Jules Dumont, l’oublié
Pourquoi Jules Dumont, croyant pratiquant, militant anticolonialiste, dirigeant communiste, combattant internationaliste en Espagne, résistant de la première heure et fusillé par les nazis, figure-t-il trop discrètement dans les mémoires? Même sa famille a gardé le silence sur ce personnage avant que sa petite-fille, Françoise Demougin-Dumont trouve une lettre de Jules écrite avant son exécution et qui contenait un secret de famille, un « accident » dans la vie d’un couple.
L’auteure a « remonté » la vie de son grand-père qu’on lui avait cachée. Jules Dumont, fils d’une famille modeste du Nord de la France, fidèle à Maria jusqu’à la fin de sa vie malgré l’ « accident », ouvrier puis journaliste au « Journal de Roubaix affiche un riche parcours : la dite « Grande Guerre », sa condamnation puis son expulsion du Maroc, son combat contre la colonisation en Ethiopie, la guerre d’Espagne (colonel Dumont dans les Brigades internationales) et enfin la Résistance jusqu’à son exécution au Mont-Valerien et sa dernière lettre : « Je sais au moins pourquoi j’ai souffert et pourquoi je vais mourir, tant d’autres souffrent et meurent sans savoir pourquoi. »
« En un sens, la vie de Jules fut une tragédie », écrit sa petite fille. « L’accident » familial, ses luttes, sa mort ? Certainement, mais cela ne suffit pas. Le PCF lui confia en 1940 les éditions communistes clandestines. Il participa à une rencontre avec Otto Abetz représentant de l’armée d’occupation. C’est certainement cette entrevue dont il n’était pas directement responsable qui lui a valu un temps d’être soupçonné.
Après six mois de « vérification », Jules Dumont repris des responsabilités dans la Résistance, notamment dans le Nord. Arrêté, torturé, avant d’être fusillé, il écrivit à sa famille : « Je vais tomber comme un soldat, sans peur et sans reproche, que cela au moins vous réconforte. Vive la France. »
Françoise Demougin-Dumont s’interroge : « Pourquoi le PCF ne fit-il pas de Jules un de ses martyrs ? » Elle évoque plusieurs raisons: le passé catholique, voire colonial, son rôle dans la demande de reparution de « Ce Soir », la chute d’une cache d’armes. Les deux dernières hypothèses semblent plausibles. Pas les deux premières, l’auteure ne connaissant peut-être pas suffisamment l’action des communistes en direction des catholiques et contre le colonialisme.
Jules Dumont reste une figure du combat libérateur. Grâce à sa petite-fille, justice est rendue.
José Fort
« La promesse de l’oubli, mon grand-père Jules Dumont ». Editions Tirésias-Michel Reynaud. 127 pages. 13 euros.