Histoire du convoi du 6 juillet 1942, dit convoi des 45000

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Pour plus de 1 000 d’entre eux, ce sont des hommes animés par un idéal d’émancipation humaine, internationalistes et patriotes.

Engagés contre le fascisme qui menaçait l’Europe, ils avaient, dans les années 30, anticipé les combats des années 40. Certains s’engageant dans les Brigades Internationales contre Franco en Espagne.

Ils sont arrêtés pour des actes de refus d’une soumission à l’occupant et de la collaboration. Ils s’efforçaient de dresser la population contre Vichy et les nazis.

Ils rédigent, impriment, distribuent tracts et journaux clandestins.

Ils prennent part à des grèves malgré leur interdiction – certains cachent des armes ou participent à des sabotages.

Dès 1940, le 30 septembre, un télégramme à Berlin du chef de la Gestapo de Paris ordonne « tous les chefs communistes, dont on peut s’attendre directement ou indirectement qu’ils puissent rédiger, distribuer des tracts ou être actifs de façon ou d’une autre, doivent être arrêtés et internés ». Réponse le 3 octobre 1940 du chef de la Gestapo de Berlin : « Hitler donne son accord à condition qu’on épargne nos indicateurs, que les listes des arrêtés soient obtenues et que tout ceci reste discret « .

C’est dans ce cadre qu’est effectuée une grande rafle de militants communistes, syndicalistes, élus, arrêtés notamment le 5 octobre, dans la région parisienne et ailleurs. Ceux-ci seront internés dans divers camps ou prisons puis rejoindront le camp de Choisel à Châteaubriant.

Mais en dépit de la chasse aux militants politiques et syndicalistes à laquelle collaborent Gestapo et police française, les antifascistes s’efforcent de renouer les contacts, de structurer leurs organisations clandestines et d’agir sur leur terrain traditionnel.

Le 1er mai 1941 annoncera un puissant mouvement de grèves à caractère d’opposition à l’occupant. 100 000 mineurs y participeront en mai – juin. Le 15 mai, un appel à constituer un Front de lutte pour l’indépendance sera lancé.

D’inspiration communiste, de caractère national, auquel adhèreront des personnes de sensibilités diverses tels Aragon, François Mauriac ou le gaulliste J. Debû – Bridel, ce mouvement de résistance (Front National), préfigurera les Francs Tireurs et Partisans qui en seront la branche armée.

Ils allaient bénéficier du contexte mondial bouleversé à partir du 21 juin 1941 avec l’entrée en guerre contre l’Allemagne de l’Union Soviétique envahie par les armées hitlériennes.

Mesurant le danger que représentait la lutte armée de partisans sur le sol de France, les nazis répondirent (en vain) par des fusillades massives afin de réduire toute opposition. Comme celles de Châteaubriant, de Nantes et du Mont Valérien le 22 octobre 1941, immédiatement suivies de celles de Souge, près de Bordeaux.

Au contraire, sabotages et attentats contre les officiers et soldats allemands se multiplièrent.

Durant la période évoquée, depuis la défaite, de petits groupes de patriotes anglophiles ou gaullistes, s’efforçaient de renseigner les Anglais restés seuls dans la guerre et répondaient à l’appel lancé par le Général de Gaulle, notamment afin d’exprimer leur condamnation des fusillades de Châteaubriant, Nantes et Bordeaux.

Le seuil de la seule répression anticommuniste était franchi. Ces exécutions symboliseront une forme d’union face à la répression.

Pour créer un nouvel effet de terreur, Hitler décide la déportation des otages vers l’Est. Les autorités allemandes vont faire leur choix dans des listes établies par les autorités de Vichy. Destination Auschwitz via Compiègne.

Le 6 juillet 1942, le premier convoi de Résistants quitte ce camp d’internement de la Werhmacht.

De Choisel et Nantes à Auschwitz

1175 hommes dont 90 % de communistes ou sympathisants, 50 juifs dont certains sont résistants, et en moindre proportion des gaullistes. Parmi eux, neuf internés du camp de Choisel, près de Châteaubriant : Joseph Biffe, Edouard Bonnet, Louis Brenner, Paul Caille, André Gaullier, Louis Goudailler, Maurice Graffin, Maurice Guy, Marcel Gouillard, et Roger Pinault.

Dix autres internés de Compiègne participent à ce convoi. Il s’agit de résistants arrêtés à la suite des rafles opérées le 23 juin puis le 9 juillet 1941dans l’agglomération nantaise par la police militaire allemande (GFP). A la demande celle-ci, le commissaire central de la police nantaise avait donné une liste de neuf « ex-militants communistes ». Internés au Champ de mars, ils sont transférés à Compiègne le 12 juillet 1941 et partiront le 6 juillet 1942 à l’aube vers Auschwitz, où ils arriveront le 8. Les dix de Loire-Inférieure sont : Alphonse Braud, Eugène Charles, Victor Dieulesaint, Paul Filoleau, André Forget, Louis Jouvin, André Lermite, Antoine Molinié, Gustave Raballand, et Jean Raynaud. Seuls deux sont revenus: E. Charles et G. Raballand.

Marguerite Joubert-Lermite, l’épouse d’André Lermite a été arrêtée le 5 juillet 1942 à Mouzeil, elle sera internée dans diverses prisons avant d’être transférée au fort de Romainville, puis d’être déportée à Auschwitz par un autre convoi atypique, celui du 24 janvier 1943. Elle mourra à Auschwitz le 18 mas 1943.

Ce convoi sera le seul à destination définitive d’Auschwitz-Birkenau, avec le convoi des femmes résistantes dit « des 31 000 » du 24 janvier 1943, celles qui sont entrées dans le camp en entonnant La Marseillaise.

Un autre convoi de déportés de répression arrive le 30 avril 1944 à Auschwitz, mais quittera le camp pour Buchenwald au bout de 12 jours. Ils prendront le nom de « tatoués ». Ce convoi comprenait notamment Marcel Paul.

Le long séjour des « 45 000 » à Auschwitz-Birkenau aura fait d’eux des témoins de l’enfer organisé par les SS : l’extermination de Tziganes, de milliers de prisonniers de guerre soviétiques, de patriotes polonais, de résistants de toute l’Europe et du génocide des juifs.

Ce sont les matricules reçus à l’enregistrement qui feront d’eux les « 45 000 ». Ils seront séparés en deux groupes quelques jours après leur arrivée, l’un à Auschwitz, l’autre à Birkenau.

Après 7 mois, plus de 1 000 auront disparu. Leur taux de mortalité fût de 80 % à Auschwitz et de 96 % à Birkenau.

Seuls 119 reverront la France en 1945.

Sources
CARDON-HARMET Claudine, Triangles rouges à Auschwitz, éditions Autrement, 2015
et son blog: https://politique-auschwitz.blogspot.com
DELBO Charlotte, Le convoi du 24 janvier 1943, Editions de Minuit, 1966

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