupant. Nantes, selon la formule du général de Gaulle, « a donné à la France (…) l’exemple de ce que peut faire et de ce que sait faire une bonne grande ville française quand elle est courageuse et résolue ».
La Nation nous a exprimé sa reconnaissance en faisant de Nantes la première des cinq communes Compagnon de la Libération, par décret du 11 novembre 1941. C’est un motif de fierté pour nous. Cela nous honore. Cela nous oblige
également. Cette distinction confère à Nantes un devoir particulier de mémoire, pour transmettre le souvenir de celles et ceux qui se sont battus pour notre liberté, pour honorer leur mémoire, faire vivre les valeurs qui les animaient. Nous nous y employons au sein du Conseil National des Communes Compagnon de la Libération. Je veux remercier ici Gérard Frappier, notre délégué au Conseil National des communes Compagnon de la Libération. Qu’il me soit permis ici de saluer également le travail formidable effectué avant lui par le regretté Henri Duclos. Cette année, j’ai le grand honneur de co-présider ce Conseil. Cette co-présidence, c’est une responsabilité, encore plus grande à l’heure où les derniers témoins nous quittent. Le décès de Yves de Daruvar, le 27 mai dernier, à l’âge de 97 ans, a réduit à cinq le nombre de Compagnons de la Libération encore en vie. Louis Fouquet, le dernier des 128 habitants de l’île de Sein partis rejoindre le général de Gaulle, s’est éteint récemment. A nous de faire en sorte que ces héros, illustres et inconnus, restent dans les mémoires et que le souvenir de leurs actions ne s’estompe jamais. Nous nous y employons, avec force, avec conviction.
C’est ce que nous faisons par exemple en installant, comme l’an passé, les portraits des Otages Cours des 50 Otages. C’est dans cet esprit également que nous avons dévoilé à l’instant cette nouvelle plaque, portant la liste exacte de tous ceux qui furent fusillés, ici, durant l’ensemble de la guerre. C’est un remarquable travail qui a été effectué à l’initiative du Comité du souvenir pour qu’enfin, tous ces héros, sans exception, aient leur nom sur ce monument. Je veux vraiment saluer tous ceux, membre du Comité, historiens, passionnés et membres des services des archives, qui s’y sont investis.
Et je crois que la meilleure manière d’honorer la mémoire de celles et ceux qui ont combattu, en ces années terribles, qui se sont sacrifiés pour notre liberté et celle du monde, c’est d’être fidèle à l’esprit qui les animait, c’est de s’inspirer de leur exemple.
Les honorer, c’est d’abord proclamer l’universelle égalité des femmes et des hommes, quelles que soient leur nationalité, leur origine, leur religion ou leur absence de religion. C’est dire, une fois pour toutes, que dans notre pays, dans notre
société, l’intolérance, le racisme, les préjugés ne peuvent avoir la moindre place. Parce qu’ils sont abjects. Parce qu’ils mènent toujours au pire.
Les honorer, c’est construire une société solidaire et fraternelle, une société qui mette pleinement en oeuvre notre pacte républicain.
Les honorer enfin, c’est promouvoir l’idéal européen, cette belle et grande idée. Nous lui devons, ne l’oublions jamais, une très longue période de paix et de prospérité. Certes, la construction européenne, telle qu’elle s’effectue et fonctionne actuellement, doit être renouvelée, refondée même. Certes, elle doit être plus proche des citoyens, plus attentive aux initiatives venues du territoire. Certes, elle doit s’engager résolumment sur les grandes questions qui déterminent notre avenir, la mondialisation économique, la transition écologique, les migrations de population. Mais l’acuité de ces questions prouve bien le besoin d’Europe, une Europe forte, ambitieuse, dynamique et protectrice, attentive aux forces vives, qui donne la parole aux peuples, aux citoyens et qui dialogue avec les territoires.
Oui, nous pensons aux otages fusillés dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire. Oui, nous pensons à celles et ceux qui durant la seconde guerre mondiale, ont donné leur vue pour l’honneur, la liberté, la dignité humaine. Oui, nous voulons être digne d’eux, de leur mémoire, de leur combat, précieux éclairage pour notre action.
Et c’est, je crois, le sens de notre rassemblement aujourd’hui, et je vous remercie, toutes et tous, de votre présence.

Allocution de Monsieur Christian RETAILLEAU
Président du Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure
Madame le Maire,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités civiles et militaires,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les familles des Fusillés,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations d’anciens combattants, d’organisations syndicales et politiques,
Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,

Il y a 77 ans, en ce lieu du terrain du Bêle, à la Sablière à Châteaubriant, au Mont-Valérien, 48 résistants désignés comme otages étaient fusillés par les nazis. Ce crime odieux, perpétré sur ordre personnel de Hitler avec la complicité active des dirigeants collaborateurs de Vichy, visait à terroriser la population française et à annihiler une résistance qui s’organisait. La réprobation fut générale dans le monde entier, de Londres à Moscou et à Washington.
Par leur sacrifice, les 48 ont su insuffler le refus de la défaite et de la servitude et cette volonté de résister à tout prix, par tous les moyens y compris la lutte armée. Ils ont porté l’espoir de jours meilleurs aux pires heures de l’Occupation.
Plus le temps passe et plus notre responsabilité augmente.
Responsabilité vis-à-vis de l’Histoire.
Les soixante-dix-sept années qui nous séparent de cet évènement tragique et emblématique de la Résistance ne sauraient constituer des obstacles à la connaissance de l’Histoire et à la nécessité absolue de la transmission de la mémoire. Tout au contraire, il est essentiel de se souvenir et de transmettre aux nouvelles générations cette mémoire.
C’est le sens de l’Hommage rendu aux Fusillés du 22 octobre 1941, tout au long des cérémonies qui ont lieu depuis vendredi, à Nantes, Indre et Châteaubriant et aujourd’hui au Monument aux 50 otages et à la Résistance, au Monument du terrain du Bêle et au Cimetière de la Chauvinière.
Transmettre aux jeunes d’aujourd’hui – qu’ils soient élèves, étudiants, ouvriers et employés, jeunes demandeurs d’emploi, précaires – les leçons de ce passé devient une obligation républicaine dans une Europe où l’on perçoit combien « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde », comme le clamait Bertolt BRECHT.
Ce passé n’est pas si lointain, qui vit l’Europe être confrontée au nazisme et aux fascismes et à un deuxième conflit généralisé, dont les conséquences humaines, matérielles et morales furent désastreuses.
En cette année de centenaire 1918 – 2018, marquant la fin de cette hécatombe humaine, de cette boucherie que fut le premier conflit mondial, comment ne pas relier cette commémoration nationale aux commémorations d’octobre.
Les survivants des tranchées, et parmi eux certains des Fusillés que nous célébrons, avaient espéré que le sacrifice d’une génération serait le dernier, avaient rêvé d’un monde sans guerre ! Il n’en fut rien mais, disons-le, ce deuxième conflit n’avait pourtant rien d’inéluctable.
Les combats menés par les militants antifascistes et démocrates dans les années 1930 contre l’extrême droite factieuse, le soutien et l’engagement de ces militants dans les Brigades Internationales aux côtés des républicains espagnols contre le général putschiste Franco soutenu militairement par Hitler et Mussolini, leur refus des accords de Munich – les accords de la honte – sont autant d’exemples montrant qu’il était non seulement nécessaire mais possible de s’opposer à « la montée des périls », selon le mot de Pierre Brossolette.
Les élites de l’époque firent un autre choix : « Hitler plutôt que le Front Populaire », et laissèrent prospérer jusqu’à l’embrasement de l’Europe, l’idéologie de haine et de mort du régime nazi, idéologie basée sur l’antisémitisme, le racisme et l’anticommunisme.
Cinq longues et terribles années de guerre seront nécessaires pour assister à la libération du territoire et à la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie face aux armées alliées, le 8 mai 1945. Le bilan humain de ce conflit est presque inconcevable pour nos générations, avec ses dizaines de millions de morts, des massacres par centaines, la répression et la déportation de masse, la persécution des juifs, des tsiganes, des slaves, des homosexuels.

Responsabilité vis à vis de la Résistance
Au moment où les rangs des Résistants s’éclaircissent, que disparaissent les derniers témoins, les récupérations politiques les plus diverses se font jour visant à réécrire l’Histoire de la Résistance avec un objectif principal : gommer le rôle essentiel joué par la classe ouvrière au sens large du terme dans la Libération et dans la phase de reconstruction de notre pays.
Alors, notre responsabilité collective consiste à rappeler et à transmettre sans relâche cette spécificité d’une Résistance populaire, si diverse à l’image des 48 hommes que nous honorons, qui représentaient la France dans sa diversité d’opinions, de croyances, dans sa diversité sociale et politique.
Il est utile que chacun se réapproprie cette histoire, qui aboutit le 27 mai 1943 à la création du Conseil National de la Résistance. Sous l’impulsion de Jean Moulin, délégué du Général de Gaulle, la résistance intérieure se dotait d’un organe fédérateur qui allait adopter, quelques mois plus tard, un programme novateur jetant, pour l’après-guerre, les bases politiques, économiques et sociales d’une République porteuse de progrès démocratiques et sociaux.
Les mesures du programme du CNR ont façonné le modèle social français, basé sur des notions de solidarité et de justice sociale. C’est notre bien commun et nous avons l’obligation de le transmettre aux générations futures.
Que penser alors des gouvernements dont celui d’aujourd’hui qui, tout en se réclamant de l’héritage de la Résistance, nie à travers leurs choix politiques les valeurs défendues par elle ? La liste serait longue à énumérer : remise en cause de la sécurité sociale, du statut des fonctionnaires, des droits sociaux et syndicaux, privatisations des services publics et du secteur nationalisé, perte d’indépendance de la presse et des médias… Au cadre collectif et social inspiré par le CNR, le gouvernement et ses soutiens veulent substituer la vieille loi du « chacun pour soi », cette vieille pensée libérale qui d’un côté culpabilisent les salariés, les retraités, les chômeurs et les précaires pour le peu qu’ils ont et, de l’autre, aident les privilégiés à obtenir encore plus, renforcent le pouvoir des tutelles de l’argent dans leur mainmise sur les moyens financiers, de production et d’information du pays.

Responsabilité enfin vis-à-vis du présent
Transmettre à la jeunesse encore. L’oubli de l’histoire, les déformations dont elle fait l’objet, les insuffisances dans son enseignement expliquent en partie la perte de repères historiques préjudiciables à la compréhension des enjeux politiques et sociaux d’aujourd’hui.
Ainsi, ces résistants auxquels nous rendons hommage, constituent pour tous des repères. Et parmi ceux-ci, ces étrangers nos frères pourtant, comme ceux du groupe Manouchian, comme un Gomez Ollero et ces républicains espagnols, FTP nantais, ou encore un Marcus Garbarz, un Georges Tompousky, internés au camp de Choisel à Châteaubriant et fusillés au terrain du Bêle.
Le rejet et la stigmatisation par les forces d’extrême droite du migrant, de l’étranger venu du sud, de l’autre parce qu’il est différent, le transformant en un nouveau bouc émissaire ne peut que conduire au pire.
Le refus des gouvernements, Italie en tête, d’accueillir dans les ports européens des bateaux humanitaires, qui recueillent à leur bord des centaines de migrants menacés de noyade et en demande d’hospitalité, entretient, à cet égard, une confusion malsaine entre bons et mauvais immigrants.
Dans ce combat toujours renouvelé pour la liberté, pour les droits démocratiques et sociaux, pour un monde plus juste et en paix, sachons comprendre et transmettre les valeurs de la Résistance à travers le souvenir des 48 Fusillés du 22 octobre 1941, le souvenir de tous les résistants dont ceux dont les noms sont rappelés sur la plaque qui vient d’être dévoilée.
Ecoutons l’avertissement de Paul Eluard : »si l’écho de leur voix faiblit, nous périrons. »
Merci de votre attention.

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