Cet ouvrage écrit collectivement par des membres de l’association « Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui » (CRHA), créée en décembre 2008, republie le texte du programme du Conseil national de la Résistance, en rappelant les étapes de sa rédaction et en soulignant sa modernité. Il décrit la mise en place des avancées sociales contenues dans ce programme dans l’après-guerre, puis leur démantèlement progressif depuis les années 1980 et surtout depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy en 2007.
Le programme du CNR prévoyait le « châtiment des traîtres », « l’établissement d’un impôt progressif sur les bénéfices de guerre », « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale », « le retour à la Nations des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques », « le droit au travail et le droit au repos », « un plan complet de sécurité sociale », « la sécurité de l’emploi », la « retraite » pour tous, et une instruction égalitaire « afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises ». Ce texte a été diffusé entre mars et août 1944, dans des journaux clandestins et sous forme de tracts.
La réforme de la fonction publique et la création de l’Ecole nationale d’administration (1945), la nationalisation des usines Renault et de 4 grandes banques (1945), la loi de nationalisation du gaz et de l’électricité (1946), la nationalisation des combustibles minéraux (1946), la nationalisation des Charbonnages de France (1946), la création des comités d’entreprises (1945), la création de la sécurité sociale (1945), la création du SMIG (1950), la nationalisation de 34 compagnies d’assurances (1946), la création de l’assurance-chômage (1958), la création du minimum vieillesse (1959), la nationalisation des 9 plus grands groupes industriels et de 36 banques (1982) sont les principales avancées sociales émanant du programme du CNR. En outre, le Préambule de la Constitution de 1946 reprend l’essentiel des nouveaux droits prônés par le programme du CNR. Il sera inclus dans la Constitution de la Ve République en 1958.
Après les Trente Glorieuses, vient l’ère de la remise en cause de ces acquis. Les assurances privées se livrent à un intense travail de lobbying et d’influence pour discréditer la sécurité sociale et promouvoir le principe d’assurances privées. En 1989, la loi Evin officialise l’entrée des assureurs privés dans la complémentaire maladie. Le monde de l’assurance va ensuite s’appuyer sur le plan Juppé de 1995 pour s’implanter comme un acteur crédible dans la couverture maladie. Durant les années 2000, le gouvernement laisse le déficit de la sécurité sociale s’accroître vertigineusement. Sous la présidence de Sarkozy, est opéré par touches successives, en toute discrétion, le dépeçage de l’assurance-maladie (déremboursements de médicaments, hausse du forfait hospitalier). Les choix politiques depuis 2002 contribuent à creuser gravement les inégalités dans l’accès aux soins.
Le système des retraites a subi lui aussi de fortes attaques. A l’été 1993, le gouvernement Balladur adopte une réforme prévoyant que la durée de cotisation pour obtenir une retraite complète passe de 37,5 ans à 40 ans. En 2010, le gouvernement propose d’instituer des CDD pour les salariés de plus de 55 ans, au risque de créer une nouvelle catégorie : les vieux précaires.
Les années 1990 voient la privatisation de plusieurs banques. En 2009, les banques privées obtiennent du gouvernement de pouvoir distribuer le Livret A.
En 1997, Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l’Economie, lance la privatisation de France Telecom. En 2007 est privatisé GDF, et en 2009 EDF.
La presse est elle aussi de plus en plus aux mains de grands patrons liés au pouvoir, comme l’illustre la soirée de Nicolas Sarkozy au Fouquet’s le soir de son élection en 2007, à laquelle participent notamment Martin Bouygues, patron de TF1 et de LCI, Serge Dassault, patron du Figaro, Arnaud Lagardère, patron du Monde, d’Europe 1, du Journal du Dimanche, de Paris Match et de plusieurs autres journaux.
Début 2010, le gouvernement fait adopter par le Parlement le changement de statut de La Poste, malgré les plus de 2 millions de Français qui ont participé, en octobre 2009, à la « votation citoyenne » pour maintenir le statut public de la Poste. Ainsi est démantelé un des derniers services publics français.
Ce livre montre par quels moyens les grands acquis économiques et sociaux hérités du programme du CNR ont été progressivement démantelés sous l’influence des milieux libéraux, des grandes entreprises et de l’Union européenne. Il provoque un choc salutaire et rappelle utilement l’universalité des principes pour lesquels ont lutté les Résistants.
Chloé Maurel
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