Sion-les-Mines

La pluie ne cesse de tomber ce 8 février 2020 sur les 150 personnes présentes à l’inauguration de la pose de la plaque des trois fusillés, de Châteaubriant du 22 octobre 1941, enterrés en première inhumation à Sion-les-Mines (44) :

20200208_ceremonie_plaque_sion_les_mines_6605_okw_photo_patrice_morel.jpg
Plaque mémorielle (Crédit © Patrice Morel)

• Claude Lalet, 21 ans, de Paris, dirigeant de l’Union des étudiants communistes à la Sorbonne ;
• Maurice Gardette, 49 ans de Paris, artisan tourneur, conseiller municipal communiste de Paris XIe arrondissement ;
• Charles Michels, 38 ans de Paris, ouvrier dans la chaussure, député communiste de Paris XVe, secrétaire de la Fédération CGT des cuirs et peaux.

« La Saint Melaine », fanfare locale, ouvre la cérémonie.

Puis une évocation artistique, avec lecture des dernières lettres de ces compagnons, a été jouée par le groupe théâtral de Châteaubriant : « Les gars à la remorque ».

20200209_ceremonie_plaque_sion_les_mines_6521_okw_photo_patrice_morel.jpg
(Crédit © Patrice Morel)

Bruno Debray, Maire de la ville, « comme beaucoup d’entre nous ici présents, (n’a) pas connu cette période mais (donne lecture) d’un extrait de l’ouvrage écrit par le Docteur Roger Daguin, ancien maire de Sion-les-Mines qui a vécu au plus près ces événements ». Le témoignage est poignant. ( Allocution 20200208_ceremonie_plaque_sion_les_mines_allocution_bruno_debray_maire.pdf )

20200210_ceremonie_plaque_sion_les_mines_6549_okw_photo_patrice_morel.jpg
(Crédit © Patrice Morel)

Serge Adry, Président du Souvenir des Héros de Châteaubriant, à l’initiative du rassemblement, rappelle la démarche d’apposer une plaque aux neufs cimetières qui ont vus les 27 fusillés du 22 octobre 1941 à Châteaubriant, enterrés en première inhumation, par groupes de trois ; « il est essentiel de se souvenir et de transmettre aux jeunes générations cette mémoire ». ( Allocution 20200208_ceremonie_plaque_sion_les_mines_allocution_serge_adry_comite_chateaubriant.pdf )

20200211_ceremonie_plaque_sion_les_mines_6566_okw_photo_patrice_morel.jpg
(Crédit © Patrice Morel)

Pierre Chauleur, Sous-Préfet de Châteaubriant-Ancenis, en réserve au regard des élections qui se profilent, dans son allocution brève, indiquera qu’« au delà d’un « devoir de mémoire », c’est une « dette de mémoire » que nous devons à ceux qui ont été massacrés en représailles, en tant qu’otages, ce 22 octobre 1941 ». ( Allocution 20200208_ceremonie_plaque_sion_les_mines_allocution_pierre_chauleur_sous_prefet_chateaubriant.pdf)

Cette cérémonie s’est déroulée en présence d’élus des communes du Pays Castelbriantais, de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, des familles des Fusillés, du Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure. Elle est parrainée par : la Communauté de communes Châteaubriant-Derval, le Conseil Régional des Pays-de-la-Loire, le Conseil Départemental de Loire-Atlantique, L’ Union Nationale des Combattants de Loire-Atlantique.

20200212_ceremonie_plaque_sion_les_mines_6594_okw_photo_patrice_morel.jpg
Dévoilement de la plaque. (Crédit © Patrice Morel)

C’est en recueillement, que les gerbes furent posées.

La chorale locale « Si’on chantait » entonne « Le chant des partisans » puis il est temps de se mettre à l’abri à l’invitation de Monsieur le Maire pour un pot de l’amitié.

Auschwitz

auschwitz1.jpg
L’avis de décès de Marie-Thérèse Fleury, résistante parisienne, transmis par télégramme à son mari le 20 avril 1943 permet d’alerter la Résistance sur la présence à Auschwitz du « convoi des femmes » du 24 janvier 1943. La nouvelle est transmise à Londres et la BBC l’annonce. A l’été 1943, Aragon apprend également que Danièle Casanova et Maï Politzer y sont mortes: Maï, le 6 mars 1943, Danièle le 9 mai et que Marie-Claude Vaillant-Couturier y est déportée.
Aragon écrit le poème ci-dessous dans Le Musée Grévin, premier poème français à citer Auschwitz.
Dans le convoi du 24 janvier 1943, dont le récit a été écrit par Charlotte Delbo, figurait une jeune résistante communiste nantaise, Marguerite Joubert, dont le mari André Lermite avait été déporté par le convoi du 6 juillet 1942 (mort à Birkenau le 7 août 1942) et leur ami Alphonse Braud (mort le 17 septembre 1942). Marguerite Joubert – Lermite est morte à Birkenau le 18 mars 1943.
En hommage, nous publions le poème d’Aragon

Louis Aragon – (1897-1982)
le-convoi-du-6-juillet-1942-dit-convoi-des-45000-1200x642.jpgauschwitz-e1517157513492-640x400-1.jpg
À Auschwitz

Moi si je veux parler c’est afin que la haine
Ait le tambour des sons pour scander ses leçons
Aux confins de Pologne existe une géhenne
Dont le nom siffle et souffle une affreuse chanson

À Auschwitz À Auschwitz Ô syllabes sanglantes
Ici l’on vit ici ici l’on meurt à petit feu
On appelle cela l’exécution lente
Une part de nos cœurs y périt peu à peu

Limites de la fin limites de la force
Ni le Christ n’a tenu ce terrible chemin
Ni cet interminable et déchirant divorce
De l’âme humaine avec l’univers inhumain

Ce sont ici des Olympiques de souffrances
Où l’épouvante bat la mort à tous les coups
Et nous avons ici notre équipe de France
Et nous avons ici cent femmes de chez nous

Puisque je ne pourrais ici tous les redire
Ces cent noms doux aux fils aux frères aux maris
C’est vous que je salue en cette heure la pire
Marie-Claude en disant Je vous salue Marie

Et celle qui partit dans la nuit la première
Comme à la Liberté monte le premier cri
Marie-Louise Fleury rendue à la lumière
Au-delà du tombeau Je vous salue Marie

Hélas les terribles semailles
Ensanglantent ce long été
Cela dure trop Ecoutez
On dit que Danielle et que Maï…

Ah! Déferont-ils maille à maille
Notre douce France emportée ?
Ce qu’on dit rend l’ombre plus noire
Sur la misère de nos chants

Les mots sont nuls et peu touchants
Maï et Danielle Y puis-je croire ?
Comment achever cette histoire
Qui coupe le cœur et le chant

Je vous salue Marie de France aux cents visages
Et celles parmi vous qui portent à jamais
La gloire inexpiable aux assassins d’otages
Seulement de survivre à ceux qu’elles aimaient

Lorsque vous reviendrez car il faut revenir
Il y aura des fleurs tant que vous en voudrez
Il y aura des fleurs couleur de l’avenir
Il y aura des fleurs lorsque vous reviendrez

Vous prendrez votre place où les clartés sont douces
Les enfants baiseront vos mains martyrisées
Et tout à vos pieds las redeviendra de mousse
Musique à votre cœur calme où vous reposer

Haleine des jardins lorsque la nuit va naître
Feuillages de l’été profondeur des prairies
L’hirondelle tantôt qui vint sur la fenêtre
Disait me semble-t-il Je vous salue Marie

Octobre 1943 – Le Musée Grévin

Hommages aux résistants nantais fusillés à l’issue des « procès » des 42 et des 16 (1943)

Il y a 77 ans, en janvier 1943, un tribunal militaire allemand juge 45 résistants Francs-Tireurs et Partisans (dont 2 femmes) au Palais de justice de Nantes.

Le « procès » des 42 est le plus important procès en zone occupée. Il dure deux semaines du 15 au 28 janvier. Les drapeaux nazis flottent à l’intérieur de la salle d’audience. Celle-ci se déroule à huis clos, en allemand. Seule la presse collaborationniste est admise. Les accusés n’ont pas pu choisir leurs avocats et n’ont pas eu le temps de les rencontrer. Le commissaire Fourcade du SPAC de Nantes, le Service (vichyste) de police anti-communiste est le principal accusateur.

Après cette parodie de justice le verdict tombe: 37 sont condamnés à mort, 3 à la prison à vie, 3 sont « acquittés » (mais immédiatement arrêtés puis déportés). Parmi les accusés figurent 5 Républicains espagnols, « étrangers et nos frères pourtant », inhumés à La Chapelle-Basse-Mer.

Avant l’expiration du délai de recours, 9 condamnés sont fusillés dès le lendemain, le 29 janvier au champ de tir du Bêle à Nantes, 25 autres seront exécutés le 13 février, puis 3 le 7mai. Le « procès » (en fait, un simulacre) des 42 a eu un retentissement important. Mais au lieu de faire peur à la population, c’est l’inverse qui s’est produit. Au point qu’un autre « procès » dit « des 16 « , à l’été 43 s’est déroulé dans la plus grande discrétion. Il s’est traduit par l’exécution au Bêle de 13 FTP, le 20 août 1943.

Pour en savoir plus :

Guy HAUDEBOURG NANTES 43. Fusillés pour l’exemple. préface de Johanna Rolland. Geste éditions.

Carlos FERNANDEZ De la Guerre d’Espagne à la Résistance. Comité du Souvenir

Marc GRANGIENS Le procès des 42. Documentaire réalisé avec les étudiants (BTS audiovisuel) du Lycée Léonard de Vinci de Montaigu – 85

Jean CHAUVIN Auguste Chauvin. Lettres d’un héros ordinaire. L’Oribus

Allocution de Christian Retailleau; Président du Comité départemental du Souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire Inférieure.
Cimetière de La Chapelle Basse Mer Carré des Républicains Espagnols. Dimanche 16 février 2020.

Mesdames et messieurs les conseillères et conseillers municipaux de Divatte-sur-Loire
Mesdames et Messieurs les élu-e-s, les représentants des associations patriotiques, des associations locales, des organisations syndicales et politiques,
Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames, Messieurs,
Cher-e-s ami-e-s,
C’est toujours une très grande émotion de se retrouver, accueillis par la municipalité de Divatte-sur-Loire, au Carré des Républicains espagnols en ce cimetière de La Chapelle-Basse-Mer où sont inhumés depuis 77 ans Benedicto Blanco Dobarro, Basilio Blasco Martin, Alfredo Gomez Ollero, Ernesto Prieto Hidalgo, Miguel Sanchez Tolosa, Républicains espagnols à qui nous rendons hommage ce matin.
Qui étaient ces hommes, qui s’engagèrent dans la Résistance à l’occupation nazie ? D’où venaient-ils pour se battre pour notre pays ?
Benedicto Blanco Dobarro est né en 1917 en Galice. Quand éclate le putsch fasciste le 13 juillet 1936, il s’engage dans un bataillon des milices galiciennes créé pour la défense armée de la République, rattaché en 1937 à la 11ème compagnie dirigée par Lister.
Il y rencontre un autre galicien, Alfredo Gomez Ollero avec qui il participera à de nombreuses batailles dont celle de la défense de Madrid. Après la défaite des armées républicaines, et « La Retirada » en France, il est interné au camp de concentration d’Argelès puis dans celui de Barcarès. Là, il est enrôlé dans une Compagnie de Travailleurs Etrangers, se retrouve à Nantes où il renoue contact avec Gomez Ollero, qui l’intègre dans l’organisation clandestine du Parti communiste espagnol. Dans la région de Blain, avec quelques compatriotes, il distribue des tracts en langue maternelle. Puis, il forme un « Grupo Especial » formé de guérilleros armés. Il est arrêté le 17 septembre 1942 à Saint-Nazaire, transféré à Nantes où il est torturé par les hommes du SPAC. Lors du « procès des 42 », la peine demandée est : la mort, pour avoir formé un groupe à Blain, répandu des tracts, été dans l’Armée rouge et placé des bombes.
Basilio Blasco Martin est né le 15 avril 1920 dans un petit village situé au nord de Teruel, province d’Aragon. C’est au moment où se déroule la bataille décisive de Teruel, une des plus importantes de la guerre d’Espagne, que Basilio s’engage à l’âge de 16 ans dans le corps d’élite des carabiniers, resté fidèle à la République. Lors de la Retirada, il est interné dans les camps de concentration d’Argelès, puis de Barcarès. Il est enrôlé lui-aussi dans une Compagnie de Travailleurs Etrangers, puis prend la direction de Nantes et de Blain, où il intègre un « Grupo Especial » sous la responsabilité de Benedicto Blanco Dobarro.
Arrêté en même temps que celui-ci, lors du « procès des 42 » le verdict du tribunal de guerre allemand est implacable : la mort comme membre du groupe de francs-tireurs, pour avoir reçu des tracts et placé des bombes.
Alfredo Gomez Ollero est né le 9 septembre 1905 dans la provine d’Orense, au sud de la Galice. Cordier de profession, il rejoint les milices populaires peu de temps après le putsch, est rapidement promu capitaine d’infanterie, puis est incorporé dans la 11èm compagnie. Alfredo est gravement blessé d’une balle en pleine poitrine lors de la bataille de Madrid. Suite à l’avancée des troupes franquistes, il fait partie de ces commandos d’élite chargés de s’approcher des troupes ennemies pour détruire les installations stratégiques. La défaite et l’exil se traduisent par l’internement sur les plages d’Argelès et de Barcarès. Le 16 novembre 1939, il écrit à sa femme « je me trouve prisonnier au milieu de ces sables maudits ». Il est enrôlé en 1940 dans la 178ème Compagnie des Travailleurs Etrangers, basée au Vieux Doulon à Nantes où il travaille à la construction de la gare de triage du Grand Blottereau. Il loge dans un meublé, chemin du Brûlis. Les CTE deviennent de véritables pépinières pour le Parti communiste espagnol clandestin. Alfredo s’emploie à recruter et entre en contact avec Albert Brégeon qui le présente à Claude Millot de la direction régionale du PCF.
Formateur pour des résistants français novices dans la lutte armée, il devient un des principaux artisans de l’appareil clandestin du PCE dans le département.
Il se déplace à Trignac pour coordonner l’organisation embryonnaire du « camp Franco » situé à Gron sur la commune de Montoir. Puis il diligente à Blain Benedicto Blanco Dobarro, qu’il a connu sur le front de Madrid, pour élargir le recrutement. C’est aussi Alfredo qui est chargé de constituer des groupes de guérilleros armés dits « Grupo Especial » ou « G. E » fin 1941 – début 1942. A son apogée, l’organisation clandestine atteindra le nombre de 80 membres dont 16 « G.E ». Les arrestations débutent à Nantes le 27 juin 1942. Début juillet, il entre dans l’illégalité et se réfugie à Trentemoult chez Marcel Boissard. Puis muni d’une fausse carte d’identité au nom de Bastiani que lui remet Claude Millot, il se met à l’abri à Nozay où l’instituteur Marcel Viaud lui trouve un emploi dans une ferme. C’est là qu’il est arrêté le 16 septembre par le SPAC, qui lui fera subir les pires tortures.
Le réquisitoire lors du « procès des 42 » indique : « … il était dans l’état-major du parti illégal. Comme tel, il a été convoqué à la conférence de Nantes pour délivrer Hervé. Peine demandée : la mort ».
Ernesto Prieto Hidalgo est né le 14 novembre 1918, dans la province de Cordoue en Andalousie, dans une famille de mineurs. Après le décès du père, la famille s’installe en Catalogne intérieure, sur un autre site minier. Son parcours pendant la guerre d’Espagne n’est pas connu. Lors de « La Retirada », il est lui aussi interné dans les camps d’Argelès et de Barcarès. Fin 1939, il est intégré dans la 114ème CTE cantonnée à proximité d’Evreux, qui participe à la construction d’une usine d’avions. Lors de la débâcle, la compagnie est évacuée en Haute-Vienne pour des travaux forestiers. Par la suite, Ernesto se retrouve à Nantes qu’il quitte pour Blain le 1er avril 1942 où il occupe un emploi de ferrailleur dans une entreprise de boulonnerie. Contacté par Benedicto Blanco Dobarro, il entre au PCE clandestin où il est chargé de distribuer des tracts. En mai, il entre dans le « Grupo Especial ». Arrêté le 17 septembre, en même temps que 3 autres membres de sa « cellule clandestine » le jugement lors du « procès des 42 » est implacable : « Sanchez et Prieto : du même groupe des francs-tireurs, cela suffit à justifier. Peine demandée : la mort ».
Miguel Sanchez Tolosa est né le 27 décembre 1920 à Albacete, capitale de la province du même nom. Cette ville est réputée pour sa fidélité à la République. Pendant la guerre y siège le Quartier Général des Brigades internationales et de la Force aérienne républicaine. En juillet 1938, au moment où s’engage la bataille décisive de l’Ebre, il est fait appel à la « Quinta del biberon » (la Classe Biberon). Ainsi sont appelées les jeunes recrues qui ont moins de 18 ans, ce qui est le cas de Miguel Sanchez. Inexpérimentés, beaucoup laisseront leur vie dans cette dernière grande offensive du camp républicain qui durera plus de 3 mois. Les Républicains sont défaits et devant l’inexorable avancée des troupes franquistes, la famille Sanchez Tolosa se réfugie à Valence par peur des représailles. De la bataille de Teruel à son arrivée à Nantes, nous perdons toute trace de Miguel. Son itinéraire fut probablement le même que celui de ses compatriotes réfugiés à Blain, où il arrive début 1942 pour être employé comme terrassier. Il entre dans la structure clandestine du PCE, commençant par la distribution de tracts puis ce sera la collecte d’argent pour l’organisation. Il rejoint ensuite le « Grupo Especial ». Arrêté le 18 septembre 1942, transféré à Nantes où il subit de nombreux sévices par les hommes du SPAC, il est écroué à la prison Lafayette, dans la même cellule qu’Auguste Chauvin, un des activistes de l’OS à Nantes qui sera exécuté en même temps qu’eux, qui dans un courrier clandestin à son épouse Marie écrit fin décembre 1942 : »il y a un espagnol de Saragosse 22 ans, d’Andalousie 23, d’Albacete 22 et ‘autre sur la frontière du Portugal 25 … ils ont un moral admirable … ». Dans un autre courrier en date du 25 janvier 1943 : « les quatre camarades espagnols vont signer leur nom. Ils vous souhaitent d’être heureux dans le futur régime. Blanco Benedicto, Prieto Hidalgo, Basilio Blasco Martin, Miguel Sanchez … ». Lors du « procès des 42 », le verdit du tribunal de guerre allemand est implacable : « Sanchez et Prieto : du même groupe des francs-tireurs, cela suffit à justifier. Peine demandée : la mort ».
Ces hommes, aux destins similaires, méritent que l’on rappelle qui ils étaient, d’où ils venaient et pourquoi ils se battaient.
Ces hommes, originaires de toutes les régions d’Espagne sont ainsi unis par leurs idéaux de bonheur et de justice sociale, par leurs combats pour défendre la République espagnole, par leur volonté de lutter contre les nazis et enfin par la mort aux côtés de leurs camarades de résistance.
Ils furent d’abord engagés entre 1936 et 1939 dans les combats militaires contre les troupes rebelles fascistes soutenues par Hitler et Mussolini, la République espagnole étant abandonnée à son sort par la France et la Grande-Bretagne sous le prétexte de non intervention.
Après la défaite de l’Ebre et la prise de Barcelone, c’est La retirada, terme qui ne décrit pas ce qu’ont enduré les Républicains espagnols durant leur « retraite ». Début février 1939, près d’un demi-million de personnes traînant une simple valise ou un pauvre baluchon se jetèrent sur les routes et les chemins, traversant les Pyrénées, parfois à dos de mulet, dans la neige et le froid pour se retrouver dans des camps de concentration dont le premier à Argelès-sur-Mer où 77 000 réfugiés sont internés dans des conditions épouvantables, dont un grand nombre de volontaires des Brigades internationales.
Puis, après avoir subi le travail forcé, c’est la résistance comme on a vu en Loire-Inférieure, au contact des groupes de l’OS puis des FTP.
Leur sort sera scellé lors d’un procès inique qui se déroula à partir du 15 janvier 1943 au tribunal de Nantes, où 45 résistants communistes, dont 2 femmes, étaient condamné par l’occupant avec la complicité active de la police de Vichy.
Rappelant l’attitude des 50 otages à Châteaubriant, à Nantes et au Mont Valérien, le courage et la dignité des résistants furent magnifiques.
Renée Losq, revenue de l’enfer des camps de concentration, se souvenait de ce moment : « lorsque les sentences sont tombées tous les gars se sont levés et ils ont chanté la Marseillaise, ils étaient enchaînés ».
A la suite du jugement le 28 janvier, sans attendre les recours, 9 des 37 condamnés à mort sont exécutés au champ de tir du Bêle dès le 29 janvier, 25 autres le seront le 13 février dont les 5 Républicains espagnols et 3 le 7 mai. 4 dont les 2 femmes seront déportés.
Contrairement à ce qu’ils espéraient, les tortionnaires et les tueurs nazis et vichystes ne sortirent pas vainqueurs de cette parodie de justice.
Ce bilan humain terrible, largement médiatisé par l’occupant, renforça en effet le sentiment anti allemand qui avait germé le 22 octobre 1941.
Les premiers mois de 1943 qui virent les victoires de l’Armée Rouge à Stalingrad en février et des forces anglo-américaines et françaises en Afrique du Nord en mai mirent fin au mythe de l’invincibilité des armées allemandes.
Le « procès » dit des 16 en août 1943, tenu dans un relatif anonymat, allongea la liste tragique : 11 FTP furent fusillés au champ de tir du Bêle le 25 août et 2 autres furent décapités le 20 novembre en Allemagne à Tübingen.
Tous ces hommes et ces femmes doivent être associés dans l’hommage que nous rendons aujourd’hui à La Chapelle-Basse-Mer, après ceux ayant eu lieu hier au Monument au Bêle et à Sainte-Luce-sur-Loire, avant celui de Rezé dimanche prochain.
Entretenir le souvenir des résistants, des internés, des déportés et transmettre la mémoire de la Résistance sont indissociables, quand les témoins directs disparaissent et que les tentatives de réécriture de l’Histoire se multiplient.
N’est-ce pas le cas lorsque certains de nos gouvernants se croient autorisés à se réclamer du Conseil National de la Résistance alors que l’entreprise de dynamitage de la Sécurité sociale est en cours ?
Les résistants, qu’ils soient français ou étrangers comme ceux que nous honorons aujourd’hui ou ceux de l’Affiche rouge, si divers dans leurs opinions et leurs croyances nous ont légué un bien précieux, fruit du combat de toute la Résistance : la Liberté et un modèle social unique issu du programme du CNR, au nom porteur d’espoir « les jours heureux ».
Vouloir sauvegarder et améliorer cet héritage solidaire et le transmettre aux générations futures s’inscrit, il faut le rappeler avec force, dans le combat de la Résistance pour la dignité humaine et le bien-être de tous.
Notre société, fragilisée par toujours plus de violence sociale, par des inégalités sociales en hausse, par des droits sociaux et démocratiques en recul, par la pauvreté qui progresse pendant qu’une minorité s’enrichit est à la merci de pouvoirs ou de pratiques autoritaires aux relents racistes et xénophobes, intolérants et répressifs.
La bête immonde n’est-elle pas déjà à l’œuvre, tapie sous nos pieds ?
Nous devons être collectivement vigilants : la démocratie, notre capacité à vivre ensemble, à savoir accueillir l’autre sont fragiles et peuvent être remises en cause à tout moment.
Il nous incombe, plus que jamais, d’être des passeurs de mémoire, pour transmettre et défendre les valeurs républicaines de la Résistance.
Il nous importe de toujours mieux associer la jeunesse de notre pays à cette connaissance de la Résistance en mettant à sa disposition des outils historiques, pédagogiques et ludiques de qualité.
C’est à ce prix que nous resterons dignes de nos camarades Républicains espagnols comme de toutes celles et tous ceux qui ont combattu pour notre liberté et notre bonheur.
Je vous remercie de votre attention.

La Blisière 2019

Monsieur le Maire,
Mesdames et messieurs les élus,
Chères familles des fusillés,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations d’anciens combattants et associations patriotiques,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations syndicales et politiques,
Mesdames et Messieurs les représentants de l’Amicale Châteaubriant – Voves – Rouillé – Aincourt et de ses comités locaux,
Madame et Messieurs les porte-drapeaux,
Chers amis,
p1020513-1.jpg
Je vous remercie de votre participation à cette cérémonie. La première commémoration a eu lieu le 16 décembre 1941, le lendemain même de l’exécution des otages, quand Monsieur Maillard, le propriétaire des lieux a envoyé son fils à Pouancé, acheter trois pots de peinture, du bleu, du blanc et du rouge chez l’artisan peintre. Et c’est le fils de celui-ci Yves Calurel, alors jeune apprenti qui a peint les couleurs de la République sur les troncs d’arbres ayant servi de poteau d’exécution.
78 années nous séparent des événements tragiques de l’automne 41.
Au lendemain des fusillades du 22 octobre 1941, décidées au plus haut niveau du pouvoir nazi par Hitler lui-même, la liste des otages étant composée en étroite collaboration avec Pucheu, ministre de l’intérieur de Vichy, que certains tentent de réhabiliter aujourd’hui…
…au lendemain des fusillades donc, la vie reprend son cours au camp de Choisel. Les autorités manient la promesse et la menace. Le sous-lieutenant Touya et le sous-préfet Lecornu menacent ceux qui songeraient à l’évasion. En même temps, l’information est donnée que les autorités allemandes, eu égard au courage montré par les 27 fusillés, auraient décidé de ne plus prendre d’otages à Châteaubriant. Et pourtant la baraque 19 reste toujours la baraque des otages.
En exécutant 48 otages le 22 octobre, les Allemands et les vichystes espéraient intimider les Français hostiles à l’Occupation et à la Collaboration, tuer dans l’œuf la résistance naissante. C’est l’inverse qui s’est produit.
A Nantes, dès le mois de novembre, Raymond Hervé, l’intrépide résistant qui avait convoyé Fernand Grenier jusqu’à Nantes après son évasion de Choisel, fait sauter un pylône. Dans la région parisienne de nombreux actes de sabotage sont commis par les FTP. A Choisel, au matin du 25 novembre trois internés manquent à l’appel: Auguste Delaune, Pierre Gaudin et Henri Gautier se sont fait la belle. Touya et Lecornu sont dans une rage folle. La pression s’accentue sur les internés. Certains sont menottés, des interrogatoires sont conduits, tous les internés sont fouillés, les baraquements sont mis à sac.
Ce lundi 15 décembre, 540ème jour de la lutte du peuple français pour sa libération, à 12 heures 15, deux camions allemands bâchés, remplis de soldats, arrivent au camp. Les internés ont ordre de rentrer dans les baraques, ils y sont consignés. Touya, accompagné d’un officier de la Wehrmacht appelle neuf noms: cinq d’entre eux se trouvaient à la baraque des otages. Ils sont enchaînés et contraints de monter dans les camions qui partent pour une destination inconnue tandis que de toutes les baraques jaillit La Marseillaise.
Qui étaient ces hommes ?
Adrien AGNES, 42 ans, était ingénieur agronome, chef de service à la mairie de Stains, aujourd’hui en Seine-Saint-Denis. Il avait écrit à sa femme le 23 octobre, de façon prémonitoire : » La liste tragique n’est pas close pour cela »;
Louis BABIN, 52 ans, dont la famille était nantaise, était radiologue à Arpajon, élu municipal. Il était connu comme le médecin des pauvres. Il était titulaire de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre avec six citations. Une douzaine de villes ont donné son nom à des rues.
Paul BAROUX, 31 ans, était instituteur à Longueau, dans la Somme ;
Raoul GOSSET, 44 ans, électricien d’Aubervilliers, dont on peut penser que Laval, – qui le connaissait, en tant que maire de cette ville – n’était pas étranger à sa désignation comme otage ;
Le docteur Fernand JACQ a 32 ans, c’est un breton du Huelgoat qui avait été conseiller général du Finistère. Lorsque le maire de sa commune lui supprime les bons d’essence, il ne peut se résoudre à abandonner ses malades, il les visite à vélo.
Babin et Jacq travaillaient avec les deux autres médecins internés Pesqué et Ténine à l’élaboration d’une étude sur la médecine sociale ;
René PERROUAULT, 45 ans, de Dannemarie, était le responsable national de la Fédération CGT des Produits chimiques ;
Maurice PILLET était un charpentier de 39 ans, syndicaliste, secrétaire du Syndicat parisien du Bâtiment ;
Georges THORETTON, jeune ouvrier de 27 ans qui a vu partir son maire, Jean GRANDEL, maire de Gennevilliers, fusillé le 22 octobre;
Georges VIGOR, 37 ans, était ajusteur-tourneur chez Hispano-Suiza à Paris, demeurant à Cachan où une rue porte son nom.
Tous étaient communistes et syndicalistes. Ils seront inhumés à Casson, Fay-de-Bretagne et Notre-Dame-des-Landes.
L’exécution des 9 de La Blisière n’est pas un acte isolé. Ce 15 décembre 1941, c’est le point d’orgue de la politique des otages menée sous la direction du maréchal nazi Keitel pour tenter d’étouffer la Résistance. Peu de temps auparavant, le 14 août, le Militärbefelshaber Otto von Stülpnagel avait décrété que toute activité communiste serait désormais passible de la peine de mort. Le 28 septembre, le Code des otages était promulgué.
p1020507-1.jpgp1020508-1.jpg
Ce 15 décembre, le bilan fut particulièrement lourd puisque 95 Otages tombèrent sous les balles des pelotons : 69 au Mont Valérien dont Gabriel Péri, député, journaliste, qui n’avait cessé d’alerter sur les dangers de la montée du nazisme à la Chambre et dans les colonnes de L’Humanité, 13 à Caen dont Lucien Sampaix, secrétaire général de L’Humanité, 4 à Fontevraud et 9 ici à La Blisière. J’ajoute qu’au fil de l’année 1942 huit autres internés de Choisel ont été successivement exécutés au champ de tir du Bêle.

Le comportement patriotique des internés du camp de Choisel, le courage exemplaire montré par les martyrs avaient allumé la flamme de la Résistance dans le castelbriantais. D’ailleurs, c’est parce que les hitlériens connaissaient les sentiments des Castelbriantais qu’ils ont choisi d’assassiner au fond de ce bois, à l’écart de toute agglomération. La forêt de Juigné et d’autres dans le secteur abriteront plus tard des jeunes, réfractaires au STO.
Plus d’une centaine de personnes seront déportées et leur liste montre que la Résistance s’était élargie à de nombreuses catégories de la population. Nous les associons à l’hommage que nous rendons à ceux qui sont tombés ici et à toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, quelles que soient leurs croyances religieuses ou leurs convictions, formèrent la Résistance et dont beaucoup donnèrent leur vie pour que nous vivions en paix dans un monde meilleur.
Je veux également associer à notre hommage les six patriotes fusillés le 21 juillet 1944, ceux de Bout-de-Forêt, dénoncés aux Allemands aux abois, depuis le débarquement de Normandie, par des collabos.
Pour maintenir en vie le souvenir des combats de ces résistants, il faut sans cesse faire connaître et faire comprendre ce qu’étaient leurs valeurs – ce à quoi s’emploie notre Amicale de Châteaubriant – Voves- Rouillé – Aincourt et ses comités dont le nôtre,
A l’heure où le Parlement européen adopte – le 19 septembre dernier – une résolution mettant sur le même plan nazisme et communisme, à l’heure où l’enseignement de l’histoire régresse, il est primordial de ne pas abandonner le devoir de mémoire et de le faire reposer sur un travail d’histoire.
Avec cette résolution, le Parlement européen ne pose pas seulement un acte politique, mais il triture aussi l’Histoire. Et je pense que les historiens sont concernés et doivent s’exprimer sur cette falsification.
Il est essentiel également de rappeler que Maurice Pillet par exemple avait vu juste, lorsqu’il écrivait dans sa dernière lettre, écrite dans la buvette, au bord de l’étang : « Je sais que ce n’est pas en vain que je meurs. »
Quelques exemples : le 24 mars 1944, Fernand Grenier, évadé de Choisel, fera adopter par l’Assemblée consultative provisoire d’Alger le droit de vote des femmes, le 4 août le castelbriantais sera libéré, Nantes le 12, Paris le 25. Le programme du Conseil National de la Résistance, adopté le 15 mars 1944 sera bientôt mis en œuvre par le gouvernement présidé par le général De Gaulle, avec – entre autres – une mesure phare : la création par Ambroise Croizat de la Sécurité sociale, qu’un autre évadé de Choisel, Henri Raynaud sera chargé de mettre concrètement en place.
Non, le sacrifice des martyrs n’a pas été vain ! Mais rien n’est jamais définitivement acquis. D’aucuns opèrent des rapprochements entre la période que nous vivons et les années 30. Notre pays, et d’autres en Europe et dans le monde voient se développer cinquante nuances de brun, ce qui n’annonce rien de bon. Maurras disparu, c’est Zemmour qui le remplace et développe son discours de haine en bénéficiant d’une grande complaisance des médias dominants. Une entreprise de déconstruction systématique des conquêtes de la Libération est à l’œuvre. 175 ans après le discours de Victor Hugo, le 9 juillet 1849, devant la Chambre des députés : Détruire la misère, les inégalités s’aggravent.
Les conflits se multiplient comme aujourd’hui au Kurdistan syrien, où les Kurdes sont sous le feu d’une agression militaire des forces turques, c’est -à-dire d’un pays membre de l’OTAN, en violation du droit international. Cette agression crée une situation explosive pour toute cette région, qui est une véritable poudrière, aux portes de l’Europe. Elle contraint déjà des centaines de milliers de Kurdes à l’exil. Vous avez été témoin de ce phénomène il y a 80 ans lorsque vous avez accueilli des centaines de républicains espagnols dans les ardoisières du village de Ruigné, tandis que d’autres trouvaient refuge à Moisdon-la-Rivière. Nous leur avons rendu hommage au printemps dernier.
Le sujet semble tabou, mais j’ajoute que la menace de guerre nucléaire n’a jamais été aussi préoccupante eu égard à la démesure des arsenaux.
Répondre aux défis de civilisation auxquels l’humanité doit faire face en ce 21ème siècle : défis sociaux, climatiques, démocratiques nécessite l’intervention des citoyennes et des citoyens. Il faut agir, construire des réponses, s’engager pour conjurer les périls. C’est ce à quoi nous invitait Lucie Aubrac, lorsqu’elle disait que « le verbe résister se conjugue toujours au présent »
Je vous remercie de votre attention.
p1020490-1.jpg

Saint Aubin des Châteaux

p1020451.jpg
Comité Local du Souvenir des Héros de Châteaubriant
Discours de Monsieur Serge ADRY, président du Comité Local
Cimetière de Saint-Aubin-des-Châteaux
Samedi 19 octobre 2019 – 14 heures

Monsieur le Maire,
Monsieur le Sous-Préfet,
Mesdames et Messieurs les Elu (es)
Mesdames et Messieurs représentants les familles des fusillés,
Mesdames et Messieurs les représentants d’associations et organisations patriotiques, politiques et syndicales,
Messieurs les Portes Drapeaux.

Mesdames, Messieurs, chers Amis,

p1020445-1.jpgAu nom du Comité Local du Souvenir des Héros de Châteaubriant, je vous remercie pour votre présence à cette cérémonie.
Le 26 mai 2007, Jacqueline Timbaud et Odette Nilès ont donné le non de Jean-Pierre Timbaud, à une école, ici à Saint-Aubin-des Châteaux.
Maintenir des cérémonies comme celle d’aujourd’hui devant le cimetière de Saint-Aubin- des-Châteaux pour honorer 3 militants syndicaux et politiques, des 27 fusillés le 22 octobre 1941, c’est agir contre l’oubli et transmettre une mémoire particulière : l’histoire de ces hommes, qui sera relatée à la suite de l’inauguration de la plaque commémorative en hommage à Jean-Pierre TIMBAUD, HUYNH KHUONG AN et Maximilien BASTARD, par la compagnie « les gars à la remorque ».

Ces hommes ont fait le sacrifice de leur vie pour que nous puissions vivre libres et en démocratie.

Commémorer leur engagement, leur combat pour la liberté constitue un devoir contre l’oubli.
Un devoir envers les générations nouvelles, afin qu’elles sachent que résister dans les pires conditions est toujours possible, indispensable lorsqu’il s’agit de défendre les droits essentiels de l’homme, les valeurs de liberté, de démocratie, de paix.

Enseigner l’histoire de ces résistants est le but de notre travail de mémoire, cette histoire si absente des programmes scolaires.

La période troublée que nous traversons est potentiellement pleine de danger. La montée des nationalistes, racistes, xénophobes, antisémites, les peurs entretenues, la banalisation de l’extrême droite, la haine de l’autre « la France aux Français » ont la fâcheuse tendance de réapparaître au moment des grandes crises.

Le fascisme est toujours à l’affût, mettant à profit la crise pour exploiter les frustrations, les désarrois, la misère et le mépris à l’égard des plus faibles, des plus pauvres et des étrangers.

Rendre hommage à nos 3 militants syndicaux et politiques inhumés dans ce cimetière n’a rien de passéiste, c’est nécessaire pour éveiller, mettre en garde.

Aujourd’hui plus personne ne devrait dire « je ne savais pas »
Non !! Il ne doit y avoir aucune place pour le racisme, la xénophobie et le chauvinisme dans nos sociétés.

Notre travail de transmission de la mémoire, que nous continuons à perpétuer aujourd’hui à Saint –Aubin –des –Châteaux, nous allons le multiplier par neuf inaugurations de plaques : cimetières de Lusanger, Erbray, Noyal-sur Brutz, Villepot, Moisdon-la Rivière, Ruffigné, Sion-les Mines pour terminer en 2021 au Petit-Auverné, lors du 80ième anniversaire des fusillades de Châteaubriant.

La transmission de la mémoire, celle des résistants, ces valeurs d’émancipation humaine qu’ils portaient, se révèle plus indispensable que jamais.
On dit souvent qu’un peuple sans mémoire est condamné à revivre les souffrances de ses aînés.

Nous savons qu’il n’existe aucune fatalité, à la condition de consacrer les moyens nécessaires à l’éducation, à la culture, à une véritable justice sociale comme le préconisaient les mesures mises en place dès la libération par les forces qui libérèrent le pays.
p1020456-1.jpg
Notre Comité entend avec ses faibles moyens transmettre les idéaux de la Résistance, défendre les valeurs républicaines et la philosophie du Programme du Conseil National de la Résistance, surtout dans cette période

Montrons que les français sont de vrais patriotes responsables qui n’ont pas oublié.

L’engagement de ces camarades n’avait qu’une visée,

L’égalité pour tous

Ceux qui ont reposé ici ont refusé la défaite.

Sachons comme eux relever le défi et nous aurons la fierté de ne pas avoir baissé la tête.

Je vous remercie de votre attention.

Veillée du Souvenir 2019

Madame le Maire, Mesdames, Messieurs les parlementaires ; Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs représentants les familles de fusillés Mesdames et Messieurs les représentants des associations et organisations patriotiques, syndicales, politiques, Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux, Mesdames et Messieurs, chers amis.
dscn2010-1.jpgVoilà 78 ans déjà que Nantes, la France recevait l’horrible choc des fusillades d’octobre 41. Depuis, chaque année, les Nantais et de nombreux Français se souviennent. De 1944 à aujourd’hui, chaque année grâce à l’engagement et au travail des bénévoles du comité du souvenir et des collectivités qui les accompagnent, cette flamme du souvenir vacille, mais ne s’éteint pas. Elle doit être entretenue, afin que les jeunes générations sachent ce qui s’est passé le 22 octobre 1941 à Châteaubriant, à Nantes, au Mont-Valérien. L’acte de résistance du commando composé de Marcel Bourdarias, Gilbert Brustlein et Spartaco Guisco qui abattit le Feldkommandant de la place, n’était pas un assassinat comme on le lit encore trop souvent, mais bien un acte majeur de la Résistance naissante qui ouvrait la lutte armée contre l’occupant nazi, sur le sol national.
Les assassins, ceux qui fusillaient, torturaient, déportaient, exterminaient étaient les envahisseurs, leur armée d’occupation avec sa sinistre cohorte de l’ABWEHR, de la Gestapo, du SIPO SD et de leurs supplétifs du régime de Pétain, du SPAC, des sections de police anticommuniste et ensuite de la milice.
Comme l’écrit si justement l’historienne Dominique Comelli dès les premières lignes du dossier pédagogique, qu’elle a bien voulu nous offrir pour accompagner la belle bande dessinée « Immortels ! » je cite : « Savoir ce qui s’est passé à Châteaubriant, à Nantes et au Mont-Valérien, c’est bien sûr rendre hommage à ceux qui ont été fusillés. Mais cela ne suffit pas. Les fusillés du 22 octobre 1941 ne sont pas morts par hasard, et ne sont pas morts seulement pour libérer la France. Ils sont morts aussi pour un monde différent, et ce monde différent nous concerne, parce qu’on ne peut pas dire qu’on vive dans un monde idéal.
Connaître ce qui s’est passé, c’est réaliser que ces morts nous ressemblent beaucoup : on ne partagerait pas forcément leurs idées politiques, tous leurs engagements et le monde a évolué. Mais se lever pour dire que le monde est injuste, inégale, qu’il va la catastrophe sociale, politique, climatique, et qu’on peut y faire quelque chose, cela nous concerne tous actuellement. Il y a plein de manières de dire non, de résister. À chacun de les trouver. Et c’est cette volonté de résister qui nous rend très proches de ces morts.
dscn2001-1.jpgdscn2003-1.jpg
Nous ne doutons pas que cette bande dessinée contribuera à la connaissance de cette période tragique de notre histoire, qu’il importe de ne pas voir sombrer dans l’oubli. Nous sommes satisfaits de l’écho qu’elle rencontre déjà. Nous souhaitons vivement qu’elle puisse retenir l’intérêt de nombreux lecteurs qui voudront mieux connaître l’engagement des 48 otages dont les portraits jalonnent le cours éponyme qui s’ouvre devant ce monument. , d’ailleurs très heureux d’accueillir ce soir, à cette veillée du souvenir et aux cérémonies de tout le week-end, l’artiste auteure de ces beaux portraits, Madame Chantal Trubert. Nous la remercions une nouvelle fois, puisque l’occasion nous en est fournie, pour son travail qui donne à chacun de ces 48 fusillés, un visage pour les Nantais. Nous saluons Camille Ledigarcher dessinatrice et auteure de la bande dessinée. Nous saluons aussi l’auteur du dossier pédagogique, historienne et auteure d’ouvrages pour la jeunesse Madame Dominique Comelli. Nous disposons donc d’un nouveau support pour transmettre la mémoire des 50 otages, une bande dessinée.
Après le documentaire « Ils étaient 48 » réalisé par Chloé Glotin et les élèves du lycée Carcouët, cette nouvelle initiative permettra, nous l’espérons, aux lecteurs d’élargir leurs connaissances sur la Résistance dans sa diversité, d’enrichir leur savoir, grâce au dossier de Dominique Comelli qui constitue un apport historique précieux. Chacun pourra y puiser des enseignements en appréhendant mieux les valeurs que portaient ces résistants pour aujourd’hui se prémunir de l’obscurantisme, du racisme, de la xénophobie, de l’idéologie du chacun pour soi, dans une période où les idées de l’extrême droite sont banalisées à un niveau sans précédent depuis la Libération. Aujourd’hui, un chroniqueur fascisant bénéficie de la transmission intégrale sur la chaîne LCI, de ses propos xénophobes, racistes et de haine, tenus devant une assemblée d’extrême droite, ce même individu et ses acolytes sont omniprésents dans les médias qui leur offrent des tribunes. Comment s’étonner dès lors de la progression de leurs idées nauséabondes qui prospèrent sur le terreau du mal-être, du mal-vivre engendrés par les politiques antisociales, d’austérité, de désintégration des services publics au profit d’une poignée de privilégiés des sphères de la finance ? Eux, dont les aînés résumaient leur conception antidémocratique avant-guerre dans l’expression » plutôt Hitler que le Front populaire. »
dscn2006-1.jpgdscn2007-1.jpg
Cette propagande devrait tomber pourtant sous les coups de la loi, mais la tolérance dont ils bénéficient atteste du dangereux jeu politicien par lequel le pouvoir pense se maintenir en favorisant un duo avec l’extrême droite. Cette opération de diversion est indigne, tout comme celle à propos du voile, déclenchée par la méprisable sortie d’un élu du Rassemblement National, qui selon l’expression, fait le buzz. Le plus affligeant dans cette histoire est que certains par bêtise, ignorance ou pire, par calcul politicien confondent un foulard porté par une maman avec un voile assimilé à l’islamisme radical pour discriminer une population tout entière ! Attention, danger ! Il ne s’agit ici nullement de laïcité. Souvenons-nous que l’antisémitisme en Allemagne, qui mena à la Shoah, débuta par le même genre de provocations à propos des coutumes vestimentaires de la communauté juive.
À l’évidence, le travail mémoriel n’est absolument pas archaïque ou dépassé, il demeure nécessaire, d’autant plus que pour certains il serait bientôt clos avec la disparition des témoins directs, des rescapés des camps, des compagnons de combat des fusillés. Nous le constatons, hélas, « le ventre est encore fécond, d’où sortit la bête immonde ». Il est donc primordial de poursuivre le travail de mémoire, de rendre hommage aux 48 du 22 octobre 41 et à leurs compagnons tombés dans les semaines qui suivirent : les neuf fusillés à la Blisière sur la commune de Juigné-des-Moutiers, puis les 10 jeunes communistes d’origine juive qui, extraits par petits groupes du camp de Choisel, à Châteaubriant sous prétexte de transfert, furent dirigés vers le champ de tir du Bêle.
Et puis, les groupes des FTP nantais du procès des 42 et du procès des 16 qui tombèrent en 1943 et encore les 27 du maquis de Saffré, fusillés au château de la Bouvardière en juin 1944, sans oublier tous les autres fusillés dans la cour de la prison de Nantes et dans d’autres communes de notre département ni les centaines de déporté-e-s de notre département qui ne rentrèrent pas. En leur rendant hommage, ce soir comme chaque année, c’est toutes celles et ceux qui d’une manière ou d’une autre constituèrent la Résistance, quelques furent leur opinions, leur convictions, leurs origines ou nationalités que nous honorons pour leur engagement souvent jusqu’au sacrifice de leur vie, pour nous léguer un pays libéré se dotant avec les conquis du programme du Conseil National de la Résistance, d’avancées sociales et démocratiques telles que les régimes de retraite, la Sécurité sociale, les nationalisations des grands moyens de production, du secteur bancaire, de la liberté de la presse affranchie des puissances d’argent, du statut de la fonction publique, de celui du fermage et du métayage… et la liste n’est pas exhaustive, mais autant de conquêtes que depuis, les puissances d’argent ne cessent de remettre en cause, sous prétexte de « réformes », d’économies à réaliser, mais en réalité de transfert de richesses qui se traduisent par des écarts de plus en plus gigantesques entre une minorité d’affairistes et la société.
Ainsi aujourd’hui, l’ensemble des médias, à l’exception de deux à trois quotidiens en danger, appartiennent à sept milliardaires. On voudrait nous faire croire que ce qu’il a été possible de bâtir dans un pays ruiné, qui devait tout reconstruire, serait impossible économiquement aujourd’hui.
Le général De Gaulle faisait remarquer aux représentants du patronat à la Libération « Messieurs on ne vous a pas beaucoup rencontrés ces dernières années ». Par contre ceux de la résistance étaient pour l’essentiel d’extraction populaire, nombre d’entre eux étaient des militants syndicalistes et beaucoup des communistes. Ils devaient payer le plus lourd tribut dans la lutte pour la libération. Ce sont ceux-là qui luttant dans les pires conditions, pensaient à l’avenir, à bâtir une société nouvelle qu’ils définirent en s’unissant autour de Jean Moulin dans le CNR et intitulèrent leur programme pour la Libération « Les jours heureux »
Le régime de l’État français dirigé par Pétain connaissait ses ennemis et livra nombre de ces hommes à l’occupant. Son ministre, Pucheu, homme du Comité des Forges remit aux Allemands par l’intermédiaire de son conseiller Chassagne, une liste d’otages à fusiller, notamment détenus à Châteaubriant. Parmi eux, des dirigeants de Fédérations syndicales de la CGT : Charles Michels, Jean Poulmac’h, Jean-Pierre Timbaud, Désiré Granet, Jules Vercruysse. Au regard de cette réalité, combien la résolution adoptée récemment par le Parlement européen sur « l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe » apparait pour ce qu’elle est, une entreprise ignoble de falsification historique et une escroquerie intellectuelle. Cette résolution assimile fascisme et communisme y mettant un trait d’égalité et expliquant que l’origine de la Seconde Guerre mondiale serait due principalement au pacte germano-soviétique. À propos de mémoire, celle-ci est particulièrement bafouée.
Ce texte fait l’impasse sur le traité de Versailles, sur la montée des régimes fascistes des années 1930 en Europe, sur la crise de 1928/29. Nulle part il n’est question des autres pactes avec les démocraties occidentales, silence sur les accords de Munich, sur la non-intervention en Espagne et donc sur l’atermoiement meurtrier des chancelleries occidentales avec le nazisme et la complicité active des puissances d’argent avec les régimes fascistes et nazis. La droitisation extrême de la représentation au Parlement européen se fait déjà sentir.
Ce texte fait la part belle au révisionnisme de l’extrême droite, il permet d’absoudre cyniquement aussi bien le national-socialisme, son idéologie de mort et les régimes fascistes des années 30. Certes, il ne fait aucun doute que le régime stalinien fut bel et bien un régime sanglant et criminel dont furent victimes en premier lieu beaucoup de communistes, mais il est moralement et historiquement inconcevable de faire de l’Union soviétique, de son armée et de tous les communistes qui s’engagèrent dans tous les pays dans le combat libérateur des équivalents des nazis et de leurs supplétifs collaborateurs sans sombrer dans l’obsession comparative comme le dénonce l’historien Marc Ferro. C’est nier la contribution de l’armée et du peuple soviétique, avec ses 20 millions de morts, à la victoire sur le nazisme.
Cette résolution relativise, banalise même incidemment la Shoah, sa singularité intrinsèque et les logiques d’extermination méticuleuse et industrielle du régime nazi en la noyant dans les assassinats collectifs du 20èm siècle. On pourrait citer Churchill, qui avait compris le pacte germano-soviétique comme une conséquence de la lâcheté des démocraties occidentales vis-à-vis des fascistes. Ou encore Thomas Mann, qui écrivait «Ceux qui insiste sur cet équivalent peuvent bien se targuer d’être démocrates, en vérité, et au fond de leur cœur, ils sont déjà fascistes; et à coup sûr ils ne combattront pas le fascisme sinon en apparence, mais réserveront toute leur haine au communisme »
dscn2011-1.jpg
Nous avons encore beaucoup à faire sur les questions mémorielles, encore beaucoup à apprendre et à transmettre, et ce malgré les difficultés avec la disparition des témoins directs, le recul de l’enseignement de l’Histoire particulièrement celle du siècle dernier, un recul de l’importance mémorielle dans l’Éducation nationale et dans la société, les manques de moyens financiers et humains croissants… Le travail auprès des jeunes générations, auprès des scolaires, est primordial. La mémoire se doit d’être intergénérationnelle, mais elle se doit aussi d’être plurielle, d’associer le plus grand nombre de personnes, quels que soient leur âge, leur origine, leur parcours, leurs croyances ou non… Le travail de mémoire n’est jamais achevé. Non. Absolument non. Le travail mémoriel n’a rien de dépassé, il ne se fait pas dans le passé, mais bien dans le présent, et pour construire un futur sain. Les témoins directs nous ont appris que la mémoire est un des outils nécessaires à la construction des sociétés émancipatrices de demain.
La mémoire, c’est « connaître le passé, comprendre le présent et construire le futur». Grâce à leur implication, à leurs résistances sans faille, d’hier à aujourd’hui, nos aînés nous ont permis toutes et tous, en étant présents dans les différentes cérémonies et commémorations, en organisant des conférences, expositions, projections, ou encore en écrivant des livres, en éditant des films, une BD …de devenir des témoins indirects. Nous sommes, nous aussi, des passeurs de mémoire. Ce que nous réalisons aujourd’hui aura des conséquences demain, et ce ne pourra être que positif. Cependant, il nous reste encore beaucoup à construire. Le comité du souvenir a besoin de vos compétences, de vos savoirs, de votre engagement. Rejoignez-nous pour transmettre la mémoire de la Résistance. Lucie Aubrac nous le rappelait, elle se conjugue au présent.
Nantes, ville Compagnon de la Libération, si elle a été hélas une ville où la collaboration fut importante fut aussi une ville de Résistances actives face à l’occupation et aux exactions du régime de Vichy, c’est pour cette raison qu’elle fût la première à porter ce titre honorifique. Soyons-en dignes, comme l’appelait Guy Môquet dans son dernier message.
dscn2012-1.jpg

Les fusillades d’octobre 1941

affichette_78_e_2019-09-20_a_17.13.28.png

Les Cérémonies d’octobre 2019

Vendredi 18 octobre 17h45: Nantes, Veillée du souvenir
Monument des 50 otages

Samedi 19 octobre:
Châteaubriant : Cérémonies
10 h 30 Stèle à Choisel  (lieu du camp)
11 h Au Château. (plaque)

Saint Aubin des Château  x
14h Dévoilement de la plaque au cimetière

Dimanche 20 octobre:
8h45 Indre (Mail Odette Nilès)
10h Juigné des Moutiers :
La Blisière

13h30 Châteaubriant: Rond point
Fernand Grenier: Hommage puis départ du défilé jusqu’à la Sablière.
A la Sablière

Cérémonie et évocation.
Vente-dédicace de la Bande Dessinée
Mardi 22 octobre: Nantes:
10h Monument des 50 otages
10h45 Monument du Bêle
11h30 Cimetière de la Chauvinière