Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant de Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

Histoire et mémoires de la Poche de Saint-Nazaire 1945-2020

Après un long oubli, elle fait désormais l’objet de romans, recueils de témoignages, mises en musées, de vidéos et d’un spectacle son et lumière. Il convient d’examiner dans quelle mesure l’éventail des formes déployées au nom du « devoir de mémoire », trouve ou non sa place aux côtés du travail critique propre à l’histoire?carte_1944_liberation_du_territoire_et_poches.jpg
1 – Fiction ou réel, romans et témoins.

Le tout premier à écrire sur la Poche, en 1949, est l’érudit croisicais, Henry Rio, avec son livre « Les oubliés du Tréhic ». Il pense trop vite que la « sérénité » retrouvée et un certain « désabusement », lui autorisent cette « chronique romancée ». Elle décrit la collaboration ordinaire des différentes composantes de la population locale. En toute « objectivité », car croit-il, « la vérité est simple et ingénue ». Ecrit sous le pseudo de Kervenel, et rebaptisant Le Croisic en Tréhic, son livre provoque un scandale : il essuie des coups de feu et doit quitter la commune. Soixante dix ans après, le livre semble toujours la cause d’un malaise dans la mémoire locale.

Après lui, et en dehors d’ouvrages plus généraux, le suivant à évoquer la question est… un Allemand, Reinhold Müller en 1966. Officier de liaison du commandant de la forteresse (Festung), il en raconte les tout derniers jours, jusqu’à la reddition de Bouvron, le 11 mai 1945. Ce regard « autre » ne sera découvert que vingt ans plus tard. Pour trouver des témoignages directs côté français il faut attendre encore huit ans. Pierre Mahé, publie en 1974, sous son pseudo de Maxime, un recueil de 34 récits de Résistants, dont ceux d’actions et de passages dans la Poche. Au nom du souvenir militant de la Résistance, il en est diffusé 5.000 exemplaires.
Puis, retour au roman en 1980 : Jean-Anne Chalet, journaliste, décrit la vie quotidienne dans la Poche dans la commune périphérique de Guenrouët. L’intrigue « tragi-comique » repose sur le personnage de « Peau de grenouille », surnom donné à l’adjudant allemand Damm par les locaux qui en auraient « gardé un bon souvenir ».
Nouvelle occurrence militante. l’AREMORS publie en 1984, son Cahier n°5 sur La Poche. Si elle fait une large place à la vie quotidienne, cette brochure d’édition rudimentaire aborde aussi avec précision la reddition allemande, la Libération et ses circonstances politiques, sans ignorer la Collaboration. Elle consigne aussi la mémoire des luttes et combats de la Résistance FFI. Militant, son travail répond néanmoins aux critères d’une recherche historienne : de nouveaux témoignages, un travail poussé aux archives et des sources inédites.
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2 – La Poche mise en musées
Luc Braeuer ouvre en 1997 le Grand Blockhaus à Batz-sur-Mer. Il le présente comme « Le Musée de la Poche ». Mais c’est plutôt un musée Grévin de scènes de guerre. Il compte sur son « incroyable histoire de la Poche » (2000) pour attirer les touristes côtiers. Sa muséographie est orientée vers les armements, allemands et américains plus que français, et marginalise résistance et vie quotidienne. La bibliographie du « guide souvenir » en 2002 se restreint au seul nom de Braeuer. Préemption personnelle de l’histoire de la Poche.
À Savenay, en 2002, la démarche associative du GHL (Groupe d’Histoire Locale), concerne « Savenay et son secteur ». Mais, dans un certain flou chronologique, elle recueille des pages de « Mémoires de 1939 à 1945 », avec photos et dessins, sans trop s’embarrasser de contextualisation, ni se soucier non plus d’une problématisation. En 2005, le directeur de l’Écomusée de Saint-Nazaire, Daniel Sicard, dispose des archives nécessaires pour répondre aux attentes d’un large public. Il en résulte un bel ouvrage mais où, comme souvent, le choc des photos l’emporte sur le poids des mots.
Plus tard, en 2013-2014, le musée d’histoire de Nantes consacre une exposition, intitulée « En guerres (14-18/39-45) », au sort des civils de Nantes et Saint-Nazaire pendant les deux conflits mondiaux. Mais, à l’usage, l’amalgame des deux guerres ne facilite pas son propos sur la Poche. Les seules mentions faites sont loin des réalités et trahissent une méconnaissance du sujet. Vue de Nantes, la Poche… connaît pas.
Elle a donc migré de l’oubli aux musées, via l’histoire associative, mais sans jamais passer par la case Université.

3 – Intermittences du spectacle de la mémoire

En 2015, un précieux « guide-web » des sources disponibles par les archives municipales de Saint-Nazaire reconnaît que la Poche a trouvé « peu d’écho dans les livres d’histoire pourtant féconds sur la Seconde Guerre mondiale. Depuis une vingtaine d’année plusieurs érudits, passionnés et historiens locaux se sont attaqués au lourd travail de mémoire que constitue l’écriture de cet épisode douloureux, trop longtemps oublié ». Le basculement culturel de l’histoire à la mémoire est ainsi acté, mais une confusion entre devoir et travail de mémoire s’installe.

a – Le temps des vidéos

En 2005 sort une première vidéo de Vincent Douet : « VUES de la Poche », commentée par l’écrivain campbonnais Jean Rouaud. À l’occasion il qualifie la Poche de « bavure de l’histoire » ? Il exprime l’idée « déploratoire » des empochés eux-mêmes : celle d’une épreuve insupportable et traumatisante qui leur a été injustement infligée. Mais, selon l’historien M-O.Baruch, le « genre déploratoire », qui prend la forme d’une répétition d’ouvrages sur ce même ton, « aboutit à un effet de saturation inverse du but recherché : on lit et relit beaucoup, on comprend peu, car cette littérature manque souvent de réflexivité ».
Une nouvelle vidéo « Une si longue occupation » de Raphaël Millet, a été projetée en novembre 2019, par les Amis de l’Histoire à Savenay devant 400 personnes. Elle suscite cependant les mêmes réserves que la précédente. Constituées d’archives d’actualités, parfois inédites, entrecoupées de témoignages d’ex-« empochés » et d’interventions d’historiens choisis, ces vidéos manquent d’un fil directeur cohérent, au service d’une démonstration soutenue. C’est pourtant l’histoire, réduite ici au spectacle de la mémoire, qui est ainsi censée être donnée à voir.

b – L’heure de Mauricette

En 2012, le roman “Mauricette, l’insoumise…” du guérandais Bernard Tabary, est une fiction historique avec une héroïne attachante, dans des paysages évocateurs de la région, suivant une trajectoire qui va de Guérande et Bouvron, en passant par Pen Bron et la forteresse sous-marine ! « L’insoumise » devenue résistante, s’éloigne des « culs salés » des salines de Batz vers Bouvron et les « frères de la côte ». Elle y assiste même à la reddition allemande, le 11 mai. Scénario haletant, avec un « happy-end ». La contextualisation embarquée n’évite pas certains des clichés courants et quelques oublis. On y surjoue une résistance quelque peu fantasmée. Le romanesque s’écarte ainsi de la vraisemblance, prenant aussi ses aises avec l’histoire.
Michel Lefort, de Fay-de-Bretagne, directeur depuis 2018 du spectacle son et lumière intitulé « Mauricette », déclare vouloir, à partir du roman, « retracer l’histoire de la poche de Saint-Nazaire » et « participer au devoir de mémoire ». C’est désormais le roman qui dit l’histoire et le spectacle qui la montre. Ce spectacle réunit 150 figurants et 15 acteurs, 220 bénévoles de 17 communes. C’est bien, à moindre échelle, suivant le modèle du Puy-du-Fou (« l’histoire n’attend que vous »). Pour un couple de participants bénévoles : « nous sommes le livre d’histoire animé, avec ses bruits, ses odeurs, ses pleurs, ses sourires, faisant revivre ce que nos parents et grands parents ont vécus ». En 2018, les huit représentations ont eu 5.000 spectateurs.
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Une histoire de l’émancipation

S’agissant de la Poche, 75 ans après, nous sommes donc en présence d’une fabrique mémorielle, en « résilience » tardive d’un lourd traumatisme historique local. Mais pour le travail critique de l’histoire, les « empochés » malgré-eux de 1944-45 doivent s’ajouter aux « oubliés de l’histoire ». Pour les auteurs de « l’Histoire comme émancipation » (2019), nous vivons un moment critique : soit « le passé commun est complètement annexé au patrimoine de quelques-uns, butin de guerre personnel revêtu de la robe du consensus », comme au Puy-du-Fou ou dans le blockhaus de Batz-sur-mer ; soit, à l’inverse, « l’Histoire peut être un outil d’émancipation, d’autonomie et de résistance ». Mais elle doit pour cela passer « de l’histoire des souffrances à celle des luttes ».

Jean-Yves MARTIN
historien

Lien direct vers le texte initial complet
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19 juin 1940 :l’évasion du Jean-Bart

Le 10 mai 1940, lorsque les Allemands déclenchent leur offensive et enfoncent le front français, qui cède 16 mai, un cuirassé est en cours de construction à Saint-Nazaire, le Jean-Bart. Après être entrées dans Paris le 14 juin, les troupes allemandes reçoivent l’ordre de prendre au plus vite les grands ports de l’Atlantique, dont l’enjeu est stratégique. Le capitaine de vaisseau Pierre-Jean Ronarc’h (1), chargé de suivre les travaux d’achèvement du navire, comprend que la course contre la montre vient de s’engager. L’invasion allemande laisse peu de temps.

La décision de construire le Jean-Bart à Saint-Nazaire et son sistership Le Richelieu, à Brest a été prise en 1935 par le gouvernement français, pour répondre à la construction des croiseurs allemands Scharnhorst et Gneisenau, et des cuirassés italiens de type Littorio ; le Jean-Bart et le Richelieu ont été conçus pour marcher à 32 nœuds, pour 48 950 tonnes en charge. La commande a été confirmée et signée le 27 mai 1936 entre le Ministre de la Marine François Piétri et les deux principaux chantiers navals nazairiens: Penhoët et La Loire.

La construction du Jean-Bart était d’abord un défi technologique, c’est le plus puissant cuirassé jamais construit en France. Long de 247, 5 mètres pour une largeur de 37,5 mètres, il était armé de deux tourelles quadruples, soit 8 canons de 380 mm. Il est équipé d’une ceinture blindée d’une épaisseur de 330 mm. La réalisation de ce bâtiment nécessite la construction d’une grande forme de radoub. La forme Jean-Bart marque un tournant dans la construction navale. Jusque-là, il était exceptionnel de construire de gros navires horizontalement. Lorsqu’ils sont chargés de la construction du Jean-Bart, les Chantiers de la Loire font appel à Albert Caquot (2). Il conçoit un dispositif tout à fait nouveau; le navire sera construit sur un terre-plein, accolé à une forme de radoub.

Le 12 décembre 1936 a lieu la pose du premier rivet, pour une livraison prévue pour le 1er décembre 1939. L’échéance n’est pas respectée mais au moment de la déclaration de guerre, la marine nationale fait accélérer le mouvement. Le 6 mars 1940 a lieu la mise à flot, par remplissage de la forme-écluse. On prévoit alors que la sortie interviendra en octobre. L’enjeu est de taille: le concurrent allemand, le Tirpitz est en effet lui aussi en chantier.jean-bart.jpg

Quand faire des heures supplémentaires, c’est résister

Pour Ronarc’h, il faut bouleverser le calendrier et faire sortir le Jean-Bart, inachevé, au plus tôt afin de l’éloigner de la zone des combats sans attendre sa finition. Dès le 18 mai, la date de sortie du cuirassé est fixée au 20 juin, afin de bénéficier du fort coefficient d’équinoxe, à l’heure de la marée haute. A défaut, il faudrait attendre la prochaine marée de vive-eau. Quinze jours plus tard, ce serait trop tard.
Les travaux sont donc accélérés. Pour les ouvriers nazairiens, il est hors de question de laisser le cuirassé tomber entre les mains des Allemands. Pendant un mois, les 3 500 ouvriers des chantiers s’activent d’arrache pied, les équipes se relaient jour et nuit pour donner au navire l’équipement minimum qui lui permettra de quitter la fosse et de s’éloigner du port nazairien. Les transmissions du bord, les chaudières et les moteurs sont installés, les hélices sont fixées le 7 juin, les chaudières allumées le 14.
Mais il ne suffit pas d’équiper le bateau. Car de la forme de radoub, pour accéder à l’estuaire, il faut creuser dans les hauts fonds une tranchée de plusieurs centaines voire de 1 000 mètres de long et 70 mètres de large, suffisamment profonde, le tirant d’eau étant de 8,10 mètres. Opération délicate et qui prendra forcément du temps. C’est un travail de titan. Le chenal est dragué jour et nuit, avec le concours des Ponts et Chaussées de Nantes, le creusement est difficile et ne sera pas terminé avant le jour du départ, où le Jean Bart ne disposera que de 40 cm d’eau sous la quille.

La course contre la montre

Les nouvelles sont de jour en jour plus alarmantes, on suit l’avancée des troupes allemandes et l’évidence est là: l’ennemi se rapproche de l’Ouest. Les blindés de la Wehrmacht sont à Rennes le 18 juin. Le commandant de la Marine à Saint-Nazaire, l’Amiral Rioult, demande à Ronarc’h de se tenir prêt à appareiller. Le moment propice le plus proche est celui de la marée de 3 heures du matin. Pour le dragage, on devra se contenter d’une tranchée de 45 mètres de large. Or le Jean Bart mesure 248 mètres de long et 33 mètres de large. De nuit, sans compas, on imagine la difficulté de l’opération. Toute la journée c’est l’effervescence sur le navire et sur les quais. On embarque des vivres, les 375 marins et officiers sont consignés à bord et on prévient 159 civils, cadres et ouvriers des Chantiers qu’ils doivent se préparer au départ. Ils ont juste le temps de prévenir leur famille et donner quelques recommandations au cas où ils ne reviendraient pas: « Prend bien soin des enfants ». Bien que la discrétion soit recommandée, tout le monde sent bien que le départ est imminent.

Vers midi le bruit court que les Allemands sont déjà à Nantes. A 14h30, les veilleurs du navire dont la vue embrasse 20 km d’étendue, signalent une colonne motorisée sur la route entre Montoir et Saint-Nazaire. On se prépare à résister, tout en envisageant le pire: le sabordage du cuirassé. Ainsi des ouvriers reçoivent l’ordre de mettre les bouchées doubles pour terminer certaines installations, quand d’autres n’attendent qu’un ordre, celui de tout détruire. Pour retarder l’avance de la colonne allemande, on ordonne également de faire sauter le pont de Méan à l’entrée de la ville. Finalement, c’était une fausse alerte : la colonne motorisée est anglaise.
Les derniers préparatifs s’achèvent, le sas est ouvert, le chenal de sortie est balisé. Le navire se prépare à son autonomie et les ouvriers parent aux derniers problèmes qui surviennent, notamment électriques.

Peu avant minuit, le pont de Méan saute. A 2h30 Ronarc’h monte sur la passerelle pour diriger l’appareillage. Le meilleur pilote du port a été choisi pour l’assister, c’est Charles Lorec. Celui-ci se rebiffe lorsque Ronarc’h exige que le navire sorte sans aucun feu, sans aucune bouée lumineuse. Pour Lorec c’est l’échouage assuré. Implacable Ronarc’h réitère son ordre, ajoutant qu’il ne veut pas encourir le risque d’un bombardement sur St Nazaire et qu’il est certain qu’ils sortiront. Chef réputé strict, énergique, Ronarc’h était surnommé Le Robuste.

A 3h45, deux remorqueurs, l’Ursus et le Titan, se positionnent et commencent à haler le cuirassé hors de sa cale. Un troisième remorqueur, le Minotaure, s’attelle à la poupe. Une noria de petits remorqueurs se tiennent à distance, prêts à intervenir en cas de besoin. La manœuvre de sortie rencontre beaucoup de difficultés. De chaque côté du navire, le pilote ne dispose que d’une marge de 5 mètres. Bien peu pour un tel géant. La marée est haute et cependant, il n’y a, à certains endroits, que 20 à 40 cm d’eau sous la quille. Dans la nuit Lorec distingue mal les bouées blanches puisque celles-ci ne sont pas éclairées. A deux reprises, le Jean-Bart s’échoue et reste en travers du passage. Avec l’aide des remorqueurs on parvient, à 4h30, à le mettre à flot. Il descend l’estuaire en filant 4 nœuds.

Dix minutes plus tard, trois Heinkel de la Luftwaffe arrivent par tribord et bombardent le navire. L’une des bombes tombe au milieu du pont, mais – de faible puissance – ne cause que de légers dégâts matériels. Grâce à quelques pièces de DCA embarquées, le Jean-Bart repousse l’assaut. A 4h50, il largue ses remorqueurs et gagne la haute mer, escorté par 3 torpilleurs qui l’attendent à la sortie de l’estuaire: le Hardi, le Mameluck rejoints par L’Epée. Ronarc’h et Lorec se serrent longuement la main. Avant de monter à bord d’un remorqueur, Lorec demande :  » Vous allez faire le point, maintenant ? – Le point ? Mais nous n’avons pas de compas, mon vieux! ». En effet le compas gyroscopique avait bien été livré la veille, mais le temps avait manqué pour l’installer. Il ne sera utilisable qu’au matin du 22 juin, au large du Portugal.

Il était temps puisque le 17 juin, les Allemands étaient déjà à Rennes, le 18 à Brest et le 19 – jour de l’évasion du Jean-Bart, ils sont à Nantes puis à Saint-Nazaire, déclarée ville ouverte où le maire François Blancho appelle la population « au calme » et où dans la nuit, les Allemands bombardent la ville, éventrant des maisons, détruisant des groupes d’habitations. Au total une dizaine d’immeubles sont détruits, il y a 12 morts, 20 blessés. Le lendemain, le 20, les Allemands détruisent à la mitrailleuse deux hydravions sortis de la SNCAO et qui s’apprêtaient à prendre l’air. Le 21, les troupes entrent dans la ville. Lorsque le capitaine de corvette von Tirpitz, chargé des chantiers de la zone occupée viendra sur le site, accompagné d’officiers et d’ingénieurs de la Kriegsmarine, il reconnaîtra qu’ils ont été très impressionnés non seulement par l’évasion, à leur barbe, du Jean-Bart mais aussi par la conception de la forme Jean-Bart.

Le 18 juin au matin,(3) Ronarc’h a reçu l’ordre de rallier Casablanca et non plus la Clyde, en Ecosse comme prévu initialement. Le Jean-Bart arrivera à destination trois jours plus tard. La traversée est marquée par de nombreux incidents techniques. Au début, les machines ne donnent qu’une faible puissance. Tous ces incidents seront surmontés. Les ouvriers embarqués seront rapatriés à Saint-Nazaire quelques mois plus tard.

A Casablanca, la suite est moins glorieuse puisque le Jean Bart s’oppose au débarquement américain en novembre 1942 et est bombardé, en réplique, par les appareils du porte-avions Ranger, puis par le cuirassé Massachussetts qui le mettront hors de combat. Il ne regagnera la France que le 25 août 1945 pour être enfin achevé à Brest jusqu’en 1950. Le sujet dépasse le cadre de notre article : était-il possible, les hostilités prenant fin dans la métropole, de continuer la lutte en terre française, dans l’Empire et plus particulièrement en Afrique du Nord ? Pour le général de Gaulle : oui ! Pour Weygand : non !

L’évasion spectaculaire du Jean Bart restera dans les annales de la marine française et surtout comme l’une des plus incroyables pages de l’histoire des chantiers de Saint-Nazaire.

Témoignage d’Albert LE PERRON(4) (né en 1923), « Donc la déclaration de guerre est venue au mois de septembre 1939 et j’étais aux chantiers, je sortais d’apprentissage et je commençais à travailler comme compagnon. L’offensive allemande a commencé, les avions allemands sont venus, ils ont bombardé un mois avant de rentrer dans Saint-Nazaire. Nous travaillions à cette époque-là sur le fameux cuirassé Jean-Bart et sur le plus grand pétrolier du monde, le Q 19. On travaillait assez vite pour essayer de les finir. Un beau matin, on nous a dit : le Jean Bart va quitter la forme et tenter de partir. Le lendemain, non seulement le Jean-Bart mais aussi le pétrolier avaient quitté leur cale. Le premier avait réussi à quitter la base de Saint-Nazaire malgré quelques bombardements mais le pétrolier n’avait pu rester qu’en rade ayant perdu son gouvernail; il est donc resté échoué à Paimboeuf pendant toute la guerre. Donc St Nazaire commençait à être bombardée par les Allemands. Je crois qu’il y a eu un bombardement la veille de leur entrée à St Nazaire. On s’attendait à l’entrée imminente des troupes allemandes, quand tout d’un coup, venant de la vieille gare, ont vit des motos et des jeeps allemandes se mettre à tourner autour de la place Marceau et partir dans les rues de Saint-Nazaire. Alors, la plupart des gens rentraient dans les maisons. Mais du jour où l’occupation allemande s’est produite, on peut dire que les chantiers ont appliqué ce qu’on peut appeler une force d’inertie, on travaillait très peu, faisant la plupart du temps acte de présence: c’était la vie des chantiers en ralenti parce qu’en réalité on a retapé quelques vieux rafiots. En construction neuve, il y a bien eu deux escorteurs faits, mais ils n’ont jamais été terminés. Alors si de 39 à 45, il n’ y a eu que deux escorteurs non terminés, ça veut dire que sur un chantier aussi important, il y avait comme une résistance latente à l’Occupation.

Notes
1 – Ronarc’h (1892-1960) est nommé contre-Amiral en 1941 à Casablanca. Il commande la Marine française au Maroc en 1942 et 43. Il est promu vice-Amiral en 1944 et a sous ses ordres les Forces Françaises en Méditerranée. Il est nommé commandant de la Marine française en Algérie, en 1947
2 -Albert Caquot (1881-1976), ingénieur en génie civil aux innombrables inventions, est un bâtisseur hors pair. Il est l’un des artisans du développement du béton armé. On lui doit dans notre région le pont Maudit (entre l’île Feydeau et l’île Gloriette, avant le comblement des bras de la Loire), le pont de la Madeleine à Nantes, le barrage d’Arzal etc.
3 – Le 17 juin, Pétain a été nommé Président du Conseil, en remplacement de Paul Reynaud et annonce immédiatement sa demande d’armistice.
4 – Entretien avec le sociologue Jean Péneff, Autobiographies de militants CGTU-CGT, 1979, Cahiers du LERSCO – Université de Nantes

Bibliographie
Pierre-Jean Ronarc’h L’évasion du cuirassé Jean Bart, Flammarion, 1951
AREMORS, Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier tome 3 1939-1945, Edition Aremors, 1986

L’opération Chariot, le plus grand de tous les raids

Le contexte de la guerre au début de 1942

Depuis le début de la guerre en 1939, la bataille de l’Atlantique mobilise de nombreuses unités navales dans l’Atlantique Nord. Les U-Boote coulent les navires de commerce plus vite qu’ils ne peuvent être remplacés. A cette menace s’ajoute celle des navires de surface. En 1941, le cuirassé Bismarck avait semé la terreur. Les Alliés étaient parvenus à le couler avant qu’il ne rejoigne Brest. Mais il avait un jumeau, le cuirassé Tirpitz, un monstre de 50 000 tonnes, embusqué en Norvège depuis le 12 janvier 1941, sur l’ordre de Hitler. Les Alliés redoutent qu’il soit envoyé dans l’Atlantique, fasse la chasse à leurs convois maritimes et dans la guerre logistique menace le ravitaillement de la Grande-Bretagne. Selon Winston Churchill: « Toute la stratégie de la guerre tourne à cette époque autour de ce bateau. »
Mais le Tirpitz a un point faible: son gigantisme. Dans ce contexte, le port de Saint-Nazaire revêt une importance stratégique. La forme Joubert (1), construite pour accueillir le Normandie, est sur la façade Atlantique, la seule cale-sèche qui puisse accueillir le Tirpitz pour réparation, en cas d’avarie. W. Churchill pense qu’en neutralisant la forme Joubert, la Kriegsmarine ne prendra pas le risque d’envoyer le Tirpitz dans l’Atlantique.
En août 1941, une première étude avait jugé inexécutable une opération contre St Nazaire, mais en février 1942, W. Churchill confie une mission à Lord Mountbatten avec pour objectif la neutralisation de la forme Joubert.

Mission impossible ?

L’opération est baptisée du nom de code « Opération Chariot ». Le port de Saint-Nazaire est, avec Brest, la base navale la mieux gardée et la mieux défendue de la côte Atlantique. L’opération est délicate. Les Anglais sont parfaitement renseignés: ils savent que 6 000 soldats du Reich sont basés à Saint-Nazaire et que l’estuaire de la Loire est protégé par des défenses formidables, par une très forte artillerie, 100 canons, une quantité de projecteurs de recherche etc. Le plan consiste en une attaque surprise. La date est choisie pour combiner une pleine lune et une marée montante.
Une flottille de vedettes doit franchir de nuit et à vive allure l’estuaire de la Loire pendant que les défenses allemandes seront distraites par un raid aérien mené par la Royal Air Force.
Un bateau bourré d’explosifs à retardement sera précipité à vitesse maximale sur la porte de la forme écluse Joubert et des équipes de commandos débarqueront de ce navire ainsi que des vedettes pour attaquer et détruire dans le port 24 cibles différentes.
Les forces seront ensuite évacuées par la mer à partir du Vieux Môle, à l’extrémité du port et quelques heures plus tard, le destroyer HMS Campbeltown, dirigé droit contre l’écluse, explosera.
La flotte comprend le destroyer Campbeltown, 12 ML (Motor Launches, chaloupes à moteur), 4 MTB (Motor Torpedo Boat, vedettes rapides lance-torpilles),1 MGB 314 canonnière en bois, équipée d’un radar et d’une sonde sonore et une vedette lance-torpilles (MTB 74). Elle est escortée par 2 destroyers le HMS Tynedale et le HMS Altherstone, jusqu’au large de St Nazaire, mais ceux-ci ne participent pas à l’attaque. Les vedettes sont des bateaux en bois non blindés de 34 mètres.
Le navire-suicide est un ancien destroyer américain de la guerre 14-18, le Buchanan, cédé aux Anglais à l’automne 1940, rebaptisé HMS Campbeltown auquel des modifications ont été apportées à Devonport (un lifting de 9 jours) afin qu’il ressemble à un destroyer allemand. Un blindage supplémentaire est installé afin de protéger la passerelle. Il est cependant allégé au maximum pour éviter l’échouage sur les bancs de sable. Il doit servir de bélier pour enfoncer la porte de la forme Joubert.
L’explosif est placé à l’avant du navire et se compose de 24 grenades sous-marines – soit 4 tonnes d’explosifs ! – placées dans des réservoirs d’acier et de béton.
Le Campbeltown est commandé par le Lieutenant-commander S.H. Beattie et son équipage est réduit à 75 hommes. Au total, 345 marins et 266 commandos sont engagés dans l’Opération. Le lieutenant-colonel Newman commande l’opération terrestre avec 256 hommes et officiers tandis que le capitaine de frégate Ryder est responsable des forces navales.
Pendant plusieurs semaines, les commandos suivent un entraînement intensif de jour et de nuit. Ils disposent de photographies aériennes prises par la RAF et de maquettes très précises du port et des docks, fruits d’une liaison avec les réseaux de la Résistance. Les équipes chargées des démolitions bénéficient d’un entraînement spécifique dans les ports de Cardiff et Southampton. A la mi-mars, tous s’entraînent à Falmouth à la navigation par mer houleuse, au débarquement nocturne etc. Ils s’ingénient également à mettre d’éventuels espions allemands sur de fausses pistes, parlent d’expédition au-delà de Suez, exposent en évidence sur les quais des caisses de lunettes de soleil, shorts, crème solaire etc.

L’expédition vogue vers Saint-Nazaire

L’expédition appareille dans l’après-midi du 26 mars, faisant route pour tromper l’ennemi, vers le golfe de Gascogne et La Rochelle, avant de bifurquer pour se présenter au sud de l’estuaire au soir du 27 mars. Sur le pont les commandos portent des tricots ou duffle-coats comme des touristes. En route, au large d’Ouessant, les veilleurs du Tynedale aperçoivent un sous-marin en surface. Ils ouvrent le feu et pensent l’avoir coulé. A tort puisque l’U-593 signale la présence de navires britanniques. La flottille croise également deux chalutiers français. Après embarcation de leurs équipages, ils sont coulés. A 17h, Ryder est informé de la présence de quatre torpilleurs allemands sortant de la Loire (suite au message de l’U-593). Mais ils sont plus au sud et évitent ces torpilleurs allemands. Le stratagème a ainsi réussi à tromper l’ennemi jusqu’a l’approche de l’estuaire. A 20h, ils se mettent en position et prennent la direction de Saint-Nazaire. A 22h, le sous-marin britannique Sturgeon placé en jalon au point Z devant l’entrée de la Loire, est en vue. Le Tynedale et l’Altherstone se séparent de la formation et vont patrouiller vers Belle-Ile, tandis que le reste de l’expédition, battant pavillon allemand et arborant la croix gammée poursuit sa route vers Saint-Nazaire. A présent tout repose sur le lieutenant A.R. Green qui ouvre la marche. Après la guerre les pilotes de la Loire ont dit que la conduite du Campbeltown à travers les hauts fonds était « sans précédent dans l’histoire du port. » A 23h, les charges explosives sont amorcées. A 23h30, la Royal Air Force commence à effectuer un bombardement au-dessus du port, pour faire diversion, mais la visibilité est mauvaise, seules deux bombes sont larguées et les avions rentrent vers leur base, de crainte de tuer des civils français. Incroyable: l’aviation n’a pas été informée de l’opération Chariot ! Au passage, tous feux éteints, des navires anglais, des projecteurs s’allument. En morse, un soldat allemand demande le mot de passe. Le chef timonier répond « Attendez », grappille ainsi quelques secondes puis, tentant le bluff, passe l’indicatif connu d’un destroyer allemand et poursuit par un long message « Urgent – deux bâtiments avariées au cours d’un engagement ennemi, demande à entrer immédiatement dans le port » et il ajoute « J’ai encore autre chose à vous transmettre ». Mais quelqu’un ouvre le feu. Calmement, Pike envoie un nouveau message: « Je suis ami. Il y a méprise ». Le bluff fonctionne : le feu cesse. Puis reprend, alors sur le Campbeltown on descend la croix gammée, il est 1h27, le pavillon britannique est hissé, ce qui déclenche le tir des batteries ennemies. Le déluge de feu commence.
A 1h34, le Campbeltown s’encastre à une vitesse de 19 nœuds dans la porte de la forme Joubert – avec 4 minutes de retard sur l’horaire prévu. A bord, beaucoup d’hommes sont blessés. L’équipage débarque par les échelles télescopiques et rejoint les groupes terrestres qui viennent de débarquer des vedettes, la station de pompage est détruite ainsi que les treuils servant à l’ouverture de la porte. Les commandos investissent le port et détruisent les infrastructures portuaires désignées comme cibles. Ils ont pour mission de démolir 4 ponts, 6 centrales électriques, 8 portes d’écluses et 13 canons.
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Le rembarquement, prévu à partir du Vieux Môle n’est pas possible car plus de la moitié des vedettes en bois ont été détruites sous le déluge de feu allemand et le Vieux Môle est resté aux mains des Allemands. Le MTB 74 rembarque les survivants du Campbeltown et cherche à gagner la haute mer, mais touché par l’artillerie allemande, il doit être abandonné. Conscient que tout rembarquement est impossible, Newman rassemble les survivants et ils prennent la décision de se séparer en petits groupes et rejoindre l’arrière-pays, dans l’espoir de pouvoir ultérieurement regagner l’Angleterre. Les commandos dispersés dans la ville sont faits prisonniers ou sont abattus. Seuls cinq échapperont à la captivité. En mer, quatre vedettes pleines, avec 222 rescapés réussissent à rejoindre le point de rendez-vous avec les destroyers Altherstone et Tynedale et quatre autres vedettes regagnent l’Angleterre par leurs propres moyens. Sur le chemin du retour, le ML 306 est intercepté par le torpilleur allemand Jaguar. L’équipage refuse de se rendre et résiste héroïquement, mais après une heure de rude combat et de lourdes pertes, l’équipage est contraint de se rendre.
Le 28 mars à 10h, les combats prennent fin. 215 marins et commandos ont été capturés, 169 sont morts. Du côté allemand, les pertes s’élèvent à 42 tués et 127 blessés.
Et le Campbeltown dans tout cela ? A 10h30, les explosifs à bord du destroyer explosent, la porte de la forme est anéantie. L’eau s’engouffre dans le bassin faisant chavirer deux pétroliers en réparation qui s’y trouvaient. L’explosion pulvérise une quarantaine d’officiers supérieurs allemands venus en inspection ainsi que de nombreux soldats allemands – 400 – venus en curieux, appareils photos en main. C’est une énorme déflagration qui secoue la ville. Les vitres volent en éclat. On retrouve des débris humains dans un rayon de deux kilomètres et les dockers consacreront plusieurs jours au déblaiement.
Le lendemain, 29 mars, les deux torpilles à retardement lancées par le MTB 74 explosent, endommageant sérieusement l’écluse de l’ancienne entrée et semant la panique parmi les troupes allemandes qui font feu sur des ouvriers français et des ouvriers de l’organisation Todt dont les uniformes sont de la même couleur kaki que les commandos britanniques : 16 seront tués, une trentaine seront blessés. A la tombée de la nuit, la panique s’accentue. Les Allemands croyant voir des commandos partout, tirent les uns sur les autres. Bilan: 300 à 400 tués.

Objectif atteint

La porte de la forme Joubert est définitivement détruite. Inutilisable, elle ne sera pas réparée avant la fin de la guerre, la cale est hors d’usage, le Tirpitz ne pourra pas venir à Saint-Nazaire, confiné à jamais dans sa tanière norvégienne. Les docks sont très fortement démolis ou endommagés. La bataille de l’Atlantique s’en trouve transformée.
Sur 611 soldats anglais, 169 sont tués, la moitié d’entre eux lors de la destruction de leurs vedettes dans l’estuaire au moment de l’évacuation des commandos, beaucoup sont blessés, 251 sont faits prisonniers, surtout après le ratissage de la ville par les Allemands, 5 ont pu rentrer via Gibraltar. Au total 227 hommes ont réussi à revenir au Royaume Uni. A l’évidence, le bilan sur le plan humain est bien différent de celui de l’attaque des îles Lofoten en avril 1941 où les Britanniques n’ont enregistré qu’un seul blessé. Lors de l’enterrement au cimetière de La Baule, le lundi 30, les Allemands formèrent une haie d’honneur.
Ces hommes ne sont pour la plupart pas des militaires de carrière, ce sont des volontaires, ils se sont engagés en sachant qu’ils avaient peu de chance de revenir, par patriotisme et pour combattre le nazisme. Lord Mountbatten leur avait fait dire qu’il n’avait pas beaucoup d’espoir de les faire revenir.

Le renard n’aime pas le raisin

Le 27 mars, de nombreux Nazairiens avaient écouté, fenêtres fermées, l’émission de la BBC « Les Français parlent aux Français ». Chaque soir des messages personnels sont diffusés et ce 27 mars l’un d’eux semble bien anodin: « Le renard n’aime pas le raisin ». Ils sont bien loin de se douter qu’ils viennent d’entendre le message codé d’un fait d’armes au retentissement international, véritable épopée qui va susciter un immense espoir en cette nouvelle année noire. Les Nazairiens, habitués aux alertes, ont vite compris que « ce n’était pas comme d’habitude ». Mais habituellement il y a une sirène de fin d’alerte. Pas là. Le vacarme continue toute la nuit avec des tirs de canons et de mitrailleuses. La confusion est totale. Des habitants sont expulsés et conduits au camp de prisonniers de Savenay. Mais quand ils apprennent ce qui s’est passé, les Nazairiens, qui ont beaucoup souffert, accueillent avec joie cet audacieux coup de main, ils comprennent que la puissance nazie n’est pas invincible, ils sont contents et reprennent espoir.
Le plan a bénéficié de la coopération de résistants français, notamment grâce aux renseignements collectés par le réseau Notre-Dame du colonel Rémy et transmis à Londres par ondes radio. Mais le message de la BBC, à qui était-il destiné ? Toujours est-il que le jeune Jules Busson (2), fut arrêté après le débarquement du commando anglais et emprisonné quelques jours, avec les habitants de son quartier, au camp de Savenay. Certains Nazairiens ont-ils participé aux combats ? Selon le plan initial, le groupe du capitaine Birney qui devait débarquer le premier au Vieux Môle « aurait affaire à des Français dans cette zone et bénéficierait de l’aide de membres des Forces Françaises libres, connus sous le nom de « French faces », et formerait alors une tête de pont autour du Vieux Môle, par laquelle les autres forces se retireraient pour le rembarquement. » (3)
Les commandos ont réalisé ce qui reste comme l’un des plus grands raids de l’Histoire, l’une des plus audacieuses opérations de la seconde guerre mondiale.
Selon Churchill, l’opération Chariot, qui a ébranlé le moral de l’armée allemande et remonté celui des Français dès 1942, aurait permis de gagner six mois de guerre. »Je ne connais pas, dans toutes les annales militaires et navales, d’autres cas où des dommages aussi importants furent infligés à l’adversaire aussi rapidement et en engageant des moyens aussi faibles. » écrira Lord Mountbatten en 1945. A la suite du raid, Hitler dépêche le Generalfeldmarschal von Rundstedt, commandant des forces allemandes en Europe occidentale. Trois jours plus tard, c’est le général Jodl, directeur des Opérations auprès du commandement suprême de toutes les formes armées qui descend à St Nazaire. Un blâme sera infligé aux défenseurs du port. Hitler décide de prélever des troupes sur le front russe pour renforcer son front Ouest.
Le souvenir de cette opération que les Anglais nomment « the greatest raid of all » (le plus grand de tous les raids) a inspiré des documentaires, des livres, des bandes dessinées, des jeux vidéo. Et contrairement à l’affaire du Lancastria, celle-ci n’a pas été classée Secret défense. Chaque année, le 28 mars, une cérémonie en rappelle l’Histoire au Vieux Môle où se trouve désormais la stèle du souvenir. En raison de la pandémie de Covid-19 elle n’a pas pu avoir lieu cette année.

Bibliographie
AREMORS, Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier 1939-45, Edition Aremors, 1986
OURY Louis, Commandos sur l’estuaire, roman, Messidor, 1987
STASI Jean-Charles, 28 mars 1942 Chariot, le plus grand raid commando de la seconde Guerre mondiale, éditions Heimdal
CHEMEREAU Hubert, Opération Chariot, tournant de la Bataille de l’Atlantique, revue Ar Men, mars 2012
BARR SMITH Robert The Greatest Raid of All , 2003
* Michel Mahé, l’un des auteurs d’Aremors a publié un article sur la rencontre entre l’un des raiders Bill Watson et des élèves du Lycée Aristide Briand, en 2007- disponible sur www.marineenboisdubrivet.fr
Notes
1-La forme Joubert est un énorme bassin de 349 mètres sur 50. L’accès repose sur des portes si massives, épaisses de 11 mètres qu’on les appelle des « caissons », elles font (52 mètres de long et 16 m de haut et se déplacent sur d’énormes roulettes.
2- Voir le témoignage de Jules Busson « De Saint-Nazaire à Buchenwald » Témoignage de Jules BUSSON
3- selon D. Masson dans son livre Le raid sur Saint-Nazaire.