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Calendrier des commémorations 2025

82e anniversaire des « procès » des 42 et des 16
Samedi 25 janvier à 11h00 au terrain du Bêle à Nantes
Samedi 25 janvier à 14h30 à Sainte-Luce-sur-Loire : hommage à Jean et Renée Losq
Dimanche 26 janvier à 11h00 à La Chapelle-Basse-Mer (Divatte-sur-Loire) : hommage aux
Républicains espagnols
Dimanche 23 février à 10h30 à Rezé : hommage aux fusillés rezéens
Hommage aux syndicalistes résistants
Jeudi 6 février à 12h00 devant les plaques mémorielles à la Maison des syndicats à Nantes :
83e anniversaire de l’exécution de Pierre Semard
Vendredi 7 mars à 11h00 à la gare SNCF de Nantes
80e anniversaire de la libération du camp de Buchenwald
Vendredi 11 avril à 17h00 au cimetière de la Chauvinière
Journée nationale de la Déportation
Dimanche 27 avril à Nantes, Rezé, Sainte-Luce-sur-Loire
Journée nationale de la Résistance
Mardi 27 mai à Nantes, Châteaubriant, Indre, Saint-Nazaire, Trignac
Hommage à Jean de Neyman
Samedi 30 août à 16h00 (à confirmer) à Saint-Nazaire
84e anniversaire de l’exécution des 50 Otages
Dimanche 12 octobre à 9h45 à Indre : hommage à Eugène et Léoncie Kérivel
Vendredi 17 octobre à 18h45 à Nantes : Veillée du Souvenir au Monument aux 50 Otages
Samedi 18 octobre à 14h30 à Châteaubriant : cérémonies à la stèle de Choisel et au château
Dimanche 19 octobre
La Blisière à 10h00 : hommage aux 9 fusillés du 15 décembre 1941
La Sablière à 13h30 : hommage aux 27 fusillés
Mercredi 22 octobre à 10h00 à Nantes : cérémonies officielles au Monument aux 50 Otages,
au terrain du Bêle et au cimetière de la Chauvinière

Du débarquement en Normandie à la libération de la Loire-Inférieure par Didier GUYVATC’H*

Ancenis libérée le 5 août 1944, Nantes le 12 août 1944, Saint-Nazaire et Pornic le 11 mai 1945…

Le mot Libération s’est imposé dans les grands repères mémoriaux français. L’hésitation sur la date confirme son statut de lieu de mémoire. De la Libération, on retient des images : jeunes filles souriant aux Américains, juchées sur un tank, objet éminemment symbolique, jeunes hommes ayant peint sur leurs tractions Citroën leur appartenance aux héros du jour, les FFI.  Mais l’image peut se ternir avec les femmes tondues, réputées « collaboratrices horizontales ».

Relent d’un temps où les Français ne s’aimaient pas, la Libération est un révélateur des clivages nés de la guerre, et aussi des espoirs mûris dans la clandestinité. La revendication du droit aux jours heureux est le produit de l’expérience de ces Français qui ont été prisonniers, évacués, réfugiés, déportés, sinistrés, « empochés ». Ces longues années d’épreuves, de sang, de larmes, parfois d’inhumanité, fondent les aspirations à changer la vie.

La Libération est un épisode de l’histoire de la France et de ses Alliés, elle est aussi et surtout ce moment particulier où le « faire nation » à la française s’interroge sur sa régénération.

L’horizon d’attente des Français se construit autour de l’idée de débarquement mise en œuvre par les Anglo-américains le 8 novembre 1942 en Afrique du Nord. Deux fois par jour, Radio Londres émet Les Français parlent aux Français et permet de suivre l’évolution des fronts. Mais cette guerre des ondes – attestée par la rengaine Radio Paris ment, Radio Paris est allemand– se retourne partiellement contre l’émetteur et l’auditoire qui par la force de la répétition sont convaincus de l’imminence d’un débarquement en Europe. Observant l’état de l’opinion publique, le commissaire des Renseignements généraux de Nantes estime le 29 juin 1943 que « beaucoup dans cette région craignent une attaque des côtes atlantiques » ; trois mois plus tard, il réitère son jugement : « Quant au débarquement sur les côtes françaises, qui il y a deux mois paraissait être sorti des préoccupations de l’opinion publique, il est de nouveau envisagé avec de plus en plus d’acuité ». Cette versatilité apparente de l’opinion traduit son anxiété et la lecture difficile de situations contradictoires : redouter ou espérer le débarquement ? Le doute et l’incertitude incitent à l’attentisme.

L’idée de « régénération », dans ses références à la première année révolutionnaire de 1789, peut être utilisée pour approfondir le sens de l’engagement, l’émergence de propositions pour l’avenir. Ainsi, le 15 mars 1944, le programme du CNR est publié. Ce texte fondateur revendique un rôle matriciel pour le futur régime politique français. Cinq années de violences, de prises de risques seraient-elles les fondements de l’État-providence ?

La régénération du Parti communiste à partir de 1941 lui permet de sortir de l’isolement. L’attaque allemande de juin 1941 sur l’URSS change le programme du Parti : il abandonne l’idée de guerre impérialiste, prend un tournant plus patriotique, ce qui contribue au rapprochement des communistes avec le chef de la France Libre. Quelques jours après l’exécution des 50 Otages, De Gaulle s’adresse, sans les nommer, aux militants communistes, « ces Français, écartés de la Nation par l’injustice qui les révoltait et l’erreur qui les dévoyait » ; il leur propose d’utiliser cette occasion pour « rentrer dans l’unité nationale ». L’historien Pierre Nora évoque « ce moment de gaullo-communisme ».

Les FTP pratiquent, malgré les réticences du Parti et de l’Internationale, l’attentat individuel. L’année 1942 est de ce point de vue la plus intense en Loire-Inférieure : 83 attentats commis contre des lieux ou des personnes, trois exécutions de militaires allemands, trois exécutions de collaborateurs. L’année 1943 est plus calme, tout comme 1944. L’explication tient à l’ampleur des pertes subies par les jeunes résistants communistes nantais face à la milice de Darnand et à la police allemande.

Les Nantais, informés par la TSF et les journaux collabos, surveillés par la police des RG, vivent une tension contradictoire. Ils espèrent un débarquement sur les côtes normandes ou bretonnes, mais redoutent « l’anéantissement pur et simple de tout ce qui se trouve devant eux ».

Le 13 janvier 1943, Hitler proclame la « guerre totale ». La Loire-Inférieure subit déjà la prédation allemande comme les autres territoires occupés. Le pillage n’est pas estimé suffisant et le Service du Travail Obligatoire est créé. En Loire-Inférieure les réfractaires se regroupent dès janvier 1943 à Bouvron, Blain, Campbon. Le chef du groupe du maquis de Bouvron est l’abbé Henri Ploquin, vicaire. Les jeunes qui cherchent soit à « se planquer », soit à se battre, sont formés par les aînés. En mai 1944, ils mènent des expéditions contre les collaborateurs, des sabotages. Dans ses Souvenirs, l’abbé Ploquin note : « Et voici le débarquement allié dans le Calvados le 6 juin 1944. Nous attendions des ordres de mission que nous ne recevons pas. » La Libération de la France est entamée, les Alliés ont débarqué en Normandie, selon De Gaulle « la bataille suprême est engagée ». Ceux du maquis de Bouvron gagnent Saffré. Le 28 juin 1944, ils sont attaqués par les Allemands ; le rapport de force est très inégal : « 300 maquisards, mal armés, désorganisés, ne connaissant pas le responsable du maquis, s’affrontent à 2500 Allemands ». 35 sont arrêtés, transférés à la prison La Fayette à Nantes, jugés, 30 sont condamnés à mort, 27 fusillés à La Bouvardière. La condamnation à mort de l’abbé Ploquin est commuée en travaux forcés à perpétuité. Déporté, il est libéré en avril 1945.

Après Le jour le plus long, la plupart des soldats américains font route au plus vite vers le Rhin et le Reich.   Cependant, après la percée d’Avranches, l’armée du général Patton se dirige vers l’ouest et libère les villes bretonnes, sauf Lorient et Saint-Nazaire : de part et d’autre de l’estuaire, jusqu’à La Roche-Bernard, jusqu’à Pornic se constitue une zone de résistance allemande pour empêcher les Alliés

d’utiliser le port : près de 130 000 civils sont « empochés ».

Nantes est libérée dans le calme par les Américains le 12 août avec l’aide des FFI : les Allemands avaient quitté la ville. L’accueil réservé aux GI aurait été moins chaleureux que celui reçu par les Sammies en 1917. On peut penser que les Forteresses volantes américaines qui ont lâché près d’un millier de bombes les 16 et 23 septembre 1943, détruisant le centre-ville de Nantes et tuant 1500 Nantais, ont marqué durablement l’opinion.

La reddition de la poche de Saint-Nazaire a lieu le 8 mai 1945, jour de la capitulation de l’Allemagne nazie. La signature se déroule à l’hippodrome de Bouvron le 11.

© DR – Bouvron, 11 mai 1945 Le photographe américain met en scène la reddition des troupes allemandes.

Il y a plusieurs façons de sortir de guerre.

Uniformes, gants blancs, serrements de mains… : le 11 mai 1945, la capitulation prend l’allure d’un rituel très ancien.

Auguste Pageot, maire de Nantes de 1935 à 1940, a exprimé, lui, dès le 13 août 1944, son agacement et sa frustration devant « cette amazone lyonnaise qui apporte les ukases d’Alger » : Lucie Aubrac participait à l’installation à Nantes du CDL.

L’évêque Villepelet rappelle à son clergé le 23 septembre 1944 : « Il n’y a plus à tenir compte de l’obligation imposée depuis 1942 aux paroisses de ne plus délivrer des actes de baptêmes antérieurs à 1900 ».

*Didier Guyvarc’h est Maitre de conférences honoraire d’histoire contemporaine à l’Université de Rennes 2 Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de Nantes, de la Bretagne et notamment de plusieurs notices du Dictionnaire de Nantes, PUR également publiées sur le site Nantes Patrimonia. Il est le co-auteur de En vie, En joue, Enjeux – Les 50 Otages, éditions du CHT

Après Overlord à l‘ouest,                                         22 juin 1944 l’opération Bagration à l’Est

par Julie Blondel*

Au cours du mois de juin 1944, l’Allemagne fait face à une vaste offensive alliée coordonnée à l’Ouest, avec le débarquement en Normandie le 6 juin 1944 (opération Overlord), et à l’Est, avec la percée soviétique lors de l’opération Bagration le 22 juin 1944. Avec ces deux opérations décidées lors de la conférence de Téhéran (1943), les Alliés mobilisent près de cinq millions de soldats pour prendre l’Allemagne en étau et accélérer la libération de l’Europe.

Tolstoï écrivait dans Guerre et Paix (tome 1, chapitre XVII) « Le prince Bagration atteignit le point culminant de notre aile droite et redescendit vers la plaine, où continuait le bruit de la fusillade et où l’action se dérobait derrière l’épaisse fumée qui l’enveloppait, lui et sa suite. Ils ne voyaient rien encore distinctement, mais à chaque pas en avant ils sentaient de plus en plus vivement que la vraie bataille était proche. » Cet épisode s’est soldé par la déroute des forces napoléoniennes (1812) face aux troupes du tsar, Alexandre Ier de Russie.  Staline, en faisant le choix du nom de Bagration pour la dernière grande offensive de la guerre, rappelle ses propres origines géorgiennes et salue la force de l’armée russe devenue soviétique.

Trois ans jour pour jour après l’opération allemande Barbarossa, Staline tient sa revanche. Cette offensive soviétique s’inscrit dans un triptyque gagnant pour l’armée rouge. La bataille de Stalingrad, qui a vu l’armée allemande du général Paulus capituler le 2 février 1943, est un tournant psychologique, la Wehrmacht n’est pas invincible. La Bataille de Koursk en juillet 1943 est un tournant stratégique, les Allemands passent définitivement sur un mode défensif. Et enfin, l’opération Bagration, tournant militaire, sonne la première vraie victoire soviétique, l’armée allemande ne pourra plus compenser ses pertes.

Avant l’offensive, les services secrets de Staline ont astucieusement manipulé le renseignement allemand : certain que la prochaine grande offensive soviétique aurait lieu au Sud, Hitler avait dégarni le front du groupe d’armées « Centre » en transférant le gros de ses blindés vers l’Ukraine, au Sud.

L’opération Bagration, supervisée par le maréchal Joukov, a pour objectif de détruire le groupe d’armées Centre de la Wehrmacht, commandé par le maréchal Ernst Busch, stationnée en Biélorussie. Les Soviétiques déploient ainsi une force considérable : 2,3 millions d’hommes contre 800 000 du côté ennemi, 4 000 blindés contre 500, 6 500 avions contre 800 et 24 000 canons contre 8 500.L’Armée rouge avance sur plus de 1 000 kilomètres, développant quatre fronts simultanés.

Le groupe d’armées Centre est très rapidement submergé. Dès le 26 juin 1944, Vitebsk est encerclée et, le 3 juillet suivant, Minsk est prise par les troupes soviétiques. En trois semaines, 28 divisions allemandes sont mises hors de combat, 31 des 47 généraux de division ou du corps d’armée du groupe Centre sont tués ou faits prisonniers. Et le 17 juillet 1944, Staline organise à Moscou un défilé de 57 000 prisonniers de guerre allemands. 

Ernst Busch est alors remplacé par Walter Model, surnommé le « pompier d’Hitler », qui parvient à ralentir l’avancée soviétique. Mais en faisant monter des divisions de Panzer sur le territoire biélorusse, il dégarnit le front Sud et permet à la Stavka , l’état-major de l’Armée rouge, de lancer le 13 juillet l’opération Lvov-Sandomir et l’opération Kovel-Lublin quatre jours plus tard.

Le 24 juillet 1944, les Soviétiques occupent Lublin, en Pologne. Le 1er août, Sandomir tombe à son tour. Staline souhaite faire de Lublin le siège du gouvernement polonais pro-soviétique pour la Pologne libérée. Pourtant, lorsque Varsovie se soulève le 1er août à l’approche de ses chars, Staline fait stopper Bagrationdans les faubourgs même de la capitale polonaise. En effet, il ne souhaite pas tant libérer la Pologne que se débarrasser de la résistance indépendantiste par le biais des Allemands. Malgré 63 jours de combats dans Varsovie, pas un seul obus ne sort du canon des chars soviétiques, stationnés de l’autre côté du fleuve, et l’insurrection est écrasée par les Allemands.

La Wehrmacht reprend donc la capitale polonaise mais cette petite victoire ne changera pas le cours de la guerre et la défaite allemande se rapproche.

À la mi-août, l’Armée rouge atteint les bords de la Vistule et la Biélorussie est totalement libérée.

Achevée le 19 août 1944, après deux mois d’intenses combats, l’opération Bagration constitue un très grand succès pour l’Armée rouge : elle a progressé de plus de 600 kilomètres, parvenant presque à libérer le territoire de l’URSS antérieur à l’invasion allemande de 1941. Les troupes soviétiques ont ainsi repris la Biélorussie, une partie de la Pologne et les pays Baltes. Elles stationnent désormais à la frontière du Grand Reich, ouvrant la voie de l’Allemagne et de Berlin.

L’opération Bagration a joué un rôle décisif dans la fin de la seconde guerre mondiale mais s’apparente également à « la première passe d’armes de la guerre froide » comme l’écrit Jean Lopez dans son livre Opération Bagration, La revanche de Staline (été 44). En cet été 1944, le but des Alliés n’est pas seulement de vaincre Hitler, il est aussi de préparer la reconfiguration de l’Europe au lendemain de la guerre.

                                        *Julie BLONDEL                                                                                          professeure d’histoire-géographie