POIRIER Marin

Né le 9 avril 1903 à Fougères (Ille-et-Vilaine), fusillé, par condamnation, le 30 août 1941 à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; cheminot ; militant de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) ; résistant.

Marin Poirier était le fils de Jacques Poirier et de Aline Duchesne (19 ans, née à Rennes).

Il travailla comme cuisinier à Paris avant de partir cinq ans dans la Marine. Il entra aux chemins de fer de l’État en décembre 1925 comme cantonnier. Marié à Eugénie née Fourrage, sans enfant, il demeurait au 61 chemin de la Gaudinière à Nantes. Marin Poirier travaillait au service Voie et Bâtiments, il gardait le passage à niveau no 318, place du Commerce à Nantes.
Ancien combattant, il avait adhéré à l’Union des camarades des tranchées en revenant de la guerre du Rif (1925-1926 Maroc) au cours de laquelle il avait été blessé. Militant SFIO, il œuvra dès le début du conflit, au sein du Comité d’entente des anciens combattants, présidé par Léon Jost dont le rôle était d’aider les pouvoirs publics dans l’application des mesures de défense passive et dans l’assistance apportée aux réfugiés et aux mobilisés. Après la défaite, l’occupant autorisa ce comité devenu Comité d’aide aux prisonniers, à venir en aide aux prisonniers parqués dans des camps de transit à Châteaubriant, Savenay, Nantes.
Dès l’été 1940, il entra dans le mouvement Bouvron-Nantes, fondé par Auguste Bouvron, au sein du groupe Paul Bosq-Henri Adam. Marin Poirier avait été contacté par Henri Adam dont l’adjoint, Roger Astic, était en relation avec le réseau du musée de l’Homme.
Il participa à la filière d’évasion des prisonniers qui se mit en place avec Paul Birien, Joseph Blot, Auguste Blouin, Alexandre Fourny (membre du réseau Georges-France31), Georges Granjean, Léon Jost, Marcelle Littoux et Fernand Ridel. Ce dernier décrit Marin Poirier comme excellent propagandiste, petit, râblé, brun avec des yeux pétillants d’intelligence, indiscipliné et d’un dévouement à toute épreuve.
Marin Poirier convoyait vers la zone libre via Angoulême (Charente) et La Rochefoucauld où ils étaient pris en charge par un garçon de café. Son activité de garde-barrière au centre de Nantes, lui permettait de surveiller le passage des convois allemands, informations transmises à Henri Adam puis à partir de 1941, à Londres. Il avait participé à l’un des premiers attentats contre l’occupant, qui le soir de Noël 1940 visait le Soldatenheim de la place Royale.

Le 15 janvier 1941, la Geheimfeldpolizei (GFP) arrêta une grande partie du réseau, Marin Poirier fut arrêté le lendemain au café du Cycle rue de la Fosse à Nantes, où dans une arrière salle, il recevait les candidats au passage en zone libre.
Interné à la prison des Rochettes, puis jugé le 15 juillet 1941 par le conseil de guerre allemand, Marin Poirier fut condamné à 4 ans et demi de prison, peine plus lourde que celle de ses camarades. Mais le 16 août, le commandant militaire allemand en France (MBF) annula le jugement et Marin Poirier fut renvoyé devant la juridiction du chef de la circonscription militaire B d’Angers (Maine-et-Loire) qui le 27 août 1941, le condamna à la peine de mort pour intelligence avec l’ennemi. La fuite du chef de l’organisation Auguste Bouvron et les déclarations d’un codétenu auquel il avait dit être « un ennemi acharné des Allemands » semblent avoir alourdi la peine. Son avocat le bâtonnier Guinaudeau et l’interprète de la préfecture le professeur Duméril déposèrent en vain un recours en grâce. Marin Poirier est condamné à mort et fusillé le 30 août, Karl Hotz refusa de le gracier malgré une intervention du maire de la ville Gaëtan Rondeau.
ll a été fusillé 30 août 1941, à 12h15 au stand de tir du Bêle à Nantes et enterré sur place. Il avait refusé de se laisser attaché au poteau et bander les yeux et avait crié « Je suis innocent. Vive la France ».
Après l’exécution des 48 otages (dont 16 à Nantes) du 22 octobre1941, le Tribunal de guerre autorisa le transport de son corps vers le cimetière de Saint-Julien-de-Concelles. Le 13 novembre 1941, la municipalité nantaise en assura la réinhumation avec celle de quatre autres fusillés. Au printemps 1945, les familles reconnurent leurs corps qui reposent désormais dans le cimetière de La Chauvinière à Nantes.
Reconnu — Mort pour la France —, par décision du 19 février 1945, il fut décoré : chevalier de la Légion d’honneur par décret du 27 juillet 1946 ; Croix de Guerre avec Palme. Le titre d’Interné résistant lui a été attribué le 14 juin 1961.
Premier fusillé de Nantes, Marin Poirier est particulièrement honoré dans sa ville : une stèle avec son buste a été inaugurée le 14 novembre 1948 dans la cité de cheminots du Vieux Doulon qui porte son nom ainsi qu’une plaque dans une salle de réunion aux ateliers SNCF du Grand-Blottereau. Son nom est aussi gravé sur une stèle aux fusillés à Saint-Julien-de-Concelles (Loire-Atlantique).
Sa mémoire est également perpétuée par deux noms de rue, à Savenay et à Bouguenais.
Référence:
https://maitron.fr/spip.php?article7640, notice POIRIER Marin, Alain, Joseph par Quentin Gasteuil, Delphine Leneveu, Annie Pennetier, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 22 octobre 2019.
Par Quentin Gasteuil, Delphine Leneveu, Annie Pennetier
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SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Notes Carlos Fernandez ( Arch.Dép. Loire-Atlantique 1694 W12 et W16, Arch. mun. 27 J1, 1205 W3, 1136 W27). — Fernand Ridel, Témoignages, 1939-1945. Une page d’histoire, Édition des Paludiers. — Notes Alain Prigent. – Jean-Pierre Sauvage, Xavier Trochu, Mémorial des victimes de la persécution allemande en Loire-Inférieure 1940-1945, 2001, p.31 — Thomas Fontaine, Cheminots victimes de la répression, 1940-1945, Mémorial, p.1202, Perrin/SNCF. — A. Perraud-Charmantier, La Guerre en Bretagne. Récits et portraits, tome 1, Aux Portes du Large, 1947. – Mémorial Genweb . — État civil.

Henri Honoré d’Estienne d’Orves

Henri Honoré d’Estienne d’Orves était fusillé avec ses compagnons Maurice Barlier et Jan Doornick au Mont Valérien.
Ils avaient établi, le 25 décembre 1940, la première liaison radio avec Londres, depuis Chantenay Allo, Londres – Ici, Nantes
Les liaisons radios clandestines permettent à partir de la fin 1940 de transmettre à Londres, sous forme des messages codés, les renseignements urgents collectés par les réseaux de la Résistance en France. Elles permettent l’organisation des opérations maritimes et aériennes, des parachutages etc.
La première liaison radio-télégraphique clandestine avec Londres est établie le 25 décembre 1940 par le capitaine de corvette Honoré d’Estienne d’Orves, envoyé en Bretagne avec un poste émetteur et un opérateur radio. Il organise un des premiers réseaux de renseignements, le réseau Nemrod avec Jan Doornik et Maurice Barlier. A Nantes, ils sont hébergés dans le quartier de Chantenay, rue du Bois Haligan, chez André Clément, employé à la conserverie Amieux. Le 16 février 1941, M. Barlier est arrêté par la Gestapo au domicile du couple Clément, 2 jours après l’arrestation, au même endroit, de ses hôtes et d’H. d’Estienne d’Orves. Le 26 mai, ils sont jugés et condamnés à mort. Tous avaient été dénoncés par leur opérateur radio Alfred Gassler, qui s’est révélé être un agent double. Les trois fondateurs du réseau seront fusillés par les Allemands au Mont-Valérien le 29 août 1941. Aux lendemains de leur exécution, l’affiche allemande les concernant, côtoie celle annonçant l’exécution de cinq résistants communistes. Louis Aragon les unit dans son célèbre poème La Rose et le Réséda, dédié « à H. d’Estienne d’Orves et Guy Môquet, ainsi que Gabriel Péri et Gilbert Dru ». H. d’Estienne d’Orves a été nommé Compagnon de la Libération. Une voie porte son nom à Nantes: cours d’Estienne d’Orves dans le quartier Feydeau de même que le lycée de Carquefou. Une rue de Chantenay porte le nom de Maurice Barlier.honore_d_estienne_d_orves.jpg
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Hommage à Antoine Pesqué, Maurice Ténine et Jules Vercruysse

Antoine PESQUÉ

Né le 31 janvier 1886 à Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), fusillé comme otage le 22 octobre 1941 à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; médecin ; militant communiste d’Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis).
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Fils de Jean-Pierre Pesqué et de Julia Chevalier, employés de commerce, Antoine Pesqué se maria le 2 septembre 1919 à Paris (IVe arr.) avec Georgette Boniface. Le couple n’eut pas d’enfant et habitait Aubervilliers où il militait au Parti communiste. Son cabinet de médecin se trouvait rue Ferragus. La police française l’arrêta le 2 octobre 1940 à Aubervilliers. Sa femme fut internée à la Roquette et à Fresnes.
Détenu à la prison de la Santé (Paris) puis à la prison de Fresnes, il fut transféré au camp de Choisel le 3 juillet 1941, où il joua un rôle comme professeur (cours d’allemand, premier degré, cours d’hygiène publique, cours d’économie politique) et comme médecin avec Maurice Ténine, Louis Babin et Fernand Jacq. Il témoigna par écrit de la vie sociale et culturelle au sein du camp.
Il a été fusillé comme otage le 22 octobre 1941 à la Sablière de Châteaubriant avec le groupe des 27 fusillés.
Il fut inhumé à Noyal-sur-Brutz (Loire-Atlantique) puis semble-t-il à Aubervilliers.
Son nom a été attribué à l’ancienne rue de Pantin le 31 août 1945 ainsi qu’à un square à Aubervilliers.
SOURCES : AVCC, Caen, B VIII, dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Loire-Atlantique, correspondance, 42 J 187. – Le Sang des communistes, op. cit. – État civil.
Claude Pennetier

Maurice TÉNINE (Moïshé dit Maurice)

Maurice Ténine est né le 14 février 1907 à Alexandrie (Égypte), fusillé comme otage le 22 octobre 1941 à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; médecin ; militant communiste ; conseiller municipal de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) ; résistant.
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Fils d’immigrés juifs de Russie, qui avaient quitté leur pays en 1906 et s’installèrent en 1909 en France faute d’avoir obtenu un visa pour les États-Unis, Maurice Ténine fit de brillantes études secondaires d’abord au lycée Lakanal de Toulouse (Haute-Garonne) pendant la Première Guerre mondiale, puis au lycée Voltaire à Paris (XIe arr.). Il fut présenté en 1923 au concours général en mathématiques, français et histoire. Bachelier l’année suivante, il entreprit des études de médecine et obtint le titre de docteur en 1935. Son père, Aaron, qui, dans son pays, était ouvrier sculpteur sur bois, devint à Paris chauffeur de taxi à la compagnie G7 ; il était domicilié 18 rue René-Wurtz dans le XIIIe arrondissement. Sa mère s’appelait Bronia Borenstein.

La famille Ténine était, dès avant 1917, acquise aux idées bolcheviques et, à l’âge de seize ans, Maurice Ténine fut arrêté au cours d’une manifestation en soutien à Sacco et Vanzetti. Ils furent cependant tous naturalisés le 30 juillet 1926. Maurice Ténine adhéra au Parti communiste et milita très activement durant ses études à l’Union fédérale des étudiants. Il fut chargé pendant l’été 1929 d’une mission en Alsace pour y prendre la parole en allemand devant un auditoire de jeunes. Il gagnait sa vie durant ses études en faisant des traductions de l’allemand ou du russe pour le compte des Éditions Payot et des Éditions Sociales internationales (ESI). Il fut ainsi le premier traducteur de Wilhelm Reich, alors communiste allemand (La Crise sexuelle, ESI, 1934). Il se maria le 8 octobre 1929 à Paris, dans le Ve arrondissement, avec Annette (Etléa) Galaburda, née le 30 novembre 1905 à Baltzi (Russie, aujourd’hui Moldavie), qui était venue faire ses études à Paris. Elle fut employée comme traductrice en 1930 par l’Internationale de l’enseignement, puis par la compagnie Radio-Cinéma et de 1932 à 1935 par Lin et Chanvre, représentant en France de la SA Exportlin de Moscou. En 1932, Maurice Ténine travailla à l’encadrement de la colonie de vacances de Villejuif (Seine, Val-de-Marne). Il participa à l’accueil des réfugiés allemands en 1933.
Accomplissant son service militaire d’avril 1934 à avril 1935 au camp d’Orly (Seine, Val-de-Marne), il fut, peu avant sa libération, mis aux arrêts de rigueur pour « avoir introduit des documents qui, s’ils étaient parvenus à la connaissance de la troupe, auraient été de nature à nuire gravement à son moral » et pour « avoir publié, sans l’autorisation de ses chefs, des traductions d’articles à tendance nettement extrémiste ». Il s’agissait de sa collaboration à la Correspondance internationale qui lui permettait, disait-il pour se défendre, d’élever sa famille, sa fille Nadia étant née peu avant son incorporation en novembre 1933. Il fut cassé de son grade de médecin auxiliaire.
Installé comme médecin à Fresnes, 2 avenue de la République, Maurice Ténine y fut élu conseiller municipal communiste le 4 juillet 1937 sur la liste dirigée par Maurice Catinat. Il vint exercer en 1938 à Antony (Seine, Hauts-de-Seine), commune voisine, au 119 avenue Aristide-Briand.
Il fut mobilisé de septembre 1939 à juillet 1940 comme infirmier, à l’hôpital militaire Villemain à Paris, puis dans un hôpital d’évacuation secondaire. Le médecin-colonel Dreneau témoigna après guerre de « son dévouement et de son courage » : « il a opéré sous des bombardements violents à Évreux en juin 1940 ». Maurice Ténine n’obtint pas sa réintégration comme médecin auxiliaire. La préfecture de la Seine l’avait déchu de son mandat le 9 février 1940. À sa démobilisation, il fut victime de la loi du 16 août 1940 excluant les naturalisés de la profession médicale et fit tenir son cabinet par des amis. En janvier 1941, il fut, avec le docteur Jean-Claude Bauer, un des deux fondateurs du journal clandestin Le Médecin français. Ses fonctions consistaient également en l’organisation du service médical pour les membres de l’Organisation spéciale (OS).

Arrêté le 17 février 1941 par la police française, il fut interné à Clairvaux (Aube), puis en mai à Châteaubriant. Il évoquait dans ses lettres les difficultés de la période : « Tout est à nouveau clair, il ne peut y avoir de doutes désormais » (23 juin 1941) ou encore : « même sa douleur [il venait de perdre son fils âgé de quatre ans], il faut la situer dans la douleur universelle qui n’a jamais été aussi grande ». Selon des témoignages (Me Rapaport), il aurait bénéficié d’une permission pour les obsèques et serait revenu au camp sur les conseils d’un dirigeant communiste.
Fusillé le 22 octobre 1941 à Châteaubriant, il fut déclaré « Mort pour la France » le 19 mars 1942, comme les 26 autres otages, en raison de l’émotion suscitée par l’événement. Il fut nommé le 29 août 1945 chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume et reçut la Croix de guerre avec palme en tant qu’un des pionniers de la Résistance médicale. Le grade de sous-lieutenant des Forces françaises de l’intérieur (FFI) (1951) et le titre d’Interné Politique (avril 1955) lui ont été attribués, mais celui d’Interné Résistant refusé (1955).

Sa femme, également membre du PCF, fut arrêtée près de Nice (Alpes-Maritimes) en octobre 1943, internée à Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis) et mourut en déportation à Auschwitz (Pologne). Elle fut reconnue « Morte pour la France » et obtint à titre posthume un certificat d’appartenance aux Forces françaises libres (FFL) mais sa famille se vit refuser l’application de l’accord conclu le 15 juillet 1960 entre la France et la République fédérale d’Allemagne (RFA) car l’administration ne lui reconnaissait pas la nationalité française.
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Dernière lettre

Camp de Choisel, Châteaubriant (Loire-Inférieure)

22 octobre 1941

Chérie ; ma fille adorée ; mes chers parents, ma sœur ;

Je vous avais toujours recommandé le courage. Il vous en .faut désormais beaucoup plus qu’il nous en a jamais fallu. Au moment où vous recevrez cette lettre, je ne serai plus, exécuté par les Allemands pour un crime que je n’ai pas commis. J’irai à la mort bravement, sans rien regretter de ma vie ni de mes actes.. Ce n’est pas à moi que je pense en ces derniers instants, c’est à vous tous, les êtres qui me sont chers.

Chérie,

Encore un mot ; puisqu’on nous fait attendre.

Vis ; il faut que tu vives. Je t’ai toujours vue courageuse.

Il faut que tu le sois. Serre les dents comme tu les as serrées après la mort du petit. Et que la vie continue, ardente, pour l’avenir de ma fillette et de tous les enfants du monde.

Au revoir à jamais.

Ton Maurice

Acceptez ma mort avec courage, sans résignation. Je meurs victime de mon idéal, et cela rend ces derniers instants calmes, extraordinairement calmes.

Je sais aussi que l’histoire s’écrit en.ce moment, et le sang de nous autres ajoutera quelques mots, quelques lignes à cette histoire.

Prenez ma mort comme elle doit être prise. A toi, Antoinette chérie, compagne des bons jours, il te-reste notre fille puisqu’il ne nous pas été donné de garder notre fils.

Ne porte pas mon deuil éternellement. La vie est encore longue devant toi. Remarie-toi si tu trouves un jour un compagnon digne de toi et que mon souvenir reste doux dans ta vie, toi que j’ai aimée.

Mes chers parents, je m’en vais pour notre idéal. Il vous reste ma soeur Claude et Nadia [Nadia Ténine, épouse Michel devenue historienne] à aimer jusqu’à la fin de vos jours, que je souhaite longs, le plus long possible pour voir un avenir, meilleur.

Petite soeur, de moi, il te restera le souvenir d’un frère droit dans la vie comme dans la mort.

Et toi, ma fille adorée, il te reste un nom sans tache que tu pourras porter plus tard avec orgueil.

Annette, chérie, encore une fois, sois brave. Je le serai, moi, jusqu’à la dernière minute.

Avant de clore cette lettre, j’accorde une ultime.pensée à tous mes amis dont j’ai pu voir l’affection autour du cercueil de notre enfant.

Tout à l’heure, au moment de la salve, ma dernière pensée sera pour toi.

Mon dernier baiser, tu le recevras plus long, plus ardent que tous ceux du passé.

Je vous embrasse tous, ma femme, ma fille, mes parents, ma sœur, mes amis.

Votre Maurice.

SOURCES : Arch. PPo., 101. – Arch. Paris, DM3 ; vers. 10451/76/1. – Arch. com. Fresnes. – DAVCC, Caen. – RGASPI, Moscou, 495 270 6988. – Bruno Halioua, Blouses blanches, étoiles jaunes, Paris, Liana Levi, 1999. – Le Médecin français, janvier 1951. – Papiers de la famille Ténine. — Guy Krivopissko La vie à en mourir, Lettres de fusillés (1941-1944) Points Seuil,2006. — Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 564835 (nc).
Nadia Ténine-Michel, Claude Pennetier

Jules VERCRUYSSE

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Né le 1er mai 1893 à Roncq (Nord), fusillé comme otage le 22 octobre 1941 à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), ouvrier du textile ; militant syndicaliste ; militant communiste.

Fils d’un tisserand et d’une ménagère née en Belgique, Jules Vercruysse travailla toute sa vie dans l’industrie textile. Il combattit pendant la Première Guerre mondiale et en revint blessé avec une large cicatrice sur le côté droit du visage. Sa conduite lui valut la Croix de guerre et la Médaille militaire. Dans les années qui suivirent, Jules Vercruysse milita activement à l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC).
Selon Fernand Grenier, qui eut avec lui de longues discussions au camp de Châteaubriant, ce furent « la haine de la guerre pour les capitalistes, la féroce exploitation des ouvriers du textile par l’un des patronats les plus rapaces de France, la flamme prodigieuse de la révolution d’Octobre » qui conduisirent Jules Vercruysse au communisme, et sans doute adhéra-t-il au Parti communiste dès le début des années 1920. Militant à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine), il fut l’un des animateurs de la liste du Bloc ouvrier et paysan lors des élections municipales des 5 et 12 mai 1929. Au second tour, il recueillit 2 303 voix sur 14 462 inscrits.
Secrétaire du syndicat unitaire du textile de la Seine en 1929, il entra à la commission exécutive de la Fédération unitaire du Textile la même année. Jules Vercruysse avait été élu à la commission exécutive de la 20e Union régionale de la CGTU en 1928, sur la liste Nilès. Membre de la commission exécutive de la CGTU de 1931 à 1933, il fut l’un des délégués de la Fédération du Textile au VIe congrès de la CGTU (Paris, 8-14 novembre 1931) et au XXIVe congrès de la CGT (Toulouse, 2-5 mars 1936). Secrétaire de la Fédération CGTU du Textile à partir de 1936, il fut élu secrétaire de la nouvelle fédération au congrès de l’unité du Textile, qui eut lieu à Paris du 18 au 20 juin 1937 au cours duquel il l’emporta sur Roger Paul par 11 313 voix (378 syndicats) contre 2 341 (47 syndicats).

De 1937 à 1939, Jules Vercruysse fut membre de la commission administrative de la Bourse du Travail de Paris. Il fut également conseiller prud’homme de la région parisienne (section tissus) de 1933 à 1939, fonction dont il fut déchu le 13 février 1939, et membre du Conseil national économique de 1938 à 1940. Enfin, il était secrétaire du syndicat général des ouvriers et ouvrières de la teinture et parties similaires de la région parisienne, qui fut dissous le 21 novembre 1939.
Arrêté le 5 octobre 1940, Jules Vercruysse fut interné à Aincourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) puis à Fontevrault-l’Abbaye (Fontevraud, Maine-et-Loire) à partir du 4 décembre 1940 et à Clairvaux (Aube) à partir du 20 janvier 1941. Il arriva au camp de Châteaubriant (camp de Choisel), avec le groupe des « cent », le 15 mai 1941. Il a été fusillé le 22 octobre 1941 avec les « vingt-six » [autres] otages de Châteaubriant. Il écrivit sur le mur de sa baraque : « Vive le Parti communiste » quelques moments avant de mourir fusillé par les Allemands. Il laissait une femme et un fils.

Lors de son congrès de novembre 1950, la fédération CGT du Textille honora « Ceux du textile qui sont tombés dans la lutte contre le fascisme et pour l’indépendance nationale « . Les noms de Vercruysse et de Levavasseur étaient mit en valeur comme fusillés, puis suivaient 54 autres noms (cf ; lien ci-dessous):

https://maitron.fr/spip.php?article134033, notice VERCRUYSSE Jules, Joseph par Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 29 décembre 2019.

Par Nathalie Viet-Depaule

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Nat., F7/13584. – Arch. Dép. Seine. – Arch. PPo., 101. – L’Humanité, 28 avril 1929. – Le Républicain de Clichy, 18 mai 1929. – A. Gernoux, Châteaubriant et ses martyrs, Nantes, Éd. du Fleuve, 1946. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954 [photo]. – F. Grenier, Ceux de Châteaubriant, Paris, Éd. Sociales, 1967. – Stéphane Courtois, La politique du PCF et ses aspects syndicaux, 1939-1944, Thèse, 3e cycle, Nanterre, 1978. – Comptes rendus des congrès cités. – Agendas BT de Paris. – Secrétariat d’État aux Anciens Combattants. – Notes Michel Dreyfus.

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