Né le 9 avril 1903 à Fougères (Ille-et-Vilaine), fusillé, par condamnation, le 30 août 1941 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; cheminot ; militant de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) ; résistant.
Marin Poirier, cheminot socialiste, est le premier Nantais fusillé pour avoir participé à l’évasion de nombreux prisonniers de guerre français et les avoir aidés à passer en zone non-occupée – dans le cadre du groupe des Anciens combattants dirigés par Léon Jost. Il est aussi accusé d’avoir commis des attentats contre l’armée allemande (avec le groupe Bocq-Adam).
Marin Poirier était le fils de Jacques Poirier et de Aline Duchesne (19 ans, née à Rennes). Il travailla comme cuisinier à Paris avant de partir cinq ans dans la Marine. Il entra aux chemins de fer de l’État en décembre 1925 comme cantonnier. Marié le 25 juillet 1924 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) à Eugénie née Fourrage (1902-1982) mécanicienne, sans enfant, il demeurait au 61 Chemin de la Gaudinière à Nantes. Marin Poirier travaillait au service Voie et Bâtiments, il gardait le passage à niveau no 318, place du Commerce à Nantes .
Ancien combattant, il avait adhéré à l’Union des camarades des tranchées en revenant de la guerre du Rif (1925-1926 Maroc) au cours de laquelle il avait été blessé. Militant SFIO, il oeuvra dès le début du conflit, au sein du Comité d’entente des anciens combattants, présidé par Léon Jost dont le rôle était d’aider les pouvoirs publics dans l’application des mesures de défense passive et dans l’assistance apportée aux réfugiés et aux mobilisés. Après la défaite, l’occupant allemand autorisa ce comité devenu Comité d’aide aux prisonniers, à venir en aide aux prisonniers parqués dans des camps de transit à Châteaubriant, Savenay, Nantes.
Dès l’été 1940, il entra dans le mouvement de Résistance Bouvron-Nantes, fondé par Auguste Bouvron, au sein du groupe Paul Bocq–Henri Adam. Marin Poirier avait été contacté par Henri Adam dont l’adjoint, Roger Astic, était en relation avec le réseau du musée de l’Homme.
Il participa à la filière d’évasion des prisonniers qui se mit en place avec Paul Birien, Joseph Blot, Auguste Blouin, Alexandre Fourny, Léon Jost (membres du réseau Georges-France31 dont Alexandre Fourny était le chef régional), Georges Granjean, Marcelle Littoux et Fernand Ridel. Ce dernier décrit Marin Poirier comme excellent propagandiste, petit, râblé, brun avec des yeux pétillants d’intelligence, indiscipliné et d’un dévouement à toute épreuve.
Marin Poirier convoyait en tant que cheminot des prisonniers évadés vers la la zone libre via Angoulême (Charente) et La Rochefoucauld où ils étaient pris en charge par un garçon de café. Son activité de garde-barrière au centre de Nantes, lui permettait de surveiller le passage des convois allemands, informations transmises à Henri Adam puis à partir de 1941, à Londres. Il avait participé à l’un des premiers attentats contre l’occupant, qui le soir de Noël 1940 visait le Soldatenheim de la place Royale.
Le 15 janvier 1941, la Geheimfeldpolizei (GFP) (police nazie) arrêta une grande partie du réseau, Marin Poirier fut arrêté le lendemain au café du Cycle rue de la Fosse à Nantes, où dans une arrière salle, il recevait les candidats au passage en zone libre.
Interné à la prison des Rochettes, puis jugé le 15 juillet 1941 par le conseil de guerre allemand, Marin Poirier fut condamné à 4 ans et demi de prison, peine plus lourde que celle de ses camarades. Mais le 16 août, le commandant militaire allemand en France (MBF) annula le jugement et Marin Poirier fut renvoyé devant la juridiction du chef de la circonscription militaire B d’Angers (Maine-et-Loire) qui le 27 août 1941, le condamna à la peine de mort pour intelligence avec l’ennemi. La fuite du chef de l’organisation Auguste Bouvron et les déclarations d’un codétenu auquel il avait dit être « un ennemi acharné des Allemands » semblent avoir alourdi la peine. Son avocat le bâtonnier Guinaudeau et l’interprète de la préfecture le professeur Duméril déposèrent en vain un recours en grâce. Marin Poirier fut condamné à mort et fusillé le 30 août, Karl Hotz, commandant militaire allemand de la place de Nantes refusa de le gracier malgré une intervention du maire de la ville Gaëtan Rondeau.
ll a été fusillé le 30 août 1941, à 12h15 au stand de tir du Bêle à Nantes, assisté par l’abbé Fontaine puis enterré sur place. Il avait refusé de se laisser attacher au poteau et bander les yeux et avait crié « Je suis innocent. Vive la France ! », cri relaté par le professeur Duméril.
Après l’exécution des 48 otages (dont 16 à Nantes) du 22 octobre1941, le Tribunal de guerre autorisa le transport de son corps vers le cimetière de Saint-Julien-de-Concelles. Le 13 novembre 1941, la municipalité nantaise en assura la réinhumation avec celle de quatre autres fusillés. Au printemps 1945, les familles reconnurent leurs corps qui reposent désormais dans le cimetière de La Chauvinière à Nantes.
Reconnu « Mort pour la France » par décision du 19 février 1945, il fut décoré : chevalier de la Légion d’honneur par décret du 27 juillet 1946 ; Croix de Guerre avec Palme. Le titre d’Interné résistant lui a été attribué le 14 juin 1961, RIF (résistance intérieur française) et résistant « isolé », non rattaché à une organisation homologuée.
Premier fusillé de Nantes, Marin Poirier est particulièrement honoré dans sa ville : une stèle avec son buste a été inaugurée le 14 novembre 1948 dans la cité de cheminots du Vieux Doulon qui porte son nom ainsi qu’un buste similaire inaugurée en 1991 dans une salle de réunion dénommée Marin-Poirier au triage du Grand Blottereau (Loire-Atlantique). Dans ce département son nom est aussi gravé sur une stèle aux fusillés à Saint-Julien-de-Concelles et sur une plaque en gare de Nantes-Nord. Sa mémoire est également perpétuée par deux noms de rue, à Savenay et à Bouguenais et une place à Couëron.
SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Notes Carlos Fernandez (Arch.Dép. Loire-Atlantique 1694 W12 et W16 , Arch. mun. 27 J1, 1205 W3, 1136 W27). — Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 483579. — Fernand Ridel, Témoignages, 1939-1945. Une page d’histoire, Édition des Paludiers. — Notes Alain Prigent. – Jean-Pierre Sauvage, Xavier Trochu, Mémorial des victimes de la persécution allemande en Loire-Inférieure 1940-1945, 2001, p.31 — Thomas Fontaine (dir.) Cheminots victimes de la répression, 1940-1945, Mémorial Stéphane Robine, p.1202, Perrin/SNCF, 2017. — A. Perraud-Charmantier, La Guerre en Bretagne. Récits et portraits, tome 1, Aux Portes du Large, 1947. — Mémorial Genweb . — État civil.