Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant de Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

St Nazaire, terre de Résistance

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Dès le début de l’Occupation, des personnes ont manifesté leur opposition ou exprimé leur refus par des attitudes ou des actes de désobéissance. C’était la résistance, elle n’est devenue la Résistance que plus tard, lorsque des mouvements se sont développés, structurés, lorsque des couches sociales diverses se sont reconnues dans ce mouvement et y ont contribué et lorsqu’elle s’est unifiée. Bref, lorsqu’elle est devenue un mouvement social, un phénomène historique. « La Résistance en tant qu’expression d’une force politique n’émerge qu’au début de 1942 » selon l’historien Jean-Marie Guillon et « l’expression est définitivement consacrée lorsque, en 1943, le Conseil national de la Résistance est créé ».(1)
Il faut imaginer le contexte et le climat de l’époque. 1940, la défaite, la débâcle, le chaos, des millions de réfugiés sur les routes et d’énormes illusions et malentendus, beaucoup de confusion. Pas de smartphone ni de réseaux sociaux à l’époque pour s’informer, échanger, se rencontrer. La presse est muselée ou interdite si elle n’est pas aux ordres.

Du refus à la Résistance
Du refus à la résistance, c’est le chemin qu’empruntent les Nazairiens opposés à Vichy et à l’envahisseur. En 1940, et surtout dans une ville ouvrière comme Saint-Nazaire, la porte d’entrée c’est la lutte revendicative qui permet de reprendre contact avec les travailleurs et de les réorganiser. La propagande compte aussi pour ouvrir les yeux. Elle est rudimentaire au début : papillons (on ne disait pas encore flyers), inscriptions à la craie ou à la peinture sur les murs, premiers tracts ronéotés.
Dès 1940, les premières actions contre l’occupant apportent des signaux. La Résistance a mille visages et les modes d’action sont variés: propagande, aide aux évadés, renseignement, hébergement de clandestins, de déserteurs, sabotage, francs-tireurs, maquisards, tout cela formait la Résistance.

La mémoire des 48 Otages fusillés à Châteaubriant, Nantes et au Mont-Valérien le 22 octobre 1941, puis celle des résistants fusillés à la suite des parodies de procès dits des 42 et des 16 en 1943 a éclipsé le souvenir de l’action des Résistants nazairiens. Ils ne sont pas absents de la liste des 48 : Hubert Caldecott, Philippe Labrousse et André Le Moal sont des Nazairiens, de même plusieurs FTP nazairiens figurent dans la liste des 16. A travers cet article, nous voulons faire leur place à des êtres de chair et de sang, qui ne réclamaient ni la gloire, ni les larmes mais qui voulaient vivre dans un monde débarrassé de l’oppression, de l’exploitation et de la guerre.

Le Courrier de Saint-Nazaire, hebdomadaire monarchiste, réactionnaire et Le Phare ont paru sous l’Occupation. Leurs articles sont édifiants. Ainsi, Le Courrier de Saint-Nazaire publie le 10 août 1040, un « Avis à la population », signé du maire F. Blancho, reproduisant un avis du Colonel Schirmer, commandant la Place et faisant état de coups de feu tirés le 4 août, rue d’Anjou contre des soldats allemands. Le 31 août, Joseph Montfort, contrôleur des assurance sociales, est condamné à un an de prison et 1000 F d’amende pour propagande communiste. Il aurait distribué un tract intitulé « Aux Français ». Le 13 septembre, le nommé Trigodet Joseph, d’Herbignac a été condamné à mort par le tribunal de guerre allemand et fusillé le 6 pour avoir endommagé une ligne téléphonique. Le 20 décembre, des tracts communistes ont été distribués à St Nazaire et une perquisition a permis d’arrêter Auguste Véto et de l’interner administrativement.
Le 7 mars 1941, à Batz/mer au cours d’un changement de troupes, entre le départ de l’unité relevée et l’arrivée de la suivante, les cantonnements ont été pillés par des femmes et des enfants. Le 4 avril, nouvel avis du maire F. Blancho qui oblige à enlever immédiatement toutes les inscriptions et interdit le port d’insignes gaullistes. Le 18 avril, à Trignac, des câbles ont été sectionnés. Le 15 août, dix communistes nazairiens, qui ont été arrêtés le vendredi 11 à l’aube sont conduits à Châteaubriant où existe un camp d’internement, le camp de Choisel. Le 22 août, l’agitation communiste marque une inquiétante recrudescence et tend à dresser la population contre l’occupant. Le 10 octobre 1941, il est rappelé au public l’interdiction d’écouter des émissions radiophoniques étrangères, la fenêtre ouverte, sous peine de confiscation du poste. Le 12 décembre, le gouvernement annonce que 1 850 communistes viennent d’être arrêtés en zone non occupée, arrestations qui s’ajoutent aux 11000 effectuées depuis 6 semaines dans ces milieux. Cette revue de presse est édifiante !

Par ailleurs, le Journal de marche du XXVème Corps d’Armée allemande, stationné en Bretagne relève en janvier 1941: recrudescence des activités communistes, tract de Thorez lancé à St Nazaire. Accueil favorable de la propagande communiste auprès des travailleurs étrangers de l’Organisation Todt. Mai 1941: intense activité de sabotage, coupures de câbles, enlèvement de matériel de transmission précieux. Des communistes se sont manifestés le 1er mai à St Nazaire. Juillet : rassemblement de 400 à 500 jeunes, femmes et enfants à l’enterrement de deux aviateurs anglais abattus; découverte de papillons favorables à « l’ Union soviétique dans son combat contre le fascisme ». Août, découverte à St Brévin de papillons menaçant les Français travaillant pour la Wehrmacht. Novembre, arrestation à la Baule de l’Anglais Henry Brod et du Dr Dubois.
Les quelques aperçus de la Résistance nazairienne qui suivent, donnent à comprendre la diversité des formes d’action et donnent vie à des résistants trop oubliés.

L’aide aux évasions
Au cours de la débâcle, 50 000 soldats sont internés dans les camps de Savenay, Châteaubriant, Château-Bougon et les casernes de Nantes. Le Comité d’entente des Anciens combattants se charge, avec l’accord de la Kommandantur de ravitailler ces prisonniers. Sous couvert de cette activité humanitaire légale, une autre activité, illégale, se met en place qui consiste à favoriser les évasions. A Savenay, certains jours, il y a 50 évasions. En janvier 1941, les principaux organisateurs sont arrêtés, ils seront condamnés et figureront au nombre des 50 Otages fusillés le 22 octobre 1941, Marin Poirier ayant déjà été fusillé fin août.
150 soldats polonais qui cherchent à ne pas tomber aux mains des Allemands sont conduits au Croisic où des pêcheurs les conduisent sur des bateaux anglais qui croisent au large. Bohu, le passeur de Lavau, en transporte 50 sur la rive gauche de la Loire en vue de regagner la zone dite libre.

Les agents de renseignements
Le réseau Georges-France 31, est spécialisé dans le renseignement. Le Dr Mercier, au retour de démobilisation en août 1940, découvre l’Etat-major allemand installé dans sa maison. Vers la fin 1940, il est contacté et il lui est proposé de collecter et fournir des renseignements qui seraient communiqués à Londres. Il accepte et est mis en relation avec Mme Lardon. Après diverses péripéties il est arrêté sur dénonciation, emprisonné puis conduit à Paris au siège de la Gestapo où il découvre un personnage qu’il avait déjà vu chez lui et qui était donc un agent de la Gestapo chargé de surveiller les résistants nazairiens. Albert Vinçon, professeur, militant socialiste et responsable de la Ligue des droits de l’Homme est aussi membre de ce réseau, comme René Ross, professeur révoqué parce que juif, nommé chef de la Défense passive et Jean Le Netter. Ils transmettent des renseignements sur les chantiers et les mouvements de navires dans le port. La Gestapo réussit un coup de filet qui démantèle le réseau: 101 arrestations. Vinçon, Ross et Le Netter seront fusillés le 27 novembre 1942 au Mont-Valérien. Mme Lardon sera déportée et ne reviendra pas.
Un autre réseau s’occupe de renseignement: le réseau Alliance. Eugène Monnier se fait embaucher à la Base sous-marine après sa démobilisation. Il est sollicité par un collègue pour fournir des renseignements techniques sur les sous-marins et accepte sans d’ailleurs connaître le nom du réseau, qu’il n’apprendra qu’à la fin de la guerre, en même temps que le nom de celle qui le dirige: Marie-Madelaine Fourcade.

Organisation de sabotages
Emile Bertho témoigne (2). Démobilisé le 26 avril 1940, il est contacté le 2 septembre par Gérard Périco et Fernand Beccard. Ceux-ci sont depuis juillet en liaison avec Marcel Paul (3), chargé de regrouper les militants communistes du département. Au début, « l’action des groupes nazairiens consistait en distribution de tracts puis la nécessité est arrivée de mener des actions de sabotage, en particulier à la Base sous-marine » où il travaille avec Amiable, Auguste Mahé, Roger Ollio et Roger Ménard. « Il fallait aussi héberger les clandestins comme Amiable, pourvoir à leur ravitaillement et organiser la solidarité avec le groupe interné à Châteaubriant ». Pour compléter, ils rassemblent des renseignements sur la Base: plans, photos etc.
Jean Struzzo participe, « presque quotidiennement », avec son groupe: Léon Delavallée, Pierre Viaud, Le Moulec à des sabotages dans les magasins de la Kriegsmarine, aux chantiers de la Loire et dans les dépendances de la forme Jean-Bart: « arbres à cames, compresseurs graissés à l’acide, bogies de wagons à la poudre d’émeri, pièces détériorées à l’emballage etc ». Il estime que les sabotages effectués par leur petit groupe représentent des milliers d’heures de travail. Ils sont en relation avec Boulay, un brigadier des douanes qui a organisé des groupes de résistance parmi les ouvriers qui travaillent à la construction du Mur de l’Atlantique. Il sera déporté et mourra en camp de concentration.

Le sabotage de l’Arado
L’Arado est un prototype, terminé et en état de marche, d’hydravion de reconnaissance. Il trône sur un vaste chariot dans le bâtiment 73 à la SNCAO(4). René André est le responsable des Jeunes du Front National (5). »Adrien Berselli, un camarade du groupe propose de saboter l’Arado. Sa proposition est acceptée. Jean Dréan, l’artificier, fabrique l’engin explosif. Je le rentre dans l’usine dans une musette et le camoufle dans mon coffre à l’atelier de chaudronnerie. Le mardi de la Pentecôte 42, Adrien arrive tôt avant l’embauche. Il dépose l’engin dans la carlingue, fixe l’explosif sur un flotteur, allume la mèche et se sauve. Quelques minutes avant l’embauche, c’est l’explosion ». Un flotteur est détruit, la carlingue est percée de trous, le prototype est inutilisable. Les Allemands sont furieux, mais le secret est bien gardé. Aucune arrestation ne sera opérée.

Création de l’OS (organisation spéciale)
L’OS est une organisation de combat créée par le parti communiste. C’est l’embryon des Francs-Tireurs et Partisans(6).Selon Georges Girard, la Loire-Inférieure est l’une des premières régions à constituer des groupes d’OS vers novembre 1940 à Nantes et Saint-Nazaire. « Nous étions conscients de la nécessité d’agir contre l’occupant. Nous étions des jeunes assez « casse-cou », dit-il, « Guy Lelan, Jean Dréan, Albert Rocheteau, Marcel Pichard, Roger Ménard et moi ». Ils récupèrent des armes. Ils apprennent comment pénétrer la nuit à l’Eden-Parc, un hôtel où logent des officiers et savent où sont entreposées leurs armes. Ils récupèrent ainsi des révolvers et des mitrailleuses. Ils sont en étroite relation avec des Républicains espagnols internés à Gron, qui ont l’expérience de la guérilla urbaine et la leur font partager.
Albert Rocheteau raconte qu’une nuit avec G. Girard, ils sautent par dessus le mur de clôture où les Allemands entreposaient des dizaines de camions et de jeeps, place de l’Abattoir. Après avoir siphonné les réservoirs, ils arrosent d’essence les bâches, les pneus, le sol. Ils entendent un ronflement sonore et découvrent un gardien qui roupille dans une remorque. Ils le réveillent et lui disent: « Barre-toi en vitesse ». A sa suite, ils enjambent le mur et Georges jette son briquet allumé. De gigantesques flammes jaillissent. « Il fait clair comme en plein jour ». En avril 1942, ils décident de faire sauter la permanence de la LVF(7) rue Amiral Courbet. Guy Lelan fabrique la bombe. Vers 5h du matin, ils se dirigent vers la permanence. Pendant que Georges fait le guet, révolver au poing, A. Rocheteau glisse la bombe sous le rideau de fermeture. Il allume et le trio décampe. Les vitres volent en éclat. Les officiers allemands qui logent dans l’hôtel à côté s’affolent et hurlent. Le lendemain, les Allemands arrêtent 11 otages, qui sont incarcérés au camp de Ker Faouet mais seront relâchés quarante-huit heures plus tard.
Albert Rocheteau, par deux fois, est arrêté et emprisonné. Par deux fois il s’évade et continue le combat. Au cours d’un accrochage à Genrouët avec une patrouille allemande, lors d’une tentative de récupération d’armes, il reçoit une balle dans la cuisse. A la formation de la Poche, il s’engage dans le 2ème Bataillon FTP, participe à de nombreuses actions et est sérieusement blessé par l’éclatement d’une mine.
Georges Girard, arrêté, interné, s’évade en profitant du bombardement de la prison. Il rejoint la région parisienne et participe à l’Etat-major du colonel Fabien sous le nom de commandant Conan. Pendant l’insurrection de Paris, il est blessé par une balle à l’épaule et au bras gauche sur les quais de la Cité.

Guy Lelan, Fernand Mougenot et Jean Dréan, trop repérés, s’éloignent de St-Nazaire et poursuivent leur activité dans la région nantaise. Avec dix de leurs camarades: Armand Loyen, Jean Fraix, Marcel Bosquet, Louis Bâle, André Rouesné, Joseph Colas, Paolo Rossi, Henri Gauthier, Guy Jamet et Denise Ginollin, ils sont arrêtés et torturés par le SPAC (8). En août 1943, ils comparaissent devant un tribunal allemand(9) qui les condamnent à mort, sauf Denise Ginollin qui est déportée. Ils seront fusillés le lendemain -25 août 1943 – à Nantes, au champ de tir du Bêle. Une cérémonie d’hommage y est organisée chaque année en février.

Les jeunes dans la Résistance
Militant des Jeunesses communistes, Alfred Hémery dit « qu’il est devenu résistant tout naturellement par sa connaissance du nazisme ». Après l’embarquement des troupes anglaises et polonaises du 15 au18 juin1940 (10), il détruit, en tirant avec une mitrailleuse anti-aérienne, plus de 200 camions « pour qu’ils ne tombent pas intacts aux mains de l’ennemi ». A la masse il casse des delcos, fend des blocs-moteurs. Dès l’arrivée des Allemands les jeunes du groupe, ont multiplié les sabotages, coupant à plusieurs reprises les lignes téléphoniques entre St Nazaire et le camp de Trignac. Ils sabotent les camions. Ils enlèvent les panneaux de signalisation de St-Nazaire à Montoir. « Tout cela pour créer un climat d’insécurité et affaiblir le moral des troupes allemandes ». Ils distribuent de nombreux tracts et journaux du Front national.
Hémery est arrêté avec Louis Cadro aux chantiers de Penhoët, lors d’une distribution de tracts appelant à une manifestation le 14 juillet 1942. Les gendarmes français veulent savoir qui est derrière les sabotages commis dans la région et « surtout savoir qui a saboté l’Arado ». Ils perquisitionnent chez les parents des jeunes arrêtés. Alfred Hémery avait caché son 7,65 hors de la maison. Il est transféré à Nantes au siège du SPAC où on lui pose sans cesse la même lancinante question: qui a saboté l’Arado? Les Allemands ne l’ont jamais su. En juillet et août 1942, de nombreux jeunes communistes sont arrêtés aux chantiers et à l’usine d’aviation: Maurice Sculo 16 ans, Adrien Berselli, Jules Busson, Louis Gravouil, Jules Pichon, Yves Soubil, René Louis, André Travaille, Odette Dréan, Clodic. Ils sont jugés par la Cour martiale de Rennes le 4 février 1943, condamnés de 1 à 3 ans de prison. Maurice Sculo est libéré en raison de son âge ainsi que Clodic et Soubil. Hémery écope d’un an. Il fait le circuit de nombreuses prisons: Beaugé, Vitré, Rennes, Laval, Paris puis le 23 septembre 1943, il part de Compiègne pour Buchenwald d’où il est revenu le 28 juillet 1945, pesant 37 kg.
D’autres jeunes du groupe connaîtront l’enfer des camps: Cadro, Busson, Berselli, Gravouil, Pichon, Louis, Travaille et Odette Dréan. Ils sont tous revenus sauf Berselli. Dans les derniers jours d’avril 1945, 8 à 10 000 déportés de Neuengamme embarquent en rade de Lübeck sur quatre navires que les bombardiers anglais attaquent et coulent. Les déportés, dont Berselli, périssent asphyxiés dans les cales, noyés ou mitraillés par les SS. Tragique erreur ?

La lutte clandestine: témoignages de résistants nazairiens

Témoignage de Rémy Jégo : »Lorsque, après la débâcle, le chantier a repris son activité normale, j’ai été contacté en octobre 1940, par André Riguidel, membre des Jeunesses communistes. Avec Robert Jousset et Louis Cadro, nous distribuions des tracts appelant à la résistance à Méan et Penhoët et aussi dans les chantiers où nous pénétrions malgré la présence des Allemands. Après une période de flottement, nous avons, au cours du printemps 41, été recontactés par Godeau. A la gare de St-Nazaire, nous avons eu un entretien avec Jean Vignau-Balous, responsable fédéral des JC, mort en déportation. Quelque temps plus tard, le 22 juin 1941, exactement, nous avions rendez-vous avec lui à Nantes, place Louis XVI (…) Personne au rendez-vous. (…) Vers septembre 1941,, c’est René André qui nous fournissait en tracts et journaux clandestins : L’Humanité et France d’abord. J’ai été arrêté le 12 juin 1942 avec Babonneau, Carré, Cerclé, Rannou, Pichard, et Coleou, interné d’abord à Voves puis à Pithiviers. En juin 1944, j’obtins une permission pour assister aux obsèques de mon père. Au retour, conseillé par Quénéhervé, je pris le train, descendis à contre-voie et retrouvai Joseph Montfort sur la route de Bouvron. Je passai dans la clandestinité et devins responsable des réfractaires (3) en Vendée et terminai lieutenant FFI sur le front de Pornic. Mon camarade Robert Jousset, responsable d’un groupe FTP, (4) fut arrêté le 7 août 1944, emprisonné puis déporté à Mauthausen. Il mourut quelques jours après la libération du camp. »

Témoignage d’Ernest Pichon – Démobilisé le 1er septembre 1940, il est embauché comme menuisier par la mairie. Au début de 1941, il est contacté par Emile Bertho. Leur activité consiste à distribuer des tracts à la volée ou la nuit dans les boîtes aux lettres et saboter des lignes électriques ou téléphoniques. Muté à Trignac avec Pierre Durand, René Dubois, Albert Lumeau, ils travaillent sous les ordres d’un soldat allemand qui les laisse bricoler. C’est ainsi qu’il peut fabriquer un linographe, un cadre en bois de la taille d’un stencil et un rouleau de bois recouvert d’un bout de chambre à air pour étaler l’encre. « Déjà la répression se faisait sentir. Des camarades étaient arrêtés, d’autres étaient recherchés et disparaissaient dans la nature. Il fallait combler les vides et c’est ainsi que je me suis retrouvé dans le triangle de direction avec Emile Bertho et Pierre Mahé ». Il effectue la liaison avec Nantes et après diverses actions, il est arrêté le 5 août 1942 à St-Brévin et transféré à Nantes aux mains du SPAC(5). Quand il sort de l’interrogatoire, il est méconnaissable, mais il n’a pas lâché un nom. En février 1943, avec 25 autres communistes, il passe devant la Cour spéciale de Rennes présidée par le conseiller Hervieu. Outre les Nantais, se trouvent là les Nazairiens Emile Bertho, François Bretéché, René Desmars, Pierre Mahé, Gérard Périco, Marcel Pichard, tous ouvriers à la SNCAO, (6) André Pilliaire, ouvrier aux Fonderies, Lucien Cervier, plombier. Trois Nantais sont acquittés. Tous les autres sont condamnés à des peines de 1 à 4 ans de prison et seront envoyés dans des camps de concentration.

Robert Averty – « Dès juillet 1940, avec Jean Dréan, nous rédigions et diffusions des tracts contre l’occupant, tirés chez un camarade au Petit Maroc. Nous recrutions des jeunes pour le travail clandestin : André Riguidel, Robert Jousset, Rémy Jégo, puis un peu plus tard Jules Busson, Louis Gravouil, Dunay etc. qui participaient à la diffusion du matériel »Retour ligne automatique
Une nuit, depuis le balcon du cinéma Athénée, ils peignent – Ollivier, Pasquier, Dunay et lui – sur la belle façade rose du cinéma, en noir, au goudron et en lettres d’un mètre de haut « Vive l’URSS ». Les Allemands font tout repeindre en noir. Les résistants reviennent quelques jours plus tard avec de la peinture blanche pour repeindre la même inscription.Retour ligne automatique
Ils participent à de multiples sabotages. Averty conduisait un fenwick, sur lequel il transportait des pièces de sous-marins. Parfois en sortant de l’atelier, il donnait un coup de frein brutal et les culasses s’abîmaient en tombant sur le sol.Retour ligne automatique
En 1941, leur groupe a reçu des tracts en allemand qu’ils ont distribuées dans les vestiaires des marins et ouvriers allemands. En juillet 1942, Averty voit au Vieux St-Nazaire, la traction noire de la police et reconnaît Jules Busson, encadré par des policiers. Il comprend qu’il vaut mieux se mettre au vert et se planque à Machecoul. En février 1943, il revient à Gavy et rencontre Joseph Montfort qui le charge du recrutement, de la diffusion des tracts et de la réparation des armes.

Témoignage de Joseph Montfort -« Arrêté pour distribution de tracts communistes pendant la drôle de guerre, j’ai été interné à Nantes, puis à Rennes. Dans cette dernière prison, dans la cellule voisine de la mienne, se trouvait l’archevêque de Rennes incarcéré pour avoir, au cours d’un sermon dominical, critiqué le bombardement allemand qui avait fait beaucoup de victimes parmi la population (7). Ayant reçu un mandat, j’ai insisté auprès des Allemands pour aller à la poste. On m’y a conduit en voiture. Le chauffeur est resté assis dans l’auto, lisant son journal. Bizarre… Arès avoir touché le mandat, je me suis éclipsé par une porte de derrière. Et je suis tranquillement revenu à St Nazaire.Retour ligne automatique
Révoqué par la Caisse des assurances sociales, j’ai été embauché par la ville. Ganachaud m’a demandé d’immatriculer tous les gars embauchés à la Base, qui n’avaient aucun papier, en particulier les Républicains espagnols que le gouvernement de Pétain avait libérés d’Argelès pour les livrer aux Allemands.Retour ligne automatique
A la Base nous étions une bonne équipe de camarades : Ganachaud, Godeau, Bertho etc. Nous distribuions des tracts, pratiquions des sabotages et collections des renseignements sur l’ennemi.Retour ligne automatique
Le 1er aout 1941, deux inspecteurs de police viennent me chercher et m’emmènent au commissariat où je retrouve : Alexis Bocéno, Armand Bonay, Marceau Chabot, Pierre Durand, René Tournabie, Fernand Beccard, Félix Bénize, André Constantin, Auguste Mahé et Pierre Genevoix.Retour ligne automatique
Nous sommes internés tous les onze au camp de Châteaubriant. Le 7 mai 1942, enchaînés trois par trois, nous sommes transférés au camp de Voves. Fin 1942, je suis à l’hôpital de Chartres pour une opération. Nous tissons, un camarade breton et moi, une grande corde avec de la serpillière et nous tentons l’évasion. Mon copain descend le premier. La corde, frottant sur une corniche aux arêtes pointues, se casse au 1er étage. Je regarde : le copain est tombé brutalement et ne bouge plus. Je frappe violemment à la porte : « Un gars s’est suicidé ». On ouvre. La porte d’entrée n’est pas fermée : je fonce. « Arrête, arrête », je cours, le copain se relève et on se sauve. On se planque dans une buanderie. Le matin, une jeune employée arrive. « N’ayez pas peur, nous ne sommes pas des bandits, nous sommes des prisonniers évadés. » Son patron, un docteur est affolé. « Je viens de sortir d’un camp de prisonniers. Si on vous trouve ici…Je pars à huit heures. Je laisserai la porte ouverte. Je ne veux pas vous voir ici ce soir. » « Ne vous inquiétez pas, nous n’y serons plus. » Il me donne pansements et médicaments pour soigner mon camarade. Nous partons. Après mille péripéties, nous retrouvons le contact avec le parti. Je suis envoyé à Camaret. Il faut des explosifs pour nos FTP : j’embauche à l’Organisation Todt.Retour ligne automatique
En avril 1943, je reviens à St -Nazaire voir ma femme et mes enfants et je demande à Rutigliano, responsable régional, l’autorisation d’être muté du Finistère en Loire-inférieure. Autorisation accordée. J’ai alors travaillé avec les groupes de Lecontel (Savenay), de Quénéhervé (Pontchâteau) et de Bourmaud (La Baule).Retour ligne automatique
A la formation de la Poche, j’ai rejoint le 2ème Bataillon FTP ».

A Saint-Brévin – Maurice Piconnier et ses camarades distribuent des tracts, pratiquent aussi de nombreux sabotages, tendent des fils de fer au travers de la route pour apprendre aux motocyclistes allemands à « faire de la voltige ». Maurice est arrêté le 31 août 1941 et incarcéré au camp de Châteaubriant puis au camp de Voves d’où il s’évadera… Robert Albert et Louis Coquet seront arrêtés le 11 août 1943, torturés par la Gestapo et fusillés le 27 octobre à Angers. Raymond Chalopin, arrêté en même temps qu’eux, sera déporté à Buchenwald.

Henri Fogel, toute sa famille est morte à Auschwitz – Pour voyager, il fallait posséder un ausweiss portant les cachets officiels. Il essaie de fabriquer un cachet en gravant une pomme de terre, mais le résultat n’est guère satisfaisant. Au début de 1941, il va dans un bureau allemand avec un copain et pendant que celui-ci demande des renseignements, Fogel subtilise un cachet. Avec son ausweiss, il effectue plusieurs voyages en camion à St Jean-le-Vieux, dans les Pyrénées. En plus du matériel que Louis Guilbaud, le chauffeur, transporte pour le compte de la SNCAO, ils transportent aussi clandestinement le courrier que les Espagnols du camp Franco destinent à leurs familles. Un jour, Allanet l’avertit : « Tu dois absolument partir. Selon les renseignements qui nous parviennent, ton arrestation est imminente ». Il passe la route de démarcation vers Châteauroux, s’intègre au maquis d’Oradour-sur-Vayres, libère les détenus de la prison de Nanton. Après la Libération, il apprend que son père, sa mère et 24 autres membres de sa famille sont morts à Auschwitz. Les enfants de sa sœur ont été tués à coups de marteau sur les genoux de leur grand-père.

Sources
AREMORS, Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier, t. 3 – 1939-1945, éditions Aremors, 1986
HAUDEBOURG Guy, Nantes 1943, Fusillés pour l’exemple, Geste éditions, 2014

Notes
1 – François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, 2006
2 – Les témoignages cités ont été recueillis par les auteurs du collectif Aremors
3 – Marcel Paul sera déporté à Buchenwald et nommé Ministre de la Production industrielle à la Libération
4- SNCAO: en application de la loi de nationalisation des industries aéronautiques du 11 août 1936, Loire-Nieuport devient la Société nationale des constructions aéronautiques de l’ Ouest
5 – Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, créé en mai1941
6 – FTPF: Francs-Tireurs et Partisans Français, prolonge l’OS vers la fin de 1941 pour développer la lutte armée.
7 – LVF: Légion des volontaires français contre le bolchévisme, collaborant avec la Wehrmacht.
8 – Le SPAC: Service de Police Anti-Communiste
9 – Le « procès » des 16 – s’est déroulé en août 1943, à la suite d’un premier « procès » (dit des 42), en janvier 1943 : 50 exécutions au total
10 – L’embarquement des troupes anglaises et polonaises en juin 1940. Voir notre article sur la tragédie du Lancastria Pire que le Titanic : la tragédie du Lancastria
11 -Il s’agit des réfractaires au STO, le Service du Travail obligatoire, en Allemagne
12 – Bombardement de Rennes le 17 juin 1940. Voir notre article sur l’évasion du Jean-Bart414

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