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Un homme, Roger PUYBOUFFAT qui joua un grand…

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Roger Puybouffat (1909-1983) : un homme qui a dit « Non ! »
par Xavier Riaud
Roger Puybouffat est né le 18 février 1909. A 11 ans, Roger passe son certificat d’études. Mais, sa famille est désargentée. Il doit travailler très jeune et multiplie à ce titre les petits métiers. Un oncle lui permet de suivre un apprentissage chez un mécanicien dentiste. Il montre très vite des dispositions pour cette profession. Son oncle le persuade de suivre les cours du soir. Après avoir obtenu son brevet élémentaire et supérieur, il entame des études de chirurgie dentaire à Garancière. Danielle Casanova fait ses études en même temps que Roger. En 1933, il est officiellement diplômé, mais épuisé. En effet, pour réussir, il a travaillé pour gagner sa vie en même temps que ses études et milité au parti communiste dont il fait partie depuis l’âge de 14 ans, suivant son père qui y a adhéré dès sa création en 1920. Pendant ses deux dernières années d’études, Adèle, sa compagne, renonce aux siennes pour subvenir aux besoins du couple (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 30 octobre 1934, il effectue son service militaire, mais est réformé pour maladie. C’est en octobre 1935 qu’il est incorporé. Il quitte l’armée sous-lieutenant de réserve des services de santé (Puybouffat- Merrien, 2008).
Lorsque la guerre éclate, Roger Puybouffat est mobilisé le 25 août 1939. Il rejoint son unité le 2 septembre. Il est présent à Dunkerque et parvient à sortir ses hommes de la nasse, et à les ramener sains et saufs à Pontivy déjà sous la coupe allemande. Cet exploit, d’avoir sauvé tous ses hommes, sera un de ses plus grands motifs de fierté pour le reste de ses jours (Puybouffat-Merrien, 2008).
De retour à Pontivy, il est arrêté par les Allemands, alors qu’il n’a pas été encore démobilisé. Considéré comme un prisonnier de guerre, il doit exercer ses talents à l’hôpital civil qui a été dressé dans l’enceinte du lycée. Il n’est libéré que le 19 février 1941. Le 1er mars, Roger rejoint Châteaubriant où il a trouvé un confrère, Pierre Bernou, qui l’accueille et lui offre la possibilité d’exercer son art (Puybouffat-Merrien, 2008).
Dans le même temps, le camp de Choisel ouvre de nouveau ses portes en mai 1941. Il a une vocation : celle de recevoir en détention des internés politiques comme les communistes notamment. En effet, depuis le 26 septembre 1939, le parti communiste est interdit. Tous ses membres sont fichés au carnet B. C’est le cas de Roger Puybouffat (Puybouffat-Merrien, 2008).
A peine arrivé à Châteaubriant, le couple Puybouffat se met en contact avec les communistes locaux qui ne cachent pas leur volonté de faire évader les internés du camp de Choisel. Et Roger va les y aider (Puybouffat-Merrien, 2008)…
A la réouverture du camp, Roger est aussitôt sollicité pour venir y soigner les détenus. Ainsi, a-t-il essayé de convaincre notamment Guy Môquet de se faire enlever une dent alors qu’il souffrait terriblement, ce que le jeune homme a refusé sans l’autorisation de sa mère (Puybouffat-Merrien, 2008).
Les patients prisonniers avec des problèmes majeurs peuvent, moyennant escorte, être soignés au cabinet dentaire personnel de Puybouffat. Ce local présente deux sorties, dont une méconnue qui permet toutes sortes de rencontres furtives, d’échanges de renseignements et de consignes. Roger a de plus des cabinets également dans plusieurs villages voisins, qui facilitent aussi tous ces échanges (Puybouffat-Merrien, 2008).
Notable de la ville, il a aussi ses entrées au club de bridge où il rencontre, en quête d’informations, les représentants de l’administration du gouvernement de Vichy (Puybouffat-Merrien, 2008).
Au camp de Choisel, les évasions se multiplient. Son nouveau responsable, Touya, a décidé de renforcer les mesures de surveillance. Par exemple, le dentiste ne peut plus soigner les internés politiques. Il n’a le droit de traiter que des droits communs (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 20 octobre 1941, le lieutenant-colonel Hotz est tué à Nantes. En représailles, les Allemands veulent exécuter des otages. Ce sont les fameux 50 otages, dont Guy Môquet. Avant de mourir, ces hommes ont écrit leur dernier message d’adieu sur les planches du baraquement au camp. Roger Puybouffat les récupère, les évacue, les dissimule un temps dans son cabinet, puis un temps à son domicile, dans une pièce consacrée à ses activités de résistant où il reçoit aussi avec sa femme, les évadés en attente d’une prise en charge, et les remet à qui de droit pour qu’elles soient cachées (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 25 novembre 1941, notre dentiste participe à l’évasion de trois hommes internés dans le camp de Choisel. Touya fouille le cabinet dentaire en personne. Il n’y trouve rien (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 13 décembre, Roger Puybouffat est arrêté par Touya, le sous-lieutenant du camp en question, qui le rend responsable des évasions du 25-26 novembre. Il est interrogé, reçoit des coups, mais ne parle pas. Subissant de nombreuses brimades, Roger ne cède pas. Il n’y a pas de preuve contre lui (Puybouffat- Merrien, 2008).
Son incarcération est officialisée le 15 décembre, par le préfet de Loire-Atlantique (Puybouffat- Merrien, 2008).
Le 7 mai 1942, le dentiste passe devant le Tribunal Correctionnel de Châteaubriant. L’appartenance au carnet B de Roger Puybouffat, convaincu de militantisme communiste, est révélée au cours de la procédure. Pourtant, faute de preuve, il est acquitté, mais pas libéré. Sa femme est arrêtée deux jours avant avec son associé. Ils sont tous deux relâchés à la fin 1942.
Le 7 mai 1942, Roger est transféré à Voves en Eure-et-Loir. Il est enchaîné à deux autres co-détenus et à un gendarme. Alors que son père a tout organisé, Roger refuse de s’évader (Puybouffat-Merrien, 2008).
En juin 1943, le dentiste doit être présenté à la Cour d’Appel de Rennes pour y être rejugé. Son deuxième procès n’a pas lieu. Le 12 octobre 1943, il est transféré vers Romainville. Le 25 octobre, Roger Puybouffat, résistant communiste, est déporté vers Sarrebruck, Neuengamme, puis Mauthausen et enfin Loibl-Pass, un des commandos du camp autrichien (Puybouffat-Merrien, 2008).
Lorsqu’il arrive à Mauthausen, cela fait 22 mois que Roger est en détention, qu’il ne mange pas correctement, qu’il est ballotté de wagons à bestiaux en wagons à bestiaux. Dans ce camp, avec fermeté et ténacité, Roger résiste à la faim, au froid hivernal, au chaud estival, aux sévices de toutes sortes, au travail épuisant dans la célèbre carrière, aux appels interminables quelque soit le temps, etc (Puybouffat-Merrien, 2008).
A l’hiver 1943, Roger contracte une broncho-pneumonie aux deux poumons. Le médecin de l’infirmerie tente l’impossible pour le guérir, mais sa convalescence est de courte durée. Pour éviter les sélections, Roger doit retourner au travail harassant de la carrière. Ses camarades le cachent, lui donnent des rations supplémentaires, protègent ses affaires et n’hésitent pas à voler pour qu’il reçoive davantage de nourriture (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 6 mai 1944, notre dentiste est transféré à Loibl-Pass, kommando de Mauthausen. C’ est vraisemblablement dans le tunnel qu’il se brise le tibia gauche et se fait écrasé le pied gauche. Si le médecin lui fabrique des attelles, la durée de son séjour à l’hôpital s’en trouve raccourci, le risque de sélection étant grand (Puybouffat-Merrien, 2008).
Pendant l’hiver 1944-1945, il fait une 2ème bronchopneumonie, consécutive, semble-t-il, à deux nuits de station debout devant le baraquement des gardes, sous la pluie, après sa journée de travail, parce que Roger aurait perdu, d’après eux, une pince dentaire. En effet, démuni de tout, le dentiste français n’a pour seul recours, face au scorbut qui sévit depuis le printemps 1944, que d’enlever les dents malades de ses camarades afin de leur éviter toutes les complications liées à leur désagrégation. Après avoir donné sa contribution en cigarettes à la collectivité, le scientifique échange ce qui lui reste contre une gousse d’ail ou un petit oignon, ceci afin de se prémunir contre le scorbut (Puybouffat-Merrien, 2008).
Roger Puybouffat est présent lorsqu’une commission itinérante de dentistes s’est arrêtée au camp pour extraire les dents cariées, ou en or surtout. L’organisation clandestine du camp protège les infortunés qui sont concernés, moyennant cigarettes. Il témoigne aussi de la célèbre opération oignons qui a eu lieu un dimanche matin, à Loibl-Pass, où les Allemands ont fait manger un oignon aux détenus pour lutter contre le scorbut, après qu’ils soient restés debout très longtemps dans un froid très marqué. Cette opération coûte la vie à deux jeunes hommes.
Le 7 mai 1945, les nazis entament l’évacuation de leurs prisonniers. Roger décide de rester avec le médecin de l’infirmerie pour s’occuper des malades qui n’ont pas été évacués. Les deux hommes se barricadent et partent en excursion à la recherche de nourriture, ce qu’ils finissent par découvrir dans les cuisines. Dans les jours qui suivent, les combats font rage autour du camp. Malgré tout, le dentiste et le médecin décident de rester près des malades intransportables (Puybouffat-Merrien, 2008).
Ce n’est que le 21 mai que Roger Puybouffat rejoint la brigade Liberté stationnée à Rodovljica. Son pied gauche est toujours dans un sale état. Là, ces Français associés aux troupes yougoslaves défendent un pont et empêchent sa destruction. Le 3 juin, la brigade Liberté est à Trzic. Elle souhaite remercier ses habitants de leur accueil. Le 5 juin, elle arrive à Ljubljana. Le 6, les hommes qui la

composent prennent le train pour Trieste. Ils arrivent à Paris, le 20 juin 1945. Roger y retrouve son Adèle (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le dentiste arrive à Paris, dans un état médicalement catastrophique : un tympan a éclaté sous les coups ; il ne supporte plus aucune nourriture solide sans vomissement ; ses poumons sont perclus de nodules, conséquences de deux bronchopneumonies ; sa fracture au tibia n’est pas consolidée et est fistulisée, rendant tout espoir de guérison vain ; ses vertèbres cervicales ont été fragilisées par les coups. Cet homme, ne l’oublions pas, a pris les armes pour combattre les nazis, aussitôt libre, dans cet état (Puybouffat-Merrien, 2008).
Si le pronostic des médecins est réservé, sa femme, elle, ne s’en laisse pas compter et décide de se battre pour son mari. Elle se procure les aliments requis à son état et commence une lente, et progressive réalimentation. Petit à petit, Roger parvient à recouvrer des forces et à se nourrir de mieux en mieux. Si bien qu’un beau jour, il peut reprendre sa profession d’avant-guerre. Toutefois, les séquelles sont présentes et il le fait dans une souffrance constante (Puybouffat-Merrien, 2008).
En 1954, le couple trouve enfin un appartement susceptible d’accueillir un cabinet dentaire.
En 1963, blessé par une vertèbre cervicale, Roger est quadriplégique en position fœtale. Personne ne veut prendre le risque d’opérer. Par le truchement des associations, un neurologue dont la famille a été exterminée pendant la guerre accepte d’intervenir. Il fait le voyage à ses frais. L’opération est un succès. Après des mois de rééducation, le cabinet dentaire rouvre ses portes (Puybouffat-Merrien, 2008).
Toutefois, ses blessures, surtout celles du côté gauche, rendent son exercice difficile et de moins en moins précis. La mort dans l’âme, Roger Puybouffat doit renoncer à sa profession.
En 1980, il est amputé à gauche, à mi-cuisse, mais sa jambe droite menace de suivre le même chemin. Ses journées se résument à la lecture du journal et à la télévision, ne pouvant plus se déplacer seul. Aussi, sa femme décide-t-elle d’inviter des amis, de la famille, organise des réunions, l’entraîne au restaurant, veille à sa bonne présentation en demandant à son coiffeur et à son tailleur de venir au domicile. Les nuits sont horribles. Dans son sommeil, Roger retourne constamment à Mauthausen et à Loibl-Pass (Puybouffat-Merrien, 2008).
Sa lésion au niveau cervical n’étant qu’en rémission voit sa luette et son arrière-gorge se paralyser, rendant tout repas extrêmement douloureux. Adèle le soigne jusqu’à l’épuisement et meurt en mars 1983, renversée par une voiture (Puybouffat-Merrien, 2008).
Roger sombre dans le coma et décède à son tour, en décembre 1983. Avec le soutien de son épouse, Roger considérait que les 38 ans de vie après les camps étaient des « années volées aux nazis (Puybouffat-Merrien, 2008). »
Roger Puybouffat a reçu la Croix de guerre avec palmes et la Légion d’honneur. Le 25 novembre 1948, un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (n° 7 983) lui a été délivré pour des services rendus de mai 1941 au 19 juin 1945, date de son rapatriement. Il était membre de l’organisation de Résistance : « Front national ». Sa femme, Adèle, a reçu également un certificat similaire (Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, sans date ; Puybouffat-Merrien Rose, 2008).
Adèle et Roger Puybouffat, et leur fille Rose en 1936 (Puybouffat-Merrien, 2010).

Références bibliographiques :
Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, « Puybouffat Roger », in http://www.amicale-chateaubriant.fr, sans date, pp. 1-2. Jamin Sophie, Le chirurgien-dentiste français pendant la Seconde Guerre mondiale, Thèse Doct. Chir. Dent., Rennes, 2011. Puybouffat-Merrien Rose, communication personnelle, Paris, 2010.
Puybouffat-Merrien Rose, « Roger Puybouffat, dentiste au camp de Choisel en 1941 », in Journal La Mée, Châteaubriant, 2008.

Voir aussi: http://www.chateaubriant.org/579-roger-puybouffat

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