Plusieurs commémorations ont honoré le souvenir des FTP fusillés de 1943
Le 29 janvier 1943, plusieurs résistants, combattants FTP, jugés depuis le 15 janvier par le tribunal militaire, siégeant exceptionnellement dans la salle de la Cour d’assises du palais de Justice de Nantes, ont été passés par les armes au champ de tir du Bêle à Nantes. Le 27 janvier dernier, pour le 81ème anniversaire de leur mort, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées sur les lieux mêmes de leur exécution. 81 : le nombre qui marque cet anniversaire est aussi le nombre des fusillés en ce lieu par les nazis entre 1941 et 1943.
NANTES
La cérémonie, organisée par la municipalité de Nantes en liaison avec le Comité départemental du souvenir a été honorée de la présence du sous-préfet Pascal Othéguy, représentant le préfet, Olivier Chateau, adjoint chargé du patrimoine et de la mémoire, représentant la maire Johanna Rolland, du député Andy Kerbrat, Charlotte Girardot-Moitié, représentant le président du conseil départemental, Julien Bainvel, représentant la présidente du Conseil régional, la Colonelle Fabienne Daniel, représentant le général Le Gentil, Benoit Luc, directeur de l’ONAC-VG et de Madame Rodier, principale du collège Simone Veil.
Avant celles des personnalités, des gerbes ont été déposées par Christian Retailleau, président du Comité du souvenir, par les délégués des associations mémorielles : ADIRP, les familles de fusillés, les organisations syndicales CGT et FSU et la fédération du PCF.
En ouverture de la commémoration, l’appel des morts effectué avec une grande sensibilité par les comédiennes Claudine Merceron et Martine Ritz a été suivi d’une émouvante évocation historique et artistique. Neuf élèves de la classe de 3ème citoyenne du collège Simone Veil – Aïssatou, Clémence, Emmie, Karen, Léna, Lilou, Manon, Mathéo, Nolan, ont lu en binômes des extraits de lettres de plusieurs fusillés à leur famille, celles de Pierre Greleau, d’André Rouault – fusillé à 17 ans, Maurice Lagathu, Joseph Colas et Raymond Hervé avant de dire le bouleversant poème de Marianne Cohn « Je trahirai demain » et de terminer par « L’Affiche rouge », chantée à capella avec Claudine Merceron et Martine Ritz en hommage aux combattants des FTP -MOI parisiens dont le chef Missak Manouchian est enfin entré au Panthéon le 21 février 2024.
SAINTE-LUCE
En 1952, Renée Losq s’est installée à Sainte-Luce-sur-Loire avec ses enfants. La cérémonie d’hommage l’associant à son mari Jean, fusillé le 13 février 1943 s’est déroulée le 27 Janvier, en présence de leur famille, chaleureusement saluée par Nicole Badaud, pour l’ARAC, Christian Retailleau pour le Comité départemental du souvenir. La cérémonie a commencé devant la stèle, place Jean Losq, puis dans la salle Renée Losq. Nicole Badaud s’est exprimée au nom des deux organisations. Elle a d’abord remercié la municipalité, représentée par le maire Anthony Descloziers, pour avoir permis la présentation, sur le mail de l’Europe, de l’exposition sur les « procès » des 42 et des 16, réalisée par les Archives municipales de Nantes avec la coopération du Comité du souvenir. « Cette exposition, a-t-elle dit, nous rappelle que le travail de mémoire et de transmission est une priorité pour nous tous ». Elle a évoqué la parodie de procès tenu en janvier 1943 à Nantes et le témoignage bouleversant de Renée Losq : « Lorsque les sentences sont tombées, tous les gars se sont levés et ont chanté La Marseillaise. Ils étaient enchaînés (…) » Cet acte nous dit « le courage, la dignité, la force de conviction des résistants. » Evoquant le contexte de l’année 1943, l’oratrice souligne combien au lieu de tétaniser la population, but recherché par les nazis, ce nouveau massacre de 50 résistants après celui des Otages en 1941, a renforcé le sentiment anti-allemand, s’ajoutant aux annonces des défaites allemandes à Stalingrad et en Afrique du nord.
Nicole Badaud retrace ensuite, avec émotion, le parcours de Jean et Renée Losq et leur combat pour une société plus juste, aux Batignolles et à La Halvêque, qui les conduit à s’engager dans la Résistance. Jean est fusillé à 35 ans, Renée est déportée à 32 ans à Ravensbrück puis Mauthausen. Elle dit la difficulté de la réadaptation qu’ont connu tous les survivants et la reprise de l’activité militante de Renée à la FNDIRP, à l’UFAC, l’ARAC, au PCF. Attachée à transmettre aux jeunes générations le message de paix qu’elle portait, elle concluait toujours ses interventions dans les établissements scolaires par « Plus jamais ça ! »
DIVATTE-SUR-LOIRE
L’hommage aux Républicains espagnols fusillés à l’issue du « procès » dit des 42 s’est déroulé le 28 janvier. Christine Fernandez, secrétaire générale du Comité départemental du souvenir rappelle dans son allocution que « cela fait 20 ans que nous nous retrouvons dans ce cimetière pour rendre hommage à nos camarades Républicains espagnols ». La première cérémonie, organisée par le Comité du souvenir en lien avec la municipalité et l’UNC s’est tenue le 15 février 2004. Elle rappelle que le Comité avait été alerté par Jean Chauvin, dont le père Auguste Chauvin mentionnait dans une lettre la présence de codétenus espagnols dans sa cellule à la prison Lafayette. Elle déroule ensuite le fil des démarches et recherches qui ont conduit à un premier contact avec la fille d’Alfredo Gomez Ollero et la sœur de Miguel Sanchez Tolosa « qui ignoraient tout de leur père et frère depuis leur départ d’Espagne chassés par le franquisme. » Elle évoque le temps fort qu’a été leur venue à Nantes et à La Chapelle-Basse-Mer le 12 février 2006, à l’occasion de l’inauguration de la stèle créée par le plasticien allemand Ekkehart Rautenstrauch « qui a donné lieu à des scènes émouvantes. » Cet hommage a eu des échos de l’autre côté des Pyrénées et une délégation du Comité du souvenir a pu se rendre en Galice pour l’inauguration d’une plaque dans le village natal de Gomez Ollero. L’oratrice rend hommage à Annie Buraud et Gérard Roulic, chevilles ouvrières du collectif qui a poursuivi les recherches jusqu’à l’établissement de relations avec les 5 familles. L’an dernier, elles étaient présentes jusqu’au arrières – petites – filles dans ce cimetière et à l’inauguration à Nantes d’une rue Alfredo Gomez Ollero, en présence de l’ambassadeur d’Espagne, très ému. Christine Fernandez développe ensuite l’engagement des Espagnols en Loire-Inférieure et la chute de leur groupe avec 88 arrestations à l’été 1942 qui mène à la parodie de procès dit des 42. « Ils sont morts pour libérer la France du joug nazi. Nous ne pouvons oublier leur combat alors que la loi dite asile-immigration torpille les piliers porteurs de notre pacte républicain hérité du CNR. Inlassablement, ajoute-t-elle, faisant allusion à la panthéonisation du groupe Manouchian, nous rappellerons le rôle décisif de milliers d’étrangers dans la Résistance française »
Madame Christelle Braud, maire de Divatte-sur-Loire, rappelle à son tour le travail de Jean-Paul Leroux, adjoint au maire et des regrettés Roger Jamin, maire et Roger Hivert, président de l’UNC avec le Comité du souvenir en 2004. Elle souligne l’importance de ces rassemblements annuels pour faire vivre le souvenir de ces hommes « qui ont combattu sans relâche chez eux en Espagne, fuit vers la France et malgré l’accueil qui leur a été fait, sont entrés dans la résistance et ont combattu jusqu’à la mort contre le nazisme », ajoutant « Commémorer leur engagement constitue un devoir contre l’oubli (…) Le passé nous instruit et la mémoire es un héritage que nous devons transmettre. Inlassablement. »
Des gerbes ont ensuite été déposées par Marcel Guillé (UD CGT), Anne Mesnier et Annie Cailleau-Belleau (FSU), Pedro Maïa (PCF) puis Christian Retailleau, président du Comité départemental du souvenir. Après La Marseillaise a retenti l’Hymne de la République espagnole puis le Chant des partisans. Des hommages ont ensuite été rendus à Gisèle Giraudet, pour avoir longtemps pris soin des tombes espagnoles et en présence de sa famille à Christian de Mondragon, pour avoir installé le drapeau français au sommet de la cathédrale le 11 novembre 1940, avec son ami Michel Dabat, l’un des 50 otages.
REZÉ
Le 25 février, sous une pluie battante, s’est déroulé l’hommage aux FTP rezéens. La cérémonie s’est ouverte devant la stèle à Jean Moulin, installée dans le square éponyme, rond-point des Martyrs de la Résistance, à l’entrée de Pont-Rousseau.
Après une halte devant le monument aux morts, place Roger Salengro, le cortège s’est dirigé vers le cimetière Saint-Paul, rue Jean Fraix, où en présence de Philippe Audubert, adjoint chargé des anciens combattants représentant la maire Agnès Bourgeais, Jacques Floch, ancien secrétaire d’Etat et maire honoraire, Gilles Retière, maire honoraire, Christian Retailleau s’est exprimé devant le Mémorial aux résistants fusillés. Après avoir évoqué le souvenir de Gilbert Boissard, qui nous a quittés l’été dernier et qui était présent chaque année à ce rendez-vous, fidèle à la mémoire de son père Marcel Boissard et de ses camarades, le président du Comité départemental du souvenir a évoqué la figure de Maurice Lagathu, 21 ans, chef du groupe FTP de Pont-Rousseau qui écrivait dans sa dernière lettre : « J’emporte avec moi la certitude de la victoire. »
Ces résistants avaient rejoint les Francs Tireurs et Partisans après les massacres de masse d’octobre et décembre 1941 à Châteaubriant, Nantes et au Mont Valérien. Christian Retailleau rappelle leur engagement : « Pendant des mois, ils vont multiplier les actions de guérilla : sabotages d’installations militaires, de voies ferrées, du pont-roulant de l’usine de locomotives des Batignolles, attentats contre les soldats allemands et les collaborationnistes. Ce sont plus d’une cinquantaine d’actions de résistance dans toute l’agglomération. Mais la police française, avec le SPAC, le service de police anticommuniste créé par le ministre de l’intérieur Pucheu, sous la coupe de l’Occupant, va effectuer sa sinistre besogne. Les groupes de FTP sont tombés dans l’été 1942. La parodie de procès dit des 42 en janvier 1943, suivi du procès des 16 en août avaient l’objectif de criminaliser la Résistance. Le bilan est terrible : 50 accusés sont condamnés à mort, 7 autres sont déportés dont 3 femmes. Parmi eux 5 Républicains espagnols qui avaient rejoint la Résistance française. »
Christian Retailleau revient sur l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian, accompagnés des 23 FTP qui composaient ce qui s’est appelé ensuite « groupe Manouchian » après la Libération, ainsi que Joseph Epstein, chef de tous les FTP parisiens. Saluant « ce moment historique », qui met en lumière « l’apport inestimable des étrangers à la Résistance », il a exprimé sa consternation que la loi dite asile-immigration ait pu être votée « attaquant notre pacte républicain hérité du Conseil national de la Résistance ». Evoquant la situation en Ukraine et à Gaza, ravagées par la guerre, il a fustigé le climat de haine qui renaît, concluant sur les mots de Manouchian : « Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand ».
Annexes
Allocution de Madame Christelle Braud, maire de Divatte-sur-Loire
Allocution de Christine Fernandez à Divatte-sur-Loire