Son père, Charles, Joseph Bourhis, homme de gauche convaincu, devenu gendarme pour échapper au séminaire, était mal à l’aise dans l’exercice de ses fonctions. Il prit sa retraite dès qu’il le put et devint, plus tard, adjoint au maire communiste de Concarneau. On peut supposer qu’il encouragea son fils à se présenter, en 1923, à l’École normale d’instituteurs de Quimper. À sa sortie de l’École normale, en 1926, Marc Bourhis fut nommé instituteur à Melgven puis à Beuzec Conq. En 1933, il se maria avec Alice, Léonarde, institutrice. Le 1er octobre de la même année, Marc et Alice Bourhis prirent leurs fonctions à Trégunc. En 1989, la municipalité de Trégunc décida de donner le nom de Marc Bourhis au groupe scolaire public du bourg.
Son activité s’exerça principalement sur le plan syndical, à l’intérieur de la Fédération unitaire de l’enseignement. Il fit la connaissance de Pierre Guéguin, voisin de ses parents à Concarneau, militant communiste actif, qui le décida à adhérer au Parti communiste, en 1930. Ils fréquentèrent la même cellule du parti à Concarneau.
En désaccord avec l’évolution politique en Union soviétique et le cours poursuivi par le PC, Marc Bourhis quitta le parti en 1933 et s’abonna à la presse trotskyste. Membre du Conseil syndical, il écrivit régulièrement dans le Bulletin du Syndicat unitaire de l’enseignement du Finistère, portant un intérêt particulier à l’action propagandiste en milieu paysan. Dans les débats d’idées à l’intérieur du syndicat, il fut le porte-parole du courant révolutionnaire de l’École Émancipée, s’affrontant avec Alain Signor, leader du Parti communiste. Pierre Guéguin y défendit la politique de son parti, mais ne cessa d’entretenir des relations courtoises avec son ami Bourhis. Ses liens avec les trotskystes devinrent plus suivis lors du retour en Bretagne d’Alain Le Dem en 1935. Ils sillonnèrent ensemble la région pour s’entretenir avec des sympathisants de divers milieux sociaux. Il organisa et présida, un important meeting du Parti ouvrier internationaliste qui se tint à Concarneau, le 29 décembre 1937, après une écoute collective du discours radiodiffusé de Maurice Thorez prononcé en clôture du congrès d’Arles. Yvan Craipeau exposa longuement les thèmes du POI en réponse aux propos tenus par Thorez et Guéguin apporta la contradiction au nom du PCF.
Marc Bourhis participa également à la préparation des réunions publiques du Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert qui se tinrent début avril 1939 à Trégunc, à Concarneau et dans d’autres localités de la région avec le concours d’Yvan Craipeau. Il milita dans le PSOP avec les trotskystes.
Mobilisé en septembre 1939 à la caserne dite « le bagne » à Brest, Marc Bourhis fut muté en mai 1940, comme élément suspect au 137e Régiment d’infanterie à Quimper, unité qui fut bloquée dans sa caserne par l’armée allemande, en juin 1940. Libéré rapidement afin de reprendre sa classe à Trégunc, il renoua des contacts plus nombreux avec Guéguin qui avait rompu avec le Parti communiste à la suite de la conclusion du Pacte germano-soviétique. Tous les deux furent arrêtés le 2 juillet 1941 et internés au camp de Châteaubriant.
Ils furent l’objet, dans ce camp où se trouvaient d’importants cadres communistes venus de la région parisienne, d’une mise en quarantaine. Marc Bourhis avait la possibilité de s’évader facilement, le juge d’instruction Fichou de Châteaubriant le connaissant personnellement et l’estimant. Sous le couvert de l’instruction il le fit venir dans son cabinet, l’amena dans son appartement où Alice, l’épouse de Bourhis, vint déjeuner avec eux et put converser longuement en toute liberté. Le juge qui fut déporté par la suite à Mauthausen et y périt, lui offrit de ne pas rejoindre le camp avec la complicité d’un gendarme qui était consentant. Marc Bourhis refusa obstinément, arguant que l’évasion n’était justifiable que sur un ordre d’une organisation et non pour se mettre personnellement à l’abri. Il est probable qu’il ne voulait pas abandonner Guéguin dans sa situation délicate à l’intérieur du camp. Mais il ne désirait pas alarmer sa femme en relatant les calomnies et la quarantaine qu’ils subissaient. Elle fut mise au courant par des co-détenus libérés et par la famille Guéguin. Marc Bourhis ne voulut pas davantage inquiéter sa famille lors de son transfert à la baraque des otages qui regroupa les éléments politiques les plus marquants. Il écrivit dans une lettre du 4 octobre : « notre nouvelle baraque, la baraque des intellectuels, porte le no 19, elle est mieux située et bien ensoleillée ».
Le 22 octobre 1941, Bourhis et Guéguin* furent parmi les vingt-sept otages extraits du camp à 15 h 30, amenés dans des camions allemands pour être fusillés, à quelques kilomètres de la ville, dans la carrière de la Sablière. Le trotskyste honni de son vivant fut alors annexé par le Parti communiste qui, dans toutes les publications, le présenta comme un membre du parti. La plaque du Parti communiste internationaliste fixée par Alice et les trotskystes bretons, à la mémoire de Marc Bourhis, en août 1945, près du monument dressé à la Sablière, disparut rapidement. À Concarneau, les communistes tardèrent davantage à annexer Bourhis que la population connaissait bien.
Dramatique destin : tandis que l’on conduisait Marc Bourhis sur les lieux de son exécution, parvenait à l’administration du camp l’ordre de sa mise en liberté, résultat, sans doute, des démarches du maire radical-socialiste de Trégunc, Carduner, qui avait attesté que les accusations portées contre lui étaient erronées. Cette décision passait outre les recommandations du commissaire des Renseignements généraux, le 14 octobre, qui, présentant Bourhis comme « l’âme du Parti révolutionnaire dans sa commune », concluait « qu’il n’a pas renié ses convictions et que sa présence dans la région de Concarneau est parfaitement indésirable ».
SOURCES : Arch. Dép. Finistère. – DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – La Vérité, 17 novembre 1933, 30 septembre 1944, 18 et 25 octobre 1946. – Juin 1936, 21 avril 1939. – La lutte ouvrière, 6 janvier 1938. – Les trotskistes sous la terreur nazie, Paris 1945. – A. Gernoux, Châteaubriant et ses martyrs, Nantes 1946. – F. Grenier, Ceux de Châteaubriant, Paris 196. – J.-M. Brabant, Les partisans de la IVe Internationale en France sous l’Occupation, mémoire de maîtrise, Paris VIII, 1973. – Renseignements recueillis par J.-M. Brabant. – Témoignages d’Alain Le Dem et d’Alice Bourhis recueillis par R. Prager, le 14 août 1977. – Le Monde, 24 janvier 1981.
Rodolphe Prager