Fils d’un plâtrier prénommé Eugène et d’une tailleuse, Jean Grandel, élève à l’École normale de Montpellier, titulaire du brevet supérieur, fut quelque temps enseignant (selon Fernand Grenier il aurait été révoqué en raison de ses opinions) avant de devenir surnuméraire des PTT le 16 septembre 1910. Son frère, Alfred Grandel, plâtrier, était, en 1923, directeur de la coopérative ouvrière » La Ghilde du Bâtiment » de Montpellier (Hérault) et militant communiste.
Pendant la Première Guerre mondiale, Jean Grandel fut pilote d’avions militaires. Il donna son adhésion au syndicat CGT l’année suivante. Ce fut ensuite le service militaire puis la guerre. Dès 1921, il était, à Montpellier, membre de la Fédération communiste de l’Hérault. En 1922, il siégeait au conseil fédéral communiste et assurait la fonction de secrétaire de l’Union locale unitaire de Montpellier. Il déploya une grande activité militante dans l’Hérault de 1921 à 1924, notamment lors des grèves. Il fut président de Ghilde du bâtiment et des travaux publics en 1923-1924. En mars 1924, il fut directement à l’origine de la création du syndicat unitaire du textile de Lodève.
En décembre 1924, Grandel fut nommé à Paris-Poste et en mai 1926 à Paris-Central. Domicilié à Levallois-Perret, il adhéra à une cellule communiste locale du 6e rayon de la Région parisienne et militait à l’Union confédérale des locataires. Le conseil national de la Fédération postale unitaire (CGTU), réuni les 11 et 12 novembre 1927, l’élut secrétaire général adjoint. Le 27 novembre de la même année, il fut candidat aux élections du Conseil supérieur des PTT. Le conseil de discipline des PTT le déplaça en mars 1928 pour une altercation avec un chef de service. Le 4 juin 1929, il fut suspendu pour activités syndicales et révoqué le 25 juillet. Devenu secrétaire permanent de sa Fédération, il milita également au Cartel unitaire des fonctionnaires. Secrétaire de la Fédération CGTU des fonctionnaires en 1933, il resta secrétaire de la Fédération postale en 1936, après la réunification.
Domicilié à Gennevilliers, Jean Grandel conquit le siège de conseiller général le 1er juillet 1934 (2e tour). À la suite de ce scrutin la municipalité Douzet démissionna et des élections partielles eurent lieu les 14 et 21 octobre 1934. Les vingt-six candidats communistes l’emportèrent. Grandel devint maire et conserva son mandat au renouvellement de mai 1935 comme conseiller général. Réintégré aux PTT le 15 mai 1936, Grandel prit un congé pour réorganiser, en 1937, le service de courrier et de communication des Brigades internationales d’Espagne. Il séjourna notamment à Albacete et fut violemment attaqué par la presse de banlieue en juillet 1937 à l’occasion de l’« Affaire des faux timbres de Saint-Ouen ». En fait, c’est la présence d’un maire en Espagne qui était mise en cause. L’acharnement du Journal de Saint-Denis contre Grandel ne se démentit pas dans les années qui suivirent, qu’il s’agisse de dénigrer sa gestion locale ou de dénoncer son action dans le syndicat intercommunal de l’électricité (5 août 1939).
Le Journal officiel du 21 janvier 1940 annonça sa déchéance de ses mandats électifs. Grandel était passé dans la clandestinité lorsque, en janvier 1940, ses deux amis et collaborateurs Marius Colin (son chauffeur) et René Sévi (directeur du patronage) furent arrêtés puis condamnés à cinq ans de prison pour avoir imprimé à Gennevilliers un numéro de l’Humanité illégale. Le Journal de Saint-Denis, qui dénonçait l’utilisation des services communaux par le parti dissous, alla jusqu’à souhaiter la peine de mort pour le maire de Gennevilliers : « Aujourd’hui, il est en fuite et sera un jour, il faut l’espérer, conduit au poteau de Vincennes pour les actes de trahison qu’il a commis » (1er mars 1940). Grandel réapparut à Gennevilliers après l’avancée allemande, vers le 10 juillet 1940, et se préoccupa du sort des enfants évacués en province. Dans un rapport du 16 juillet la préfecture indiquait : « Cette manière de faire met dans une situation délicate la Délégation spéciale qui est seule qualifiée pour faire des recherches de cette nature. Il y aurait le plus grand intérêt à ce que M. Grandel fût mis hors d’état de continuer la campagne d’agitation qui est ainsi commencée. » La police l’arrêta à Gennevilliers, pour complicité avec Colin et Sévi, le 26 juillet à son domicile. Dans une note du 20 juillet 1940, Maurice Thorez indique qu’il était un des principaux dirigeants du PCF présents à Paris. De la prison de la Santé, Jean Grandel écrivit à sa femme le 29 juillet 1940 : « Tu pourras, chère Louise, si je n’ai pas été libéré d’ici là, me rendre visite Lundi 5 août (…) J’avais dit aux amis de prévenir l’avocat mais renseignements pris ici sur place, je n’en ai pas besoin ».
Jean Grandel fut interné administrativement à Aincourt (Seine-et-Oise) en novembre 1940, puis, le 4 décembre 1940, transféré à Fontevrault-l’Abbaye (Fontevraud, Maine-et-Loire), le 20 janvier 1941 à Clairvaux (Aube) et enfin le 15 mai 1941 à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) où les Allemands le fusillèrent comme otage avec vingt-six autres militants, le 22 octobre 1941. Il avait été dans ses divers lieux de détention l’organisateur de cours de formation. Sa lettre d’adieu adressée à son épouse, Louise (qui mourut en 1983), a son deuxième fils, Jean né le 10 novembre 1938, et à sa mère – son premier fils Ilitch était mort à l’âge de quatre ans en décembre 1935 – témoigne de ses convictions : « Ma main ne tremble pas. Je n’ai qu’une inquiétude, c’est que vous souffriez. Il ne le faut pas. Tu le dois, chère Louise, à notre Nanou chéri.Il faut vivre courageusement, comme je suis tombé.
J’ai vécu pour le bien du peuple ; je meurs pour lui sachant que ma mort ne sera pas inutile. Plus que jamais, j’ai confiance en l’avenir. Ce n’est pas dur de partir quand le devoir est accompli. Pour toi ma chère mère, une dernière affectueuse pensée.
Pour vous deux, mes chéris, avec mes tendres bises, je vous lègue mon courage en héritage. À tous, à Montpellier, à Gennevilliers, mes meilleures pensées.»
Un maquis FTP de l’Hérault porta le nom de Jean Grandel.
Il fut un des six conseillers municipaux et généraux de la Seine à avoir été fusillé, avec Jules Auffret, Corentin Cariou, Léon Frot, Maurice Gardette, René Le Gall.
ICONOGRAPHIE : Photographies et images mobiles de Grandel dans le Cédérom 1934-2004, 70 ans de la municipalité, produit par la ville de Gennevilliers en 2004.
SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII (Notes Thomas Pouty). – Arch. Nat. F7/13040, F7/13735, F7/13802. – Arch. PPo. 101 et 307. – Arch. Dép. Seine, DM3 ; versement 10451/76/1 et 10441/64/2 ; listes électorales et nominatives. – Le Fouet, 1922. – Le Languedoc socialiste, 1923. – Le Journal de Saint-Denis, 1934-1940. – G. Frischmann, Histoire de la Fédération CGT des PTT, Paris, 1967. – J. Laffitte, Gennevilliers, évocation historique, Gennevilliers, 1970. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, Paris, Éd. Sociales, 1971. – Waldeck L’Huillier, Combat pour la ville, Paris, Éd. Sociales, 1982. – Paloma Fernandez, Le retour et l’action des anciens volontaires français des Brigades internationales en région parisienne de 1937 à 1945, mémoire de maîtrise, Paris, 1984. – Bernard Pudal, Formation des dirigeants et évolution du mouvement ouvrier français : le cas du PCF, 1934-1939, thèse de doctorat de science politique, Paris I, 1986. – Renseignements recueillis par Michèle Rault et Nathalie Viet-Depaule. – RGASPI, Moscou, 495 270 796. – Notes André Balent. – État civil, Montpellier et Paris (IIIe arr.). – Danièle Ledoux, Henri Claude Bonnet, Jean Grandel, Un homme du peuple dans l’histoire, Le Temps des cerises, 2006, 469 p.
Jean Maitron, Claude Pennetier, Jean Sagnes