Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant de Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

Inauguration de la plaque aux noms de Auffret-Jules, Bourhis-Marc , Guy Môquet au cimetiére du Petit-Auverné le 16 octobre 2021

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Discourt de Madame Anne-Marie SAFFRAY-MOQUET

Je suis adoptée en 1960 par Prosper Môquet père de Guy Môquet , j’avais 7 ans
Aujourd’hui au Petit-Auverné nous rendons hommage à 3 des 27 camarades fusillés à Châteaubriant le 22 octobre 1941 en représaille de l’exécution d’un officier allemand à Nantes, Auffret-Jules, Bourhis-Marc , Guy Môquet.
Guy est né en 1924, la famille Môquet habite Paris
En 1931 nait son frére Serge, Guy a 12 ans en 1936 quand son père est élu député communiste du Front populaire dans le 17eme arrondissement.
En 1939, pour les raisons que l’on sait des députés communistes dont Prosper Môquet sont envoyés fers aux pieds à la prison de Maison Carrée à Alger
Guy a 15 ans il adhére à l’engagement politique de ses parents et décide de poursuivre le combat mené par son père.
Dénoncé, il sera arrêté à la gare de l’EST pour avoir distribué des tracts;
Le juge du tribunal dans sa décision prononce la libération de Guy, laquelle ne sera pas suivie d’effet , il sera interné au Camp de Chateaubriant en mai 1941.
Fusillé le 22 octobre 41 son message nous interpellant restera marqué sur les planches de la baraque 19 :

“ Vous qui restez soyez dignes de nous les 27 qui allons mourir”

Serge son petite frére traumatisé par la mort de son Grand frére Guy comme il l’appelait pourchassé par la gestapo décédera en 1944 à l’âge de 13 ans

Leur mère Juliette Môquet qui fut membre du Comité parisien de la Libération trouva la mort dans un accident de la route en 1956.

Depuis 1960 ,j’accompagnais Prosper aux Cérémonies rue Baron à Paris et à Châteaubriant. Ma mére Hélène, sa seconde épouse, décéde en 1976 et chaque année avec mon mari nous avons été à ses côtés lors de ces commémorations très éprouvantes pour lui, sur le plan émotionnel.

Prosper vivra douloureusement la disparition des siens et particuliérement chaque mois d’octobre. Toute sa vie il restera fidèle à son idéal et à ses convictions politiques
Prosper décéde à Bréhal (Manche) en 1986 à 89 ans où il s’était retiré
Je remercie les habitants du Petit-Auverné et particuliérement la famille de l’institutrice qui a accueilli Juliette Môquet lors de ses visites au cimétiére.
Je remercie les personnes présentes à cette cérémonie et à celles et ceux qui oeuvrent et entretiennent le souvenir et la mémoire de ces combattants de la Liberté et de la paix.

Merci de votre attention
Anne-Marie SAFFRAY
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L’affaire de la tombe

Annick, 73 ans aujourd’hui, est la fille de l’institutrice du village dans lequel a été enterré le jeune militant. Elle raconte.
Après l’exécution, spontanément, les tombes furent fleuries, chaque communes voulant faire mieux que l’autre ». Les cercueils n’étaient désignés que par des numéros, mais la liste des noms fut rapidement colportée par les rumeurs.

A 17 km de Châteaubriant, le Petit-Auverné compte en 1941 quelques centaines d’habitants, répartis dans de grosses fermes, autour d’une épicerie et deux écoles : celle des Bonnes-Sœurs et celle de la République. L’institutrice de l’enseignement publique vit seule avec sa fille Annick: son mari a été fait prisonnier en Allemagne.
Annick a 73 ans aujourd’hui. C’est elle qui raconte aujourd’hui pour la première fois l’histoire de la tombe de Guy Môquet.

« Ces jours-là, toute la région ne parlait que des 27 otages fusillés à La Sablière. Le 24 octobre au matin, on apprend que trois d’entre eux allaient être enterrés dans le cimetière du village, dont Guy Môquet. Parmi nous, son nom était le seul à circuler, parce qu’il était si jeune. A l’époque, être communiste, c’était faire partie des bannis, en plein dans le collimateur, comme si on était juif. Pour Guy Môquet, la population n’était pas allée chercher si loin que ça : c’était un enfant qu’on avait fusillé, et voilà. Il était un héros.
Au Petit-Auverné, le jour de l’inhumation, l’ordre a été donné que personne ne sorte des maisons, ni ne s’approche du cimetière à partir du début de l’après-midi. Un recoin le long du mur avait été choisi pour y creuser les tombes.
Le jour de la Toussaint, une fermière vient chez nous avec son beurre. Elle est très émue. « Si vous voyez les tombes ! » dit-elle. « Elles sont couvertes de fleurs, bleues pour l’une, blanches pour l’autre, rouges pour la troisième ».
Un cordon empêchait d’accéder directement aux trois tombes. Il n’y avait pas de plaque, seulement des numéros, mais tout le monde savait que celle de Guy Môquet était au milieu.
A cause de la guerre, nous vivions en vase clos et chaque chose prenait une proportion incroyable. Les trois tombes étaient devenues la grande affaire de la commune. Tout le monde en parlait sous le manteau, en faisant attention, car nul ne savait qui étaient ses amis et ses ennemis. Il n’y avait pas d’Allemands au village, mais nous vivions dans la peur de la délation, sans oser lever le petit doigt. C’était une époque où on vendait les autres pour pas grand-chose. Des fleurs continuaient d’apparaître sur les trois tombes, de simples bouquets de jardins, mais sans cesse renouvelés.
Au Petit-Auverné, le car de Nantes passe deux fois par semaine. Regarder ceux qui montent et ceux qui descendent est alors une occupation prisée. Un soir, la rumeur s’est mise courir que Madame Môquet était dans le car. Au village, elle s’était installée dans une des chambres que louait Madame Salmon, au-dessus de son bistrot. Il y avait un cabinet de toilette et je crois même des WC, ce qui était alors considéré à la campagne comme un grand raffinement. C’était courageux de la part de madame Salmon de recevoir cette dame. Ce genre de chose pouvait avoir un impact à l’époque, on risquait gros. De tels bruits courraient sur Madame Môquet, qu’elle sortait seulement pour aller au cimetière et à la nuit tombante, dans le village sans lumière, à l’heure où tout le monde était barricadé chez soi.
Un soir, quelqu’un frappe à la porte de notre maison. Avec maman, on meurt de peur. On se regarde, on ne sait pas. On entend une petite voix. Elle dit : « C’est madame Môquet ». Cette femme-là chez nous ! C’était inattendu, totalement ! En arrivant dans notre bourg, Madame Môquet n’avait aucune idée de l’endroit où elle mettait les pieds. Tout était périlleux en ce temps-là, elle ne connaissait personne et elle était d’une famille communiste. Ma mère ne faisait partie de rien, ni de la résistance, ni d’aucun parti, mais même sans faire de politique, on pouvait être sûr qu’elle était quelqu’un de laïc. A l’époque, c’était quelque chose qui comptait beaucoup. On disait encore « l’école du diable » pour désigner l’école publique et, au Petit-Auverné, toutes les filles -sauf moi- étaient inscrites chez les Sœurs. Ma mère, comme plupart des instituteurs laïques, était d’ailleurs suspectée d’être communiste et à la fin de la guerre, au moment où on fusillait les gens pour un Oui ou pour un Non, elle a même failli être exécutée.
Au Petit-Auverné, Madame Môquet avait réfléchi et s’était dit, qu’au fond, la seule personne, à pouvoir la recevoir, à qui elle pourrait parler, était l’institutrice de l’école publique.
Avec maman, nous étions blotties de l’autre côté de la porte, terrifiées, surtout qu’en face de chez nous, habitait le maire, un collaborateur. C’était compliqué, dangereux de recevoir quelqu’un comme Madame Môquet. Mais comment ne pas le faire ? On ouvre. Je n’oublierai jamais cette image tant elle était saisissante. Se dressait devant nous en pleine nuit une grande dame brune, tout en noir, les cheveux noués en catogan, beaucoup d’allure, une élégance incroyable, figée dans la dignité et la douleur. Elle entre. De son sac à main, elle sort son portefeuille et de son portefeuille une lettre. Elle nous la tend. C’est celle de son fils Guy. On la lit et on la relit. On reste debout, sans savoir quoi faire.
Maman lui a dit qu’elle pouvait revenir à son prochain voyage, en toute discrétion bien sûr. La fois suivante, Madame Môquet tenait une couronne mortuaire, en petite perles tressées comme on faisait à l’époque. Elle nous dit : « Cela fait trois semaines que je dors avec cette couronne contre moi, parce que je veux lui transmettre tout mon amour avant de la déposer sur la tombe de mon fils ». Elle l’avait cachée dans ses bagages pour le voyage.
Elle est venue cinq ou six fois, toujours avec son second fils, Serge, qui avait deux ou trois ans de plus que moi. Quand elle était avec lui, elle avait un air très doux, n’affichait rien, jouait beaucoup. Je ne l’ai jamais vue pleurer. Avec une amie, nous avions adopté Serge, nous partions des heures en vélo ensemble. Ensuite, les voyages sont devenus trop périlleux et ils ne sont plus revenus.
Dans le village, personne ne nous a jamais parlé de ces visites, sauf l’épicière, qui était devenue une grande amie de ma mère. Elle nous donnait de la laine pour que je tricote des gants à ses fils prisonniers. Plus tard, on a appris qu’elle était de ceux qui déposaient entre autre les fleurs sur la tombe ».

Florence Aubenas

Hommages de Yves et Michel QUINIOU à Jules Auffret

JULES,
Aujourd’hui un hommage est rendu à Guy MOQUET, Marc BOURHIS et Jules AUFFRET.

Jules est notre grand-père. Sa vie a été fauchée à Châteaubriant à l’âge de 39 ans le 22 Octobre 1941.
Son épouse, Laure est décédée à Savenay le 7 Mars 1943 , terrassée par un cancer et minée par le chagrin.
Ils laissaient 4 enfants : Jean 16 ans, Jeanne 14 ans, Michelle 12 ans et Denise 9 ans.
La courte vie de notre grand-père a toujours répondu à un constant engagement pour la justice sociale, la paix et la liberté.
Permettez nous d’évoquer quelques moments de cette volonté ancrée chez Jules.
Né le 7 Septembre1902 dans la région nazairienne, à Montoir, il est major au certificat d’études en 1914.
L’année suivante, à l’âge de 13 ans, il entre dans la vie professionnelle, comme « mousse », aux forges de Trignac.
Jules montre une rapide prise de conscience de classe face aux dures conditions de travail des ouvriers, jeunes et vieux , l’amenant à un engagement syndical et puis, logiquement, à celui politique, à 18 ans, auprès des socialistes.
Rapidement, Il participe à la création de la section du parti communiste français.
Engagé dans la lutte des classes il doit, au retour du service militaire, en 1922, quitter la région nazairienne, face à un patronat revanchard lui interdisant toute possibilité d’emploi .
Il gagne la région parisienne et entre à La Compagnie du Gaz..

Le 23 Juin 1924 ,il épouse Laure Pichon.
Autodidacte, Jules n’aura cesse de parfaire ses connaissances par la lecture, la participation à des stages de formations politiques ou syndicales, par des voyages.
C’est ainsi qu’il séjournera en URSS, Pologne, Espagne pendant la guerre.
Notre grand-père poursuit son engagement politique qui lui vaudra une première arrestation en 1927 pour une distribution de tracts.
En 1935 à Bondy, Il est élu maire adjoint puis conseiller général. Il dirige la section du grand Est de Paris du parti communiste français.
Il est arrêté le 18 Décembre 1939 et déchu de ses mandats le 1er Février 1940 par le gouvernement français.
Jules connaîtra plusieurs lieux d ‘internement avant d’arriver à Choisel.
Il est très actif dans l’animation du camp.
il préconise que les évadés soient choisis parmi les responsables de son parti, afin qu’ils puissent organiser la lutte contre l’occupant nazi. L’un d’eux, Fernand Grenier,rejoint le Général De Gaulle à Londres avec cet objectif.
Sa haute conscience patriotique s’affirme par de nombreux actes.
Ainsi, un mois avant l’appel du 18 juin du Général De Gaulle , 2 mois avant l’appel de Jacques Duclos pour le PCF , il s’adresse au Préfet, le 13 Mai 1940 pour contester son arrestation et appeler à la résistance armée.

Il y écrit notamment :
«Dès la première heure, j’ai manifesté mes sentiments anti-hitlériens et
dénoncé les desseins criminels de l’hitlérisme.
J’affirme au moment où l’agression s’étend sur le pays voisin de la France
( l’Angleterre) et menace son territoire, que le peuple français, pour maintenir
son indépendance et ses libertés doit être uni devant le danger et les devoirs
qu’il impose(…). C’est la raison pour laquelle, je suis décidé, si on me le
permet, de servir cette unité nationale, dans la mesure de mes moyens.»
Nous aurions tant aimé la présence d’un grand-père comme le fut Jules avec son esprit libre, patriote, sensible aux difficultés des personnes qu’il côtoyait.

Nous sommes fiers de notre grand-père .
Mais la vérité c’est l’exécution des 27 à la Blisière le 22 octobre 1941

Il nous a laissé ses dernières réactions dignes, militantes, résistantes et courageuses:
Ainsi au matin du 22, lavant son maigre vestiaire pour soulager sa femme malade, à un camarade en sanglots, « Ne pleure pas, l’essentiel pour ceux qui restent, c’est de ne pas oublier. »
Dans la baraque, prenant la parole, il dit : « il faut que nous prenions nos dispositions pour mourir, nous refuserons tous de nous faire bander les yeux, nous crierons tous « Vive la France ».
Sur une planche de bois de la cabane, avec sa dernière lettre à sa famille, il laisse ce message:
« ADIEU ! ADIEU ! CAMARADES, PRENEZ COURAGE, NOUS SERONS VAINQUEURS ! ».

80 ANS APRÈS NOUS NOUS EFFORÇONS D’ÊTRE DIGNES DES 27, DE LEUR COMBAT POUR LA JUSTICE, LA FRATERNITÉ, LA LIBERTÉ.
SOUVENONS NOUS , EN CES PÉRIODES QUI VOIENT LA MONTÉE DE L’ EXTRÊME DROITE DANS DE NOMBREUX PAYS, DONT LE NÔTRE, SOUVENONS NOUS DES ESPOIRS DE CEUX QUI ONT DONNÉ LEUR VIE POUR QUE S’ÉPANOUISSE LEUR IDÉAL.
NOTRE FAMILLE REMERCIE :
MONSIEUR LE SOUS PRÉFET,
MESDAMES ET MESSIEURS LES MAIRES QUI ONT PERMIS DE PRESENTER CES PLAQUES AUX ENTRÉES DES CIMETIÈRES DU CASTELBRIANTAIS,
MESDAMES ET MESSIEURS LES ÉLUS
L’AMICALE ET LE COMITÉ DE CHÂTEAUBRIANT POUR CE CHEMIN DE LA MÉMOIRE .
NOUS SALUONS AMICALEMENT TOUTE LES FAMILLES DES FUSILLÉS, POUR QUI CE TEXTE A ÉTÉ ÉCRIT.
NOUS ADRESSONS UNE PENSÉE AFFECTUEUSES POUR LES 3 ENFANTS TOUJOURS PRÉSENTS PARMI NOUS : DENISE MICHELS, ANDRÉ LE PANSE ET CLAUDE POURCHASSE.
MERCI

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