Allocution de Christian Retailleau,

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au cimetière de Saint-Julien-de-Concelles

                                                           19 novembre 2022

président du Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant, Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

Monsieur le Maire,

Mesdames et Messieurs les élus,

Chères familles des fusillés,

Mesdames et Messieurs les représentants des associations d’anciens combattants et patriotiques, des organisations syndicales et politiques,

Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux,

Mesdames et Messieurs, Chers amis,

11 novembre 1940 : Nantes vit à l’heure allemande depuis six mois.

Ce 11 novembre, le premier depuis l’Occupation, n’est pas comme les autres. Ce jour n’est pas férié, tout rassemblement est interdit. Comme à Paris, les lycéens et étudiants nantais désobéissent. Au lycée Clémenceau, plusieurs dizaines se regroupent et déposent une gerbe au Monument aux morts du lycée avant de partir en cortège vers celui de la ville, rejoints par des étudiants de l’Institut polytechnique de l’ouest, de l’école d’Hydro, des élèves de Guisth’au, de l’école professionnelle Launay. Ils sont dispersés par la police « française » et les Feldgendarmes, certains sont arrêtés.

Plus tôt dans la journée, la surprise est venue du ciel : au petit matin, le drapeau tricolore flotte au sommet de la cathédrale. La foule qui se masse sur la place Saint-Pierre grâce au bouche-à-oreille apprécie l’exploit dont les auteurs seront connus plus tard. Ce sont deux jeunes : le lycéen Christian de Mondragon a tout juste 16 ans, Michel Dabat qui en a 19, est un ancien étudiant des Beaux-arts.

Ces premières manifestations publiques de l’occupation vont faire grandir l’esprit de résistance, et encourager un certain nombre des participants à rejoindre les réseaux ou mouvement de résistance.

C’est le cas de Michel Dabat, Frédéric Creusé, Jean-Pierre Glou, honorés aujourd’hui, qui vont agir au péril de leur vie dans des groupes de résistants gaullistes nantais.

Ils sont fusillés le 22 octobre 1941 au champ de tir du Bêle à Nantes parmi les 48 Otages. Avec eux, Maurice Allano, un jeune chaudronnier intervenu contre des soldats allemands pour défendre un vieil homme. Ils vont être inhumés anonymement dans la journée dans ce cimetière de Saint-Julien-de-Concelles, en même temps que les 12 autres fusillés du Bêle inhumés à Basse-Goulaine et Haute-Goulaine.

Marin Poirier a été lui fusillé quelques semaines auparavant, le 30 août 1941, au champ de tir du Bêle à Nantes. Inhumé sur place, il est inhumé à nouveau le 13 novembre ici-même.

Le parcours et l’engagement de ces cinq hommes vont être retracés tout à l’heure par les comédiennes et comédiens du Théâtre d’ici ou d’ailleurs.

81 ans après, souvenons-nous de leur héroïsme, de leur patriotisme, de leur engagement et contribuons à ce que leurs noms continuent de vivre.

Par leur sacrifice, les 48 ont su insuffler le refus de la défaite et de la servitude et cette volonté de résister à tout prix. Ils ont porté l’espoir de jours meilleurs aux pires heures de l’Occupation.

20 octobre 1941 à Nantes, trois jeunes résistants communistes venus de Paris, « trois courageux garçons » a dit le général de Gaulle, accomplissent une des premières actions armées contre l’occupant nazi en abattant le Feldkommandant Hotz.

Les représailles exigées par Hitler, en application d’un « code des otages » récemment promulgué, vont être terribles.

Le 22 octobre, 48 otages sont fusillés : 27 à Châteaubriant, 16 à Nantes et 5 au Mont-Valérien.

Ces exécutions de masse ont été précédées par celles d’Honoré d’Estienne d’Orves, Maurice Barlier et Jan Doornik fusillés au Mont-Valérien le 29 août, et celle le 30 août de Marin Poirier.

Le choix des otages par les nazis, avec la participation active du régime de Vichy, ne doit rien au hasard.

A Châteaubriant, les 27 sont communistes et cégétistes. Leurs noms ont été donnés aux autorités militaires allemandes par le ministre de l’intérieur Pucheu, dans l’intention de faire éliminer des adversaires de classe.

A Nantes, ce sont des anciens combattants de la Première guerre mondiale qui sont désignés, au premier rang desquels Léon Jost, grand mutilé de guerre. Ils animent, comme Alexandre Fourny élu municipal SFIO, le Comité d’entente qui organise des filières d’évasion de prisonniers de guerre vers la zone sud et l’Angleterre. Des jeunes catholiques aussi, investis dans des activités de renseignements. Ils appartiennent aux groupes Bouvron, George-France 31 ou Hévin.

Pourtant, au contraire de ce que les nazis escomptaient, installer la terreur dans la population et annihiler toute volonté de résistance, cet assassinat collectif va constituer un tournant dans la construction en cours de la résistance intérieure.

Les fusillés deviennent un exemple.

Rien ne sera comme avant !

Ces hommes, si divers dans leurs opinions et croyances, dans leurs origines sociales préfigurent l’unité de la Résistance à venir, concrétisée par la création du Conseil National de la Résistance, dont le programme novateur Les jours heureux a façonné à la Libération notre modèle démocratique et social – la Sécurité sociale, le régime général des retraites, les services publics – où la solidarité remplace la vieille loi du « chacun pour soi ».

L’esprit du CNR – le vrai et non la contrefaçon actuelle – doit continuer de nous animer : pour une société humaine, ouverte, tolérante et juste.

Car « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde », comme le montre l’inquiétante progression de l’extrême-droite en France, en Italie, en Suède et dans de nombreuses parties du monde.

Ne laissons pas prospérer les idées les plus nauséabondes : nationalistes, xénophobes, racistes et antisémites.

Et, alors que la guerre fait rage en Ukraine et ailleurs sur la planète, que le réarmement est massif, continuons d’agir pour un monde en paix.

Le Comité du Souvenir – Résistance 44 et les comités locaux de Châteaubriant et d’Indre oeuvrent à ne pas laisser s’effacer la mémoire de la Résistance

La bande dessinée Immortels !, le livre d’histoire sur les 50 Otages En vie, en joue, enjeux et la pièce de théâtre Les 50, déjà jouée une vingtaine de fois depuis un an, participent à ce travail de mémoire et de connaissance de l’histoire de la Résistance.

C’est aussi, bien sûr, le sens de l’inauguration aujourd’hui de cette plaque mémorielle, qui s’inscrit dans un parcours de la mémoire initié dans les neuf communes du castelbriantais où avaient été inhumés les 27 de Châteaubriant, et qui se poursuivra à Basse-Goulaine et Haute Goulaine.

Au début de l’année prochaine, le dimanche 29 janvier c’est à La Chapelle-Basse-Mer que nous honorerons 5 Républicains espagnols inhumés depuis 1943 dans le cimetière communal.

Je tiens à remercier chaleureusement la municipalité de Saint-Julien-de-Concelles, et particulièrement Monsieur le Maire, d’avoir permis la réalisation de ce projet, dans la continuité du travail de la commune pour entretenir le souvenir des fusillés.

Je remercie également le personnel de mairie qui a grandement contribué à la réussite de cette journée.

La stèle dans le cimetière et maintenant la plaque nous le rappellent :

Ne les oublions pas

Je vous remercie de votre attention.

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