Saint Aubin des Châteaux

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Comité Local du Souvenir des Héros de Châteaubriant
Discours de Monsieur Serge ADRY, président du Comité Local
Cimetière de Saint-Aubin-des-Châteaux
Samedi 19 octobre 2019 – 14 heures

Monsieur le Maire,
Monsieur le Sous-Préfet,
Mesdames et Messieurs les Elu (es)
Mesdames et Messieurs représentants les familles des fusillés,
Mesdames et Messieurs les représentants d’associations et organisations patriotiques, politiques et syndicales,
Messieurs les Portes Drapeaux.

Mesdames, Messieurs, chers Amis,

p1020445-1.jpgAu nom du Comité Local du Souvenir des Héros de Châteaubriant, je vous remercie pour votre présence à cette cérémonie.
Le 26 mai 2007, Jacqueline Timbaud et Odette Nilès ont donné le non de Jean-Pierre Timbaud, à une école, ici à Saint-Aubin-des Châteaux.
Maintenir des cérémonies comme celle d’aujourd’hui devant le cimetière de Saint-Aubin- des-Châteaux pour honorer 3 militants syndicaux et politiques, des 27 fusillés le 22 octobre 1941, c’est agir contre l’oubli et transmettre une mémoire particulière : l’histoire de ces hommes, qui sera relatée à la suite de l’inauguration de la plaque commémorative en hommage à Jean-Pierre TIMBAUD, HUYNH KHUONG AN et Maximilien BASTARD, par la compagnie « les gars à la remorque ».

Ces hommes ont fait le sacrifice de leur vie pour que nous puissions vivre libres et en démocratie.

Commémorer leur engagement, leur combat pour la liberté constitue un devoir contre l’oubli.
Un devoir envers les générations nouvelles, afin qu’elles sachent que résister dans les pires conditions est toujours possible, indispensable lorsqu’il s’agit de défendre les droits essentiels de l’homme, les valeurs de liberté, de démocratie, de paix.

Enseigner l’histoire de ces résistants est le but de notre travail de mémoire, cette histoire si absente des programmes scolaires.

La période troublée que nous traversons est potentiellement pleine de danger. La montée des nationalistes, racistes, xénophobes, antisémites, les peurs entretenues, la banalisation de l’extrême droite, la haine de l’autre « la France aux Français » ont la fâcheuse tendance de réapparaître au moment des grandes crises.

Le fascisme est toujours à l’affût, mettant à profit la crise pour exploiter les frustrations, les désarrois, la misère et le mépris à l’égard des plus faibles, des plus pauvres et des étrangers.

Rendre hommage à nos 3 militants syndicaux et politiques inhumés dans ce cimetière n’a rien de passéiste, c’est nécessaire pour éveiller, mettre en garde.

Aujourd’hui plus personne ne devrait dire « je ne savais pas »
Non !! Il ne doit y avoir aucune place pour le racisme, la xénophobie et le chauvinisme dans nos sociétés.

Notre travail de transmission de la mémoire, que nous continuons à perpétuer aujourd’hui à Saint –Aubin –des –Châteaux, nous allons le multiplier par neuf inaugurations de plaques : cimetières de Lusanger, Erbray, Noyal-sur Brutz, Villepot, Moisdon-la Rivière, Ruffigné, Sion-les Mines pour terminer en 2021 au Petit-Auverné, lors du 80ième anniversaire des fusillades de Châteaubriant.

La transmission de la mémoire, celle des résistants, ces valeurs d’émancipation humaine qu’ils portaient, se révèle plus indispensable que jamais.
On dit souvent qu’un peuple sans mémoire est condamné à revivre les souffrances de ses aînés.

Nous savons qu’il n’existe aucune fatalité, à la condition de consacrer les moyens nécessaires à l’éducation, à la culture, à une véritable justice sociale comme le préconisaient les mesures mises en place dès la libération par les forces qui libérèrent le pays.
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Notre Comité entend avec ses faibles moyens transmettre les idéaux de la Résistance, défendre les valeurs républicaines et la philosophie du Programme du Conseil National de la Résistance, surtout dans cette période

Montrons que les français sont de vrais patriotes responsables qui n’ont pas oublié.

L’engagement de ces camarades n’avait qu’une visée,

L’égalité pour tous

Ceux qui ont reposé ici ont refusé la défaite.

Sachons comme eux relever le défi et nous aurons la fierté de ne pas avoir baissé la tête.

Je vous remercie de votre attention.

Veillée du Souvenir 2019

Madame le Maire, Mesdames, Messieurs les parlementaires ; Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs représentants les familles de fusillés Mesdames et Messieurs les représentants des associations et organisations patriotiques, syndicales, politiques, Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux, Mesdames et Messieurs, chers amis.
dscn2010-1.jpgVoilà 78 ans déjà que Nantes, la France recevait l’horrible choc des fusillades d’octobre 41. Depuis, chaque année, les Nantais et de nombreux Français se souviennent. De 1944 à aujourd’hui, chaque année grâce à l’engagement et au travail des bénévoles du comité du souvenir et des collectivités qui les accompagnent, cette flamme du souvenir vacille, mais ne s’éteint pas. Elle doit être entretenue, afin que les jeunes générations sachent ce qui s’est passé le 22 octobre 1941 à Châteaubriant, à Nantes, au Mont-Valérien. L’acte de résistance du commando composé de Marcel Bourdarias, Gilbert Brustlein et Spartaco Guisco qui abattit le Feldkommandant de la place, n’était pas un assassinat comme on le lit encore trop souvent, mais bien un acte majeur de la Résistance naissante qui ouvrait la lutte armée contre l’occupant nazi, sur le sol national.
Les assassins, ceux qui fusillaient, torturaient, déportaient, exterminaient étaient les envahisseurs, leur armée d’occupation avec sa sinistre cohorte de l’ABWEHR, de la Gestapo, du SIPO SD et de leurs supplétifs du régime de Pétain, du SPAC, des sections de police anticommuniste et ensuite de la milice.
Comme l’écrit si justement l’historienne Dominique Comelli dès les premières lignes du dossier pédagogique, qu’elle a bien voulu nous offrir pour accompagner la belle bande dessinée « Immortels ! » je cite : « Savoir ce qui s’est passé à Châteaubriant, à Nantes et au Mont-Valérien, c’est bien sûr rendre hommage à ceux qui ont été fusillés. Mais cela ne suffit pas. Les fusillés du 22 octobre 1941 ne sont pas morts par hasard, et ne sont pas morts seulement pour libérer la France. Ils sont morts aussi pour un monde différent, et ce monde différent nous concerne, parce qu’on ne peut pas dire qu’on vive dans un monde idéal.
Connaître ce qui s’est passé, c’est réaliser que ces morts nous ressemblent beaucoup : on ne partagerait pas forcément leurs idées politiques, tous leurs engagements et le monde a évolué. Mais se lever pour dire que le monde est injuste, inégale, qu’il va la catastrophe sociale, politique, climatique, et qu’on peut y faire quelque chose, cela nous concerne tous actuellement. Il y a plein de manières de dire non, de résister. À chacun de les trouver. Et c’est cette volonté de résister qui nous rend très proches de ces morts.
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Nous ne doutons pas que cette bande dessinée contribuera à la connaissance de cette période tragique de notre histoire, qu’il importe de ne pas voir sombrer dans l’oubli. Nous sommes satisfaits de l’écho qu’elle rencontre déjà. Nous souhaitons vivement qu’elle puisse retenir l’intérêt de nombreux lecteurs qui voudront mieux connaître l’engagement des 48 otages dont les portraits jalonnent le cours éponyme qui s’ouvre devant ce monument. , d’ailleurs très heureux d’accueillir ce soir, à cette veillée du souvenir et aux cérémonies de tout le week-end, l’artiste auteure de ces beaux portraits, Madame Chantal Trubert. Nous la remercions une nouvelle fois, puisque l’occasion nous en est fournie, pour son travail qui donne à chacun de ces 48 fusillés, un visage pour les Nantais. Nous saluons Camille Ledigarcher dessinatrice et auteure de la bande dessinée. Nous saluons aussi l’auteur du dossier pédagogique, historienne et auteure d’ouvrages pour la jeunesse Madame Dominique Comelli. Nous disposons donc d’un nouveau support pour transmettre la mémoire des 50 otages, une bande dessinée.
Après le documentaire « Ils étaient 48 » réalisé par Chloé Glotin et les élèves du lycée Carcouët, cette nouvelle initiative permettra, nous l’espérons, aux lecteurs d’élargir leurs connaissances sur la Résistance dans sa diversité, d’enrichir leur savoir, grâce au dossier de Dominique Comelli qui constitue un apport historique précieux. Chacun pourra y puiser des enseignements en appréhendant mieux les valeurs que portaient ces résistants pour aujourd’hui se prémunir de l’obscurantisme, du racisme, de la xénophobie, de l’idéologie du chacun pour soi, dans une période où les idées de l’extrême droite sont banalisées à un niveau sans précédent depuis la Libération. Aujourd’hui, un chroniqueur fascisant bénéficie de la transmission intégrale sur la chaîne LCI, de ses propos xénophobes, racistes et de haine, tenus devant une assemblée d’extrême droite, ce même individu et ses acolytes sont omniprésents dans les médias qui leur offrent des tribunes. Comment s’étonner dès lors de la progression de leurs idées nauséabondes qui prospèrent sur le terreau du mal-être, du mal-vivre engendrés par les politiques antisociales, d’austérité, de désintégration des services publics au profit d’une poignée de privilégiés des sphères de la finance ? Eux, dont les aînés résumaient leur conception antidémocratique avant-guerre dans l’expression » plutôt Hitler que le Front populaire. »
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Cette propagande devrait tomber pourtant sous les coups de la loi, mais la tolérance dont ils bénéficient atteste du dangereux jeu politicien par lequel le pouvoir pense se maintenir en favorisant un duo avec l’extrême droite. Cette opération de diversion est indigne, tout comme celle à propos du voile, déclenchée par la méprisable sortie d’un élu du Rassemblement National, qui selon l’expression, fait le buzz. Le plus affligeant dans cette histoire est que certains par bêtise, ignorance ou pire, par calcul politicien confondent un foulard porté par une maman avec un voile assimilé à l’islamisme radical pour discriminer une population tout entière ! Attention, danger ! Il ne s’agit ici nullement de laïcité. Souvenons-nous que l’antisémitisme en Allemagne, qui mena à la Shoah, débuta par le même genre de provocations à propos des coutumes vestimentaires de la communauté juive.
À l’évidence, le travail mémoriel n’est absolument pas archaïque ou dépassé, il demeure nécessaire, d’autant plus que pour certains il serait bientôt clos avec la disparition des témoins directs, des rescapés des camps, des compagnons de combat des fusillés. Nous le constatons, hélas, « le ventre est encore fécond, d’où sortit la bête immonde ». Il est donc primordial de poursuivre le travail de mémoire, de rendre hommage aux 48 du 22 octobre 41 et à leurs compagnons tombés dans les semaines qui suivirent : les neuf fusillés à la Blisière sur la commune de Juigné-des-Moutiers, puis les 10 jeunes communistes d’origine juive qui, extraits par petits groupes du camp de Choisel, à Châteaubriant sous prétexte de transfert, furent dirigés vers le champ de tir du Bêle.
Et puis, les groupes des FTP nantais du procès des 42 et du procès des 16 qui tombèrent en 1943 et encore les 27 du maquis de Saffré, fusillés au château de la Bouvardière en juin 1944, sans oublier tous les autres fusillés dans la cour de la prison de Nantes et dans d’autres communes de notre département ni les centaines de déporté-e-s de notre département qui ne rentrèrent pas. En leur rendant hommage, ce soir comme chaque année, c’est toutes celles et ceux qui d’une manière ou d’une autre constituèrent la Résistance, quelques furent leur opinions, leur convictions, leurs origines ou nationalités que nous honorons pour leur engagement souvent jusqu’au sacrifice de leur vie, pour nous léguer un pays libéré se dotant avec les conquis du programme du Conseil National de la Résistance, d’avancées sociales et démocratiques telles que les régimes de retraite, la Sécurité sociale, les nationalisations des grands moyens de production, du secteur bancaire, de la liberté de la presse affranchie des puissances d’argent, du statut de la fonction publique, de celui du fermage et du métayage… et la liste n’est pas exhaustive, mais autant de conquêtes que depuis, les puissances d’argent ne cessent de remettre en cause, sous prétexte de « réformes », d’économies à réaliser, mais en réalité de transfert de richesses qui se traduisent par des écarts de plus en plus gigantesques entre une minorité d’affairistes et la société.
Ainsi aujourd’hui, l’ensemble des médias, à l’exception de deux à trois quotidiens en danger, appartiennent à sept milliardaires. On voudrait nous faire croire que ce qu’il a été possible de bâtir dans un pays ruiné, qui devait tout reconstruire, serait impossible économiquement aujourd’hui.
Le général De Gaulle faisait remarquer aux représentants du patronat à la Libération « Messieurs on ne vous a pas beaucoup rencontrés ces dernières années ». Par contre ceux de la résistance étaient pour l’essentiel d’extraction populaire, nombre d’entre eux étaient des militants syndicalistes et beaucoup des communistes. Ils devaient payer le plus lourd tribut dans la lutte pour la libération. Ce sont ceux-là qui luttant dans les pires conditions, pensaient à l’avenir, à bâtir une société nouvelle qu’ils définirent en s’unissant autour de Jean Moulin dans le CNR et intitulèrent leur programme pour la Libération « Les jours heureux »
Le régime de l’État français dirigé par Pétain connaissait ses ennemis et livra nombre de ces hommes à l’occupant. Son ministre, Pucheu, homme du Comité des Forges remit aux Allemands par l’intermédiaire de son conseiller Chassagne, une liste d’otages à fusiller, notamment détenus à Châteaubriant. Parmi eux, des dirigeants de Fédérations syndicales de la CGT : Charles Michels, Jean Poulmac’h, Jean-Pierre Timbaud, Désiré Granet, Jules Vercruysse. Au regard de cette réalité, combien la résolution adoptée récemment par le Parlement européen sur « l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe » apparait pour ce qu’elle est, une entreprise ignoble de falsification historique et une escroquerie intellectuelle. Cette résolution assimile fascisme et communisme y mettant un trait d’égalité et expliquant que l’origine de la Seconde Guerre mondiale serait due principalement au pacte germano-soviétique. À propos de mémoire, celle-ci est particulièrement bafouée.
Ce texte fait l’impasse sur le traité de Versailles, sur la montée des régimes fascistes des années 1930 en Europe, sur la crise de 1928/29. Nulle part il n’est question des autres pactes avec les démocraties occidentales, silence sur les accords de Munich, sur la non-intervention en Espagne et donc sur l’atermoiement meurtrier des chancelleries occidentales avec le nazisme et la complicité active des puissances d’argent avec les régimes fascistes et nazis. La droitisation extrême de la représentation au Parlement européen se fait déjà sentir.
Ce texte fait la part belle au révisionnisme de l’extrême droite, il permet d’absoudre cyniquement aussi bien le national-socialisme, son idéologie de mort et les régimes fascistes des années 30. Certes, il ne fait aucun doute que le régime stalinien fut bel et bien un régime sanglant et criminel dont furent victimes en premier lieu beaucoup de communistes, mais il est moralement et historiquement inconcevable de faire de l’Union soviétique, de son armée et de tous les communistes qui s’engagèrent dans tous les pays dans le combat libérateur des équivalents des nazis et de leurs supplétifs collaborateurs sans sombrer dans l’obsession comparative comme le dénonce l’historien Marc Ferro. C’est nier la contribution de l’armée et du peuple soviétique, avec ses 20 millions de morts, à la victoire sur le nazisme.
Cette résolution relativise, banalise même incidemment la Shoah, sa singularité intrinsèque et les logiques d’extermination méticuleuse et industrielle du régime nazi en la noyant dans les assassinats collectifs du 20èm siècle. On pourrait citer Churchill, qui avait compris le pacte germano-soviétique comme une conséquence de la lâcheté des démocraties occidentales vis-à-vis des fascistes. Ou encore Thomas Mann, qui écrivait «Ceux qui insiste sur cet équivalent peuvent bien se targuer d’être démocrates, en vérité, et au fond de leur cœur, ils sont déjà fascistes; et à coup sûr ils ne combattront pas le fascisme sinon en apparence, mais réserveront toute leur haine au communisme »
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Nous avons encore beaucoup à faire sur les questions mémorielles, encore beaucoup à apprendre et à transmettre, et ce malgré les difficultés avec la disparition des témoins directs, le recul de l’enseignement de l’Histoire particulièrement celle du siècle dernier, un recul de l’importance mémorielle dans l’Éducation nationale et dans la société, les manques de moyens financiers et humains croissants… Le travail auprès des jeunes générations, auprès des scolaires, est primordial. La mémoire se doit d’être intergénérationnelle, mais elle se doit aussi d’être plurielle, d’associer le plus grand nombre de personnes, quels que soient leur âge, leur origine, leur parcours, leurs croyances ou non… Le travail de mémoire n’est jamais achevé. Non. Absolument non. Le travail mémoriel n’a rien de dépassé, il ne se fait pas dans le passé, mais bien dans le présent, et pour construire un futur sain. Les témoins directs nous ont appris que la mémoire est un des outils nécessaires à la construction des sociétés émancipatrices de demain.
La mémoire, c’est « connaître le passé, comprendre le présent et construire le futur». Grâce à leur implication, à leurs résistances sans faille, d’hier à aujourd’hui, nos aînés nous ont permis toutes et tous, en étant présents dans les différentes cérémonies et commémorations, en organisant des conférences, expositions, projections, ou encore en écrivant des livres, en éditant des films, une BD …de devenir des témoins indirects. Nous sommes, nous aussi, des passeurs de mémoire. Ce que nous réalisons aujourd’hui aura des conséquences demain, et ce ne pourra être que positif. Cependant, il nous reste encore beaucoup à construire. Le comité du souvenir a besoin de vos compétences, de vos savoirs, de votre engagement. Rejoignez-nous pour transmettre la mémoire de la Résistance. Lucie Aubrac nous le rappelait, elle se conjugue au présent.
Nantes, ville Compagnon de la Libération, si elle a été hélas une ville où la collaboration fut importante fut aussi une ville de Résistances actives face à l’occupation et aux exactions du régime de Vichy, c’est pour cette raison qu’elle fût la première à porter ce titre honorifique. Soyons-en dignes, comme l’appelait Guy Môquet dans son dernier message.
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Les fusillades d’octobre 1941

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Les Cérémonies d’octobre 2019

Vendredi 18 octobre 17h45: Nantes, Veillée du souvenir
Monument des 50 otages

Samedi 19 octobre:
Châteaubriant : Cérémonies
10 h 30 Stèle à Choisel  (lieu du camp)
11 h Au Château. (plaque)

Saint Aubin des Château  x
14h Dévoilement de la plaque au cimetière

Dimanche 20 octobre:
8h45 Indre (Mail Odette Nilès)
10h Juigné des Moutiers :
La Blisière

13h30 Châteaubriant: Rond point
Fernand Grenier: Hommage puis départ du défilé jusqu’à la Sablière.
A la Sablière

Cérémonie et évocation.
Vente-dédicace de la Bande Dessinée
Mardi 22 octobre: Nantes:
10h Monument des 50 otages
10h45 Monument du Bêle
11h30 Cimetière de la Chauvinière

Hommage à Jean de Neyman

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En septembre 1944, alors que les forces françaises et alliés avaient débarqué en Normandie et en Provence, que l’Armée Rouge libérait les pays d’Europe centrale, que Paris était, comme Nantes et de nombreuses villes de l’ouest libérées, Saint Nazaire et sa région était encore pour de nombreux mois sous l’occupation de l’armée nazie.
La Résistance continuait son combat contre l’occupant. Jean de Neyman fut arrêté, jugé par un tribunal militaire allemand, condamné à mort et fusillé le 2 septembre 1944.
Jean de Neyman fut un des derniers fusillés pour actes de résistance. Cela fera donc 75 ans le 2 septembre prochain.
Jean de Neyman est une figure historique de la Résistance de la région nazairienne et de la presqu’Ile guérandaise, son engagement dès 1940 dans la Résistance a conduit son groupe à des actions de renseignements, de sabotage et de solidarité à l’égard des soldats allemands déserteurs.
Le samedi 31 Août à 16 heures, devant la stèle de Jean de Neyman à Heinlex, nous vous invitons au 75ème anniversaire de son exécution.
Cette initiative permettra de redonner le contexte historique local dans lequel Jean de Neyman a mené son combat pour un idéal de justice, de liberté, de paix, de progrès humain et de rappeler a portée toujours actuelle des valeurs de la Résistance.

La libération de Paris sans oublier Madrid

La libération de Paris sans oublier Madrid
Lorsque Luis Royo-Ibanez entre dans Paris, le 24 août 1944, à bord de son half-track baptisé « Madrid », il laisse éclater sa joie devant l’Hôtel de Ville : « Aujourd’hui Paris, demain les Pyrénées ! » Ce républicain espagnol de la division Leclerc, membre de la compagnie surnommée la
« Nueve » (160 hommes dont 146 Espagnols pour la plupart anarchistes et communistes) avec à leur tête le colonel Raymond Dronne, a tout donné pour la libération de l’Afrique du Nord puis celle de la France.
Luis et ses camarades ont débarqué à Omaha Beach. Puis, sous la conduite de combattants de la Résistance, ils ont foncé sur Alençon avant d’entrer dans Paris – déjà largement contrôlé par les FFI du colonel Henri Rol-Tanguy – à bord des half-tracks portant les noms de batailles de la guerre d’Espagne, « Teruel », « Guadalajara », « Brunete » soigneusement rebaptisés pour les cérémonies du lendemain 25 août, « Montmirail », « Champaubert » ou « Romilly ».
Luis et ses copains ne fonceront pas sur Madrid pour combattre la dictature. On leur donnera l’ordre de poursuivre vers l’est. Surtout pas au sud, vers l’Espagne sous le joug du général fasciste Franco
passé sous protection des États-Unis. Dans son HLM de Cachan, Luis nous dira au crépuscule de sa vie : « La libération de Paris, de la France devait être une étape avant la libération de l’Espagne. Nous nous sommes battus puis nous avons été oubliés. »
Manuel Rodriguez était un parmi les 500 000 Espagnols qui ont cherché refuge en France, en 1939. Passé les Pyrénées, il a été enfermé dans un camp de concentration, à Argelès. Première image d’une partie de la France, celle qui passait son temps à enchaîner autour du maître berlinois plus de génuflexions que la liturgie collaboratrice n’en exigeait. Manuel s’échappera puis rejoindra les premiers groupes armés de la Résistance. Plus tard, il participera à la libération de Toulouse. La Ville rose et la France libérées, il s’engage dans les groupes armés qui tentent de reprendre la lutte en terre espagnole. Blessé, il rentre à Toulouse et finit sa vie délaissé et traité comme un pestiféré, presque comme un « terroriste ».
Maurice, ancien des Brigades internationales, a eu la mauvaise idée de perdre une jambe lors de la bataille de l’Ebre. Jeune et très beau garçon, fils d’une « bonne famille » de « gauche » bourgeoise et socialo-radicale, il avait compris avec plusieurs milliers d’ autres Français que la guerre imposée à

la République espagnole par les sbires d’Hitler et de Mussolini était un test grandeur nature avant le déferlement nazi sur l’Europe. Jusqu’en 1971, abandonné par sa famille, ignoré par les autorités, il a survécu en dessinant des caricatures sur la place du Tertre à Paris. Maurice et nombre de ses camarades survivants de la guerre d’Espagne nous ont quittés dans l’indifférence qui aurait été générale sans la solidarité jamais démentie du Parti communiste français.
Il aura fallu, en 1996, l’action combinée de Philippe Séguin et de Jacques Chirac, sous les hurlements de plusieurs députés de droite, pour que les brigadistes soient enfin reconnus comme « anciens combattants ».
Le colonel Henri Rol-Tanguy – qui nous disait : « Vous évoquez mon rôle pour la libération de Paris mais c’est l’Espagne qui reste mon premier combat antifasciste et qui a marqué la suite de mon engagement pour la liberté et la démocratie » – a, lui aussi, subi la discrimination en étant marginalisé dans sa carrière militaire. Compagnon de la Libération, grand officier de la Légion d’honneur, Rol fut heureusement reconnu des années plus tard comme un Français d’exception dans la lutte contre l’occupant nazi. Mais combien d’autres de ses camarades ont été maintenus dans l’oubli ?

Après des dizaines d’années de silence sur la guerre d’Espagne, la chape de plomb se fissure : films, livres, études, avec notamment le prix Rol- Tanguy délivré à des étudiants par l’association les Amis des combattants en Espagne républicaine (Acer) ainsi que documentaires et ouvrages, ont permis de donner à voir et comprendre la guerre d’Espagne, le courage des républicains espagnols et des brigadistes venus du monde entier. C’est aussi en se rappelant leur rôle qu’il convient, en 2019, de célébrer la libération de Paris.

Nous remercions notre ami José Fort ancien responsable de rubrique au journal l’Humanité pour sa contribution. José Fort est le fils du Commandant Fort un des rare officier français à s’être porté volontaire auprès de l’armée de la République d’Espagne pour combattre le coup d’état de la clique franquiste.

Pour en savoir plus un important dossier dans ce numéro l_humanite_19_08_2019.png

Il y a 75 ans, le 12 août 1944 Nantes libérée !

Le débarquement en Normandie le 6 juin 1944, l’avancée des troupes alliées à travers la Normandie et la Bretagne nourrissent la perspective de la victoire. Les Nantais attendent avec impatience leur arrivée dans leur ville. Le 4 août, Châteaubriant a été libérée. Militairement affaiblis par le débarquement et leurs défaites à l’Est, les Allemands sont inquiets et savent leur départ imminent. Ils font tout pour freiner l’avancée des troupes alliées. Le 9 août, ils font sauter leurs dépôts de munitions à Château-Bougon et activent les mines déposées le long des quais du port de Nantes. Les FFI * réussissent à empêcher la destruction de l’usine électrique de Chantenay. Ils envisagent de déminer les quais, mais l’opération est trop dangereuse et ils sont contraints d’ y renoncer.
Dans la nuit du 10 août – Angers a été libérée dans la journée -, les Allemands font exploser les piles du pont de la Jonelière. Le 11, ils amorcent les explosifs placés sur les piles des autres ponts nantais et minent tous les navires qui mouillent dans le port, y compris le refouleur des Ponts et Chaussées qui alimente la population en eau depuis la destruction de l’usine des Eaux. Les explosions se succèdent jusqu’au matin du 12 août: les infrastructures portuaires, les quais, notamment le quai de la Fosse, sont en grande partie détruits. Aux aurores les Allemands ont quitté la ville, franchissant la Loire et détruisant le pont de Pirmil après leur passage, opérant ainsi leur retrait vers la rive sud de la Loire.
Dans la nuit, les FFI avaient, sans perdre une minute, occupé le bâtiment du 11ème Corps d’Armée, place Foch dont la Kommandantur avait fait son siège, dès l’occupation de Nantes le 19 juin 1940. Au matin du 12, le commandant Grangeat**, chef des FFI, envoie le capitaine Jaunet avec un groupe d’une vingtaine d’hommes, à pied, prévenir les Américains que les Allemands ont quitté Nantes. Ils les trouvent sur la route de Rennes, à une dizaine de kilomètres. Les Américains exigent que les voies d’accès soient déminées, ce dont se charge le 5ème Bataillon FFI avec l’aide de démineurs de la Défense passive.
Le chef des Forces Françaises de l’Intérieur en Loire-Inférieure, Vendée et Maine-et-loire est le colonel François-Jacques Kresser-Desportes, alias Kinley. Il a pour adjoint le commandant René Terrière, alias Xavier-Dick. Le 15 juin, il nomme Gilbert Grangeat, alias Alain, 22 ans, commandant du 5ème Bataillon des FFI, basé à Nantes. Son QG est établi au Locquidy, à la Morrhonnière. Grangeat place ses hommes aux points stratégiques de la ville et contribue à y faire entrer les Alliés. Les Allemands ayant fui, l’arrivée des troupes alliées se déroule sans combat. La population les accueille avec soulagement, de la joie certes mais sans effusion: le souvenir des bombardements de 1943 est encore vif. D’autre part, il ne reste plus à Nantes qu’une partie de la population, à peine 50 000 habitants: ceux qui n’ont pas pu partir après les bombardements de septembre 1943 et ceux qui y viennent pour travailler. Et les Nantais restent sur le qui-vive: l’artillerie allemande reste active sur la rive sud, Rezé ne sera libérée que le 29 août.
Henry Orrion, désigné « maire » par le gouvernement de Vichy – Pétain l’avait décoré de la Francisque ! – est destitué. Il cède la place le 28 août 1944 à Clovis Constant, du groupe Libération-Nord, membre du Comité départemental de Libération (CDL), constitué à l’image du CNR, le Conseil National de la Résistance.
Après avoir repris Vannes, les troupes américaines se dirigent vers Nantes. Les FFI préparent leur entrée en déminant les routes d’accès. Le 12 août, vers 16 heures, la 4ème division blindée américaine fait son apparition, route de Rennes.
Nantes n’est pas un objectif immédiat pour les Américains. Les GI’s du général Patton viennent d’essuyer de lourdes pertes à Brest et Lorient. Ils considèrent que Nantes est une place difficile à prendre en raison de la proximité de Saint-Nazaire. Ils avaient d’ailleurs envisagé de bombarder la ville avant de passer à l’offensive. Max Eidem, l’émissaire des FFI dépêché le 4 août par G. Grangeat auprès de l’avant-garde alliée stationnée à Derval , obtient des Américains qu’ils renoncent aux bombardements.
Le dimanche matin, une affiche manuscrite (faute d’imprimerie) est placardée dans la ville, relayée par le journal collaborationniste Le Phare, autorisé à paraître… une dernière fois, annonçant que « Les FFI prennent en main l’administration de la cité. »
Le mardi 15, Michel Debré, alias François Jacquier, rejoint la Préfecture en compagnie de Lucie Aubrac, représentant l’Assemblée Consultative Provisoire d’ Alger. M. Debré s’autodésigne Commissaire de la République pour la région, annonce le rétablissement de la République et l’abrogation des lois de Vichy. Il nomme Alexandre Vincent, ancien bâtonnier du barreau de Nantes, comme Préfet de Loire-Inférieure, en remplacement du préfet Georges Gaudard, pétainiste notoire qui avait refusé de céder sa place le 12. Alexandre Vincent est réfugié avec sa famille à La Varenne, sur la rive sud, dans les lignes allemandes. Il franchit la Loire sur une barque, déguisé en pêcheur et est ramené à Nantes en Citroën traction-avant par le sous-lieutenant FFI Jacques Noblet.
Si Nantes est libérée, la guerre continue. Hitler ayant donné l’ordre à son état-major de tenir les forteresses de l’Atlantique, la « poche » de Saint-Nazaire, entre autres, enferme la population civile dans la guerre. Dans un rayon de 30 km autour de l’estuaire de la Loire, la région nazairienne est encerclée par les troupes américaines et les résistants. Les combats sont intenses, auxquels participent le 5ème Bataillon FFI puis la 25ème division d’infanterie. Il faut attendre le repli des troupes allemandes à Pornic et leur reddition du 8 mai 1945, signée à Cordemais, pour que la « poche » soit enfin libérée trois jours plus tard, le 11 mai.
Paris est toujours aux mains des Allemands. Le 19 août, le colonel Henri Rol-Tanguy, commandant des FFI d’Ile-de-France appelle à l’insurrection et à la mobilisation générale de la population. Paris s’est soi-même libérée le 25 août.
Si le rôle des Alliés ne saurait être minimisé, « l’apport de la Résistance à la Bataille de France ne devra pas être oublié. Il représente l’équivalent de 15 divisions selon les estimations des Américains, en particulier du général Eisenhower » affirmait Robert Chambeiron, secrétaire du CNR. En chassant l’occupant, la Résistance montre que la France entend reprendre en main son destin.
Après quatre longues années d’administration et d’occupation allemandes, quatre longues années de privations, d’humiliations, de répression, Nantes retrouve sa liberté. Elle n’oublie pas le drame des 48 Otages du 22 octobre 1941, ni les 50 exécutions de FTP en 1943, les nombreuses déportations, la rafle de Juifs en juillet 1942, les maquisards de Saffré, ni les 1732 civils tués par les bombardements, les 2500 blessés.
Un nouveau combat s’amorce: celui de la Reconstruction et de la mise en oeuvre des réformes élaborées dans la nuit de l’Occupation par le Conseil National de la Résistance en prévision des « Jours Heureux ».
* Les Forces Françaises de l’Intérieur ont été créées le 1er février 1944 par la réunion de L’Armée secrète, l’Organisation de résistance de l’armée et les Francs-Tireurs et Partisans Français (FTPF)
** Une plaque en hommage à Gilbert Grangeat a été apposée, le 12 août 2014, sur la façade de l’immeuble dans lequel il a vécu, 1 rue Kléber à Nantes

Pour aller plus loin
NANTES, ville libre de Terrière, Jean-Claude Ed. Geste
Nantes 1940-44 de Scheid, Michel Ed. Ouest-France
Histoire populaire de Nantes de Croix, Alain et alii. PUR