Châteaubriant : Pas de point d’orgue après le 80ème anniversaire, mais un point d’honneur mis à poursuivre le travail de mémoire
Le 80ème anniversaire, qui avait rassemblé l’an dernier 6 à 8 000 personnes dans la carrière de la Sablière à Châteaubriant (Loire-Atlantique), n’était pas un point final. 2000 personnes y étaient de nouveau présentes le dimanche 23 octobre 2021, lors de la cérémonie commémorative.
Il y a 81 ans, le 22 octobre 1941, 27 hommes étaient exécutés par les nazis en ces lieux. Ils étaient internés dans le camp de Choisel, à quelques kilomètres de là depuis le printemps 1941 et y étaient arrivés après un pénible périple dans diverses prisons. Syndicalistes de la CGT au plus haut niveau ou élus communistes, nombre d’entre eux avaient été arrêtés lors de la grande rafle organisée en octobre 1940 par la police de Pétain en accord avec les autorités allemandes d’Occupation.
L’octobre sanglant de 1941, un tournant
Leur exécution, en même temps que celle de 16 otages au stand de tir du Bêle à Nantes et 5 otages originaires du département au Mont-Valérien soit 48 otages au total : « Les 50 Otages », a été décidée au plus haut niveau du régime nazi par Hitler lui-même, à la suite de la mort du Feldkommandant Karl Hotz, abattu le 20 octobre 1941 à Nantes par 3 résistants communistes, « trois jeunes et courageux garçons » (Charles de Gaulle).
Cet acte de résistance, après celui du métro Barbès à Paris le 21 août 1941, quand Pierre Georges, futur colonel Fabien, a abattu un officier de la Kriegsmarine, a donné le signal du passage à la lutte armée et « a fait entrer la résistance intérieure dans la guerre » selon l’écrivain allemand Thomas Mann, prix Nobel de littérature. Les représailles ont constitué la première exécution massive de civils à l’ouest, en application d’un Code des otages récemment décrété.
De nombreuses initiatives mémorielles
En préambule, le 7 octobre l’espace Ambroise Croizat, situé en face de la carrière et nommé à l’initiative de l’UL CGT de Châteaubriant a été inauguré en présence du petit-fils du père de la Sécurité sociale Pierre Caillaud-Croizat qui a pris la parole.
A Indre
A Indre, le weekend suivant, trois représentations de la pièce Les 50, ont été données par le Théâtre d’ici et d’ailleurs avec le concours de comédiens amateurs, dont certains issus du comité local du souvenir, en matinée pour les scolaires et deux séances tous publics en soirée les 14 – avec la participation des élèves de CM2 des écoles d’Indre – puis le 15 octobre ont réuni un public nombreux. A noter que ce spectacle a été inclus dans la programmation culturelle municipale.
Le dimanche 16 s’ensuivit la commémoration dédiée à Eugène et Léoncie Kérivel ainsi qu’aux résistants indrais devant le Pâlis, en bord de Loire puis au Monument aux morts. Lecture d’un poème, chanson interprétée par Jean-René Kirion, allocution de Jean-Luc Le Drenn, président du Comité ont rythmé ce moment, en présence d’Anthony Berthelot, maire d’Indre et d’élus des collectivités voisines.
A Nantes
A Nantes, le vendredi 21 octobre, la Veillée du souvenir sur l’esplanade du Monument aux 50 Otages et à la Résistance a rassemblé 200 à 250 personnes. Cette cérémonie s’est déroulée en présence d’Olivier Chateau, adjoint à la maire, Lucienne Nayet, présidente du Musée de la Résistance nationale, d’une délégation de Haute-Savoie, des porte-drapeaux des organisations patriotiques, accueillis par Christian Retailleau, président de notre Comité départemental et le jeune maître de cérémonie Clément Leparoux. Après les dépôts de gerbes – nombreuses – des associations mémorielles et organisations syndicales de la CGT et de la FSU, le jeune Gabriel Augeat, de l’âge de Guy Môquet, a pris la parole au nom de notre Comité départemental du souvenir. Puis l’évocation artistique menée par les comédiennes et comédiens Claudine Merceron, Pascal Gillet, Michel Hermouet et les jeunes Lili et Manolo Retière-Henry ont évoqué les fusillés, souvent oubliés, de 1942, la Rafle du Vel-d’Hiv et le convoi dit des 45 000 parti de Compiègne le 6 juillet 1942, transportant notamment un groupe de résistants nantais vers Auschwitz. Début des déportations de représailles.
Le samedi 22, date anniversaire la commémoration officielle a conduit les participants du Monument des 50 Otages au mémorial du Bêle puis au cimetière de la Chauvinière.
A Châteaubriant
Le samedi, une cinquantaine de personnes, parmi lesquelles des membres de familles de fusillés se sont recueillis à l’emplacement du camp de Choisel. Le parcours d’Henri Gautier, dirigeant CGT des Métaux a été retracé. Arrêté dans la rafle du 5 octobre, interné à Aincourt, Poissy puis Choisel, évadé en novembre1941 pour rejoindre les FTP, de nouveau arrêté en 1942, torturé, détenu à Fresnes avant d’être déporté à Auschwitz, il est mort sur les routes du retour après la libération du camp en 1945.
Cette cérémonie a été suivie d’un dépôt de gerbe dans la cour du château où les corps des fusillés avaient été déposés après leur exécution. Serge Adry, président du Comité local du souvenir a pris la parole.
L’après midi, la pose d’une plaque à l’entrée du cimetière de Villepot a clos le parcours mémoriel institué entre les 9 cimetières du Castelbriantais dans lesquels les 27 fusillés avaient été répartis le 23 octobre.
Ensuite, l’exposition temporaire a été inaugurée au musée. Son thème est celui du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD) pour 2022-2023 : L’Ecole et la Résistance. Des jours sombres aux lendemains de la Libération. Cette exposition est visible toute l’année au musée, elle peut être empruntée par les établissements scolaires ou associations. Un dossier pédagogique a été élaboré par les historiens Thomas Fontaine et Eric Brossard et publié par le Musée de la Résistance nationale.
A la Sablière
La commémoration a débuté par le dépôt d’une gerbe au rond-point Fernand Grenier. Nicolas Bonnefoix a rendu hommage, au nom de l’Amicale à cet ancien interné de Choisel qui présidera ensuite l’Amicale.
La cérémonie officielle s’est déroulée en présence de nombreuses personnalités : Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Armées et du ministre de l’Education nationale et de la jeunesse, Pierre Chauleur, sous-préfet de Châteaubriant-Ancenis, les sénateurs Yannick Vaugrenard et Gérard Lahéllec, le député Jean-Claude Raux, Alain Hunault, maire de Châteaubriant et les maires de l’agglomération castelbriantaise, et de nombreux élus, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, accompagné de Fabrice David, secrétaire de l’UD 44, Aymeric Seassau, représentant l’Exécutif national du PCF, accompagné de Véronique Mahé, de la fédération 44, Christian Retailleau, président du Comité départemental du souvenir, Serge Adry, président du Comité local et les représentants de nombreuses associations patriotiques ou mémorielles et organisations syndicales.
« C’est important de connaître le passé pour regarder l’avenir »
Plusieurs dizaines de porte-drapeaux étaient présents, et plusieurs délégations de jeunes, porteurs de terres prélevées dans des lieux de mémoire et qui ont été déposées dans les alvéoles sous le monument de Rohal, qui représente « ces hommes appuyés contre le ciel » qu’évoque René-Guy Cadou dans son célèbre poème. Ce n’est évidemment pas par hasard que de la terre provenant du camp de Rawa-Ruska, en Ukraine a été déposée, symbole fort de la volonté que se taisent les armes, que prenne fin l’agression de la Russie contre l’Ukraine et que les voies de la paix soient recherchées sur le plan diplomatique.
En fin de matinée, lors de la réception à l’Hôtel de Ville, Christian Retailleau a offert au maire de Châteaubriant le livre En vie, en joue, enjeux, dédicacé par les auteurs, présents, Didier Guyvarc’h et Loïc Le Gac et dont Catherine Ciron, adjointe à la culture a souligné l’intérêt, rappelant que ce livre est présent dans toutes les bibliothèques de l’agglomération.
Après cette première partie, plusieurs prises de parole se sont succédé. Carine Picard-Nilès, présidente de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt a notamment rappelé le sens de l’engagement des otages fusillés, « à l’heure où l’on assiste à la montée de l’extrême-droite dans plusieurs pays d’Europe et ailleurs ». Lui succédant au micro, Philippe Martinez a rappelé que « Châteaubriant fut une rude épreuve pour la CGT (…) En grande partie syndicalistes et communistes, les 27 étaient porteurs d’une visée de transformation sociale. Ils sont morts pour que nous puissions être des femmes et des hommes libres et égaux. » Il a rappelé le courage des Castelbriantais « qui vinrent fleurir les poteaux d’exécution en bravant l’Occupant » Il a insisté sur l’importance du travail de mémoire « pour éviter que certains réécrivent une histoire qui n’est pas la réalité (…) C’est important de connaître le passé pour regarder l’avenir. »
Une évocation artistique éblouissante
La cérémonie s’est achevée par la représentation émouvante de larges extraits de la pièce Les 50, écrite et représentée par le Théâtre d’ici ou d’ailleurs avec le concours de troupes invitées : Théâtre Messidor, Théâtre Balivernes et d’enfants de l’école publique de Lusanger. Carine Picard-Nilès a chaleureusement félicité les comédiens auxquels le public a offert une longue ovation debout avant d’entonner en chœur la chanson fétiche de la cérémonie L’Age d’Or (Léo Ferré).
A La Blisière
Le matin environ 150 personnes se sont retrouvées à La Blisière, au lieu-dit La Jonchère en forêt de Juigné-des-Moutiers, pour rendre hommage aux 9 fusillés, extraits du camp de Choisel et fusillés près de là, en pleine forêt. Yves Quiniou, pour le Comité départemental du souvenir a prononcé une allocution dans laquelle il a placé cette exécution dans le contexte du massacre de 95 otages le 15 décembre 1941 : 69 au Mont-Valérien (dont Gabriel Péri), 13 à Caen et 4 à Fontevrault en plus des 9 de La Blisière.