Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant de Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

Marguerite Joubert-Lermite

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Née le 25 février 1910 à Vallet (Loire-Inférieure), morte le 18 mars 1943 en déportation à Auschwitz (Pologne) ; institutrice ; militante syndicale du SNI ; militante communiste en Loire-Inférieure ; résistante.

Marguerite Joubert naquit dans une famille ouvrière et catholique qui gagna Nantes durant la Première Guerre mondiale. Son père, maçon, malade, devint employé d’assurances, tandis que sa mère, couturière, trouvait de moins en moins facilement à travailler au cours des années 1920. Comme ses deux frères, elle fut scolarisée dans une école religieuse de la rue d’Allonville à Nantes. Après avoir obtenu le certificat d’études primaires, elle entra en 1922 à l’école primaire supérieure de Nantes, place de la République. Durant ces années, se décrivant comme une catholique mystique, elle écrivit de nombreux poèmes. En 1926, elle entra à l’École normale d’institutrices de Nantes mais une vague de tuberculose frappa l’institution en avril 1927. Alitée pendant une année chez ses parents, elle gagna le sanatorium pour instituteurs de Sainte-Feyre, dans la Creuse, où elle demeura de 1928 à 1930 et où elle retourna en 1932-1933. Elle resta ensuite de santé fragile.

Le sanatorium de Sainte-Feyre lui ouvrit de nouvelles perspectives. D’abord centre de soin, c’était aussi un lieu d’une grande effervescence intellectuelle. Marguerite Joubert y fut encouragée à travailler son écriture poétique et y rencontra un instituteur de Portes-les-Valence (Drôme), M. Albert, qui l’initia au marxisme. Son évolution du christianisme au communisme se fit progressivement : d’abord par des lectures des classiques marxistes et des discussions au sanatorium, puis, une fois rentrée à Nantes pour y enseigner en 1930, par la rencontre de jeunes instituteurs et militants syndicaux du Syndicat national plutôt proches du Parti socialiste SFIO comme André Lermite et Alphonse Braud. Avec eux, elle noua des liens avec Jean Bruhat, nommé à Nantes comme professeur d’histoire, qui constitua un groupe d’instituteurs militants dont il assura la formation politique. Enfin, de nouveaux séjours dans le sud de la France, en vacances ou pour y être soignée, lui permirent d’assister à une conférence de Pierre Semard en 1931 et l’amenèrent à adhérer à l’Association des Artistes et Écrivains Révolutionnaires en 1932. Elle lia ainsi son activité d’écriture et sa volonté d’engagement politique. Elle décida de se ranger aux côtés du prolétariat et, après son retour à Nantes, adhéra au parti communiste en octobre 1933.

Les activités d’écriture de Marguerite Joubert ne cessèrent pas durant toute cette période de formation politique et sa poésie se fit sociale. Elle correspondit avec André Gide et chercha à se faire publier. En 1933, la Nouvelle Revue Française sélectionna un de ses poèmes pour le « Tableau de la poésie en France » qu’elle proposa à ses lecteurs dans deux livraisons. Les Humbles, revue littéraire des primaires, publia cinq de ses poèmes en janvier 1934. Cependant elle relégua ensuite cette pratique de l’écriture à son intimité, continuant à écrire et à publier ses poèmes dans Vouloir, Paix, Travail, Santé, revue d’action sociale et politique, sous le pseudonyme d’Yves Raquet.

Tout au long des années 1930, Marguerite Joubert vécut une grande partie de la semaine loin de Nantes où elle militait. Stagiaire à la rentrée 1930, elle enseigna successivement à Saint-Julien-de-Vouvantes (1931-1932), à Ancenis où elle fut titularisée (1933-1934), au Gâvre (1934-1937) et enfin à Bouaye (1937-1942) tandis que son mari occupait un poste d’instituteur à Nantes depuis 1936. Membre du SN, elle fit partie du Groupe des Jeunes, une tendance syndicale minoritaire que Jean Josnin relança en 1932 en Loire-Inférieure et dont le but principal était d’obtenir un rapprochement avec les Unitaires au sein desquels militait Jean Bruhat. En conflit avec leur syndicat, nombre de ces jeunes durent quitter le SN au début de 1935. Ils le réintégrèrent ensuite au moment de l’unité syndicale. En novembre 1935, pendant les négociations sur l’organisation du syndicat unifié des instituteurs, Marguerite Joubert défendit la spécificité des jeunes instituteurs et obtint la création d’une Commission des jeunes au sein du syndicat, commission que dirigea Jean Josnin et dont elle devint membre. En décembre 1935, elle participa aux débats sur l’unification des Fédérations enseignantes. Comme André Lermite, elle entra à la Commission exécutive de la nouvelle Fédération générale de l’Enseignement unifiée.

Au sein de la Commission des jeunes, Marguerite Joubert s’occupa de la rédaction de la « Page des jeunes », rubrique à la parution irrégulière créée en 1934 dans le Bulletin Mensuel du Syndicat des Institutrices et Instituteurs Publiques. Marguerite Joubert lui donna un nouveau souffle, y multipliant les initiatives durant l’année 1936 (enquête sur le sort des jeunes instituteurs qui rappelle celle de Paul Vaillant-Couturier parue dans l’Humanité au début de 1935, organisation du « Sou du soldat » dont elle prit la charge, propositions de sorties culturelles et de rencontres pédagogiques entre jeunes instituteurs…).

A la fin de 1937, plusieurs membres du Syndicat national des instituteurs mirent en cause Marguerite Joubert pour des propos tenus lors d’une conférence sur l’enseignement organisée par le Parti communiste. Conformes à la politique du parti de la main tendue aux catholiques, ses propos trop conciliants envers l’enseignement confessionnel suscitèrent des débats auxquels elle répondit par deux tribunes offensives dans le bulletin syndical en janvier puis décembre 1938. Marginalisée, elle resta membre du syndicat et de la Commission des jeunes jusqu’en septembre 1939. Mais le « Sou du soldat » et la « Page des jeunes » furent supprimés dès la fin 1937 tandis que sa candidature aux élections de 1938 pour le conseil syndical ne remporta pas l’adhésion.

Ses activités au sein du Parti communiste nantais furent celles qui occupèrent le plus Marguerite Joubert. En manque de cadres et plutôt en déclin au début des années 1930, le parti puisa parmi les jeunes instituteurs proches de Jean Bruhat, qui constituèrent une tendance intellectuelle qui vint s’associer aux ouvriers de la métallurgie, sa base traditionnelle dans la région. Bruhat, entré peu après son arrivée à Nantes au bureau de la fédération régionale Loire-Inférieure-Vendée, la poussa en avant et la présenta à la direction régionale. [Raymond Sémat-<130951] et Robert Cadiou lui confièrent la tâche de s’occuper des jeunes communistes. D’abord membre d’une cellule pour instituteurs éloignés de Nantes à partir d’octobre 1933, avant d’intégrer une cellule dans le quartier de Chantenay en 1937, elle adhéra également aux Jeunesses communistes en janvier 1934 et milita dans le Cercle des Jeunesses communistes de Chantenay. Promue au poste de secrétaire régionale des Jeunesses communistes, elle continua à s’occuper des questions de la jeunesse une fois élue au bureau de la fédération régionale du parti en 1936. Elle fut déléguée au congrès d’Arles en 1937.

Marguerite Joubert joua un rôle dans la rénovation du Parti communiste à Nantes, rénovation plusieurs fois demandée par les instances centrales du parti en raison des échecs électoraux locaux. Elle participa, à la fin de 1936, à la création de l’école régionale des cadres du parti dont les contours avaient été dessinés par Bruhat. Elle organisa également des cycles de formation pour les jeunes qu’elle encadrait dans le but d’en faire des militants avertis. Ses fonctions régionales l’amenèrent à organiser de nombreuses réunions publiques dans les café nantais, d’abord sous le pseudonyme de Jeanne Clément, puis sous son nom propre à partir de la fin 1935, afin de faire la promotion des actions des jeunes communistes à un moment où tous les partis cherchaient à développer leurs organisations de jeunesse. Ayant pour tâche de faire des Jeunesses communistes une organisation de masse, elle créa l’Union des Jeunes Filles de France dans la région Loire-Inférieure-Vendée et elle misa sur la culture pour attirer de nouveaux membres, suscitant parmi les jeunes communistes la création de chorales, de troupes de théâtre ou encore la rédaction de journaux. Elle-même écrivit dans La Bataille, l’organe régional des Jeunesses communistes.

Par ailleurs, intellectuelle engagée, Marguerite Joubert fit partie de l’association des Amis de l’URSS que Bruhat relança avec elle à Nantes en 1934. Militante du comité Amsterdam-Pleyel, elle fut également membre de la Commission exécutive et déléguée à la propagande de la section nantaise du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme créée en 1935, qui regroupa 400 membres dont 50 institutrices, parmi lesquelles Yvonne Bruhat et la mère d’André Lermite. Membre du Secours rouge international, elle adhéra également au centre d’aviation populaire de Nantes, émanation du projet de démocratisation de l’aviation de Pierre Cot. Elle fit enfin vraisemblablement partie de ce « Groupe d’instituteurs de Loire-Inférieure », qui fut l’auteur collectif du numéro 17 des Cahiers de contre-enseignement prolétarien sorti en mai 1935, dont le thème portait la marque d’un des centres d’intérêt de Bruhat, les conquêtes coloniales (Algérie et Maroc).

Marguerite Joubert épousa le 10 novembre 1938 à Nantes (section de Chantenay), l’instituteur communiste André Lermite qu’elle connaissait depuis plusieurs années. Ils s’installèrent à Chantenay dans la maison familiale des Lermite et eurent un fils, né le 22 août 1939.

Dès le début de la guerre, Marguerite Joubert et son époux continuèrent d’être, avec Alphonse Braud, des animateurs de la propagande communiste à Chantenay. Connus des habitants de leur quartier et des services de police comme militants communistes, ils firent l’objet d’enquêtes, de dénonciations et d’une perquisition. Marguerite Joubert resta seule à Chantenay après l’arrestation d’Alphonse Braud, le 23 juin 1941, puis de son mari, le 9 juillet 1941. Se sentant menacée, elle fut elle-même arrêtée à Mouzeil par la police judiciaire d’Angers le 5 septembre 1942. Malade, elle fut soignée à la prison de Nantes puis internée fin septembre 1942 à la prison de la Roche-sur-Yon, avant d’être transférée avec d’autres communistes à la prison de Fontenay-le-Comte à la fin du mois d’octobre 1942. Au milieu de janvier 1943, elle fut à nouveau déplacée, cette fois vers le camp de Romainville. Elle fit partie des 230 femmes sélectionnées pour constituer un convoi qui partit pour Auschwitz le 24 janvier 1943. Internée au camp de Birkenau, elle mourut sous le matricule 31 835 à la fin du mois de février, selon ses camarades du convoi, ou le 18 mars 1943, selon les registres du camp. Sa famille fut avertie de son décès en mai 1943.

SOURCES : Arch. Dép. Loire-Atlantique, 1660 W 25. — Arch. Nat., F60/ 1554. — RGASPI, 495 270 2988, 517 1 1864. — DBMOF, notice Lermite par Claude Geslin et René Lemarquis. — Texte autobiographique dans la Nouvelle Revue Française, novembre 1933. — Bulletin Mensuel du Syndicat des Institutrices et Instituteurs Publiques. — Notes de Jacques Girault.

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