Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant de Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

COMMEMORATION DE LA VICTOIRE 8 MAI 1945 – 8 MAI 2020

bandeau.jpgLa terrible crise sanitaire que traverse le pays ne doit pas occulter la célébration du 75ème anniversaire de la capitulation sans condition des armées nazies, le 8 mai prochain, même si le confinement général interdit les manifestations publiques.

Dans ce contexte, le Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure, le Comité local de Châteaubriant et le Comité local d’Indre s’associent à l’initiative du Comité parisien de la Libération et avec de nombreuses associations mémorielles, appelle nos concitoyens et concitoyennes – tout en respectant les gestes barrières, la distanciation physique et les modalités des déplacements dérogatoires – à aller individuellement déposer le 8 mai 2020 une fleur, un bouquet, un dessin, un poème sur les monuments aux morts, au pied des plaques du souvenir de toutes les victimes du nazisme dans chaque commune.

De 1940 à 1944, dans la France envahie, nos aînés ont bravé l’occupant et ses collaborateurs et chaque 1er mai, 14 juillet et 11 novembre ont su trouver le moyen de fleurir les monuments aux morts de nos communes. 75 ans plus tard, nous devons rappeler leur héroïsme et leur victoire, celle de la liberté et de la démocratie sur la barbarie nazie.
Nantes, le 4 mai 2020
www.resistance-44.fr

Comité du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure
1, place de la Gare de l’Etat. Case 1. 44276 NANTES Cedex 2. comitesouvenir@orange.fr

Les 6 dates clés de l’année 1945

Le 27 janvier 1945, Auschwitz

L’Armée rouge, qui avait découvert le 23 juillet 1944 près de la ville polonaise de Lublin, le camp de Majdanek, vidé de ses occupants tués à la mitrailleuse ou dans l’incendie de leurs baraques, arrivent à Auschwitz. Le monde découvre l’horreur du crime de masse le plus monstrueux de toute l’histoire humaine: des millions de morts et d’abord 6 millions de juifs, dont les nazis ont décidé l’ élimination totale, parce qu’ils étaient juifs, dans le cadre de « la solution finale » planifiée froidement en 1942, lors d’une conférence secrète à Wannsee.
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Avec l’extraordinaire complexe concentrationnaire, industriel et d’extermination d’Auschwitz- Birkenau, la réalité se révèle, qui va être confirmée à l’avancée des Soviétiques et des Alliés, par la découverte de centaines de camps, partout sur le territoire du Reich. Et la systématisation de l’horreur à une échelle sans précédent, de l’extermination, l’usure jusqu’au bout de la force de travail, la torture, les expérimentations « médicales » monstrueuses.

Du 4 au 11 février à Yalta: quelle organisation du monde ?

La photo est connue: côte à côte Churchill, Roosevelt, et Staline, au palais de Livadia, ancienne résidence du tsar Nicolas II en Crimée, au bord de la mer Noire. L’Armée rouge est à moins de 100 km de Berlin, les Occidentaux en sont à 500 km, mais la victoire est en vue. Il s’agit donc de discuter de la paix. Partage du monde ? En fait, il s’agit de procéder à un état des lieux reflétant les rapports de forces dans une Europe exsangue, où les institutions politiques sont défaites et en même temps de tenter de bâtir les conditions d’une paix durable. Certes, les arrière-pensées ne manquent pas. Staline se méfie des Alliés occidentaux qui n’ont cessé de retarder l’ouverture d’un second front à l’Ouest, jusqu’au 6 juin 1944. Surtout, il n’entend pas brader l’avancée de l’ Armée rouge et le prix du sang versé par 27 millions de soviétiques. Churchill n’entend rien céder sur la Pologne, pas plus que sur ses intérêts en Grèce. Roosevelt envisage une aide économique en faveur de ses alliés occidentaux, mais également de l’Union soviétique pour leur reconstruction et comme moyen de contrôle. Mais, les trois vainqueurs sont provisoirement d’accord sur le maintien d’une grande alliance d’après-guerre afin d’empêcher tout nouvel affrontement et de garantir la paix mondiale. Roosevelt propose de remplacer la Société des nations par une nouvelle organisation internationale: c’est l’avant-projet de l’ONU.

8 mai 1945, la capitulation sans conditions

Autre photo célèbre: celle d’un soldat soviétique plantant le drapeau rouge au sommet du Reichstag, le parlement allemand. Le Reich qui devait durer mille ans a sombré dans le chaos. Hitler s’est suicidé dans son bunker. Depuis des jours, l’artillerie soviétique pilonne Berlin. La vérité oblige à dire que la photo a été posée et retouchée, mais sa puissance symbolique et historique est très forte. 50 millions de morts, dont 27 millions pour la seule URSS, 6 millions de juifs exterminés, la sauvagerie de la Gestapo, des SS, les exactions des milices. L’humanité se réveille de l’épouvantable cauchemar. Deux ans plus tôt, les Alliés avaient décidé que la capitulation de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon serait sans conditions. Le 7 mai, à 1h 30, à Reims, le général Jodl face aux représentants des quatre puissances (Etats-Unis, Angleterre, URSS, France) signe un document qui met fin à la guerre. Mais pour les Soviétiques, c’est un document provisoire, selon un protocole réglé par les seuls Alliés occidentaux. Ils veulent une capitulation à Berlin, en bonne et due forme. Elle est organisée par le maréchal Joukov, chef de l’ Armée rouge, en présence du maréchal anglais Tedder, du général Spaatz de l’US Air Force, et du général de Lattre de Tassigny. Le 8 mai à 0 h 06, le maréchal Keitel paraphe le document final. Dans la journée, c’est l’explosion de joie dans le monde, mais le Japon est encore en guerre.

Le 6 août 1945, « l’Eclair »

Si la guerre est finie en Europe, les Etats-Unis font toujours face à la résistance acharnée du Japon et à l’obstination de la clique militaire qui entoure l’empereur. L’URSS, comme promis aux Américains, attaque la Mandchourie mettant en déroute les divisions japonaises qui lui font face. La première bombe atomique de l’histoire a explosé quelques semaines plus tôt à Los Alamos, dans le désert du Nouveau Mexique. Pour le président Truman, les conditions sont réunies pour une expérimentation « in vivo » et une démonstration de force.
Le 6 août, à 8 h 15, le bombardier Enola Gay lâche Little Boy, qui explose à 600 mètres au-dessus de la ville d’Hiroshima. Le souffle balaie tout. « L’Eclair », comme l’ont appelé les Japonais, imprime les ombres sur les murs. 70 000 à 80 000 personnes sont tuées sur le coup, les survivants errent dans les ruines. 140 000 personnes au total vont périr. Le 9 août, Fatman, au plutonium cette fois, est lâché sur Nagasaki. La bombe fera 70 000 morts. Le 15 août, le Japon capitule. Une idée reçue veut que les deux bombes aient mis fin à la guerre. C’est très discutable. Les Américains avaient la maîtrise du ciel, le Japon ne pouvait plus tenir.

20 novembre 1945 : Nuremberg

Haut lieu des cérémonies du Reich, Nuremberg a été choisi comme siège du tribunal international devant lequel comparaissent 21 dignitaires nazis. Composé des juges des puissances alliées, il va durer plus d’un an, jusqu’au 1er octobre 1946. La décision a été prise très vite. Le 8 août 1945, un traité est signé par les gouvernements des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne, de l’URSS et de la France pour organiser ce tribunal où les accusés devront répondre de complot, crimes contre la paix, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Ce dernier chef d’inculpation est une innovation juridique. Tous les accusés plaident non coupables et affichent leur mépris. La projection de films tournés à la libération des camps et des témoignages dont celui de Marie-Claude Vaillant-Couturier, viennent à bout des dénégations des accusés. Douze d’entre eux seront condamnés à mort par pendaison: Martin Bormann,, Hans Franck, Wilhelm Frick, Alfred Jodl, Ernst Kaltenbrunner, Wilhelm Keitel, Joachim von Ribbentrop, Alfred Rosenberg, Fritz Sauckel, Arthur Seyss-Inquart, Julius Streicher et Hermann Göring (qui parviendra à se suicider avant l’exécution de la sentence).

26 juin 1945: la Charte de l’ONU

La Société des Nations, créée après la Première Guerre mondiale avait été incapable de contrer la montée des fascismes en Espagne, en Italie et en Allemagne. Dès 1941, Churchill et Roosevelt s’étaient prononcés dans une Charte de l’Atlantique, pour un système de sécurité générale. Quelques mois plus tard, 26 pays dont l’URSS affichent leur volonté de vaincre dans le cadre d’une déclaration des « Nations unies ». La France vichyste n’est pas du nombre, mais la France libre non plus, Roosevelt considérant qu’elle ne peut être considérée comme un Etat. Elle ne pourra signer que le 1er janvier 1945.
Le 25 avril 1945, s’ouvre à San Francisco la conférence qui se conclura le 25 juin 1945, par la création de l’Organisation des Nations Unies et l’adoption de sa Charte, signée le lendemain, 26 juin par 50 pays. Elle stipule que tous les Etats membres y siègent à égalité pour formuler des recommandations, mais c’est son Conseil de sécurité de onze membres qui est habilité à prendre les décisions, y compris le recours à la force pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. En fait, le pouvoir de décision est aux mains des cinq membres permanents de ce Conseil: Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, URSS. Aujourd’hui, 190 Etats en sont membres.

8 mai 1945 Armistice ou capitulation sans conditions ?

En janvier 1945, l’Allemagne ne s’avoue pas vaincue. Elle a lancé deux offensives dans les Ardennes et en Hongrie en décembre 1944 et compte sur de nouvelles armes: les fusées V1 et V2. Goebbels dit en mars :  » S’il est écrit que nous devons sombrer, le peuple allemand tout entier sombrera avec nous. »
Pourtant, en avril, l’Allemagne est aux abois. Le 24 avril 1945, Himmler prend contact avec le comte Bernadotte, président de la Croix rouge suédoise, pour transmettre aux occidentaux une proposition de paix séparée, en échange de quoi il regrouperait l’ensemble des forces armées allemandes sur le front de l’Est pour vaincre l’Union soviétique.
Le mardi 8 mai 1945, la Seconde Guerre mondiale s’achève en Europe par la victoire des Alliés et l’effondrement de l’Allemagne nazie, quand l’Italie fasciste était déjà défaite. Six années de guerre marquées par des atrocités inimaginables, 2077 jours de souffrances. Mais ce n’est pas la fin de la guerre mondiale, qui se poursuit en Asie.
La guerre se termine par la prise d’une ville Berlin, capitale et lieu de pouvoir des nazis dans laquelle Hitler avait décidé de revenir le 16 avril 1945. En mars, les troupes soviétiques des maréchaux Joukov, Koniev et Rokossovski se rejoignent et préparent l’assaut de la ville. A l’Ouest, les armées alliées encerclent la Ruhr: l’étau se resserre inexorablement. Le 21 avril, les chars soviétiques entrent dans la ville. L’appel pour défendre la ville, à la Volksturm, sorte d’armée fantoche d’enfants et de vieillards fanatisés ne change rien. Dans la nuit du 29 au 30 avril, Hitler se suicide. C’est la débâcle ! Une heure plus tôt, les soldats de Joukov ont entrepris la prise du Reichstag et le 1er mai, vers 3 h, le lieutenant Sorokine et son escouade hissent le drapeau rouge sur le toit. (1). Goebbels tente alors de négocier mais Staline lui fait répondre que rien n’est négociable et exige la capitulation sans conditions, comme cela a été annoncé par les Alliés. Le 2 mai, le commandant de la place de Berlin, Weidling se rend.

Le 7 mai à Reims, 2 h 41

Le 3 mai, Doenitz, désigné par Hitler comme son successeur, envoie le général Alfred Jodl, chef d’état-major de la Wehrmacht, au quartier général d’Eisenhower à Reims, muni des pleins pouvoirs pour signer la reddition générale des forces allemandes. Il y arrive le 6. La veille, les troupes du général Leclerc se sont emparées du « Nid d’aigle » de Berchtesgaden. Jodl est contraint d’accepter un texte du commandement allié soumis par le général américain Walter B. Smith (2). La capitulation est signée dans la nuit, le 7 mai à 2 h 41. De Gaulle et Staline sont furieux, ils ont le sentiment que la France et l’URSS ont été tenus à l’écart, en dépit de la présence à Reims du général Sousloparov et du général François Sevez, à titre de témoin.jodl_signe_l_acte_de_reddition_a_reims.jpg Jodl signe l’acte de reddition à Reims

Le 8 mai à Berlin, 23 h 01

La « cérémonie » de signature doit être répétée à Berlin le 8 mai, au quartier général de l’Armée rouge. Il est certain que le symbole est plus fort. L’Allemagne y est représentée par le maréchal Keitel. En entrant dans la salle, il salue de son bâton de maréchal. Joukov qui préside, reste assis et impassible: Keitel vient de comprendre qu’il est un vaincu auxquels les honneurs ne seront pas rendus (3). La signature des neuf exemplaires intervient à 23 h 01 à Berlin (4), soit 1 h 01 à Moscou le 9 mai (5). Le drapeau français a été ajouté à la hâte, la France est représentée par le général de Lattre de Tassigny, ce qui a provoqué les sarcasmes de Keitel:  » Les Français, ici » (6). Etre admise parmi les vainqueurs n’a été possible que grâce à la mobilisation de la Résistance tout au long de la guerre et dans les combats de la libération.
Le texte signé à Reims le 7 mai est un « acte de reddition », celui du 8mai, signé à Berlin est un « acte de capitulation militaire », qui implique le dépôt des armes et pas seulement la fin des combats.keitel_signe_l_acte_de_capitulation_a_berlin.jpgKeitel signe l’acte de capitulation à Berlin
Un autre acte de reddition intervient le 9 mai à Bouvron. En effet les combats se sont poursuivis, après la libération de Nantes, dans la Poche de Saint-Nazaire. L’armée allemande se rend, de même que dans les autres forteresses nazies protégées par le Mur de l’Atlantique. Le 9 mai à 15 h, le général de Gaulle fait un discours à la radio, tandis que les cloches de toutes les églises françaises sonnent à la volée puis il se rend à l’Etoile. Au même moment, Churchill à Londres et Truman à Washington s’expriment également. La fin de la guerre est vécue dans la liesse populaire, malgré l’angoisse de celles et ceux qui attendent le retour d’un prisonnier ou d’un déporté. Au lourd bilan humain (58 millions de morts civils et militaires, 10 millions de morts dans les camps nazis), s’ajoutent des économies en ruines, des drames personnels, le traumatisme de la révélation des horreurs du système nazi.
La foule en liesse ignore que le 8 mai devra s’écrire au pluriel. Il y a eu des 8 mai. Au moment où cette foule célébrait la victoire, l’armée française tirait à Sétif et à Guelma sur des manifestants algériens qui exprimaient des sentiments nationaux, mais aussi des revendications démocratiques largement inspirés par les idéaux de la Résistance.
Le 8 mai appartient à ces dates clefs de l’époque contemporaine – « Une des plus grandes dates de l’Histoire universelle »(7) – celles qui commémorent les fins de conflits meurtriers marqués par des atrocités innommables, celles qui fondent pour partie l’identité des vivants sur le souvenir des morts. Le sens du 8 mai, c’est la victoire de la démocratie sur la barbarie nazie, sur le fascisme. Comme le note l’historien Serge Wolikow: « L’esprit né de la victoire sur l’hitlérisme a encore une grande résonance dans le monde d’aujourd’hui, qu’il s’agisse des principes démocratiques, des solidarités internationales ou de la manière de vivre ensemble ».
Source
* Ian Kershaw, La Fin. Allemagne 1944 – 1945, Seuil, 2012
* Serge Wolikow, Antifascisme et nation, EUD, 1998
*Jean Lopez (dir), La Wehrmacht, La fin d’un mythe, Perrin, 2019

Notes
1 – Officiellement, c’est le lieutenant Sorokine et son escouade qui ont hissé le drapeau sur le toit du Reichstag. Mais, en raison de l’obscurité l’événement n’a pas pu être photographié. La photo mythique de Evguéni Klhaldéi a été prise le lendemain.
2 – La séance est présidée par le général Bedell Smith, chef d’état-major d’Eisenhower qui signe l’acte pour les Occidentaux, puis l’acte est signé par le général Souslopalov, pour l’Union soviétique et par le général Sevez, sous-chef d’état major, pour la France (Juin est à San Francisco où se déroule la Conférence des Nations-Unies)
3 – Témoignage du commandant René Bondoux, présent aux côtés du général de Lattre, Le Figaro, 8 mai 2015.
4 – La séance est présidée par le maréchal Joukov qui signe pour l’URSS, les Occidentaux ont une double représentation, le général Tedder signe pour la Grande-Bretagne et le général Spaatz pour les Etats-Unis. L’acte est signé pour a France par le général de Lattre de Tassigny au titre de témoin.
5 – Ce qui explique que le « 8 mai » est commémoré le 9 en Russie.
6 – Il y a plusieurs variantes selon les traductions:  » Les Français ici » ou « Les Français aussi »
7 – Marcel Cachin, L’Humanité, 9 mai 1945

Férié, chômé ou pas
L’histoire mouvementée du 8 mai

En 1946, la commémoration de la Victoire à la date du 8 mai est instaurée, mais à condition que ce jour-là soit un dimanche, autrement elle est reportée au dimanche suivant.
En 1948, le ministre des Anciens combattants, François Mitterrand confirme le caractère non férié du 8 mai.
En 1953, un vote de l’Assemblée nationale rend le 8 mai férié
En 1959, le général de Gaulle, en installant la Vème République, décide que le 8 mai ne sera plus férié, mais commémoré le 2ème dimanche de mai (loi du 11 avril 1959).
En 1965, pour le 20ème anniversaire, le gouvernement Pompidou rétablit exceptionnellement le caractère férié.
En 1968, la cérémonie à l’Arc de Triomphe est déplacée en fin de journée.
En 1975, V. Giscard d’Estaing supprime la commémoration officielle de la victoire sur l’Allemagne nazie et la remplace par une « Journée de l’Europe ». Il veut faire du 11 novembre un « Mémorial Day », se substituant aux diverses commémorations.
En 1981, le 8 mai est rétabli comme jour commémoratif férié par le gouvernement d’union de la gauche, après l’élection de F. Mitterrand (loi du 23 septembre 1981).
2 mai 1945 – Le Drapeau rouge flotte sur le Reichstag

Le 1er mai, à 3 heures dans la nuit, le drapeau est déployé sur la statue équestre du Kaiser Guillaume II, officiellement par le lieutenant Sorokine et son escouade. L’obscurité ne permet pas de photographier l’événement. Le drapeau est donc déplacé le lendemain sur le dôme de l’édifice par trois soldats: le Géorgien (comme Staline) Meliton Kantaria et les Russes Mikhaïl Egorov et Alekseï Bérest.
un_drapeau_sovietique_flotte_sur_le_toit_du_reichstag.jpg(© Yevgeny Khaldei/Corbis)
Cependant la photo représente les soldats Alekseï Kovalev, Abdoulkhakim Ismaïlov et Léonid Govitchev.
Son auteur est Evgueni Khaldei. Jeune photographe de guerre de 28 ans, il travaille pour l’agence de presse russe Tass.
Il reconnaît avoir beaucoup tâtonné avant de réaliser LA photo qui fera ensuite le tour du monde et restera dans l’histoire comme symbole de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie.
« La » photo ? En fait, Khaldéi a réalisé avec son Leica 35mmm, 36 clichés, une pellicule entière en cherchant le meilleur angle pour que la photographie montre quelque chose de Berlin.
Il existe donc 36 clichés pris sous des angles différents et montrant des soldats dfférents(1). Ainsi, une photo d’Evgueni Khaldei est publiée pour la première fois le 13 mai 1945, dans le magazine soviétique « Ogoniok » (La Petite Flamme).
un_drapeau_sovietique_flotte_sur_le_toit_du_reichstag1.jpgIl a été reproché à Evgueni Khaldei d’avoir réalisé une image de propagande pour exprimer la fierté nationale et témoigner aux yeux du monde de la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie.
Et, au-delà du symbole, le processus de fabrication du cliché est également critiqué. La photo aurait en effet été préparée en amont, mise en scène, retouchée. Peut-on reprocher à Evguéni Khaldéi d’être un photographe professionnel, tout en étant soldat?
Lorsqu’il entre à Berlin en mai 1945, conscient de l’imminence de la fin de la Bataille de Berlin, il a un objectif : transposer la photo prise par l’Américain Joe Rosenthal à Iwo Jima, représentant six GI plantant le drapeau américain sur le mont Suribachi de l’île d’Iwo Jima, tout juste arrachée aux Japonais, le 23 février 1945, photo qui symbolise la victoire des Etats-Unis sur le Japon.(2) soldats_americains.jpg(Joe Rosenthal/AP/SIPA)
Evgueni Khaldei a vu « Raising the flag on Iwo Jima » dans les journaux. Il espère pouvoir réaliser la réplique soviétique.

En raison du manque de drapeaux, les soldats étant plus attentifs à se munir d’autres types de munitions, « Il a même demandé, quelques jours plus tôt, à Lioubinsky, l’économe de l’agence Tass, de lui offrir quelques-unes des belles nappes rouges qu’il utilise lors des réunions du Parti. Chargé de son butin, Khaldei est rentré chez lui. Puis, à l’aide de son ami le tailleur Israël Kichitser, il a fabriqué dans la nuit trois drapeaux soviétiques, la confection des emblèmes du marteau et de la faucille ayant été les tâches les plus délicates » affirment Pierre Bellemare et Jérôme Equer (3)

Le photographe recherche des lieux emblématiques. D’abord l’aéroport de Tempelhof où se dresse un aigle gigantesque, symbole du Reich hitlérien. Puis il va à la porte de Brandebourg, où trône la déesse de la Victoire et fait un essai dans l’axe de la célèbre avenue Unter den Linden. Mais faute de recul, il lui est impossible de montrer Berlin en arrière plan. Or, il y tient.

Le toit du Reichstag est le lieu idéal. Il constitue une revanche vis à vis du régime hitlérien qui, en 1933, avait humilié les communistes en leur imputant l’incendie du parlement. D’ailleurs, « Tout le monde voulait aller au Reichstag », dit-il(4). Et surtout, c’est précisément là que le drapeau soviétique y a déjà été planté la veille, le 30 avril, à 22h40, alors que Berlin était encore en proie aux combats. « Devant le Reichstag, j’en ai sorti un et les soldats se sont écriés : ‘Donnez-nous ce drapeau, on va le planter sur le toit' », racontera le photographe à « Libération », 50 ans plus tard. « J’ai demandé à un jeune soldat de le tenir le plus haut possible. Il avait 20 ans, il s’appelait Alexis Kovalev. Je cherchais le bon angle, je lui ai demandé de grimper encore plus haut. Il a répondu « D’accord, mais que quelqu’un me tienne les pieds ». Ce qui a été fait. La photo est partie, elle a plu »

La photo a-t-elle été retouchée? A « Libération », le photographe confirme : « J’ai reçu un coup de téléphone du rédacteur en chef de l’agence Tass : « Ça ne va pas. Le soldat d’en bas, qui tient les pieds de l’autre, a deux montres, une à chaque poignet ! Il faut arranger ça ! »un_drapeau_sovietique_flotte_sur_le_toit_du_reichstag2.jpg (AFP PHOTO / TASS / YEVGENIY KHALDEI)
Pour que la photo puisse être publiée, Evgueni Khaldei « gratte délicatement un contretype du négatif avec la pointe d’une aiguille et fait disparaître du poignet droit la montre surnuméraire ».
Qui est Evgueni Khaldeï ?
Il est né de parents juifs dans le sud de l’Ukraine en 1917, l’année de la révolution russe. Il est touché dès son plus jeune âge par l’antisémitisme : au cours d’un pogrom, alors qu’il est à peine âgé d’un an, une balle lui transperce un poumon et tue sa mère qui le portait dans ses bras… Adolescent, il lit avec passion les grands reportages publiés dans le magazine russe Ogoniok, qui, des années plus tard, publiera en Une sa photo iconique (voir ci-dessus).

« Dès 13 ans, j’étais passionné de photographie. Je me suis bricolé mon premier appareil photo avec du carton et les verres de lunettes de ma grand-mère », racontera-t-il, en 1995, à « Libération ». A 19 ans, il est engagé à Moscou par l’agence Tass, où il est formé. Puis, il effectue son service militaire en 1937, avant d’être remobilisé lorsque la guerre éclate, en 1941, avec le grade de lieutenant. Il est d’abord envoyé à Mourmansk en qualité de correspondant spécial de l’agence Tass.

« J’étais soldat, enrôlé dans l’armée comme combattant. Mais, comme j’étais correspondant spécial de l’agence Tass, les autres soldats, mes camarades, me disaient souvent : vas-y, prends des photos, nous nous occupons du reste… » A nouveau victime de l’antisémitisme, nazi cette fois, il perd son père et ses sœurs, fusillés par les Allemands et jetés dans un puits. Il sera le témoin effaré des massacres de juifs en Ukraine, dès le début du conflit.

A la fin de la guerre, il couvre le procès de Nuremberg (5). En 1948, il est renvoyé de La Pravda: « J’étais juif, j’avais voyagé à travers l’Europe, approché Tito et j’aimais les photographes américains. Autant dire que j’étais ‘cosmopolite’. » Ce qui était mal vu.
Onze ans plus tard, en 1959, il est de réengagé par la Pravda. Mais il est de nouveau renvoyé en 1970. Il survit alors tant bien que mal, grâce à l’aide de ses proches. Il devra attendre la chute de l’URSS pour enfin recevoir une reconnaissance internationale. evgueni_khaldei.jpg (LASKI/SIPA)
Il est ainsi l’invité d’honneur, en 1995, de Visa pour l’image, le festival international du photojournalisme de Perpignan, où sera exposé une sélection de ses travaux. Le directeur du festival, Jean-François Leroy, réussit même le tour de force de réunir le photographe ukrainien et… Joe Rosenthal, l’auteur du « Drapeau flottant sur Iwo Jima ». En 2005 une rétrospective lui est consacrée par le Musée du judaïsme à Paris.

Evgueni Khaldeï meurt deux ans plus tard, en 1997, à l’âge de 80 ans. Sa photo lui survit puisqu’elle est publiée dans tous les manuels scolaires et sera de nouveau publiée en Une d’un journal, « L’Humanité », le 8 mai 2015. Une version colorisée et avec… une seule montre !

Source
Mark Grosset, Khaldéi. Un photoreporter en Union soviétique, ed. Chêne, 2004
Victor Barbat, Bannières et drapeaux… L’exemple du Reichstag, revue 1895 n°74, 2014

Notes
1 – Ainsi un Espagnol, Francisco Ripoll a révélé au journal Mundo Obrero s’être reconnu sur l’un des clichés.
2 – La photographie a également soulevé des suspicions, balayées par l’attribution du prix Pulitzer 1945.
3 – Histoire secrète des 44 photos qui ont bouleversé le monde.
4 – Libération. 9 septembre 1995.
5 – Il est l’auteur de la photo de sa collègue photo-reporter Marie-Claude Vaillant-Couturier, témoin au procès.