Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant de Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

8 mai 1945

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La foule en liesse fête la victoire sur les Champs Elysées, à Paris

Armistice ou capitulation sans conditions ?

La date du 8 mai est souvent retenue comme un « armistice », sans doute par analogie avec le 11 novembre. Mais il s’agit d’un abus de langage. Un armistice est négocié. Or, lors des Conférences de Casablanca puis de Téhéran, durant l’année 1943, les Alliés ont rejeté toute idée de négociation. Ils ont convenu d’un principe : à la guerre totale prônée par l’Allemagne doit répondre une victoire totale, sans compromis. 

En janvier 1945, l’Allemagne ne s’avoue pas vaincue. Elle a lancé deux offensives dans les Ardennes et en Hongrie en décembre 1944 et compte sur de nouvelles armes : les fusées V1 et V2. Goebbels dit en mars :  » S’il est écrit que nous devons sombrer, le peuple allemand tout entier sombrera avec nous. »

Pourtant, en avril, l’Allemagne est aux abois. Le 24 avril 1945, Himmler prend contact avec le comte Bernadotte, président de la Croix rouge suédoise, pour transmettre aux occidentaux une proposition de paix séparée, en échange de quoi il regrouperait l’ensemble des forces armées allemandes sur le front de l’Est pour vaincre l’Union soviétique.

Le mardi 8 mai 1945, la Seconde Guerre mondiale s’achève en Europe par la victoire des Alliés et l’effondrement de l’Allemagne nazie, quand l’Italie fasciste était déjà défaite. Six années de guerre marquées par des atrocités inimaginables, 2077 jours de souffrances. Mais ce n’est pas la fin de la guerre mondiale, qui se poursuit en Asie.

Drapeau rouge sur le Reischstag – Photo d’Evgueni Khaldeï

La guerre en Europe se termine par la prise de Berlin, capitale et lieu de pouvoir des nazis dans laquelle Hitler avait décidé de revenir le 16 avril 1945. En mars, les troupes soviétiques des maréchaux Joukov, Koniev et Rokossovski se rejoignent et préparent l’assaut de la ville. A l’Ouest, les armées alliées encerclent la Ruhr : l’étau se resserre inexorablement. Le 21 avril, les chars soviétiques entrent dans la ville. L’appel pour défendre la ville, à la Volksturm, sorte d’armée fantoche d’enfants et de vieillards fanatisés ne change rien. Dans la nuit du 29 au 30 avril, Hitler se suicide. C’est la débâcle ! Une heure plus tôt, les soldats de Joukov ont entrepris la prise du Reichstag et le 1er mai, vers 3 h, le lieutenant Sorokine et son escouade hissent le drapeau rouge sur le toit (1). Goebbels tente alors de négocier mais Staline lui fait répondre que rien n’est négociable et exige la capitulation sans conditions, comme cela a été annoncé par les Alliés. Le 2 mai, le commandant de la place de Berlin, Weidling se rend.

Le 7 mai à Reims, 2 h 41

Le 3 mai, Doenitz, désigné par Hitler comme son successeur, envoie le général Alfred Jodl, chef d’état-major de la Wehrmacht, au quartier général d’Eisenhower à Reims, muni des pleins pouvoirs pour signer la reddition générale des forces allemandes. Il y arrive le 6. La veille, les troupes du général Leclerc se sont emparées du « Nid d’aigle » de Berchtesgaden. Jodl est contraint d’accepter un texte du commandement allié soumis par le général américain Walter B. Smith (2). La capitulation est signée dans la nuit, le 7 mai à 2 h 41. De Gaulle et Staline sont furieux, ils ont le sentiment que la France et l’URSS ont été tenus à l’écart, en dépit de la présence à Reims du général Sousloparov et du général François Sevez, à titre de témoin.

Jodl signe l’acte de reddition à Reims
Keitel signe l’acte de capitulation à Berlin

Le 8 mai à Berlin, 23 h 01

La « cérémonie » de signature doit être répétée à Berlin le 8 mai, au quartier général de l’Armée rouge. Il est certain que le symbole est plus fort. L’Allemagne y est représentée par le maréchal Keitel. En entrant dans la salle, il salue de son bâton de maréchal. Joukov qui préside, reste assis et impassible : Keitel vient de comprendre qu’il est un vaincu auxquels les honneurs ne seront pas rendus (3). La signature des neuf exemplaires intervient à 23 h 01 à Berlin (4), soit 1 h 01 à Moscou le 9 mai (5). Le drapeau français a été ajouté à la hâte, la France est représentée par le général de Lattre de Tassigny, ce qui a provoqué les sarcasmes de Keitel :  » Les Français, ici » (6). Pour la France, être admise parmi les vainqueurs n’a été possible que grâce à la mobilisation de la Résistance tout au long de la guerre et dans les combats de la libération. Le texte signé à Reims le 7 mai est un « acte de reddition », celui du 8 mai, signé à Berlin est un « acte de capitulation militaire », qui implique le dépôt des armes et pas seulement la fin des combats.

Le 9 mai à 15 h, le général de Gaulle fait un discours à la radio, tandis que les cloches de toutes les églises françaises sonnent à la volée puis il se rend à l’Etoile. Au même moment, Churchill à Londres et Truman à Washington s’expriment également. La fin de la guerre est vécue dans la liesse populaire, malgré l’angoisse de celles et ceux qui attendent le retour d’un prisonnier ou

d’un déporté. Au lourd bilan humain (58 millions de morts civils et militaires, 10 millions de morts dans les camps nazis), s’ajoutent des économies en ruines, des drames personnels, le traumatisme de la révélation des horreurs du système nazi.

Le 11 mai à Bouvron (Loire-Inférieure)

Toutefois, le territoire n’est pas libéré en totalité le 8 mai. Il reste, sur la façade atlantique, des poches toujours occupées par l’armée allemande. C’est le cas en Loire-Inférieure où les combats se sont poursuivis, après la libération de Nantes, dans la Poche de Saint-Nazaire. Un autre acte de reddition intervient le 11 mai à Bouvron.

Le général de la Wehrmacht Junck remet son revolver au général américain Kramer, accompagné du général français Chomel. « En remettant mon arme, je vous remets la reddition de toutes les troupes allemandes de la forteresse de Saint-Nazaire leur déclare-t-il. L’armée allemande se rend, de même que dans les autres forteresses nazies protégées par le Mur de l’Atlantique.  

Le général de la Wehrmacht Junck remet son revolver au général américain Kramer

L’autre 8 mai : Sétif*

Le 8 mai, la foule en liesse ignore que ce jour devra s’écrire au pluriel. Il y a eu des 8 mai. Au moment où cette foule célébrait la victoire, l’armée française tirait à Sétif et à Guelma sur des manifestants algériens qui exprimaient des sentiments nationaux, mais aussi des revendications démocratiques largement inspirés par les idéaux de la Résistance.

Le 8 mai appartient à ces dates clefs de l’époque contemporaine – « Une des plus grandes dates de l’Histoire universelle » (7) – celles qui commémorent les fins de conflits meurtriers marqués par des atrocités innommables, celles qui fondent pour partie l’identité des vivants sur le souvenir des morts. Le sens du 8 mai, c’est la victoire de la démocratie sur la barbarie nazie, sur le fascisme. Comme le note l’historien Serge Wolikow : « L’esprit né de la victoire sur l’hitlérisme a encore une grande résonance dans le monde d’aujourd’hui, qu’il s’agisse des principes démocratiques, des solidarités internationales ou de la manière de vivre ensemble ».

* Pour en savoir plus, voir notre article L’autre 8 mai : Sétif

L’autre 8 mai 1945: les massacres coloniaux de Sétif, Guelma, Kherrata

 Source

* Ian Kershaw, La Fin. Allemagne 1944 – 1945, Seuil, 2012

* Serge Wolikow, Antifascisme et nation, EUD, 1998

*Jean Lopez (dir), La Wehrmacht, La fin d’un mythe, Perrin, 2019

Notes

1 – Officiellement, c’est le lieutenant Sorokine et son escouade qui ont hissé le drapeau sur le toit du Reichstag. Mais, en raison de l’obscurité l’événement n’a pas pu être photographié. La photo mythique de Evguéni Khaldéï a été prise le lendemain.

2 – La séance est présidée par le général Bedell Smith, chef d’état-major d’Eisenhower qui signe l’acte pour les Occidentaux, puis l’acte est signé par le général Souslopalov, pour l’Union soviétique et par le général Sevez, sous-chef d’état-major, pour la France (Le maréhal Juin est à San Francisco où se déroule la Conférence des Nations-Unies)

3 – Témoignage du commandant René Bondoux, présent aux côtés du général de Lattre, Le Figaro, 8 mai 2015.

4 – La séance est présidée par le maréchal Joukov qui signe pour l’URSS, les Occidentaux ont une double représentation, le général Tedder signe pour la Grande-Bretagne et le général Spaatz pour les Etats-Unis.  L’acte est signé pour la France par le général de Lattre de Tassigny au titre de témoin.

5 – Ce qui explique que le « 8 mai » est commémoré le 9 en Russie.

6 – Il y a plusieurs variantes selon les traductions :  » Les Français ici » ou « Les Français aussi »

7 – Marcel Cachin, L’Humanité, 9 mai 1945

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