Dernière lettre de Jean de Neyman
Près de La Baule le 02 septembre 1944
Mes chéris,
Nous voici donc en septembre, au début de la sixième année de ce cauchemar, qui semble heureusement ne plus devoir être bien long à se dissiper. Déjà, pour vous vont disparaître les angoisses de cette sorte de siège par la famine dont Paris souffre depuis si longtemps. Mais je sais que ce n’est rien devant l’immense soulagement moral de penser à la fin de l’infernale époque que nous vivons encore. Et les perspectives d’avenir, encore qu’incertaines, n’en sont pas moins lumineuses.
Moi-même, je suis heureux doublement, et pour mon compte personnel, et pour la joie de tant d’êtres qui en sont heureux. Pourtant, à cette atmosphère radieuse, il faut que j’apporte un nuage : il m’est arrivé ces derniers temps une rencontre fâcheuse qui va retarder peut-être longtemps le plaisir de nous voir.
Voici l’histoire en gros (vous aurez des détails ensuite).
Vers le 10 août, un jeune marin allemand, qui avait déserté, cherchait asile dans les parages de la ferme où j’avais élu domicile principal, depuis un mois à peu près. C’est moi qui le rencontrai d’abord, et, après une longue conversation, considérais que c’était un bon type qu’il serait inhumain de laisser reprendre et fusiller par les autorités militaires allemandes. Aussi je le vêtis en civil et demandais au fermier, Joseph Jergaud, de bien vouloir le nourrir à mes frais, pendant le temps (que nous supposions court) où les Américains ne seraient pas encore venus. Le gars se sentant en danger malgré tout, je lui donnais même un vieux revolver que j’avais trouvé dans la cave de ma maison en voulant enterrer mon poste radio. Tout se passa bien quelques jours, et j’eus même le plaisir de faire de bonnes parties d’échecs avec mon Fritz, ou plutôt Gerhardt, comme il se prénommait.
Par malheur, les américains ne venant pas, Gerhardt s’ennuyait et se montrait imprudent circulant autour de la ferme. Si bien qu’il fut pris par une patrouille avec son revolver en poche, et que je fus arrêté, ainsi que peu après tous les adultes de la ferme (Mme et M Jergaud, et un aide Jean Mercy que j’avais d’ailleurs comme à La Baule, alors que, mécanicien il prenait des leçons de sciences pour passer un concours naval). Nous fumes donc Gerhardt et moi d’abord en voiture à cheval, puis les autres en camion, conduit dans un camp entre Saint-Nazaire et Montoir, pour y être interrogés. Mme Jergaud fut relâchée, mais au bout de 8 jours, le 25 août.
Gerhardt, Jergaud et moi, nous passions devant un conseil de guerre, siégeant au camp de la marine Endras (entre Saint-Nazaire et La Baule). Comme je n’avais jamais voulu éviter mes responsabilités, et encore moins les rejeter sur le pauvre fermier, c’est évidemment moi qui fus condamné au maximum, et, tandis que Jergaud s’en tirait avec 2 ans de prison, je fut condamné comme Gerhardt. Il me restait encore une chance : le jugement devait être confirmé par le commandant de Saint-Nazaire, de sorte qu’au lieu d’être fusillé tout de suite, je fus conduit, à coté du tribunal, dans un pavillon ou j’ai attendu jusqu’à ce matin des nouvelles d’une sorte de pourvoi que j’avais formulé.
Voilà donc en résumé les événements, assez bêtes à certains points de vue, qui vont, je ne le crains que trop, vous faire tant de peine. Comme disait Heine :
Das ist das Los, das Menschenlos
Was schön sind gross, das nimmt’ein schlechtes Ende !
Maintenant, mes chéris, ne croyez pas que j’en suis bien affligé. Ah, pour ça, par exemple, il en faut davantage pour me faire perdre ma bonne humeur, et ces dernières semaines ont été bien agréables pour moi.
D’abord, il y a la joie d’avoir fait mon devoir ou, ce qui est la même chose, ce que je considérais comme mon devoir, envers et contre tous. Comme je l’ai expliqué aux juges, si le hasard met à côté de moi quelqu’un qui se noie, je ne me demande pas, en me jetant à l’eau, depuis combien de temps j’ai déjeuné.
Ensuite, il y a l’immense plaisir d’avoir pu, jusqu’au bout, faire du bien autour de moi. Passons sur Gerhardt. Ma connaissance de l’allemand m’a maintes fois permis d’être utile au 1er camp. J’ai également pu, et, c’est le principal, obtenir à peu près justice en ce qui concerne ceux qui n’avaient rien à voir dans l’affaire, Mercy et Jergaud. Sans parler du bien que j’ai pu faire en montrant une fois de plus aux Allemands que les Français ont le sens de l’honneur. Et mille détails qui me font penser aux vers de Kipling, traduits par moi-même pour compléter Maurois à la fin de son célèbre poème « Si… » :
Si tu peux, lorsque vient l’instant désespéré
De tout ce qu’il contient, tirer pourtant la somme,
Alors à toi, mon fils, est la Terre entière, et,
Bien plus, tu es un Homme !
Et puis, il faut que je l’avoue aussi, je suis heureux et fier du succès d’estime que j’ai remporté pendant mon jugement. Quand le président m’a demandé pourquoi j’avais recueilli Gerhard, et si je ne savais pas que c’était interdit, et que j’ai répondu : « pour un Français c’est une question d’honneur d’aider celui qui demande de l’aide, et l’honneur est d’autant plus grand que l’on risque d’avantage » – quand, après le réquisitoire qui demandait la mort pour Jergaud et moi, et après la plaidoirie qui nous confondait aussi, on m’a demandé si j’avais quelque chose à ajouter et j’ai dit : « Je précise bien que, désirant dès le début conserver l’entière responsabilité de mon acte, je n’ai jamais dit à la ferme (où l’on ignore l’allemand) ce qu’était au juste Gerhart, de sorte que je suis seul responsable. » , – à ces moments il y a eu des murmures dans la salle et ce n’était pas de la moquerie. Et là où, je dois le dire, j’ai éprouvé l’une des plus puissantes impressions de bonheur de ma vie, ce fut, tout de suite après le jugement, quand j’ai entendu discuter sur moi les hommes de garde devant le couloir de ma cellule, Si vous aviez pu les entendre, mes chéris mon cœur eut éclaté de fierté joyeuse.
En plus de cela, il y a eu une foule de petits à cotés agréables, une foule étonnamment nombreuse de réjouissances secondaires, qui me donnent l’occasion de vous donner une vue de quelques détails.
Le seul ennui que j’ai eu, c’est que, le jour où l’on m’a arrêté, on m’a pris mes si utiles lunettes et, que depuis, personnes n’a jamais pu savoir ce qu’elles sont devenues. Personnellement je n’ai jamais pu comprendre pourquoi ; quelqu’un de vous comprendra peut-être, à la longue, quoique, maintenant que nous ne nous verrons plus, cela n’ait vraiment plus beaucoup d’importance… !
Un premier incident que nous avons eu en route mérite d’être signalé, il constitue vraiment un petit fait comique. Comme nous voyagions sur notre carriole, où nous étions attachés fort discrètement, tirés par mon excellent cheval vers une destination hélas triste, un passant rentrait du travail à pied nous demanda naïvement : « Il n’y a pas une place pour moi ? »
Je n’avais pas ri avant mais, à partir de ce moment, je perdis toute mauvaise humeur ou dépit de mon arrestation. Et depuis, j’ai toujours eu des occasions agréables ou divertissantes. C’est ainsi que j’ai pu couper dans ma planche, obligeamment prêtée, d’une part un échiquier percé de trous où s’infiltraient les tiges des pièces, découpées d’autres part. De cette façon j’ai pu jouer en paix sans que les voisins puissent brouiller le jeu, quelle que fut leur turbulence juvénile. Fallait voir ce jeu fait de fil de fer et de bois, signé Jean, reconnaissable à 100 mètres !
Il fallait aussi voir les Allemands s’empresser à jouer avec moi (qui ne pouvais causer aux autres prisonniers) comme s’ils désiraient tous me consoler, et prouver par leur amabilité qu’ils déploraient ma situation et qu’ils auraient bien voulu faire quelque chose – mais quoi ? – pour ne pas me voir fusiller (on s’y attendait dès le début).
Aussi n’est-ce pas sans laisser presque des amis que j’ai quitté le camp : à peu près tous ceux avec qui j’avais parlé un peu s’en faut. Naturellement j’ai du y laisser aussi, aussi avec quelque regret, le plus beau de mon équipement ; c’est-à-dire mon jeu d’échecs-, quand je serais ministre, je changerai le texte du règlement rigoureux dont je fut victime… !
Or, depuis le jugement, les doubles rations (pour le moins) de tout ce qui est comestible ou favorable, dont je suis favorisé ; auraient enthousiasmé ceux qui s’imaginent que « Jean bon » ne peut vivre sous autre orthographe (si j’ose ce déplorable calembour). Au début je crus à un cuisinier fantaisiste qui aurait voulu terminer peut être une époque de son service par un festin capable de faire sensation, et je m’attendais à retourner à mon ordinaire modeste, en homme de bon sens que je suis. Mais comme mon ahurissante abondance continuait à régner de plus en plus belle, ce qui de l’extérieur ou de l’intérieur toutes sortes de friandises ne cessaient d’affluer, la seule explication valable, à laquelle je dû me rendre, était une bienveillance collective touchante chacun, se demandant si cela finira bien mal pour moi, concluait que le mieux devait être de participer par tous les moyens à me rendre « succulentes » les heures dont j’étais encore maître, en attendant qu’on sut si mon pourvoi, soutenu par mon avocat, arriverait à être rejeté ou non. Et, de la part des officiers aussi, une amabilité trop franche et personnelle pour N’être que de la propagande, venait satisfaire tous mes désirs. Ainsi, en l’absence de mes lunettes on a réussi à me faire voir clair en mobilisant les lunettes d’essais de l’oculiste militaire ! Et une chambre étant plus lumineuse, on a même été jusqu’à m’autoriser à sortir dans le plus éclairé de tous les couloirs d’ici, avec tout mon matériel. Car le plus beau, c’est qu’on m’a pourvu d’un matériel comme je n’en eu pas souvent : table, sous-main, papier à volonté, crayon chimique, gomme, règle, couteau. (Et tout pour Jean ! comme disait ma petite sœur autrefois)- et par-dessus le marché, l’autorisation de travailler à tout ce que je voulais laisser après moi qui me paraît pouvoir être utile aux générations futures, pour parler modestement !
C’est ainsi qu’en plus de cette lettre vous récupérerez de moi presque un volume de remarques et réflexions plus ou moins scientifiques et pédagogiques. J’espère qu’elles intéresseront Papa et peut-être un professeur curieux de points de vue non classiques.
Je m’en vais donc disparaître dans les meilleures conditions possibles, après avoir passé mes dernières semaines de condamné plus confortablement que bien d’autres semaines, sans avoir subi aucun mauvais traitement – après avoir eu la chance de voir le sinistre tableau du monde de 1939 remplacé par les claires perspectives de 1944, et la nouvelle chance que ma condamnation me donne le droit de penser que je n’y suis pas complètement étranger – après avoir dégusté l’amusante et flatteuse ironie du sort qui me fait l’un des derniers fusillés français de cette guerre – avec l’agréable sensation d’avoir laissé par écrit le meilleur de moi-même, en plus de ce que j’ai pu laisser comme influence durable dans la vie de ceux que j’ai connus.
Et comme dans les conditions où elle se produit, ma disparition peut avoir autant d’effet que le bien que j’aurais pu faire en un peu de vie supplémentaire, mon seul regret est le chagrin qu’elle ne peut hélas manquer de vous causer.
Ainsi, si vous voulez me faire rétrospectivement plaisir, ne soyez pas trop malheureux. Je vous ai assez aimés pendant ces dernières 20 années pour que vous ne m’en vouliez pas de vous laisser seuls ensuite. Ne soyez pas égoïstes. Vivez pour continuer à faire progresser le monde, comme vous-mêmes me l’avez appris à le faire.
J’ai conscience encore plus aujourd’hui, combien tout ce que j’ai fait est au fond votre œuvre et je vous prie de faire quelqu’un de bien de chacun de vos petits-enfants actuels et futurs – car je compte sur vous pour que les enfants de Nénette soient aussi dépourvus de toute illusion religieuse que moi, et que ce soit en pleine conscience qu’ils sachent faire leur devoir d’homme.
A propos d’enfants, si vous le pouvez, intéressez vous au second fils de Jergaud, un bébé de 5 ans, mais qui a du bon ; vous me ferez plaisir en le faisant ; c’est une dette de reconnaissance. Vous pourriez avoir chez lui divers objets m’appartenant. Voici son adresse : Ker Michel en Saint- Molf par Guérande (Loire Inférieure).
Pour finir par une plaisanterie, Papa y trouvera la solution du problème des 2 ampèremètres dont l’un marque 6 ampères pendant que le premier n’en marque que 3…
En vous embrassant, mes chéris, je vous écris la conclusion de ma vie, entre les 2 morales célèbres : – il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer – et : toute la sagesse humaine tient dans 2 mots : attendre et espérer, il y a de la place pour ma synthèse : – tout le bonheur de l’homme tient dans ce devoir « Agir et espérer ».
Jean.
P.S. Naturellement saluez tous ceux qui me sont chers.
Cérémonie commémorative en hommage à Jean de NEYMAN
Heinlex, Saint-Nazaire 5 septembre 2020
Allocution de Guy TEXIER
Mesdames les représentantes de Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Chers amis et camarades,
En cette année 2020, nous commémorons le 76ème anniversaire de l’exécution de notre camarade Jean de NEYMAN, par l’armée d’occupation nazie.
Mais c’est aussi le 75ème anniversaire de la libération des camps de concentration et d’extermination en Europe et en Asie.
C’est aussi la victoire des peuples contre la barbarie de l’idéologie criminelle qu’ont été le fascisme et le nazisme.
C’est aussi le 80ème anniversaire de l’invasion de notre pays par l’armée nazie et l’instauration de la collaboration voulue et décidée par PETAIN, ce maréchal félon et son gouvernement de Vichy.
Ce n’est évidemment pas par une brève allocution que l’on peut rappeler l’ensemble des évènements de cette époque qui ont conduit à cette guerre qui fit près de 50 millions de morts.
Mais il faut se rappeler que de capitulation en capitulation devant les exigences hégémoniques qu’HITLER avaient annoncées dans ‘’ Mein Kampf’’ , les accords de Munich lui livrant la Tchécoslovaquie, jusqu’à la drôle de guerre qui permit à son armée de franchir en un temps record la distance entre le Rhin à La Loire et de hisser sa sinistre croix gammée sur la plupart des édifices de notre capitale, le pouvoir politique français avait sombré dans le déshonneur et l’indignité pour finir dans la plus dégradante collaboration avec l’ennemi.
Il faut se souvenir que les députés communistes étaient embastillés en Algérie et seuls 80 courageux députés avaient suivi le chemin de l’honneur en s’opposant aux pleins pouvoirs de PETAIN.
Parmi ces 80 députés, pas un seul de la Loire-Inférieure.
Après l’interdiction du parti communiste en septembre 1939, sous prétexte du pacte germano- soviétique, les partis politiques et syndicats sont interdits un an plus tard en octobre 1940 et qui conduit à l’arrestation et la clandestinité pour échapper à l’internement de milliers de militants ouvriers.
Ce sont ces hommes comme Jean, et ces femmes qui, dans une France trahie laissant un peuple abandonné, désemparé, en proie à la pire des confusions, levèrent le drapeau de l’honneur, de la dignité nationale, de la liberté, dénoncèrent la trahison, constituèrent les ‘’comités populaires’’, premiers embryons de la Résistance intérieure, s’engagèrent dans la lutte armée, d’abord par petits groupes, puis constituèrent les maquis.
C’est une armée du peuple composée de communistes, de socialistes, de démocrates, de syndicalistes, croyants ou non croyants, fidèles aux idéaux de la République qui formèrent les premiers groupes de Résistance par des actes individuels de sabotage, de diffusion de tracts appelant à refuser la collaboration, avec l’aide de travailleurs étrangers dont particulièrement de Républicains Espagnols.
Pour beaucoup d’entre eux, la Résistance avait commencé bien avant avec la guerre d’Espagne, mais aussi contre la montée de l’extrême droite et du fascisme en France et en Europe.
Dès 1940, des hommes et des femmes, dans toute la France ne supportant pas que notre pays soit placé avec l’armistice de PETAIN, avec la collaboration, sous la tutelle nazie, soit pillé de ses richesses, ont organisé la lutte contre l’occupant et ses collabos de Vichy, de LAVAL, PUCHEU, DARNAND et autres individus de la droite et extrême droite.
C’est dans ces conditions que les premiers actes de Résistance se sont produits en France contre l’occupant, qui avec la collaboration de la droite réactionnaire et revancharde de 1936, de l’extrême droite issue de l’idéologie boulangiste et maurassienne, fondèrent en Loire Inférieure le groupe ‘’collaboration’’, dont Alphonse de CHÂTEAUBRIANT fut le créateur avec d’autres officiels très complaisants.
Il est peu fait état de la Résistance dans la région nazairienne et de la Presqu’ile, pourtant elle a été active dès 1940.
L’évasion du Jean BART le 17 juin 1940, a été sans doute le premier acte de Résistance collectif, quand 350 ouvriers et encadrants des chantiers navals ont volontairement participé, avec autant de militaires, à son évasion vers Casablanca pour qu’il ne tombe pas aux mains de l’armée allemande.
Comment ne pas évoquer les inscriptions anti-allemandes, les tracts appelant à résister, les sabotages, le refus de la servitude, l’aide aux militaires anglais après le drame du Lancastria et du commando du 28 mars 1942, dont plus de 200 amis et camarades en ont été les artisans de 1940 à 1945.
Le sabotage de l’hydravion ‘’Arado’’ à la SNCASO, dont les auteurs ont été dénoncés, internés, déportés avec Adrien BERSELLI, René ANDRE, Jean BOURMAUD, Jules BUSSON.
Le dynamitage de la permanence de la LVF avec Albert ROCHETEAU, Jean DREAN, Georges GIRARD ( le futur commandant CONAN), avec l’aide des ‘’dynamiteros’’ Républicains Espagnols, internés au ‘’camp Franco’’ de Montoir-de-Bretagne, et qui ont multiplié les sabotages dans la construction de la base des sous marins, sous la responsabilité de notre camarade Juan ESCUER GOMIS, et qui furent déportés pour beaucoup d’entre eux ou fusillés à Nantes en 1943.
Comment ne pas évoquer les noms de Marthe GALLET, de Suzanne MAHE pour le transport des armes et explosifs, des tracts, qui furent arrêtées, torturées, internées ou déportées ?
Comment ne pas évoquer Maurice et Louisette PICONNIER, BERTHO, PERRICO, BECARD et tant d’autres comme André LE MOAL fusillé à 17 ans ou encore Hubert CALDECOTT, Jean DREAN, Guy LELAN ou LABROUSSE, eux aussi fusillés au Mont Valérien ou à Nantes, mais aussi BIREMBAUT, SCULO COQUET et tant d’autres internés, déportés ou fusillés ?
Comment ne pas évoquer aussi l’action du groupe Henri MAHE et Georges TANCHOUX de La Baule, du réseau Jade en lien avec le renseignement, dont plusieurs d’entre eux ne revinrent pas des camps de concentration, ou encore le groupe gaulliste LITOUX de Saint-Lyphard ?
C’est aussi le réseau ‘’Georges France 31’’ animé par Albert VINCON, Henri FOGEL, Germaine LARDON, avec Henri ALLANET, Jean GUITTON, composé de nombreux Francs Maçons, plus spécialisés dans le renseignement et l’évasion d’aviateurs.
Le groupe animé par notre camarade Jean de NEYMAN, très actif dans la propagande anti nazie et le sabotage, la solidarité avec les soldats allemands déserteurs, se doit d’être souligné comme combat contre une idéologie criminelle et un combat contre l’occupant.
Il est choquant de constater qu’il est célébré, y compris à Saint-Nazaire, les victimes militaires des guerres coloniales, comme les sales guerres d’Indochine et d’Algérie, mais que sont ignorés les victimes et les acteurs de cette Résistance populaire composée d’hommes et de femmes qui n’ont pas chercher la gloire, ni les médailles.
Comme il est choquant que des noms de rues, notamment à Nantes, portent le nom de collabos notoires ou de résistants de la 25ème heure.
Parce que la Résistance des uns ne saurait dissimuler la veulerie des autres, et parce que les actes héroïques de ceux et celles qui avaient choisi de combattre l’oppresseur, ne doivent pas faire oublier les crimes de ceux qui dénonçaient, vendaient, assassinaient, humiliaient, dont les héritiers d’aujourd’hui sont la droite extrême et l’extrême droite, qui par leur présence à des commémorations d’hommages aux déportés ou qui souillent de leurs inscriptions négationnistes les lieux de résistances ou de martyrs, comme récemment à Oradour-sur-Glane, relèvent la tête, encouragés par les déclarations haineuses, racistes et xénophobes répandues et impunies.
Malgré tout ce que l’on dira, on ne saura jamais l’ampleur du travail de toute la Résistance, de tous ceux et toutes celles, qui dès 1940, se sont levés pour s’opposer que la France, ce pays des Lumières, devienne un pays qui aurait perdu son honneur dans la servitude à l’idéologie nazie et celle de la collaboration.
Toutes et tous ont été des héros, ils étaient communistes, socialistes, gaullistes, républicains, syndicalistes, croyants ou non croyants, français ou étrangers, ils ont été l’honneur de notre pays et de son peuple.
Jean, est bien la figure de cet héroïsme sublime dans la solitude la plus cruelle, qui n’a eu que le soutien de sa propre conscience, celui de son devoir envers soi même et la protection de ses camarades.
C’est la grandeur de cet homme à qui en rendant hommage aujourd’hui, c’est à toutes celles et à tous ceux de la Résistance que nous rendons hommage, pour que nous ne les oublions pas.
Mais honorer la Résistance et de tels martyrs, ce n’est pas seulement saluer des tombes et des stèles, c’est garder l’enseignement des morts, car les morts sont vivants, quand ils demeurent dans notre souvenir, lorsque nous n’oublions pas les grands exemples qu’ils nous ont donnés.
Aujourd’hui rien ne serait pire que de célébrer le passé, la mémoire pour oublier le message, de s’autoproclamer héritiers dans la ferveur émotionnelle d’une commémoration en laissant le monde aller là ou il va.
Pour demeurer humain, nous devons encore et toujours savoir dire non, quel qu’en soit le risque.
Pour terminer je veux citer cette phrase du Résistant et historien Jean CASSOU : ‘’c’est au nom de ceux des nôtres, qui ont risqué la mort pour la liberté que nous vous demandons à vous, à ceux des jeunes générations, d’être vigilants. Nous vous passons le flambeau, à votre tour de vous battre quand il le faudra, comme il le faudra, pour la justice, la dignité humaine, la liberté’’
Je vous remercie de votre attention.