Un long chemin vers le droit de vote des femmes : d’Olympe de Gouges à Fernand Grenier

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En France, les femmes ont obtenu le droit de vote presque un siècle après les hommes. Elles ont dû lutter durement pour obtenir le droit d’être citoyennes, qui ne leur a été ni donné, ni accordé, ni octroyé : elles l’ont conquis !
Selon l’historien William GUERAICHE : « Le débat du 24 mars 1944 (voir l’article « Les femmes sont électrices et éligibles … ») peut s’interpréter comme l’achèvement d’une lutte qui remonte aux premières heures de la Révolution et comme l’aboutissement d’un processus législatif de courte durée ».
Des femmes ont voté aux Etats-Généraux de 1789. Olympe de Gouges publie sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791. « La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également le droit de monter à la tribune » dit-elle. L’année précédente, Condorcet avait souligné que la différence des sexes n’est pas pertinente sur le plan politique. Il s’opposait ainsi au discours de l’abbé Sieyès qui, le 21 juillet 1789, distinguait les citoyens « actifs » et « passifs », et classait les femmes dans la deuxième catégorie. L’inégalité est alors justifiée au nom de la « nature », qui a fait des femmes des êtres faibles.
Les femmes sont ainsi exclues du droit de vote par l’Assemblée nationale le 22 décembre 1789, exclusion confirmée par la Constitution de 1791 puis par un vote de la Convention le 24 juillet 1793.
En 1848, la IIème République ne prend pas même le soin de préciser que le suffrage prétendument « universel » est exclusivement masculin. En 1849, Jeanne Deroin mène campagne et tente de se présenter aux élections législatives, mais sa candidature n’est pas acceptée.
Le droit de vote ne devient une priorité féministe qu’à la fin du 19ème siècle. Hubertine Auclert (1848 – 1914) fait figure de pionnière. Son nom est méconnu du grand public. Mais les féministes d’hier et d’aujourd’hui savent ce que les femmes doivent à son combat. Elle fonde, en 1876, le premier groupe suffragiste français, la société « Le Droit des femmes ». Elle est la première Française à se reconnaître dans le projet politique qu’est le féminisme. Au IIIème Congrès ouvrier socialiste à Marseille, elle ne mâche pas ses mots, s’adressant à ses camarades en ces termes, le 22 octobre 1879 :  » Si vous, prolétaires, vous voulez aussi conserver des privilèges, les privilèges de sexe, je vous le demande, quelle autorité avez-vous pour protester contre les privilèges de classe ? »
Au début du 20ème siècle, l’idée suffragiste s’étend. Louise Weiss, dans les années 1930, multiplie les actions, à l’instar des suffragettes anglo-saxonnes.
C’est en 1901 qu’est déposée la première proposition de loi sur le vote des femmes. Le député Paul Dussaussoy en dépose une autre en 1906 en faveur du vote aux seules élections locales. En 1909, Ferdinand Buisson, l’un des fondateurs de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) dépose un rapport parlementaire, favorable à la réforme du droit de vote. En 1910, lors de la IIème Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, Clara Zetkin propose la création de la Journée internationale des femmes, journée de manifestation annuelle afin de militer pour le droit de vote, l’égalité et le socialisme. Cette initiative est à l’origine du 8 mars.
Au sortir de Première Guerre mondiale, après avoir durement travaillé pour remplacer les hommes partis au front, et après des années d’actions, de débats, alors que 138 millions de femmes votent déjà dans 24 pays, les femmes obtiennent un vote favorable au suffrage féminin intégral, le 20 mai 1919 à la Chambre des députés par 344 voix contre 97 (proposition F. Buisson). Mais le Sénat s’y oppose trois ans plus tard, le 21 novembre 1922 (156 voix contre 134), comme il le fera à nouveau en 1925, 1932 et 1935. La même année 1919, le 15 juillet, le pape Benoît XV se prononce pour le droit des femmes.
En 1925, la question des droits politiques des femmes revient à l’agenda politique à l’occasion de la préparation des élections municipales : trois propositions de loi sont déposées successivement par le communiste Marcel Cachin d’abord (26 juin 1924), puis le conservateur mais suffragiste Louis Marin (16 décembre 1924) et enfin, par le socialiste Henry Fontanier (28 janvier 1925). Cette dernière proposition est reprise par le rapporteur de la Commission du suffrage universel, Pierre-Etienne Flandin, député de centre droit. Le 7 avril 1925, par 390 voix contre 183, la Chambre adopte ce texte, mais – empruntant à la proposition Marin – réduit le droit de vote aux seules élections locales, contrairement à la proposition Cachin qui incluait tous les types d’élections.
Encouragées par ce vote, des femmes sont candidates aux municipales de 1925, en position éligible.
Le 12 juillet 1927, La Chambre des députés adopte une résolution – par 396 voix contre 94 –  » invitant le gouvernement à hâter, devant le Sénat, la discussion du projet de loi voté par la Chambre des députés concernant le suffrage des femmes aux élections municipales ». Cette résolution est confirmée par un nouveau vote de la Chambre le 13 décembre 1928.
Par trois fois, les 19 juin 1928, 21 mars 1929, et 26 juin 1931, le Sénat refuse d’inscrire la question à son ordre du jour.
Arrive 1936, le Front Populaire. En juillet, pour la sixième fois, les députés se prononcent. Ils votent à l’unanimité pour le suffrage des femmes (475 voix contre 0), mais le gouvernement s’abstient ! Et le Sénat persiste à ne pas inscrire le texte à l’ordre du jour.
Trois femmes sont nommées sous-secrétaires d’Etat : Cécile Brunschwig (Education nationale), Irène Joliot-Curie (Recherche scientifique) et Suzanne Lacore (Petite Enfance). Bonnes pour faire des ministres, les femmes n’étaient pas jugées aptes à être des citoyennes.
Pourquoi une telle obstination de la part du Sénat ? Il est dominé par les radicaux, lesquels émettent des doutes sur l’autonomie des femmes vis à vis de l’Eglise. Perçues comme des individus sous influence, dévotes, elles seraient susceptibles de voter selon les consignes de leur curé. La prise de position du Pape renforce leur hostilité. Et la crise de février 1934 les conforte dans l’idée que la République étant fragile, le statu-quo s’impose.
La Seconde Guerre mondiale constitue une accélération de la réflexion sur le suffrage des femmes. Au sein de la Résistance française se déroule, entre 1942 et 1944, un débat entre ses différentes composantes – mouvements, syndicats, partis. En 1942, le général De Gaulle dans une adresse aux mouvements de la Résistance intérieure évoque le droit de vote des femmes, mais en termes encore flous. En mars 1944, à l’Assemblée consultative provisoire d’Alger, seule l’éligibilité est envisagée par la Commission de réforme de l’Etat. C’est un amendement du député communiste Fernand Grenier qui introduit le droit de vote dans la discussion. Mais on est encore loin du consensus ! Deux arguments toutefois emportent l’adhésion de la majorité : rendre hommage à la résistance féminine et permettre à la France de rattraper son (grand) retard. L’amendement Grenier est adopté par 51 voix contre 16. Le 21 avril 1944, le général de Gaulle signe l’ordonnance, incluant l’amendement Grenier, pour le Comité Français de la Libération nationale (CFLN), puis le 5 octobre, le Gouvernement provisoire de la République Française (GPRF) incorpore cet amendement à l’ordonnance pour la réorganisation des services publics à la Libération.
Sources:
BARD Christine – Les Filles de Marianne, Fayard,1995
HUARD Raymond – Le suffrage universel, L’Humanité, 4 novembre 2011
KACI Mina – Hubertine Auclert, L’Humanité 2 août 2017
www.assemblee-nationale.fr

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