Les parents de Maurice Lacazette, Jean Émile Lacazette et Marie Dalas d’abord paysans à Riscle (Gers), s’installèrent à Bordeaux puis à Paris où ils tenaient en 1937 un café-restaurant, rue de Wattignies, dans le XIIe arrondissement. Il fréquenta l’école primaire de Riscle, puis à Paris l’école Violette (mécanique électricité) et l’école industrielle d’Auteuil. Il commença à travailler à l’âge de quinze ans comme apprenti tourneur, puis, de dix-huit à dix-neuf ans, il fut porteur de journaux. Il fit son service militaire comme 2e classe et, à son retour, fut garçon plombier et enfin tourneur professionnel sur métaux. Chômeur de janvier à août 1936, il devint à cette dernière date permanent rémunéré au Syndicat des métaux. Il avait épousé, le 22 février 1930, Pauline Delille, comptable à la Fédération du Bois (en 1937) dont les parents tenaient un commerce de chiffons d’essuyage en difficulté financière. Ils eurent deux enfants. Au syndicat des métaux, Lacazette rencontra Régine Gurfinkiel (voir Régine Lacazette-Leriche) qui devint sa compagne après son divorce, le 19 juin 1942. Dans un témoignage celle-ci le décrit comme un homme « gai, spirituel, facilement ironique, grand, svelte, beau (d’une beauté basque) ».
D’abord aux Jeunesses communistes, il adhéra au Parti communiste en octobre 1935 après le congrès de l’ICJ et milita dans la section du XIXe arrondissement où il habitait, rue Georges-Lardennois. Il était membre du comité de section et secrétaire du rayon des Jeunesses du XIXe. À la fin de 1937, il fut affecté à la cellule Crane de la Courneuve et il fut membre du comité de la section locale. Délégué au congrès de la Région parisienne en 1935, il suivit deux écoles de section du XIXe et une école régionale de Paris-ville. Très actif pendant le mouvement de 1936, il recruta pour le parti, formant, déclarait-il dans son autobiographie du 6 décembre 1937, sept cellules d’entreprise dans le XIXe arrondissement. Militant au syndicat des métaux, secrétaire de la section locale du XIXe arrondissement et de la CE de l’Union syndicale des métallurgistes de la région parisienne, il devint permanent rétribué en août 1936, s’occupant du secteur Nord-Est. Il entra au bureau de l’USTM et au CE de la Fédération des travailleurs de la métallurgie. Il était par ailleurs vice-président de l’orphelinat l’Avenir social et membre du Secours populaire.
Mobilisé au début de la Seconde Guerre mondiale, il fut envoyé dans la forêt de Warndt avant d’être, en janvier 1940, affecté spécial à l’usine des métaux Allinquant dans le XVe arrondissement de Paris. Son usine partit à Nay (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques) en juin 1940. Le parti lui demanda de rejoindre la capitale en septembre 1940 et il prit contact avec les syndicalistes des métaux. Recherché par la police, il dut, dès l’automne 1940, passer dans la clandestinité avec Régine. Ses activités intenses, dans le cadre du Parti communiste clandestin et des Comités populaires d’entreprises, entraînèrent son arrestation le 16 mai 1942. Frappé pendant son interrogatoire, il contracta la gale lors de sa détention à la préfecture de police de Paris et fut transféré à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, d’où, avec l’aide de Régine, il réussit à s’évader le 2 août 1942.
Malgré son mauvais état de santé, il reprit l’action clandestine dans la région parisienne puis à Nantes où il assura la réorganisation de l’interrégion Bretagne des Francs-tireurs et partisans. La police l’arrêta le 19 janvier 1943. Comme en témoignent des lettres émouvantes qu’il réussit à faire parvenir à Régine, Maurice Lacazette n’ignorait pas le sort qui sera le sien. Dans une missive du 21 août 1943, il annonça la sentence : « quinze condamnés à mort et un acquitté et, bien entendu, j’ai le numéro 1 ; grand honneur comme tu vois, mais la certitude du poteau ».(procès des 16).
Les Allemands le fusillèrent le 25 août 1943 au champ de tir du Bêle, à la porte de Nantes, et enterrèrent son corps à Saint-Mars-du-Désert.
Après la Libération son corps fut transféré au Père-Lachaise avec les restes de son meilleur ami, Jean-Pierre Timbaud.
Il a été reconnu Mort pour la France le 12 février 1945.
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Dernières lettres
| [Extraits des lettres adressées à sa femme, Régine]
20 février 1943
Grâce au brave gars qui te remettra ce mot, j’ai la chance unique de pouvoir te faire parvenir de mes nouvelles. Quand les recevras-tu ?… Je ne sais. Peut-être aurai-je – fini de vivre ? Enfin, tu auras eu une lettre. C’est une chance inespérée.. Certes, j’aurais préféré t’écrire librement au moment de mourir, mais il ne faut pas y compter, et pourtant, j’aurai des sentiments que je voudrais pouvoir te communiquer à ce moment-là…
Dans ma première lettre, je t’indiquais que j’étais gardé par les gendarmes français et que je pouvais, alors recevoir lettres, colis et livres en commun avec les autres détenus politiques ; c’était vraiment la belle vie, mais ça n’a pas duré et, rentré en prison le 2 février, je suis passé aux Allemands le 8 à neuf heures du soir ; alors, changement de décor : cellule et au secret le plus absolu, ni lettres, ni colis,
ni tabac, ni linge, ni promenade, rien, rien. Pas de liaison possible avec l’extérieur. Je suis passé d’abord seul aux Allemands, mais depuis quelques jours j’ai appris que d’autres m’avaient rejoint…
Le copain pourra te parler de cette vie. D’abord, nous avons faim, toujours faim, ensuite nous avons froid et moi je ne puis me guérir de mon besoin de fumer, la mort accrochée sur la tête tous les matins au réveil. Ce n’est pas nouveau pour moi, ça fait deux fois déjà, mais, cette fois, « chef des terroristes », je n’y coupe pas, ou ce serait alors un miracle auquel je pense de moins en moins ; je veux à tout prix m’habituer à l’idée de disparaître.
Si encore nous avions des nouvelles pour échafauder nos espérances ! Mais rien ; si, la plus récente ce jour, c’est la prise de Kharkov ; ça a dû bouger plus que ça, mais nous ignorons tout.
Un peu de joie ici rompant la monotonie, c’est le balayage, le coiffeur, la douche, trois fois la soupe tous les jours et les alertes qui sont très fréquentes ces,
jours-ci, et puis les divers bruits de bottes dans les couloirs provoquent diverses réactions. Par exemple : samedi 13 février, les bottes sont venues chercher vingt-trois camarades pour les fusiller, ils ont accueilli leurs bourreaux en chantant la Marseillaise. Le camarade pourra te dire les minutes d’intense émotion que nous avons vécues.
Voilà ma vie matérielle, pas brillante comme tu le vois, aussi je vis intensément par la pensée, par les souvenirs. D’abord j’ai deux gars, dont celui que tu vas voir, à convaincre à notre cause, et je suis sûr, d’y parvenir. Je leur fais des causeries sur ce que nous sommes, ce que nous poursuivons comme but, la société idéale que nous voulons construire. Je vis de tout mon être ce que j’inculque et je suis fier de ma vie et de ma mort si proche, parce que je suis certain que nous triompherons, que les hommes seront heureux. Certes, j’ai souvent des regrets au fond de moi de penser que je ne serai plus là pour le voir, mais il reste une consolation, c’est que l’on ne nous oubliera pas, nous qui aurons tout donné pour atteindre ce but.
Vois-tu, mon amour, je n’aurai pas de mal à te convaincre, toi qui me connais bien, que ces causeries, ces polémiques m’auront fait beaucoup de bien, et les heures s’écoulent ainsi moins monotones.
Une autre chose qui me fait beaucoup de bien et souvent beaucoup de mal, ce sont les heures de solitude où je me trouve avec ma L… chérie, c’est vers toi que vont mes pensées les plus tendres, les plus, aimantes.
J’ai avec moi cette photo de 38 où nous ressemblons à deux jeunes fiancés et c’est toujours la gorge un peu serrée que je regarde cette image de notre bonheur passé. Que de regrets souvent de ne pas avoir été plus jaloux de ce bonheur ! Vois-tu, j’y pense souvent, nous étions faits l’un pour l’autre, nous devions avoir une vie heureuse tous les deux, mais pour bien s’aimer je crois qu’il faut être égoïste, penser plus à sa propre vie, ne pas être captivé par cette immense tâche qui me prenait tout, le corps comme l’esprit. Oh ! surtout ne crois pas que je regrette mon activité, ma lutte ; non, je n’aurais pas pu vivre sans cela et s’il y a quelque chose
dont je suis fier aujourd’hui, à la veille de disparaître, c’est de ma droiture de militant, de ma fidélité au Parti et à sa cause.
Mon regret, mon affreux regret, c’est de ne pas t’avoir rendue plus heureuse. J’ai peur que tu ne gardes de moi qu’un souvenir qui s’effacera vite devant la vie et ses besoins. Mon cher petit, pense à moi, il y a beaucoup de bon chez le L… ; tu le verrais, tu serais fière de lui, et puis je suis certain que si j’avais conservé la vie, je t’aurais rendue heureuse.
Partir tous les deux sac au dos ; comme quand nous étions jeunes !… Alpes, Pyrénées, Bretagne, c’est fou ce que l’on peut aspirer à la vie quand on va mourir…
Tu sais, nous avions souvent parlé de la petite fille. Quelle torture pour moi, aujourd’hui ! II me semble qu’avec un enfant je t’aurais gardée pour toujours…
Tu vois, avant la mort, c’est la vie avec toi qui me torture le plus. ((La vie »,tu te rappelles, ce sont les premiers mots que « La Mère »* [le roman de Maxime Gorki] a déchiffrés.
Je crois que tous les copains qui sont morts avant moi ont dû se trouver devant les mêmes réactions, avoir foi dans la victoire finale, en être convaincus inébranlablement, prêcher notre vérité jusqu’au dernier souffle, mais éprouver des regrets d’enfants, de ne pas vivre pour voir se réaliser ce grand rêve.
Je sors de toutes ces pensées qui me font du bien et du mal. Parlons de toi. Que deviens-tu ? Fais très attention à toi…
J’espère que tu as trouvé du travail, que ton temps est très pris et que tu n’as aucun souci matériel.
Si un jour, tu as l’occasion de rencontrer des amis tu pourras leur dire que le Grand a bien tenu le coup. Oh ! si je pouvais avoir un mot de toi, quel bonheur. Mais hélas ! il ne faut pas y compter…
Et maintenant, mon amour, ma vie, il faut se quitter, se dire adieu pour toujours. Si mes calculs sont exacts, en tenant compte que nous sommes peu nombreux dans l’affaire, ça ira vite et en comptant largement, un peu pour se faire plaisir, à fin
avril, je serai rayé des vivants. Tu le sauras par le porteur qui t’en avisera là où tu te trouveras, et peut-être te dira-t-il où je serai enterré, et un jour, tu viendras où je reposerai verser des larmes, parce que je ne doute pas de ton amour, mon cher petit, cela me soulage et me fait du bien. .
Adieu, ma femme chérie, je t’aime beaucoup, beaucoup, et mes dernières pensées seront pour toi, dans la dernière minute c’est toi que je verrai et je demanderai-ton pardon, pour toutes, les misères que j’aurai pu te faire, le bonheur dont j’aurai pu te frustrer.
Adieu, petite… adieu tous les petits coins où nous nous sommes aimés. Je n’ai pas la force de te donner à un autre, mais si un jour tu as un ’enfant, appelle-le de mon nom, si tu veux, mon petit. Oh ! mais, tu sais, je ne te lie pas par une exigence, c’est si tu veux et si ça ne doit choquer personne. Adieu, mon aimée.
Je penserai encore beaucoup à toi et je ne doute pas que tu penses à moi. Je sais trop ton amour, ton grand amour pour moi. ’
De toutes mes forces, je t’embrasse bien tendrement.
Adieu tous les copains, adieu, ouvriers mes frères !
La vie sera belle, il n’y aura plus de haine, plus de misère, le droit du peuple sera sacré ! Mais il faut se battre avec abnégation, savoir tout sacrifier à la victoire, à l’exemple de ceux qui sont morts.
Maurice Lacazette
[Sans date]
L… chérie,
Tu me demandes des détails sur ma vie ici. A trois, dans une cellule, mais pas des copains, je suis soigneusement isolé des autres communistes ; beaucoup de brimades, pas de promenades, pas de lecture, pas de colis, pas de tabac, bien reclus et à manger au compte-gouttes. J’ai l’impression qu’ils veulent nous tuer deux fois ; d’ailleurs ici cela ressemble à de la vengeance. Quant au procès voilà deux mois que j’ai été interrogé par les SS aussi je m’attends à un dénouement rapide, mais n’ai pas peur et, fort de notre conviction, je l’affronterai en communiste. J’ai un peu peur que tu retravailles là-bas, je ne te cache pas que j’étais heureux et fier, mais attention… Arrête tout envoi de colis, parce que je n’en touche aucun ; ces messieurs se régalent avec ; ce que je demandais était à mettre dans le linge, c’est là que j’ai le plus chance.
Parle-moi beaucoup de toi, mon amour, et fais bien attention. Je t’embrasse partout…
M.L.
–
[Sans date]
Ma femme chérie,
Toujours là et rien de nouveau, pourtant je suis toujours convaincu qu’il n’y en a pas pour longtemps, des bruits de bottes me mettent toujours en éveil. Tu as dû avoir des nouvelles du colis de mercredi, ils sont forts, mais pas assez pour moi, et je crois que cette semaine, je mangerai du pain et surtout je vais fumer.
A ce propos, envoie du tabac et des tickets. Je compte sur l’ami Geo pour le tabac Depuis le temps que je me débrouille pour pouvoir faire de la fumée, j’espère pouvoir réussir cette fois, et si tu apprends que j’en ai eu, dis-toi que ton Grand aura eu un grand plaisir cette semaine.
A part ça, toujours pareil, même vie creuse, vide de nouvelles, et ma santé pas brillante, souvent de la fièvre et ma gale qui prend des proportions inquiétantes. Il est grand temps qu’ils me tuent, ou c’est la pourriture qui m’emportera.
Je me demande quelquefois si le plus dur n’est pas ces longs mois d’attente plutôt que le moment où il faudra disparaître. Enfin passons sur les détails le moral est toujours bon, la foi collée aux tripes, et c’est le principal. Notre idéal et toi, voilà à quoi je veux penser continuellement, j’y arrive, et ainsi le restant de la vie est supportable
M. L|
[Sans date]
[ L… chérie,
J’ai bien peur que ce soit le dernier petit mot j’attends le procès pour ces jours-ci, le dénouement approche, la vie se termine, j’ai du courage, beaucoup de courage, ma foi dans un avenir de bonheur pour toi et mes compagnons me rend costaud. Je l’imagine, cet avenir, dans mes heures de rêveries. Sans l’ombre d’un doute notre cause triomphera, et c’est d’un grand réconfort, cette cause si chère et toi, toute ma vie, voilà mes pensées, mes dernières pensées.
Si tu peux m’écrire encore mercredi, donne-des nouvelles sur la situation et dis-moi franchement ce que pense la famille. Ici, c’est la nuit totale. Que se passe-t-il ?
A part ça, moi je tiens le coup ; un peu de fièvre mais surtout la fièvre du tabac, je voudrais tant en avoir pour le procès, les autres bonnes choses, bien, je les oublierai, quoique la rage me ronge quand je vois tout repartir, comme mercredi, même pas un petit gâteau quand la faim ronge les tripes, en tout cela c’est dans l’ordre.
Adieu, ma femme adorée, courage et prudence faut que tu tiennes ; je t’adore et t’embrasse partout de toutes mes forces.
21 août 1943
Mon cher petit,
Troisième tentative pour que tu aies de mes nouvelles, mais les recevras-tu avant que tu repartes ?
Tu dois connaître le verdict : quinze condamnés à mort et un acquitté et, bien entendu, j’ai le numéro 1 ; grand honneur, comme tu vois, mais certitude du poteau. Commencé mercredi, le procès s’est terminé vendredi soir ; ça a été mené à toute vitesse, et c’était particulièrement pénible. Tout le monde s’est bien comporté et tous les gars ont été très dignes au verdict.
Dès vendredi soir, j’ai été changé de cellule et mis avec d’autres camarades, condamnés comme moi, solidement enchaînés et gardés ; nous avons passé de dures heures ; le temps de s’habituer à l’idée de, disparaître, et tous les bruits de bottes dans le couloir serrent un peu le cœur : le moment est-il venu ? Les visages se crispent, mais tous sont prêts et, tu pourras le dire, armés de beaucoup de courage.
Pour le moment, j’ai les mains déchaînées et suis accouplé par une chaîne aux chevilles à l’ami Fernand [Fernand Mougenot ]qui t’envoie le bonjour. Ainsi, nous ne faisons pas un pas l’un sans l’autre et nous dormons liés l’un à l’autre ; tu vas trouver cela ignoble, c’est que tu n’es pas comme moi habituée depuis sept mois aux raffinements de la civilisation européenne.
De quoi est faite notre vie maintenant ? Nous causons du passé, mais aussi de cet avenir certain que nous savons radieux, et ce sont les éternels « Si nous avions vécu pour voir cela… . » Mais tous nous nous consolons un peu à l’idée que nous ne serons pas oubliés parce que nous aurons participé à la construction de ce bel avenir.
Mercredi, contre toute attente, nous avons eu droit au colis sans restrictions, vivres et tabac ont littéralement déferlé dans la cellule, c’était la joie pour tous, et nous oublions même le sort qui nous attend ; maintenant nous espérons vivre encore
mercredi pour en profiter encore une fois. Depuis le temps que nous n’avions vu toutes ces richesses, vous imaginez notre joie (Pourriez-vous mercredi prochain me mettre une culotte dans mon colis, ils laisseront passer.)
Ça y est, mon tout petit, la page est tourné. Adieu l’avenir, ce bel avenir que j’avais imaginé dans ces longs mois de captivité. J’avais juré de te rendre heureuse et d’avoir près de toi une vie de labeur, mais aussi de te consacrer beaucoup de temps de sentir près de moi une chaude affection, de fonder un foyer dont nous avions tant besoin l’un et l’autre d’avoir un petit enfant, de vivre comme deux êtres qui s’aiment Nous avions tellement souffert, tellement payé que nous aurions construit un bonheur
indestructible.
Adieu, mon tout petit, adieu toute ma vie, sois courageuse, refoule tes larmes et ton chagrin, travaille de toutes tes forces et un jour proche quand tu verras briller les jours de bonheur, tu diras que tu as tout donné pour le triomphe de notre cause, y compris un être qui était ton mari, et viendras dans un petit cimetière breton verser quelques larmes sur ton L… .
Adieu, sois heureuse,- et plus tard, quand tu sera guérie de ta peine, je te souhaite de trouver un prolo digne de toi. C’est dur de dire cela parce je suis jaloux, même devant la mort, mais tu mérites tant d’être heureuse que je te le souhaite de tout cœur.
Adieu à tous les copains, dis-leur que je suis resté digne de leur confiance et que je suis fier de mourir pour mon pays et pour ma classe.
Adieu à tous nos amis, à cette brave amie qui a tant fait pour moi pendant ma captivité, dis-leur merci et, ne l’oublie jamais, c’est pour deux que tu exprimeras notre reconnaissance.,.
Adieu, femme chérie, adieu toute ma vie, relis les beaux livres que tu m’as choisis et qui m’enthousiasmaient tant ; quand tu te promèneras dans ce vieux Paris, dis-lui bonjour pour moi, je le regrette tant, lui aussi. Je te serre de toutes mes forces. Ma dernière pensée pour toi.
Mets-moi un mot mercredi, et tout ce que tu possèderas comme vivres et tabac pour moi.
M. L.|
Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114991, notice LACAZETTE Maurice [LACAZETTE Camille dit Maurice] par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 18 octobre 2021.
SOURCES : Archives du Komintern, RGASPI, Moscou, 495 270 2662 : autobiographie du 6 décembre 1937 établie à Aubervilliers. – Arch Dép 44, 305 J 3 . — L’Humanité, novembre 1973. – Henri Jourdain, Comprendre pour accomplir, Éd. Sociales, 1982, p. 59. – Lettres de fusillés, Éd. Sociales, Paris, 1958. – Souvenirs écrits de Régine Lacazette-Leriche communiqués par Fernand Leriche. – Documents déposés au Musée de la Résistance, Ivry. – Témoignage de Fernand Leriche, ancien maire adjoint, président de la Commission d’histoire d’Ivry. – État civil, Bordeaux.