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Odette ROUX, notre amie, est décédée

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Syndicalisme et Résistance

Elle fait ses études à l’école laïque puis à l’École normale, elle prend son premier poste d’institutrice en 1936. Elle adhère au syndicat des instituteurs où elle rencontre son futur époux Alfred Roux, instituteur, responsable des Jeunesses communistes aux Sables-d’Olonne, qui lui donnera une fille. En janvier 1941, elle adhère au Parti communiste clandestin et entre dans la Résistance avec son mari. Ils sont arrêtés en mars 1943. Alfred Roux1 meurt fin juin, après trois jours d’interrogatoire. Sa femme poursuit seule la lutte.
À la libération de la Vendée, en août 1944, Odette Roux est associée à la mise en place du Parti dans le département, elle représente aussi l’Assistance française (future Union des femmes françaises) et intègre à la demande du préfet le conseil municipal des Sables-d’Olonne.

Première femme à administrer une ville d’importance en France.

En 1945, Odette Roux figure sur la liste d’Union pour la résistance antifasciste aux élections municipales des Sables-d’Olonne, qui emporta au second tour, le 13 mai, la majorité des voix avec quinze élus (dont cinq communistes) sur vingt-sept conseillers. Odette Roux fut élue maire par le nouveau conseil municipal le 18 mai et devint la première femme à administrer une ville de cette importance en France.
Maire des Sables-d’Olonne[modifier
Pendant ses deux ans et demi de mandat de maire, Odette Roux est également :
membre du bureau des Maires de France,
suppléante au Comité central du Parti communiste (commission féminine),
responsable départementale de l’Union des femmes françaises.
Elle doit s’occuper de la reconstruction de la ville endommagée par la guerre et relancer l’activité touristique de cette station balnéaire réputée. Le budget de la ville est multiplié par six. Les services municipaux sont renforcés, les ouvriers revalorisés, les personnes âgées assistées. La ville se dote d’une ambulance et d’une autopompe, d’un centre médico-social, le premier de Vendée.
Chômeurs et prisonniers allemands sont mis au travail. Elle met en place les premières cantines, le « patronage » (ancêtre des centres de loisirs), les colonies de vacances. Elle fait aussi aménager un jardin public sur la place d’armes, au centre-ville (la Place de la Liberté). Elle fait installer un lycée public dans une ancienne abbaye (celle qui abrite aujourd’hui le Musée de l’abbaye Sainte-Croix), appartenant alors à l’armée.
Odette Roux sera battue en octobre 1947 aux élections municipales auxquelles elle s’était représentée.

Faisons aujourd’hui entrer les résistantes au Panthéon ! À qui la patrie reconnaissante ?

La décision présidentielle d’une ou de nouvelles panthéonisations est éminente. Elle devrait à mon sens reposer sur quelques principes. D’abord, dans la manière de décider. Si une consultation a été engagée, il me semblerait plus démocratique que cela soit le Parlement qui en décide et non un seul homme – fût-il élu au suffrage universel direct. Il faudrait aussi, non seulement en finir avec la masculinité caricaturale de cette institution, que l’on trouve non seulement inscrite dans sa devise « Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », mais surtout dans sa composition.

« Il n’est pas tolérable que seules deux femmes reposent aujourd’hui au Panthéon. »

Il me semble donc qu’il faudrait, cette fois-ci, faire entrer de nombreuses femmes au Panthéon. Pas une, pour se donner bonne conscience, mais plusieurs. Il n’est pas tolérable que seules deux femmes y reposent aujourd’hui, dont l’une parce qu’elle est la « femme de ».

Il est aussi nécessaire d’être attentif à la diversité sociale. Combien d’ouvriers au Panthéon ? Aucun. Combien de personnalités issues de l’immigration ? Trop peu. Le Panthéon ne peut trouver ou retrouver sa fonction démocratique qu’en étant à l’image de ce que fut et est la société française.

Si l’on accepte le principe de la panthéonisation et de l’érection d’un temple républicain, il faut y faire entrer celles et ceux qui ont servi la République et qui ont défendu ses principes démocratiques et d’égalité. Toutes les cultures et sensibilités politiques qui ont concouru à la défense de notre liberté doivent y être représentées, cela exclut évidemment les personnalités qui ont porté dans l’histoire de France des discours de haine, de racisme et d’antisémitisme, donc de l’extrême droite.

Il est enfin une période – outre celle de la Révolution française – qui peut incarner facilement, aux yeux de tous et notamment des plus jeunes, ce que furent le pire et le meilleur de la France, c’est évidemment celle de la Seconde Guerre mondiale. Et le meilleur, c’est la Résistance.

Il en découle qu’il faut faire entrer les résistantes au Panthéon ! Sans entrer en opposition avec d’autres propositions nombreuses et légitimes, plusieurs noms de personnalités circulent qui ont retenu mon attention parce qu’elles sont à la fois différentes mais ont en commun la Résistance, la déportation et une vie d’engagement. Je pense à Germaine Tillion, résistante, déportée à Ravensbrück, grande intellectuelle engagée contre la torture pendant la guerre d’Algérie. Je pense à Geneviève de Gaulle-Anthonioz, résistante, déportée à Ravensbrück, qui consacra ensuite une grande partie de sa vie, à la tête d’ATD-Quart Monde, à la lutte contre la pauvreté.

D’autres femmes, d’autres résistantes ont partagé avec elles l’enfer de Ravensbrück. Je voudrais ici montrer en quoi leur parcours mérite le Panthéon. Marie-Claude Vaillant-Couturier, jeune photographe engagée, a fait en 1933 les premiers reportages clandestins sur les camps de concentration nazis d’Oranienburg et de Dachau ; résistante, elle est déportée à Auschwitz, puis à Ravensbrück. Elle est ensuite la seule femme à témoigner au procès de Nuremberg ; élue députée communiste, elle s’engage pour la défense de nombreuses causes et est notamment la première, en 1964, à prendre, à l’Assemblée, la défense de Mandela et de ses compagnons condamnés par le régime de l’apartheid.

Enfin, Martha Desrumaux, ouvrière textile : elle s’engage très tôt dans le syndicalisme et au Parti communiste, dont elle devient une des dirigeantes ; résistante, elle fut aussi déportée à Ravensbrück. Sa présence comblerait l’absence totale des ouvriers parmi ceux qui sont honorés au Panthéon.

À elles quatre, elles incarnent la diversité des engagements et la lutte pour l’émancipation des femmes. Elles méritent d’être honorées et d’être montrées en exemple en ces temps où la bête immonde surgit à nouveau.

Contre l’antisémitisme, les principes républicains doivent triompher

Communiqué LDH
Paris, le 6 janvier 2014

Contre l’antisémitisme, les principes républicains doivent triompher

Quand une démocratie est attaquée dans ses fondements, elle se montre forte quand elle applique ses principes. Elle est faible si, face aux extrémismes, elle les abdique.

Dieudonné a réussi ce tour de force : le Front national défend la liberté d’expression, alors que le ministre de l’Intérieur a déclaré vouloir interdire a priori son spectacle et lui sera en tournée dans de très nombreuses salles, notamment les Zéniths qui sont sous contrat avec l’Etat.

Or, en France, depuis le début du XXe siècle, la loi, et c’est heureux, ne permet plus l’interdiction a priori des spectacles. Dieudonné et ses zélateurs s’indignent donc de ce que l’Etat s’apprête à violer une liberté fondamentale, la liberté d’expression.

Tour de force, donc, que de se faire passer pour une victime quand on est celui qui a fait son fonds de commerce de l’agression systématique d’un groupe de personnes à raison de leur origine ethnique, de leur religion, et des horreurs qu’elles ont subies.

Dieudonné a pourtant tort de se revendiquer de la liberté de création pour justifier, dans ses spectacles, ses insultes antisémites, son apologie du révisionnisme, ce pour quoi la LDH s’honore de l’avoir fait condamner. Reste qu’il a toujours transformé ses procès en tribunes, organisant son insolvabilité de façon à échapper aux condamnations financières, qu’elles soient des amendes pour l’Etat ou des dommages et intérêts pour les associations qui, comme la LDH, l’ont poursuivi avec un succès qui reste théorique.

Le ministre de l’Intérieur, en cherchant à obtenir des préfets qu’ils interdisent ses spectacles, prend un risque d’une autre dimension, celui de fédérer autour de Dieudonné une sympathie réactionnelle de ceux qui se considèrent, pour des raisons qui peuvent par ailleurs parfaitement se comprendre, opprimés, socialement ou politiquement. Et auprès de ce public, le jeu ambigu, voire pervers, entre humour et haine, agression et victimisation, politique et show-business, peut marquer les esprits dans un sens particulièrement dangereux.

Dieudonné, dont les sympathies avec les thèses les plus extrêmes de la droite antisémite ne sont plus un mystère pour personne, met donc en défaut la démocratie, lorsqu’elle répond à la haine par une menace de restriction de la liberté d’expression.

La LDH rappelle donc que la règle qui doit prévaloir est la liberté, et que tout abus de celle-ci doit être condamné de façon ferme et efficace. La LDH et ses militants seront très vigilants et attentifs à ce que les propos de Dieudonné qui méritent une sanction pénale soient poursuivis, comme elle l’a fait par le passé, et elle engage vivement les pouvoirs publics à poursuivre les atteintes à la loi une fois qu’elles sont commises, plutôt qu’à se lancer dans des interdictions préalables au fondement juridique précaire et au résultat politique incertain, voire contreproductif.

Il est scandaleux que les associations parties civiles dans les procès qui ont été fait contre cet individu n’aient aucun moyen de le forcer à exécuter les condamnations, que les magistrats n’aient pas à ce sujet de plus amples pouvoir d’investigation, et prononcent donc des peines dont ils savent par avance qu’elle ne seront pas exécutées.

Puisque Dieudonné a fait son fonds de commerce de la haine, il faut qu’il soit condamné à chaque fois qu’il l’exprime, et que les peines prononcées soient effectives et décourageantes.

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Marchons contre le racisme

Le Conseil d’Administration du Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire Inférieure, réuni le 16 novembre, constate que depuis plusieurs semaines les déclarations , les comportements, les actes racistes et xénophobes se multiplient en France mais aussi dans de nombreux pays d’ Europe.
En France Christiane TAUBIRA, Ministre de la République , est victime d’une abjecte campagne raciste menée par des journaux d’extrême droite et par des militants et élus la droite extrême .
La République est salie par des groupuscules d’extrême droite qui le 11 novembre à l’occasion des commémorations s’en sont pris au Président de la République.
L’extrême droite en France et en Europe mène une campagne ignoble sur fond de crise économique sociale qui entraine chômage et pauvreté pour rendre l’immigré, les roms, boucs émissaires de cette situation dont la responsabilité incombe aux politiques d’austérité dictées par la commission Européenne aux ordres des oligarchies financiers et du grand capital.
Cette situation n’est pas sans rappeler les années qui ont précédées la deuxième guerre mondiale avec la montée du fascisme, de l’hitlérisme qui a conduit aux camps de concentration et d’extermination.
Cette situation appelle au rassemblement de tous les républicains pour s’opposer à ces attaques et déclarations ignobles dont sont victimes des personnes , des communautés.
Le Comité du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et de Nantes et de la Résistance en Loire Inférieure, fidèles à l’esprit de la Résistance , aux valeurs universelles de la République de Liberté, d’Egalité, de Fraternité condamnent avec la plus grande fermeté ces actes et déclarations racistes et xénophobes et apportent leur soutien aux victimes.
Elles appellent à une réaction ferme de tous ceux attachés à ces valeurs universelles pour que cela cesse et que les autorités de la République prennent toutes les dispositions pour mettre fin à une situation dangereuse pour la France.
Nantes, le 16/11/2013.

VOIR l’APPEL des organisations ci-dessous.

Pascal Convert

Dans le cadre de l’exposition En Guerre(s) et de sa programmation actuelle sur les deux guerres mondiales, le Cinématographe associé au Musée d’histoire de Nantes invite Pascal Convert à présenter l’ensemble de ses films sur la Résistance, la transmission mémorielle et l’engagement politique.

Ancien pensionnaire de la Villa Médicis à Rome, artiste lui-même engagé, Pascal Convert a d’abord gagné une reconnaissance hexagonale et internationale pour son travail sculptural et de plasticien utilisant des matériaux aussi divers que le verre, le cristal ou la cire. Au travers de commandes publiques, comme celle du Monument des résistants fusillés au mont Valérien, à Paris entre 1941 et 1944 ou, en 2008, celle de vitraux pour l’Abbatiale de Saint-Gildas-des-Bois en Loire-Atlantique. Mais aussi pour des œuvres sur support, commandes du Fond National d’Art Contemporain, du Musée d’Art Moderne du Luxembourg, inspirées d’icônes de presse, comme la Piéta du Kosovo, la mort de Mohammed Al Dura à Gaza, de photographies d’enfants ou de corps souffrants. Elles se présentent sérigraphiées sur verre et tain ou sous forme d’empreintes gelées dans le cristal et ont été exposées au Grand Palais dans le cadre de la Force de l’art, à la Galerie Dupont à Paris, à l’étranger, en particulier à l’ONU et à Montréal. Actuellement P. Convert finalise l’installation pérenne, en très grand format, pour la gare de Bègles, d’une phrase de Roland Barthes « Commence alors la grande lumière du Sud-Ouest ». Et il vient d’être choisi lauréat du 1% artistique du nouveau bâtiment des Archives Nationales.

Rien d’étonnant à ce choix ! Depuis une dizaine d’années, son travail est aussi orienté vers l’historiographie, l’archive et le cinéma documentaire. Il réalise, en 2002, en même temps qu’une imposante cloche sur laquelle sont gravés les noms des fusillés, un film : « Mont-Valérien, au nom des fusillés » qui sort de l’anonymat ces résistants et rend publique leur histoire. 80% était communistes, juifs ou étrangers, parfois les trois à la fois. Une manière « d’ouvrir le silence » de son mystérieux grand-père, Léon, fondateur dès 1940 du maquis des Landes. Retour ligne automatique
Ce faisant, il découvre parmi les fusillés, Joseph Epstein, juif polonais, communiste, responsable Francs-Tireurs et Partisans d’Île de France, de la MOI, héros escamoté par l’histoire officielle, tombé avec Missak Manouchian. La vie douloureuse de son fils confronté à la mémoire de son père, inspire à Pascal Convert deux statues, l’une de cire, l’autre, acquise par le Musée national d’art moderne, faite d’un bloc de verre enfermant leurs images, un film, en 2007, « Joseph Epstein, Bon pour la légende », dont le titre est emprunté à une séquence des Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard et un livre. Retour ligne automatique
Pendant trois années, Pascal Convert va alors recueillir les souvenirs de Raymond Aubrac. D’une centaine d’heures d’entretiens sont nés deux films dans lesquels le grand résistant revient sur ses engagements pendant et après la seconde guerre mondiale, « autoportraits d’un voyageur immobile dans les remous d’un passé tourmenté ». Le premier, Les années de Guerre, sur son action, le procès de Klaus Barbie, l’utopie dont il rêvait avec sa compagne Lucie et avec ses amis Emmanuel D’Astier, Serge Ravanel, Jean-Pierre Vernant, son travail d’unification de la résistance autour de Jean Moulin et du Général de Gaulle, la tragédie de Caluire. Le second a pour titre Reconstuire, car la résistance de Raymond Aubrac ne s’arrête pas en 1945. Elle prend la forme de la reconstruction, du développement des rapports est/ouest, de la décolonisation du monde. Il va servir de passeur en devenant un homme clé des négociations sur le Vietnam entre Hô-Chi-Minh, l’oncle Hô son ami, et les présidents américains Johnson et Nixon.

Comment oublie-t-on et quand on se souvient, comment se souvient-on ? Ces questions de l’oubli, des territoires mémoriels et archéologiques, sont au cœur du travail plastique, cinématographique, historique mais aussi maintenant littéraire de P. Convert. Après avoir publié deux récits historiques : Joseph Epstein, Bon pour la légende (Séguier, 2007) et Raymond Aubrac : Résister, reconstruire, transmettre (Seuil, 2011), il franchit ces jours-ci le pas de l’écriture romanesque avec La Constellation du Lion (chez Grasset).De quelle histoire est-on le dépositaire, de quels choix l’héritier ? Une mère, écrasée par l’ombre de son père, grand résistant, le Lion des Landes qui ressemble beaucoup au grand-père de Pascal Convert.

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Extrême droite

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Comme le précise Pierre-Louis Basse dans son avant-propos, La tentation du pire, c’est ce voyage (en textes et en images) au coeur du fascisme à la française, qui façonne depuis 140 ans le paysage politique et la société dans son ensemble, qu’il nous invite à entreprendre, pour ne pas baisser la garde. « Trop lâches et distraits, nous avons oublié d’être vigilants ». C’est tout le sens de ce livre. Un appel vibrant à la vigilance, avant qu’il ne soit trop tard !

PIERRE-LOUIS BASSE

GRÉGORY MARIN

1935. Défilé du Front national des Jeunesses patriotes de Taittinger devant la statue de Jeanne d’Arc à Paris…

La boxe, comme l’histoire, nous enseigne de ne pas baisser la garde. Pierre- Louis Basse (1) a retenu la leçon. Dans la Tentation du pire, il cultive la mémoire d’une « France brutale » livrée à l’extrême droite. Face aux bégaiements de l’histoire, un appel à la vigilance.

La Tentation du pire est loin du mode d’emploi antifasciste classique. N’est-ce pas pour autant un livre de combat ?

PIERRE-LOUIS BASSE. Dès le départ, je ne souhaitais pas faire un énième livre d’histoire sur le sujet. J’avais déjà un peu travaillé de cette manière pour Aux armes citoyens, qui était une histoire de la France à travers ses manifestations. J’ai beaucoup relu, de Jean-Pierre Azéma à Zeev Sternhell, pendant deux ans. Il fallait constituer un fonds… J’y ai mis tout mon coeur, mais même s’il s’agissait d’un travail engagé, je ne voulais pas faire quelque chose de lourd. Le sujet l’est suffisamment. Nous avons emprunté un double chemin, avec Caroline Kalmi. Cette jeune historienne a fait son mémoire de thèse sur Gringoire (journal anticommuniste et antiparlementariste proche de l’Action française). Il y a donc une narration classique, d’un côté, et, de l’autre, mon engagement et mon écriture.

Il y a une grande cohérence entre vous et les contributeurs. Comment l’avez vous travaillée ?

PIERRE-LOUIS BASSE. Je suis entré en contact avec des gens que je respecte profondément. Chacun y a apporté son regard, sans avoir lu le livre avant. Il y a une cohérence parce qu’on se connaît, chacun connaît le travail des autres. Je voulais qu’il y ait une résonance historique, mais aussi extrêmement contemporaine, avec des supports nouveaux, le cinéma par exemple. Si on devait évoquer la renaissance du nationalisme à travers la décolonisation, je ne pouvais pas mettre de côté le film Dupont Lajoie, mais j’aurais pu mettre le Bal, d’Ettore Scola. L’histoire, ce n’est pas seulement les textes de Barrès ou la France juive de Drumont. Ce sont aussi des images… De la même manière, pourquoi mettre une photo de Pier Paolo Pasolini pour ouvrir la partie sur l’étranger ? Parce que c’est un des premiers, avec les Écrits corsaires, à nous dire : « Attention ! Ce n’est pas le fascisme mais ça peut revenir, différemment… »

Vous vous êtes fait plaisir sur l’écriture et cela se sent. Mais la littérature est-elle compatible avec un sujet aussi lourd ?

PIERRE-LOUIS BASSE. Je voulais que ce livre soit chevillé au mouvement des idées. Pas seulement Georges Vacher de Lapouge et Édouard Drumont, la Libre Parole et la Ligue des patriotes, mais aussi Pierre Drieu La Rochelle, Robert Brasillach, Paul Morand, et aujourd’hui Richard Millet. Des hommes que j’ai découverts au cours de mes études et que j’ai aimés, d’un point de vue littéraire.

« Je voulais qu’il y ait dans ce livre une résonance historique, mais aussi extrêmement contemporaine. »

Selon vous, les choses ne sont pas si simples qu’on puisse tout rejeter en bloc, les hommes et leur oeuvre.

PIERRE-LOUIS BASSE. Ce livre devait être suffisamment « élégant » et honnête pour qu’on puisse en discuter. Quand un Gérard Longuet fait l’éloge de Brasillach, duquel parle-t-il ? Je peux moi aussi faire l’éloge des Sept Couleurs ou de Notre avant-guerre. Mais qui parle des lettres où il demande que dans les rafles de juifs on prenne aussi les « petits » ? Même chose pour Drieu La Rochelle. Je l’ai lu jusqu’à vingt-cinq ans, et j’aime encore ses romans. Ça ne m’empêche pas de dire qui est ce type. Je voulais être suffisamment clair de ce point de vue pour tout mettre sur la table.

Vous étiez intellectuellement armé pour accepter l’attirance littéraire et rejeter leurs idées, mais tous les lecteurs ne le sont pas. Ne seront-ils pas mal à l’aise à la lecture de leurs portraits ? Vous cultivez à l’égard de Drieu La Rochelle, par exemple, une certaine idée du romantisme…

PIERRE-LOUIS BASSE. Il y a une très grande perversité dans l’appareil nationaliste, une grande séduction… C’est aussi pour cette raison que la double page sur Drieu est accompagnée de cette belle photo des Damnés, de Visconti. Visuellement, le fascisme s’appuie sur l’esthétisme. Mais j’ai quand même essayé de donner quelques clés. Je suis très clair sur son parcours, en parlant d’un « roman au noir », de son rapport ambigu à l’existence, à l’individualité, aux femmes, à la décadence… Il est l’expression d’une peur de l’époque. Il y a une belle expression de Gide, dans l’Immoraliste, où il compare un personnage à « une coloquinte du désert ». C’est un fruit qui paraît désaltérer, mais c’est le contraire. C’est cela, ces écrivains. Politiquement, ils ont été des lâches ou des criminels. Mais je n’ai pas le même mépris pour Morand que pour Brasillach ou Drieu, parce qu’ils ont affronté la mort.

« Bien des printemps se tiennent encore dans les sillons et dans les arbres ; à nous de savoir les préparer à travers de nouvelles luttes et de nouvelles épreuves. » VLADIMIR JANKÉLÉVITCH, PHILOSOPHE.

En tournant les pages, on fait sans cesse l’aller-retour entre le passé et le présent. N’est-ce pas un peu « facile » d’établir un parallèle historique ?

PIERRE-LOUIS BASSE. C’est tout à fait volontaire. Les surréalistes parleraient d’une résonance magnétique. J’exprime ce que des historiens ou sociologues de renom ont exprimé bien avant moi, je pense à Gérard Noiriel, par exemple, c’est-à-dire qu’on est dans une mécanique. Celle qui a fait produire à la France les lois raciales les plus drastiques, juste après celles des nazis. La même escroquerie se déroule sous nos yeux : hier, les juifs ; aujourd’hui, les Roms, les musulmans. C’est l’invention de l’ennemi… L’histoire ne se répète pas, elle bégaie. Je ne vois pas de différence fondamentale entre la comparaison de Christiane Taubira à une guenon par une gamine dans une manif anti-mariage gay et les attaques envers les juifs dans les années 1930.

Vous reprenez à la fois le leitmotiv de Zeev Sternhell sur la pérennité des idées nationalistes et la citation de Mendès France : « Quand on les flatte, quand on les favorise, les comportements de haine peuvent resurgir. »

PIERRE-LOUIS BASSE. Oui. Je citerai Aragon : « Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse, ni son coeur. (…) Et quand il croit serrer son bonheur, il le broie. » Tout est toujours à défendre, à reconstruire. Tout est fragile, notre démocratie aussi.

On sent une très forte déception vis-à-vis de la gauche, des années Mitterrand en particulier. Vous faites vôtre la citation d’Orwell : « Si tant de gens modestes en viennent ainsi à placer leurs espérances dans un mouvement fondamentalement pervers – et, de surcroît, contraire à leurs intérêts véritables –, la faute en incombe largement aux socialistes eux-mêmes. »

« Hier, les juifs ; aujourd’hui, les Roms, les musulmans. C’est l’invention de l’ennemi… L’histoire ne se répète pas, elle bégaie. »

PIERRE-LOUIS BASSE. Jean-Claude Michéa, que cette droite de combat croit pouvoir récupérer sans qu’il soit dupe, exprime remarquablement cette déception-trahison. Depuis 1981, on en a avalé des couleuvres, notamment dans les années Thatcher, où s’est organisée la vente-destruction de l’appareil industriel… Georges Bernanos dit : « Il n’y a pas de peuple de droite ou de gauche, il y a un peuple… » Et Jamel Debbouze complète par : « Un électeur FN, c’est un communiste qui a été cambriolé trois fois. » Quand la déception est profonde, elle est très dangereuse. Quand je parle de trahison, je pense au tournant de la rigueur, de 1983 à 1986, les années où la gauche oublie ses marqueurs. On a marqué nos différences sur des réformes structurelles, le Smic, ou même, avec Lionel Jospin, sur les 35 heures ou la protection maladie pour les plus pauvres, mais face au mouvement capitaliste international de liquidation du tissu industriel, on n’a pas marqué de points. C’est ce que le journaliste Éric Conan a appelé « la gauche sans le peuple ».

Celle qui gouverne aujourd’hui ?

PIERRE-LOUIS BASSE. Je n’ai pas le moindre regret d’avoir voté François Hollande, parce que je sais ce qui s’est joué entre 2007 et 2012 de destruction de l’école, de la santé, de confiscation des richesses pour une bande… Mais j’ai une attente. Qui se transformerait en forte déception si elle n’était pas récompensée assez rapidement par un peu de croissance, un peu de lumière… Pour résumer, j’aimerais que Hollande soit un peu plus Salvador Allende. Le peuple le sentirait. S’il est toujours une icône au Chili, c’est sans doute que le peuple a compris qu’il était avec lui, sans être un marxiste tourné vers Moscou ou Cuba.

Vous évoquiez tout à l’heure les forces d’aventure. Le FN est-il de celles-là ? Doit-on se laisser abuser par sa mue médiatique ?

PIERRE-LOUIS BASSE. C’est le bal masqué. À la fin des années 1970, ce mouvement s’est structuré avec beaucoup de conscience et de malice : « Les barres de fer, les crânes rasés au fond de la salle. On va occuper le terrain des idées, infuser la société. »

C’est ce que promulguait François Duprat, et qu’a réalisé le Grece (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne)…

PIERRE-LOUIS BASSE. Exactement. L’un des compagnons de route de Patrick Buisson, François d’Orcival, président du comité éditorial de Valeurs actuelles (ancien dirigeant de la Fédération des étudiants nationalistes – NDLR), est aujourd’hui membre de l’Institut. Savoir d’où ils viennent permet aussi d’expliquer où ils vont. Pour le Front national, c’est la même chose. « On n’est plus d’extrême droite », disent-ils. Mais le chercheur Jean-Yves Camus l’a redit très récemment : un parti qui fait l’apologie d’une société organiciste, repliée sur elle-même, qui veut mettre en place la préférence nationale et dont la présidente met sa robe à paillettes pour danser la valse au bal des anciens nazis en Autriche reste un parti d’extrême droite. Ces gens sont des spécialistes de la réécriture de l’histoire.

Pour enrayer ce phénomène d’« oubli », il faut réensemencer la société avec de l’histoire, de la culture ?

PIERRE-LOUIS BASSE. Nous avons, nous journalistes, une responsabilité considérable. C’est bien joli de regarder passer les trains, mais les trains, pour les faire avancer, il y a des cheminots et des aiguilleurs. Depuis quinze ou vingt ans, cette confiance accordée aux experts, comme un prolongement de l’élite politique sur les plateaux de télévision, dont le peuple se sent exclu, c’est une responsabilité. De même, l’exclusion de la culture du champ des informations, la disparition de la réflexion, du livre, sont une catastrophe. Aujourd’hui, pour m’informer, je préfère regarder un film de Ken Loach, que regarder ces chaînes d’information en continu qui sont toutes les mêmes…

En nous obligeant à vivre uniquement l’instant, cette culture du présent ne nous empêche-t-elle pas de penser le futur ?

PIERRE-LOUIS BASSE. Plutôt que de convoquer des experts qui nous disent « rouge » le lundi et « vert » le mardi, faisons venir des historiens. L’école française, d’Azéma à Michel Winock, en passant par Jean-François Sirinelli, ne manque pas de talents pour expliquer le monde. Faisons-les venir à des heures de grande écoute. Cette culture du présent nous a été imposée par la recherche de l’audience, sans réflexion sur les bénéfices que nous tirerions à penser le temps long.

Ces grandes voix peuvent-elles nous aider à ne pas céder à ce vous appelez une « nouvelle forme d’immense fatigue collective » ?

PIERRE-LOUIS BASSE. C’est une chance que nous devrions développer. Il faut suivre ce qui se fait dans les creux, ailleurs que sur le réseau d’information en continu, à la marge. C’est compliqué de lutter contre cette chape, mais c’est encore possible de choisir ce que l’on va transmettre à nos enfants. Aujourd’hui, se battre sur les contenus, c’est être révolutionnaire. Est-ce qu’on veut épouser ce mouvement permanent, imbécile, cette financiarisation de tout, ou est-ce qu’on veut vivre à hauteur d’homme ?

« La perversité de l’appareil nationaliste »

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