Hommage à Thomas Ginsburger–Vogel

Spécialiste de biologie marine, Thomas Ginsburger-Vogel avait exercé à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud avant de rejoindre Nantes en qualité de Professeur des Universités. Il y avait élu par ses pairs Doyen de la Faculté des Sciences.
Notre coopération s’est développée dans le champ de notre détermination commune à faire connaître les combats et les valeurs de la Résistance et notamment celles du CNR au sein duquel son père, Roger Ginsburger – Pierre Villon, dans la Résistance – a joué un rôle déterminant.
Thomas s’est fortement engagé dans la transmission de la mémoire de la Déportation avec les Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, dont la fondatrice et première présidente nationale fut sa mère, Marie-Claude Vaillant-Couturier (née Vogel). Il était également membre de la FNDIRP.
Si cet héritage l’obligeait, Thomas était un héritier modeste et discret.
Sans ménager son temps, il a organisé de nombreuses rencontres avec des témoins dans les établissements scolaires et diverses initiatives : expositions, voyages. Il a également, par sa participation à la commission Histoire des Amis du Musée de Châteaubriant, non seulement contribué à faire vivre la mémoire des 27, (voir ci-dessous) mais aussi sensibilisé les collégiens et lycéens participant au Concours de la Résistance et de la Déportation. Enfin il s’est engagé dans l’élaboration du Mémorial virtuel de la Déportation de Loire-Inférieure.
Nous lui avions donné carte blanche pour rédiger l’éditorial de notre bulletin Un automne 41, consacré la mémoire de la déportation, à l’occasion du 75ème anniversaire de la libération des camps. (voir ci-dessous)
Le Comité du souvenir des fusillés de Châteaubriant, Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure présente ses condoléances à son épouse Yvette, à ses enfants, petits-enfants et à tous ses proches. Notre Comité répondra présent à l’hommage qui lui sera rendu à l’initiative de la Délégation 44 de l’AFMD.

VIDEOS – La carrière des Fusillés à Châteaubriant : un lieu chargé d’émotion
Vendredi 15 novembre 2019 à 15:24 – Par Mikaël Roparz, France Bleu Loire Océan

->https://www.francebleu.fr/infos/societe/videos-la-carriere-des-fusilles-a-chateaubriant-un-lieu-charge-d-emotion-1573825218]

Il y a 75 ans la libération des camps de la mort
mars 2020
Auschwitz, Maïdanek, Buchenwald, Neuengamme, Dora et tant d’autres…
Nous célébrons cette année la libération des camps de la mort, 27 janvier 1945, libération d’Auschwitz, journée de la mémoire des victimes de la Shoah et de la prévention des crimes contre l’humanité, 27 avril, journée du souvenir des victimes de la déportation.
Les survivants des camps ont témoigné de ce qu’ils avaient vécu. Ils s’étaient chargés de porter la voix de ceux qui n’étaient pas revenus.
La découverte du génocide des juifs et des tziganes, la découverte des massacres et des charniers, la découverte de la violence et de la terreur absolues subies par les déportés de toutes les nations européennes, a conduit à la naissance d’une conscience universelle et à la proclamation que les crimes contre l’humanité et les génocides étaient imprescriptibles et au jugement de leurs auteurs.
A leur libération, ils s’étaient jurés de construire un monde de paix et de liberté, un monde fondé sur les principes de la démocratie, des droits humains et de la dignité des individus. C’est le sens des serments de Buchenwald et de Mauthausen.
Nous avons vécu dans l’illusion que ces crimes n’étaient plus possibles, que le monde en aurait tiré les leçons, que naîtrait une conscience universelle.
Or nous sommes obligés de constater que les tentations autoritaires sont de retour, y compris dans les états qui se proclament démocratiques. Le racisme et l’antisémitisme fleurissent à nouveau, des états se permettent d’annexer des territoires au mépris des lois internationales.
Nous sommes à une période charnière de la mémoire des camps, bientôt, il n’y aura plus aucun témoin direct des horreurs nazies et du combat des résistants pour la liberté.
Après l’ère des témoins, comment perpétuer leur mémoire ?
C’est la question à laquelle nous devrons répondre dans le futur, car force est de constater que l’antisémitisme et toutes les formes d’intolérance et de racisme se donnent à nouveau libre cours et que l’on peut dans notre pays tuer des gens simplement parce qu’ils existent.
S’il est nécessaire que des historiens continuent à écrire l’histoire des camps, car on est loin de tout connaître, c’est à nous de porter leur mémoire et de trouver de nouvelles formes d’expression. Nous devons inlassablement expliquer que les injustices sociales, politiques ou économiques conduisent la plupart du temps, peut-être sous des formes différentes de celles du passé, à l’installation de régimes autocratiques ou dictatoriaux, qui peuvent aboutir aux pires violences et à l’inhumanité.
Afin que dans 75 ans nos descendants regardent en arrière et puissent dire :
« Ils ont continué la marche ».
Rappelons-nous la phrase de Raphaël Lemkin, le juriste qui a « inventé » le mot génocide :
« Si nous croyons que nous ne sommes pas capables de faire cela, c’est nous qui sommes dangereux. »
Par Thomas Ginsburger-Vogel
Président de l’AFMD 44*
* Amis de l a Fondation de la Mémoire de la Déportation

Saint-Nazaire, terre de Résistance (suite)

2- La lutte clandestine

Dès le début de l’Occupation, des personnes ont manifesté leur opposition ou exprimé leur refus par des attitudes ou des actes de désobéissance. C’était la résistance, elle n’est devenue la Résistance que plus tard, lorsque des mouvements se sont développés, structurés, lorsque des couches sociales diverses se sont reconnues dans ce mouvement et y ont contribué et lorsqu’elle s’est unifiée. Bref, lorsqu’elle est devenue un mouvement social, un phénomène historique. « La Résistance en tant qu’expression d’une force politique n’émerge qu’au début de 1942 » selon l’historien Jean-Marie Guillon et « l’expression est définitivement consacrée lorsque, en 1943, le Conseil national de la Résistance est créé. »(1) Il faut imaginer le contexte et le climat de l’époque. 1940, la défaite, la débâcle, le chaos, des millions de réfugiés sur les routes et d’énormes illusions et malentendus, beaucoup de confusion. Pas de smartphone ni de réseaux sociaux à l’époque pour s’informer, échanger, se rencontrer. La presse est muselée ou interdite si elle n’est pas aux ordres.

Témoignage de Rémy Jégo:« Lorsque, après la débâcle, le chantier a repris son activité normale, j’ai été contacté en octobre 1940, par André Riguidel, membre des Jeunesses communistes. Avec Robert Jousset et Louis Cadro, nous distribuions des tracts appelant à la résistance à Méan et Penhoët et aussi dans les chantiers où nous pénétrions malgré la présence des Allemands. Après une période de flottement, nous avons, au cours du printemps 41, été recontactés par Godeau. A la gare de St-Nazaire, nous avons eu un entretien avec Jean Vignau-Balous, responsable fédéral des JC, mort en déportation. Quelque temps plus tard, le 22 juin 1941, exactement, nous avions rendez-vous avec lui à Nantes, place Louis XVI (…) Personne au rendez-vous. (…) Vers septembre 1941,, c’est René André qui nous fournissait en tracts et journaux clandestins: L’Humanité et France d’abord. J’ai été arrêté le 12 juin 1942 avec Babonneau, Carré, Cerclé, Rannou, Pichard, et Coleou, interné d’abord à Voves puis à Pithiviers. En juin 1944, j’obtins une permission pour assister aux obsèques de mon père. Au retour, conseillé par Quénéhervé, je pris le train, descendis à contre-voie et retrouvai Joseph Montfort sur la route de Bouvron. Je passai dans la clandestinité et devins responsable des réfractaires (3) en Vendée et terminai lieutenant FFI sur le front de Pornic. Mon camarade Robert Jousset, responsable d’un groupe FTP, (4) fut arrêté le 7 août 1944, emprisonné puis déporté à Mauthausen. Il mourut quelques jours après la libération du camp. »

Témoignage d’Ernest Pichon – Démobilisé le 1er septembre 1940, il est embauché comme menuisier par la mairie. Au début de 1941, il est contacté par Emile Bertho. Leur activité consiste à distribuer des tracts à la volée ou la nuit dans les boîtes aux lettres et saboter des lignes électriques ou téléphoniques. Muté à Trignac avec Pierre Durand, René Dubois, Albert Lumeau, ils travaillent sous les ordres d’un soldat allemand qui les laisse bricoler. C’est ainsi qu’il peut fabriquer un linographe, un cadre en bois de la taille d’un stencil et un rouleau de bois recouvert d’un bout de chambre à air pour étaler l’encre. « Déjà la répression se faisait sentir. Des camarades étaient arrêtés, d’autres étaient recherchés et disparaissaient dans la nature. Il fallait combler les vides et c’est ainsi que je me suis retrouvé dans le triangle de direction avec Emile Bertho et Pierre Mahé ». Il effectue la liaison avec Nantes et après diverses actions, il est arrêté le 5 août 1942 à St-Brévin et transféré à Nantes aux mains du SPAC(5). Quand il sort de l’interrogatoire, il est méconnaissable, mais il n’a pas lâché un nom. En février 1943, avec 25 autres communistes, il passe devant la Cour spéciale de Rennes présidée par le conseiller Hervieu. Outre les Nantais, se trouvent là les Nazairiens Emile Bertho, François Bretéché, René Desmars, Pierre Mahé, Gérard Périco, Marcel Pichard, tous ouvriers à la SNCAO, (6) André Pilliaire, ouvrier aux Fonderies, Lucien Cervier, plombier. Trois Nantais sont acquittés. Tous les autres sont condamnés à des peines de 1 à 4 ans de prison et seront envoyés dans des camps de concentration.

Témoignage de Robert Averty – « Dès juillet 1940, avec Jean Dréan, nous rédigions et diffusions des tracts contre l’occupant, tirés chez un camarade au Petit Maroc. Nous recrutions des jeunes pour le travail clandestin: André Riguidel, Robert Jousset, Rémy Jégo, puis un peu plus tard Jules Busson, Louis Gravouil, Dunay etc. qui participaient à la diffusion du matériel »
Une nuit, depuis le balcon du cinéma Athénée, ils peignent – Ollivier, Pasquier, Dunay et lui – sur la belle façade rose du cinéma, en noir, au goudron et en lettres d’un mètre de haut « Vive l’URSS ». Les Allemands font tout repeindre en noir. Les résistants reviennent quelques jours plus tard avec de la peinture blanche pour repeindre la même inscription.
Ils participent à de multiples sabotages. Averty conduisait un fenwick, sur lequel il transportait des pièces de sous-marins. Parfois en sortant de l’atelier, il donnait un coup de frein brutal et les culasses s’abîmaient en tombant sur le sol.
En 1941, leur groupe a reçu des tracts en allemand qu’ils ont distribuées dans les vestiaires des marins et ouvriers allemands. En juillet 1942, Averty voit au Vieux St-Nazaire, la traction noire de la police et reconnaît Jules Busson, encadré par des policiers. Il comprend qu’il vaut mieux se mettre au vert et se planque à Machecoul. En février 1943, il revient à Gavy et rencontre Joseph Montfort qui le charge du recrutement, de la diffusion des tracts et de la réparation des armes.

Témoignage de Joseph Montfort -« Arrêté pour distribution de tracts communistes pendant la drôle de guerre, j’ai été interné à Nantes, puis à Rennes. Dans cette dernière prison, dans la cellule voisine de la mienne, se trouvait l’archevêque de Rennes incarcéré pour avoir, au cours d’un sermon dominical, critiqué le bombardement allemand qui avait fait beaucoup de victimes parmi la population (7). Ayant reçu un mandat, j’ai insisté auprès des Allemands pour aller à la poste. On m’y a conduit en voiture. Le chauffeur est resté assis dans l’auto, lisant son journal. Bizarre… Arès avoir touché le mandat, je me suis éclipsé par une porte de derrière. Et je suis tranquillement revenu à St Nazaire.
Révoqué par la Caisse des assurances sociales, j’ai été embauché par la ville. Ganachaud m’a demandé d’immatriculer tous les gars embauchés à la Base, qui n’avaient aucun papier, en particulier les Républicains espagnols que le gouvernement de Pétain avait libérés d’Argelès pour les livrer aux Allemands.
A la Base nous étions une bonne équipe de camarades: Ganachaud, Godeau, Bertho etc. Nous distribuions des tracts, pratiquions des sabotages et collections des renseignements sur l’ennemi.
Le 1er aout 1941, deux inspecteurs de police viennent me chercher et m’emmènent au commissariat où je retrouve: Alexis Bocéno, Armand Bonay, Marceau Chabot, Pierre Durand, René Tournabie, Fernand Beccard, Félix Bénize, André Constantin, Auguste Mahé et Pierre Genevoix.
Nous sommes internés tous les onze au camp de Châteaubriant. Le 7 mai 1942, enchaînés trois par trois, nous sommes transférés au camp de Voves. Fin 1942, je suis à l’hôpital de Chartres pour une opération. Nous tissons, un camarade breton et moi, une grande corde avec de la serpillière et nous tentons l’évasion. Mon copain descend le premier. La corde, frottant sur une corniche aux arêtes pointues, se casse au 1er étage. Je regarde: le copain est tombé brutalement et ne bouge plus. Je frappe violemment à la porte: « Un gars s’est suicidé ». On ouvre. La porte d’entrée n’est pas fermée: je fonce. « Arrête, arrête », je cours, le copain se relève et on se sauve. On se planque dans une buanderie. Le matin, une jeune employée arrive. « N’ayez pas peur, nous ne sommes pas des bandits, nous sommes des prisonniers évadés. » Son patron, un docteur est affolé. « Je viens de sortir d’un camp de prisonniers. Si on vous trouve ici…Je pars à huit heures. Je laisserai la porte ouverte. Je ne veux pas vous voir ici ce soir. » « Ne vous inquiétez pas, nous n’y serons plus. » Il me donne pansements et médicaments pour soigner mon camarade. Nous partons. Après mille péripéties, nous retrouvons le contact avec le parti. Je suis envoyé à Camaret. Il faut des explosifs pour nos FTP : j’embauche à l’Organisation Todt.
En avril 1943, je reviens à St -Nazaire voir ma femme et mes enfants et je demande à Rutigliano, responsable régional, l’autorisation d’être muté du Finistère en Loire-inférieure. Autorisation accordée. J’ai alors travaillé avec les groupes de Lecontel (Savenay), de Quénéhervé (Pontchâteau) et de Bourmaud (La Baule).
A la formation de la Poche, j’ai rejoint le 2ème Bataillon FTP ».

A Saint-Brévin – Maurice Piconnier et ses camarades distribuent des tracts, pratiquent aussi de nombreux sabotages, tendent des fils de fer au travers de la route pour apprendre aux motocyclistes allemands à « faire de la voltige ». Maurice est arrêté le 31 août 1941 et incarcéré au camp de Châteaubriant puis au camp de Voves d’où il s’évadera… Robert Albert et Louis Coquet seront arrêtés le 11 août 1943, torturés par la Gestapo et fusillés le 27 octobre à Angers. Raymond Chalopin, arrêté en même temps qu’eux, sera déporté à Buchenwald.

Henri Fogel, toute sa famille est morte à Auschwitz – Pour voyager, il fallait posséder un ausweiss portant les cachets officiels. Il essaie de fabriquer un cachet en gravant une pomme de terre, mais le résultat n’est guère satisfaisant. Au début de 1941, il va dans un bureau allemand avec un copain et pendant que celui-ci demande des renseignements, Fogel subtilise un cachet. Avec son ausweiss, il effectue plusieurs voyages en camion à St Jean-le-Vieux, dans les Pyrénées. En plus du matériel que Louis Guilbaud, le chauffeur, transporte pour le compte de la SNCAO, ils transportent aussi clandestinement le courrier que les Espagnols du camp Franco destinent à leurs familles. Un jour, Allanet l’avertit: « Tu dois absolument partir. Selon les renseignements qui nous parviennent, ton arrestation est imminente ». Il passe la route de démarcation vers Châteauroux, s’intègre au maquis d’Oradour-sur-Vayres, libère les détenus de la prison de Nanton. Après la Libération, il apprend que son père, sa mère et 24 autres membres de sa famille sont morts à Auschwitz. Les enfants de sa sœur ont été tués à coups de marteau sur les genoux de leur grand-père.

NB – Le témoignage de Marthe Gallet reste disponible sur le site www.resistance-44.fr sous le titre Marthe Gallet, de St-Nazaire à la Libération de Paris.

Sources
AREMORS, Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier, t. 3 – 1939-1945, éditions Aremors, 1986
Le collectif AREMORS annonce la publication en 2021, aux éditions du Petit Pavé, d’un nouvel ouvrage intitulé (provisoirement) Saint-Nazaire, mémoire sociale et histoire populaire.
Site d’Aremors : https://sites.google.com/view/aremors
Notes
1 – François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance,Robert Laffont, 2006
2 – Les témoignages cités ont été recueillis par les auteurs du collectif Aremors
3 -Il s’agit des réfractaires au STO, le Service du Travail obligatoire, en Allemagne
4 – FTPF: Francs-Tireurs et Partisans Français, prolonge l’OS vers la fin de 1941 pour développer la lutte armée.
5 – le SPAC: Service de Police Anti Communiste
6- SNCAO: en application de la loi de nationalisation des industries aéronautiques du 11 août 1936, Loire-Nieuport devient la Société nationale des constructions aéronautiques de l’ Ouest
7 – Bombardement de Rennes le 17 juin 1940. Voir notre article sur l’évasion du Jean-Bart

Article de Presse Océan par Dominique Bloyet

Le 22 octobre 1941, 27 militants communistes étaient fusillés par les nazis dans la carrière de la Sablière à Châteaubriant. Le site est aujourd’hui un lieu de mémoire incontournable.
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Ils ont les épaules appuyées contre le ciel… Taillés dans la pierre blanche, ces géants figés face à la mort incarnent le poème de René-Guy- Cadou, Les Fusillés de Châteaubriant. Érigé en 1950 sur les lieux mêmes de l’exécution, la carrière de la Sablière, à la sortie de Châteaubriant, sur la route de Soudan, le monument dû au sculpteur français d’origine hongroise Antoine Rohal rappelle le martyr des vingt-sept fusillés de Châteaubriant. Vingt-sept communistes, internés au camp de Choisel, tout proche, et fusillés le 22 octobre 1941 par les nazis qui voulaient venger la mort du commandant allemand de la place de Nantes, abattu en pleine rue deux jours plus tôt par un commando de résistants communistes venus spécialement de Paris.
Dès le lendemain de l’exécution, le site est devenu un lieu de mémoire, au nez et à la barbe des occupants et des autorités collaborationnistes de Vichy.
L’affaire des otages a eu un retentissement national et même mondial
Les gens sont venus fleurir les lieux, explique Laurence Bourgeais, médiatrice au musée de la Résistance de Châteaubriant. « Cette affaire des otages (ndlr : aux 27 de Châteaubriant s’ajoutent 16 résistants nantais fusillés à Nantes et cinq autres résistants de Nantes et d’Ille-et-Vilaine fusillés au Mont-Valérien) a eu un retentissement national et même mondial. Le général De Gaulle a décrété un deuil national le 30 octobre 1941 et le président américain Roosevelt en a un peu parlé ».
Dès la Libération, en août 1944, une première colonne, toute simple, avait été dressée. Elle est visible sur les cérémonies commémoratives d’octobre 1944.
Pour mieux comprendre l’histoire, des stèles racontent les événements en les resituant dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. Et 27 stèles, une par otage, présentent les héros sacrifiés. Parmi eux, Guy Môquet, le plus connu car le plus le plus jeune, fils du député communiste Prosper Môquet, fusillé à 17 ans et devenu la figure emblématique d’une jeunesse engagée jusqu’à l’ultime don de soi.
185 alvéoles avec de la terre des lieux de Résistance et de déportation de France et d’Europe
Hors commémoration, plus de 2 000 personnes foulent chaque année les allées de la carrière. Comme un chemin de croix, s’arrêtant devant chaque stèle jusqu’au monument flanqué de neuf poteaux, plantés à l’endroit exact des poteaux originaux contre lesquels furent fusillés les otages.
Dans la base du monument, 185 alvéoles contiennent de la terre récoltée dans les hauts lieux de résistance et de déportation de France et d’Europe. Pour que le souvenir des victimes du nazisme ne s’efface jamais !
Pratique
La carrière de la Sablière, à Châteaubriant, est ouverte tous les jours en accès libre avec possibilité de visite guidée tous les vendredis matin ou sur réservation. Téléphone : 02 40 28 20 90.

Les appels de l’été 1940

L’appel du 18 juin de Charles de Gaulle

« Moi, général de Gaulle, (…) j’invite les officiers et les soldats français… »

Le 9 juin, puis le 16, C. de Gaulle, qui vient d’être promu général à titre temporaire et nommé le 5 juin, sous-secrétaire d’Etat dans le gouvernement Paul Reynaud est missionné à Londres par celui-ci pour solliciter de W. Churchill l’envoi massif en France de moyens aériens et terrestres afin de contrer l’avancée allemande. Il n’obtient pas gain de cause mais comprend que Londres constitue l’épicentre de la résistance à Hitler. Il avait proposé – en vain – à Mandel de partir pour Londres et d’y former un gouvernement français en exil. Entre De Gaulle et Churchill, il existe une vision convergente : la guerre en cours est une guerre mondiale, si la première bataille a été perdue, d’autres peuvent être gagnées.
Apprenant à son retour à Bordeaux le 16 au soir la démission de P. Reynaud et son remplacement par Pétain, il décide de reprendre l’avion pour Londres le 17 au matin et après avoir pris connaissance du discours de Pétain à la radio à 12 h 30, il rencontre Churchill et demande à pouvoir s’exprimer à la BBC. Accès d’abord refusé puis autorisé après le remaniement du texte, à la demande du gouvernement britannique qui ne souhaite pas rompre totalement avec Pétain. Le discours est diffusé ce 18 juin à 22 h. Bien peu de Français l’ont entendu. Il n’ y a pas énormément de postes de TSF, l’habitude d’écouter la BBC n’a pas encore été prise et des millions de Français sont sur les routes, en plein exode, fuyant l’avancée fulgurante des troupes de la Wehrmacht. En outre, de Gaulle est un inconnu.
Vous êtes persuadé de l’avoir entendu depuis ? Impossible, car – incroyable mais vrai – la BBC n’a pas conservé d’enregistrement ! Mais un autre discours, dans la même veine, a été prononcé le 22 juin, à la suite de la signature de l’armistice à Rethondes. C’est celui qui a été enregistré.
L’Appel du 18 juin est une réplique à la déclaration de Pétain, la veille demandant « le cœur serré » de « cesser le combat ». Il est ciblé : de Gaulle s’adresse avant tout aux militaires, aux ingénieurs et ouvriers de l’armement présents en Angleterre ou qui pourraient s’y rendre. Pour lui, la guerre est affaire de spécialistes.
La presse britannique publie le texte initial, non amendé, dès le lendemain. Certains journaux français en rendent compte dans le sud : Le Petit Provençal, La Dépêche de Toulouse. D’autres se contentent d’entrefilets. A partir du 3 août, les appels de juin seront prolongés par la diffusion d’une affiche placardée sur les murs londoniens. C’est là et non dans le texte lu le 18 juin que se trouve la phrase souvent retenue : « La France a perdu une bataille. Mais la France n’a pas perdu la guerre »(1)
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Le texte est fondateur d’une forme de refus du cours pris par l’Histoire et peut aussi être considéré comme l’acte fondateur de la France libre. Mais ce n’est pas du jour au lendemain que le 18 juin 1940 est devenu « LE 18 JUIN ». L’Appel, commémoré dès 1941, a contribué à faire de C. de Gaulle un symbole de l’esprit de résistance, le terme « résistance » est utilisé pour la première fois dans le discours gaullien. Il devient rapidement une pièce maîtresse de la construction du mythe gaullien. « La promotion du 18 juin est un élément de la construction, très clairement voulue, du mythe de Gaulle par de Gaulle. » (2)
Le général de Gaulle n’est pas le seul à refuser la défaite, à considérer l’armistice comme une capitulation. Edmond Michelet à Brive a rédigé un tract, le général Delestraint a exprimé sa position devant ses soldats. Et, de Gaulle l’ignore, mais à Bordeaux où le gouvernement s’est replié, se trouve également, dans la clandestinité, Charles Tillon qui réplique lui aussi au discours de Pétain.
Notes
1 – dans le manuscrit de De Gaulle, on lit « La France a perdu LA bataille »
2 – Jean-Louis Crémieux-Brilhac, L’Appel du 18 juin, Armand Colin, 2010 appel_du_18_juin_1940.pdf

L’appel du 17 juin 1940 de Charles Tillon
« Peuple des usines (…), soldats, aviateurs, unissez-vous dans l’action ! »

Charles Tillon(1), 42 ans, a déjà une longue expérience militante derrière lui : mutin du Guichen, l’un des bâtiments de la Flotte française en 1919, condamné à cinq ans de bagne, syndicaliste de la CGT puis de la CGTU, il a été de toutes les luttes des sardinières de Douarnenez à celles des métallos nantais des Batignolles à Nantes, antifasciste, solidaire de l’Espagne républicaine, il a été envoyé à Bordeaux par la direction clandestine du Parti communiste, en novembre 1939, chargé de réorganiser le parti dans tous les départements du sud-ouest, de La Rochelle à la frontière espagnole.
Rappelons le contexte : le parti communiste est interdit depuis le 26 septembre 1939, les députés communistes ont été déchus, arrêtés, la plupart sont emprisonnés. Paul Reynaud, chef du gouvernement, vient de démissionner, le 16 au soir, et Pétain le remplace immédiatement. Le 17 à 12 h 30 au moulin du Moulineau, à Gradignan (2), où il se cache, C. Tillon entend Pétain à la radio : « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat. »
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« Que fallait-il faire ? Eh, bien, d’abord, lancer un premier tract, qui serait à la fois un cri de protestation et de révolte, un cri qui contiendrait en même temps une certaine espérance. » Il rédige le tract ci-dessous, qui est immédiatement diffusé. Ce texte (3) – on ne parle pas alors d’« appel » – rencontre un certain écho puisque les kiosquiers de Bordeaux l’insèrent dans les journaux locaux, « La France » et « La Petite Gironde ». Il est même parvenu jusqu’aux chantiers navals de Saint-Nazaire !
Cet appel est intéressant pour plusieurs raisons. Il est lancé depuis le territoire national et invite à la résistance sur le sol français de tous ceux qui refusent « le fascisme hitlérien », dans le droit de fil de la stratégie du Front populaire pour lequel le PCF s’était battu. Il se différencie de l’appel signé Maurice Thorez et Jacques Duclos, dit « Appel du 10 juillet 1940 », plus conforme à la ligne de la IIIème Internationale qui, à l’époque, réduisait la guerre en cours à un affrontement entre puissances impérialistes et ne discernait pas la spécificité du phénomène fasciste.(4) Il se différencie également de l’appel du général de Gaulle, lancé le lendemain soir à la radio de Londres, lequel s’adresse aux militaires et aux Français présents en Angleterre où qui viendraient à s’y trouver et leur demande de se rassembler autour de lui.
L’appel de C. Tillon – éclipsé par celui du 18 juin – n’est pas une initiative purement personnelle. Il est d’ailleurs signé « Parti Communiste Français », sans mention « SFIC » (5) mais il est le symbole d’une multitude d’initiatives locales, plus ou moins spontanées, typiques de l’atmosphère de désarroi qui règne en ces temps troublés. Il témoigne de ce que l’engagement des communistes dans la résistance, avant l’attaque de l’Allemagne contre l’URSS, s’est fait indépendamment des directives de la IIIème Internationale et de ce qu’il prolonge leur engagement contre le fascisme dans les années 30 et pour l’Espagne républicaine. L’importance de cette initiative a été appréciée par la direction clandestine du PCF puisque son auteur a été intégré, fin septembre ou début octobre, au triangle de direction, composé de Jacques Duclos, Benoît Frachon et donc Charles Tillon. Il y est chargé de l’organisation de l’action directe – mise en place de l’« Organisation spéciale » (l’OS) composée de communistes aguerris, chargés de protéger les militants lors des distributions de tracts, collages d’affiches, prises de parole sur les marchés ou aux portes des usines, et qui ouvrira la voie, en 1941, à la lutte armée avec la création des FTP, Francs Tireurs et Partisans Français. L’OS est reconnue comme unité combattante pour la période d’octobre 1940 à mai 1941.
Le 18 juillet 1940, Tillon publie un long manifeste sous le titre « ‘L’ordre nouveau’ du gouvernement de la 5ème colonne, c’est le fascisme hitlérien ». Ce texte sera distribué dans le bordelais et sur la côte atlantique. Il y affirme : « Notre devoir est de nous unir pour conquérir notre patrie, de nous unir pour libérer son territoire. » Il appelle à « l’union pour chasser à la fois les capitalistes, leur tourbe de valets et de traîtres et les envahisseurs. »
Notes
1 – Charles Tillon (1897-1993) – Des mutineries de 1919 aux luttes, grèves, licenciements, procès, condamnations, l’ajusteur de l’usine nantaise des Batignolles a eu une vie bien remplie. Pendant l’Occupation, il est membre de la direction clandestine du PCF, chef-fondateur des FTP et sera ministre à la Libération, de 1944 à 1947 (Air puis Armement et enfin Reconstruction).
2 – confusion fréquente avec Draguignan (Var)
3 – L’original est conservé aux Archives départementales de la Gironde
4 – L’historien Roger Bourderon s’est livré à une étude comparative minutieuse des deux textes de Tillon (tract du 17 et Manifeste du 18 juin) qui lui font considérer que la différence avec le texte dit du 10 juillet, signé Thorez et Duclos a souvent été surestimée.
5- A l’époque, le PCF est la Section française de l’Internationale communiste (SFIC). Elle s’est dissoute en 1943.
appel_du_17_juin_1940.pdf

PEUPLE DE FRANCE, l’Appel dit du 10 juillet 1940
« Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves »

Ce texte, intitulé « Peuple de France ! » est publié par le PCF en juillet 1940 sous la signature de Maurice Thorez et Jacques Duclos. Il est connu sous le nom d’« Appel du 10 juillet 1940 ». Il a été rédigé essentiellement par J. Duclos, dans sa planque du boulevard Mortier à Paris XXème. Dans ses Mémoires, Duclos indique que la décision de le rédiger a été prise le 5 juillet lorsqu’a été connue la convocation des Chambres (députés et sénateurs). Une première ébauche ayant été publiée dans L’Humanité clandestine du 7 juillet, il a été achevé aux alentours du 15 juillet et distribué à partir de la fin juillet 1940, après diverses péripéties techniques dues à la longueur du texte, à la pénurie de papier etc. Selon Raymond Dallidet (alias Raph)(1), chargé d’organiser le service d’impression clandestine, le tract aurait été tiré à 600 000 exemplaires par les imprimeurs Roger Tirand et Marcel Le Marrec. Le choix de la date du 10 juillet est symbolique : il s’agit de celle de l’attribution des pleins pouvoirs à Pétain, de l’abrogation de la République et son remplacement par l’Etat français.

Cette Adresse ne pouvait pas être un appel direct à la Résistance au sens que le mot prendra plus tard. Selon l’historien Roger Bourderon qui a effectué une étude comparative minutieuse de l’ »Appel » de Tillon le 17 juin et des deux textes communistes comparables par leur longueur – le « Manifeste » de Tillon (celui du 18 juillet) et celui-ci (dit Appel du 10 juillet)-,: « La chute de Paris provoque des réactions semblables, résurgence de l’antifascisme profondément enraciné dans le militantisme communiste, dénonciation virulente de la trahison de classe, revendication de l’indépendance nationale, mais leur déploiement bute sur l’impossibilité de définir une vraie perspective, qui ne saurait s’inscrire en juin 1940 dans le rétablissement de la paix ».
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Ils expriment un refus de la situation née de la défaite et de l’Occupation et un rejet absolu de Vichy, dans un vocabulaire familier aux communistes depuis les batailles antifascistes des années 1930. Le texte dit « du 10 juillet » n’est pas qu’une analyse et une proclamation pour éclairer le chemin, il vise à redonner confiance. Il est aussi une incitation à l’organisation et à l’action, en tenant compte des possibles du moment et en fonction de critères familiers aux militants, à commencer par l’intervention sur le lieu de travail. Il convient d’ailleurs d’apprécier l’impact de cet appel à l’organisation et à l’action en tenant compte du caractère évolutif du contexte. Ainsi, les comités populaires, dont il préconise la création, sont d’abord conçus pour la solidarité immédiate avec les gens en difficulté en raison des conséquences de la guerre. Pensés au départ pour être légaux, très tôt, dès le mois d’août, au fur et à mesure des reprises de contacts entre responsables syndicalistes communistes, ces « comités populaires de solidarité et d’entraide » évoluent vers une organisation clandestine axée sur la lutte revendicative et la volonté, en même temps que le moyen, de renouer les liens avec les travailleurs. Cette orientation fera d’eux l’un des points d’ancrage de la résistance communiste et syndicaliste dans les usines.
Dans le texte du 10 juillet, il faut noter le lancement du mot d’ordre de constitution d’un « Front de la liberté, de l’indépendance et de la renaissance de la France », qui prendra forme au printemps 1941. Autre particularité notable : il porte la revendication du droit à l’indépendance des peuples colonisés. Il reste bien entendu, que l’analyse reste prisonnière de conceptions dépassées émanant de l’Internationale communiste en inadéquation avec la situation réelle de l’été 1940. L’idée que la guerre est une guerre entre impérialistes, sans prendre en compte la spécificité du fascisme, par exemple. Le texte lie la revendication nationale à celle de la libération sociale et c’est en effet à cette conception que se rallieront les résistants en adoptant le programme du CNR en mars 1944.

Entre l’appel gaulliste du 18 juin et ceux des communistes – 17 juin et 10 juillet-, deux conceptions s’expriment, non pas opposées, mais distinctes. De Gaulle ne conçoit la résistance que militaire, hors du territoire, en lien avec l’armée anglaise et éventuellement l’appui de forces qui pourraient agir sur le sol national ; le PCF envisage la résistance comme un mouvement populaire, essentiellement sur le territoire national. L’expérience a montré que ces deux conceptions ont pu converger. En 1942, de Gaulle comprend qu’il a besoin de la résistance intérieure pour asseoir sa légitimité et transforme la France libre en France combattante, montrant qu’il veut faire la liaison entre les deux : résistance extérieure et résistance intérieure.

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Ces trois appels sont-ils des appels à la résistance ? Evidemment pas dans le sens qu’a pris ensuite le mot, que rien ne permet de prévoir alors que le pays est au fond de l’abîme, que le peuple est abasourdi par la défaite. Mais des jalons vers la Résistance sûrement.
Notes
1 – L’Humanité, 15 janvier 2002 – Raymond Dallidet (1911-2002). Né à Nantes le 18 mars 1911, il suit son frère Arthur monté à Paris. Ouvrier chez Renault, militant antifasciste, solidaire de l’Espagne républicaine, il est chargé par J. Duclos dans les premiers jours de juillet 1940 de mettre en place un service clandestin d’impression ainsi qu’un réseau de « planques ».

Bibliographie
Bourderon Roger, Le PCF à l’épreuve de la guerre, Syllepse,2012
Crémieux-Brilhac Jean-Louis, L’Appel du 18 juin, Armand Colin, 2010
Guérin Alain, Chronique de la Résistance, Omnibus,
Pierre Laborie, Le chagrin et le venin. Bayard, 2011
Marcot François (dir), Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, 2006
Charles Tillon, On chantait rouge, Robert Laffont, 1977
Wolikow Serge, L’Internationale communiste, L’Atelier,2010
Sitographie
Fondation de Gaulle
Musée de la Résistance nationale
www.resistance-44.fr

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Histoire et mémoires de la Poche de Saint-Nazaire 1945-2020

Après un long oubli, elle fait désormais l’objet de romans, recueils de témoignages, mises en musées, de vidéos et d’un spectacle son et lumière. Il convient d’examiner dans quelle mesure l’éventail des formes déployées au nom du « devoir de mémoire », trouve ou non sa place aux côtés du travail critique propre à l’histoire?carte_1944_liberation_du_territoire_et_poches.jpg
1 – Fiction ou réel, romans et témoins.

Le tout premier à écrire sur la Poche, en 1949, est l’érudit croisicais, Henry Rio, avec son livre « Les oubliés du Tréhic ». Il pense trop vite que la « sérénité » retrouvée et un certain « désabusement », lui autorisent cette « chronique romancée ». Elle décrit la collaboration ordinaire des différentes composantes de la population locale. En toute « objectivité », car croit-il, « la vérité est simple et ingénue ». Ecrit sous le pseudo de Kervenel, et rebaptisant Le Croisic en Tréhic, son livre provoque un scandale : il essuie des coups de feu et doit quitter la commune. Soixante dix ans après, le livre semble toujours la cause d’un malaise dans la mémoire locale.

Après lui, et en dehors d’ouvrages plus généraux, le suivant à évoquer la question est… un Allemand, Reinhold Müller en 1966. Officier de liaison du commandant de la forteresse (Festung), il en raconte les tout derniers jours, jusqu’à la reddition de Bouvron, le 11 mai 1945. Ce regard « autre » ne sera découvert que vingt ans plus tard. Pour trouver des témoignages directs côté français il faut attendre encore huit ans. Pierre Mahé, publie en 1974, sous son pseudo de Maxime, un recueil de 34 récits de Résistants, dont ceux d’actions et de passages dans la Poche. Au nom du souvenir militant de la Résistance, il en est diffusé 5.000 exemplaires.
Puis, retour au roman en 1980 : Jean-Anne Chalet, journaliste, décrit la vie quotidienne dans la Poche dans la commune périphérique de Guenrouët. L’intrigue « tragi-comique » repose sur le personnage de « Peau de grenouille », surnom donné à l’adjudant allemand Damm par les locaux qui en auraient « gardé un bon souvenir ».
Nouvelle occurrence militante. l’AREMORS publie en 1984, son Cahier n°5 sur La Poche. Si elle fait une large place à la vie quotidienne, cette brochure d’édition rudimentaire aborde aussi avec précision la reddition allemande, la Libération et ses circonstances politiques, sans ignorer la Collaboration. Elle consigne aussi la mémoire des luttes et combats de la Résistance FFI. Militant, son travail répond néanmoins aux critères d’une recherche historienne : de nouveaux témoignages, un travail poussé aux archives et des sources inédites.
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2 – La Poche mise en musées
Luc Braeuer ouvre en 1997 le Grand Blockhaus à Batz-sur-Mer. Il le présente comme « Le Musée de la Poche ». Mais c’est plutôt un musée Grévin de scènes de guerre. Il compte sur son « incroyable histoire de la Poche » (2000) pour attirer les touristes côtiers. Sa muséographie est orientée vers les armements, allemands et américains plus que français, et marginalise résistance et vie quotidienne. La bibliographie du « guide souvenir » en 2002 se restreint au seul nom de Braeuer. Préemption personnelle de l’histoire de la Poche.
À Savenay, en 2002, la démarche associative du GHL (Groupe d’Histoire Locale), concerne « Savenay et son secteur ». Mais, dans un certain flou chronologique, elle recueille des pages de « Mémoires de 1939 à 1945 », avec photos et dessins, sans trop s’embarrasser de contextualisation, ni se soucier non plus d’une problématisation. En 2005, le directeur de l’Écomusée de Saint-Nazaire, Daniel Sicard, dispose des archives nécessaires pour répondre aux attentes d’un large public. Il en résulte un bel ouvrage mais où, comme souvent, le choc des photos l’emporte sur le poids des mots.
Plus tard, en 2013-2014, le musée d’histoire de Nantes consacre une exposition, intitulée « En guerres (14-18/39-45) », au sort des civils de Nantes et Saint-Nazaire pendant les deux conflits mondiaux. Mais, à l’usage, l’amalgame des deux guerres ne facilite pas son propos sur la Poche. Les seules mentions faites sont loin des réalités et trahissent une méconnaissance du sujet. Vue de Nantes, la Poche… connaît pas.
Elle a donc migré de l’oubli aux musées, via l’histoire associative, mais sans jamais passer par la case Université.

3 – Intermittences du spectacle de la mémoire

En 2015, un précieux « guide-web » des sources disponibles par les archives municipales de Saint-Nazaire reconnaît que la Poche a trouvé « peu d’écho dans les livres d’histoire pourtant féconds sur la Seconde Guerre mondiale. Depuis une vingtaine d’année plusieurs érudits, passionnés et historiens locaux se sont attaqués au lourd travail de mémoire que constitue l’écriture de cet épisode douloureux, trop longtemps oublié ». Le basculement culturel de l’histoire à la mémoire est ainsi acté, mais une confusion entre devoir et travail de mémoire s’installe.

a – Le temps des vidéos

En 2005 sort une première vidéo de Vincent Douet : « VUES de la Poche », commentée par l’écrivain campbonnais Jean Rouaud. À l’occasion il qualifie la Poche de « bavure de l’histoire » ? Il exprime l’idée « déploratoire » des empochés eux-mêmes : celle d’une épreuve insupportable et traumatisante qui leur a été injustement infligée. Mais, selon l’historien M-O.Baruch, le « genre déploratoire », qui prend la forme d’une répétition d’ouvrages sur ce même ton, « aboutit à un effet de saturation inverse du but recherché : on lit et relit beaucoup, on comprend peu, car cette littérature manque souvent de réflexivité ».
Une nouvelle vidéo « Une si longue occupation » de Raphaël Millet, a été projetée en novembre 2019, par les Amis de l’Histoire à Savenay devant 400 personnes. Elle suscite cependant les mêmes réserves que la précédente. Constituées d’archives d’actualités, parfois inédites, entrecoupées de témoignages d’ex-« empochés » et d’interventions d’historiens choisis, ces vidéos manquent d’un fil directeur cohérent, au service d’une démonstration soutenue. C’est pourtant l’histoire, réduite ici au spectacle de la mémoire, qui est ainsi censée être donnée à voir.

b – L’heure de Mauricette

En 2012, le roman “Mauricette, l’insoumise…” du guérandais Bernard Tabary, est une fiction historique avec une héroïne attachante, dans des paysages évocateurs de la région, suivant une trajectoire qui va de Guérande et Bouvron, en passant par Pen Bron et la forteresse sous-marine ! « L’insoumise » devenue résistante, s’éloigne des « culs salés » des salines de Batz vers Bouvron et les « frères de la côte ». Elle y assiste même à la reddition allemande, le 11 mai. Scénario haletant, avec un « happy-end ». La contextualisation embarquée n’évite pas certains des clichés courants et quelques oublis. On y surjoue une résistance quelque peu fantasmée. Le romanesque s’écarte ainsi de la vraisemblance, prenant aussi ses aises avec l’histoire.
Michel Lefort, de Fay-de-Bretagne, directeur depuis 2018 du spectacle son et lumière intitulé « Mauricette », déclare vouloir, à partir du roman, « retracer l’histoire de la poche de Saint-Nazaire » et « participer au devoir de mémoire ». C’est désormais le roman qui dit l’histoire et le spectacle qui la montre. Ce spectacle réunit 150 figurants et 15 acteurs, 220 bénévoles de 17 communes. C’est bien, à moindre échelle, suivant le modèle du Puy-du-Fou (« l’histoire n’attend que vous »). Pour un couple de participants bénévoles : « nous sommes le livre d’histoire animé, avec ses bruits, ses odeurs, ses pleurs, ses sourires, faisant revivre ce que nos parents et grands parents ont vécus ». En 2018, les huit représentations ont eu 5.000 spectateurs.
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Une histoire de l’émancipation

S’agissant de la Poche, 75 ans après, nous sommes donc en présence d’une fabrique mémorielle, en « résilience » tardive d’un lourd traumatisme historique local. Mais pour le travail critique de l’histoire, les « empochés » malgré-eux de 1944-45 doivent s’ajouter aux « oubliés de l’histoire ». Pour les auteurs de « l’Histoire comme émancipation » (2019), nous vivons un moment critique : soit « le passé commun est complètement annexé au patrimoine de quelques-uns, butin de guerre personnel revêtu de la robe du consensus », comme au Puy-du-Fou ou dans le blockhaus de Batz-sur-mer ; soit, à l’inverse, « l’Histoire peut être un outil d’émancipation, d’autonomie et de résistance ». Mais elle doit pour cela passer « de l’histoire des souffrances à celle des luttes ».

Jean-Yves MARTIN
historien

Lien direct vers le texte initial complet
http://jy-martin.fr/IMG/pdf/histoire_memoires_de_la_poche_vers_060620_illust.pdf

19 juin 1940 :l’évasion du Jean-Bart

Le 10 mai 1940, lorsque les Allemands déclenchent leur offensive et enfoncent le front français, qui cède 16 mai, un cuirassé est en cours de construction à Saint-Nazaire, le Jean-Bart. Après être entrées dans Paris le 14 juin, les troupes allemandes reçoivent l’ordre de prendre au plus vite les grands ports de l’Atlantique, dont l’enjeu est stratégique. Le capitaine de vaisseau Pierre-Jean Ronarc’h (1), chargé de suivre les travaux d’achèvement du navire, comprend que la course contre la montre vient de s’engager. L’invasion allemande laisse peu de temps.

La décision de construire le Jean-Bart à Saint-Nazaire et son sistership Le Richelieu, à Brest a été prise en 1935 par le gouvernement français, pour répondre à la construction des croiseurs allemands Scharnhorst et Gneisenau, et des cuirassés italiens de type Littorio ; le Jean-Bart et le Richelieu ont été conçus pour marcher à 32 nœuds, pour 48 950 tonnes en charge. La commande a été confirmée et signée le 27 mai 1936 entre le Ministre de la Marine François Piétri et les deux principaux chantiers navals nazairiens: Penhoët et La Loire.

La construction du Jean-Bart était d’abord un défi technologique, c’est le plus puissant cuirassé jamais construit en France. Long de 247, 5 mètres pour une largeur de 37,5 mètres, il était armé de deux tourelles quadruples, soit 8 canons de 380 mm. Il est équipé d’une ceinture blindée d’une épaisseur de 330 mm. La réalisation de ce bâtiment nécessite la construction d’une grande forme de radoub. La forme Jean-Bart marque un tournant dans la construction navale. Jusque-là, il était exceptionnel de construire de gros navires horizontalement. Lorsqu’ils sont chargés de la construction du Jean-Bart, les Chantiers de la Loire font appel à Albert Caquot (2). Il conçoit un dispositif tout à fait nouveau; le navire sera construit sur un terre-plein, accolé à une forme de radoub.

Le 12 décembre 1936 a lieu la pose du premier rivet, pour une livraison prévue pour le 1er décembre 1939. L’échéance n’est pas respectée mais au moment de la déclaration de guerre, la marine nationale fait accélérer le mouvement. Le 6 mars 1940 a lieu la mise à flot, par remplissage de la forme-écluse. On prévoit alors que la sortie interviendra en octobre. L’enjeu est de taille: le concurrent allemand, le Tirpitz est en effet lui aussi en chantier.jean-bart.jpg

Quand faire des heures supplémentaires, c’est résister

Pour Ronarc’h, il faut bouleverser le calendrier et faire sortir le Jean-Bart, inachevé, au plus tôt afin de l’éloigner de la zone des combats sans attendre sa finition. Dès le 18 mai, la date de sortie du cuirassé est fixée au 20 juin, afin de bénéficier du fort coefficient d’équinoxe, à l’heure de la marée haute. A défaut, il faudrait attendre la prochaine marée de vive-eau. Quinze jours plus tard, ce serait trop tard.
Les travaux sont donc accélérés. Pour les ouvriers nazairiens, il est hors de question de laisser le cuirassé tomber entre les mains des Allemands. Pendant un mois, les 3 500 ouvriers des chantiers s’activent d’arrache pied, les équipes se relaient jour et nuit pour donner au navire l’équipement minimum qui lui permettra de quitter la fosse et de s’éloigner du port nazairien. Les transmissions du bord, les chaudières et les moteurs sont installés, les hélices sont fixées le 7 juin, les chaudières allumées le 14.
Mais il ne suffit pas d’équiper le bateau. Car de la forme de radoub, pour accéder à l’estuaire, il faut creuser dans les hauts fonds une tranchée de plusieurs centaines voire de 1 000 mètres de long et 70 mètres de large, suffisamment profonde, le tirant d’eau étant de 8,10 mètres. Opération délicate et qui prendra forcément du temps. C’est un travail de titan. Le chenal est dragué jour et nuit, avec le concours des Ponts et Chaussées de Nantes, le creusement est difficile et ne sera pas terminé avant le jour du départ, où le Jean Bart ne disposera que de 40 cm d’eau sous la quille.

La course contre la montre

Les nouvelles sont de jour en jour plus alarmantes, on suit l’avancée des troupes allemandes et l’évidence est là: l’ennemi se rapproche de l’Ouest. Les blindés de la Wehrmacht sont à Rennes le 18 juin. Le commandant de la Marine à Saint-Nazaire, l’Amiral Rioult, demande à Ronarc’h de se tenir prêt à appareiller. Le moment propice le plus proche est celui de la marée de 3 heures du matin. Pour le dragage, on devra se contenter d’une tranchée de 45 mètres de large. Or le Jean Bart mesure 248 mètres de long et 33 mètres de large. De nuit, sans compas, on imagine la difficulté de l’opération. Toute la journée c’est l’effervescence sur le navire et sur les quais. On embarque des vivres, les 375 marins et officiers sont consignés à bord et on prévient 159 civils, cadres et ouvriers des Chantiers qu’ils doivent se préparer au départ. Ils ont juste le temps de prévenir leur famille et donner quelques recommandations au cas où ils ne reviendraient pas: « Prend bien soin des enfants ». Bien que la discrétion soit recommandée, tout le monde sent bien que le départ est imminent.

Vers midi le bruit court que les Allemands sont déjà à Nantes. A 14h30, les veilleurs du navire dont la vue embrasse 20 km d’étendue, signalent une colonne motorisée sur la route entre Montoir et Saint-Nazaire. On se prépare à résister, tout en envisageant le pire: le sabordage du cuirassé. Ainsi des ouvriers reçoivent l’ordre de mettre les bouchées doubles pour terminer certaines installations, quand d’autres n’attendent qu’un ordre, celui de tout détruire. Pour retarder l’avance de la colonne allemande, on ordonne également de faire sauter le pont de Méan à l’entrée de la ville. Finalement, c’était une fausse alerte : la colonne motorisée est anglaise.
Les derniers préparatifs s’achèvent, le sas est ouvert, le chenal de sortie est balisé. Le navire se prépare à son autonomie et les ouvriers parent aux derniers problèmes qui surviennent, notamment électriques.

Peu avant minuit, le pont de Méan saute. A 2h30 Ronarc’h monte sur la passerelle pour diriger l’appareillage. Le meilleur pilote du port a été choisi pour l’assister, c’est Charles Lorec. Celui-ci se rebiffe lorsque Ronarc’h exige que le navire sorte sans aucun feu, sans aucune bouée lumineuse. Pour Lorec c’est l’échouage assuré. Implacable Ronarc’h réitère son ordre, ajoutant qu’il ne veut pas encourir le risque d’un bombardement sur St Nazaire et qu’il est certain qu’ils sortiront. Chef réputé strict, énergique, Ronarc’h était surnommé Le Robuste.

A 3h45, deux remorqueurs, l’Ursus et le Titan, se positionnent et commencent à haler le cuirassé hors de sa cale. Un troisième remorqueur, le Minotaure, s’attelle à la poupe. Une noria de petits remorqueurs se tiennent à distance, prêts à intervenir en cas de besoin. La manœuvre de sortie rencontre beaucoup de difficultés. De chaque côté du navire, le pilote ne dispose que d’une marge de 5 mètres. Bien peu pour un tel géant. La marée est haute et cependant, il n’y a, à certains endroits, que 20 à 40 cm d’eau sous la quille. Dans la nuit Lorec distingue mal les bouées blanches puisque celles-ci ne sont pas éclairées. A deux reprises, le Jean-Bart s’échoue et reste en travers du passage. Avec l’aide des remorqueurs on parvient, à 4h30, à le mettre à flot. Il descend l’estuaire en filant 4 nœuds.

Dix minutes plus tard, trois Heinkel de la Luftwaffe arrivent par tribord et bombardent le navire. L’une des bombes tombe au milieu du pont, mais – de faible puissance – ne cause que de légers dégâts matériels. Grâce à quelques pièces de DCA embarquées, le Jean-Bart repousse l’assaut. A 4h50, il largue ses remorqueurs et gagne la haute mer, escorté par 3 torpilleurs qui l’attendent à la sortie de l’estuaire: le Hardi, le Mameluck rejoints par L’Epée. Ronarc’h et Lorec se serrent longuement la main. Avant de monter à bord d’un remorqueur, Lorec demande :  » Vous allez faire le point, maintenant ? – Le point ? Mais nous n’avons pas de compas, mon vieux! ». En effet le compas gyroscopique avait bien été livré la veille, mais le temps avait manqué pour l’installer. Il ne sera utilisable qu’au matin du 22 juin, au large du Portugal.

Il était temps puisque le 17 juin, les Allemands étaient déjà à Rennes, le 18 à Brest et le 19 – jour de l’évasion du Jean-Bart, ils sont à Nantes puis à Saint-Nazaire, déclarée ville ouverte où le maire François Blancho appelle la population « au calme » et où dans la nuit, les Allemands bombardent la ville, éventrant des maisons, détruisant des groupes d’habitations. Au total une dizaine d’immeubles sont détruits, il y a 12 morts, 20 blessés. Le lendemain, le 20, les Allemands détruisent à la mitrailleuse deux hydravions sortis de la SNCAO et qui s’apprêtaient à prendre l’air. Le 21, les troupes entrent dans la ville. Lorsque le capitaine de corvette von Tirpitz, chargé des chantiers de la zone occupée viendra sur le site, accompagné d’officiers et d’ingénieurs de la Kriegsmarine, il reconnaîtra qu’ils ont été très impressionnés non seulement par l’évasion, à leur barbe, du Jean-Bart mais aussi par la conception de la forme Jean-Bart.

Le 18 juin au matin,(3) Ronarc’h a reçu l’ordre de rallier Casablanca et non plus la Clyde, en Ecosse comme prévu initialement. Le Jean-Bart arrivera à destination trois jours plus tard. La traversée est marquée par de nombreux incidents techniques. Au début, les machines ne donnent qu’une faible puissance. Tous ces incidents seront surmontés. Les ouvriers embarqués seront rapatriés à Saint-Nazaire quelques mois plus tard.

A Casablanca, la suite est moins glorieuse puisque le Jean Bart s’oppose au débarquement américain en novembre 1942 et est bombardé, en réplique, par les appareils du porte-avions Ranger, puis par le cuirassé Massachussetts qui le mettront hors de combat. Il ne regagnera la France que le 25 août 1945 pour être enfin achevé à Brest jusqu’en 1950. Le sujet dépasse le cadre de notre article : était-il possible, les hostilités prenant fin dans la métropole, de continuer la lutte en terre française, dans l’Empire et plus particulièrement en Afrique du Nord ? Pour le général de Gaulle : oui ! Pour Weygand : non !

L’évasion spectaculaire du Jean Bart restera dans les annales de la marine française et surtout comme l’une des plus incroyables pages de l’histoire des chantiers de Saint-Nazaire.

Témoignage d’Albert LE PERRON(4) (né en 1923), « Donc la déclaration de guerre est venue au mois de septembre 1939 et j’étais aux chantiers, je sortais d’apprentissage et je commençais à travailler comme compagnon. L’offensive allemande a commencé, les avions allemands sont venus, ils ont bombardé un mois avant de rentrer dans Saint-Nazaire. Nous travaillions à cette époque-là sur le fameux cuirassé Jean-Bart et sur le plus grand pétrolier du monde, le Q 19. On travaillait assez vite pour essayer de les finir. Un beau matin, on nous a dit : le Jean Bart va quitter la forme et tenter de partir. Le lendemain, non seulement le Jean-Bart mais aussi le pétrolier avaient quitté leur cale. Le premier avait réussi à quitter la base de Saint-Nazaire malgré quelques bombardements mais le pétrolier n’avait pu rester qu’en rade ayant perdu son gouvernail; il est donc resté échoué à Paimboeuf pendant toute la guerre. Donc St Nazaire commençait à être bombardée par les Allemands. Je crois qu’il y a eu un bombardement la veille de leur entrée à St Nazaire. On s’attendait à l’entrée imminente des troupes allemandes, quand tout d’un coup, venant de la vieille gare, ont vit des motos et des jeeps allemandes se mettre à tourner autour de la place Marceau et partir dans les rues de Saint-Nazaire. Alors, la plupart des gens rentraient dans les maisons. Mais du jour où l’occupation allemande s’est produite, on peut dire que les chantiers ont appliqué ce qu’on peut appeler une force d’inertie, on travaillait très peu, faisant la plupart du temps acte de présence: c’était la vie des chantiers en ralenti parce qu’en réalité on a retapé quelques vieux rafiots. En construction neuve, il y a bien eu deux escorteurs faits, mais ils n’ont jamais été terminés. Alors si de 39 à 45, il n’ y a eu que deux escorteurs non terminés, ça veut dire que sur un chantier aussi important, il y avait comme une résistance latente à l’Occupation.

Notes
1 – Ronarc’h (1892-1960) est nommé contre-Amiral en 1941 à Casablanca. Il commande la Marine française au Maroc en 1942 et 43. Il est promu vice-Amiral en 1944 et a sous ses ordres les Forces Françaises en Méditerranée. Il est nommé commandant de la Marine française en Algérie, en 1947
2 -Albert Caquot (1881-1976), ingénieur en génie civil aux innombrables inventions, est un bâtisseur hors pair. Il est l’un des artisans du développement du béton armé. On lui doit dans notre région le pont Maudit (entre l’île Feydeau et l’île Gloriette, avant le comblement des bras de la Loire), le pont de la Madeleine à Nantes, le barrage d’Arzal etc.
3 – Le 17 juin, Pétain a été nommé Président du Conseil, en remplacement de Paul Reynaud et annonce immédiatement sa demande d’armistice.
4 – Entretien avec le sociologue Jean Péneff, Autobiographies de militants CGTU-CGT, 1979, Cahiers du LERSCO – Université de Nantes

Bibliographie
Pierre-Jean Ronarc’h L’évasion du cuirassé Jean Bart, Flammarion, 1951
AREMORS, Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier tome 3 1939-1945, Edition Aremors, 1986

L’opération Chariot, le plus grand de tous les raids

Le contexte de la guerre au début de 1942

Depuis le début de la guerre en 1939, la bataille de l’Atlantique mobilise de nombreuses unités navales dans l’Atlantique Nord. Les U-Boote coulent les navires de commerce plus vite qu’ils ne peuvent être remplacés. A cette menace s’ajoute celle des navires de surface. En 1941, le cuirassé Bismarck avait semé la terreur. Les Alliés étaient parvenus à le couler avant qu’il ne rejoigne Brest. Mais il avait un jumeau, le cuirassé Tirpitz, un monstre de 50 000 tonnes, embusqué en Norvège depuis le 12 janvier 1941, sur l’ordre de Hitler. Les Alliés redoutent qu’il soit envoyé dans l’Atlantique, fasse la chasse à leurs convois maritimes et dans la guerre logistique menace le ravitaillement de la Grande-Bretagne. Selon Winston Churchill: « Toute la stratégie de la guerre tourne à cette époque autour de ce bateau. »
Mais le Tirpitz a un point faible: son gigantisme. Dans ce contexte, le port de Saint-Nazaire revêt une importance stratégique. La forme Joubert (1), construite pour accueillir le Normandie, est sur la façade Atlantique, la seule cale-sèche qui puisse accueillir le Tirpitz pour réparation, en cas d’avarie. W. Churchill pense qu’en neutralisant la forme Joubert, la Kriegsmarine ne prendra pas le risque d’envoyer le Tirpitz dans l’Atlantique.
En août 1941, une première étude avait jugé inexécutable une opération contre St Nazaire, mais en février 1942, W. Churchill confie une mission à Lord Mountbatten avec pour objectif la neutralisation de la forme Joubert.

Mission impossible ?

L’opération est baptisée du nom de code « Opération Chariot ». Le port de Saint-Nazaire est, avec Brest, la base navale la mieux gardée et la mieux défendue de la côte Atlantique. L’opération est délicate. Les Anglais sont parfaitement renseignés: ils savent que 6 000 soldats du Reich sont basés à Saint-Nazaire et que l’estuaire de la Loire est protégé par des défenses formidables, par une très forte artillerie, 100 canons, une quantité de projecteurs de recherche etc. Le plan consiste en une attaque surprise. La date est choisie pour combiner une pleine lune et une marée montante.
Une flottille de vedettes doit franchir de nuit et à vive allure l’estuaire de la Loire pendant que les défenses allemandes seront distraites par un raid aérien mené par la Royal Air Force.
Un bateau bourré d’explosifs à retardement sera précipité à vitesse maximale sur la porte de la forme écluse Joubert et des équipes de commandos débarqueront de ce navire ainsi que des vedettes pour attaquer et détruire dans le port 24 cibles différentes.
Les forces seront ensuite évacuées par la mer à partir du Vieux Môle, à l’extrémité du port et quelques heures plus tard, le destroyer HMS Campbeltown, dirigé droit contre l’écluse, explosera.
La flotte comprend le destroyer Campbeltown, 12 ML (Motor Launches, chaloupes à moteur), 4 MTB (Motor Torpedo Boat, vedettes rapides lance-torpilles),1 MGB 314 canonnière en bois, équipée d’un radar et d’une sonde sonore et une vedette lance-torpilles (MTB 74). Elle est escortée par 2 destroyers le HMS Tynedale et le HMS Altherstone, jusqu’au large de St Nazaire, mais ceux-ci ne participent pas à l’attaque. Les vedettes sont des bateaux en bois non blindés de 34 mètres.
Le navire-suicide est un ancien destroyer américain de la guerre 14-18, le Buchanan, cédé aux Anglais à l’automne 1940, rebaptisé HMS Campbeltown auquel des modifications ont été apportées à Devonport (un lifting de 9 jours) afin qu’il ressemble à un destroyer allemand. Un blindage supplémentaire est installé afin de protéger la passerelle. Il est cependant allégé au maximum pour éviter l’échouage sur les bancs de sable. Il doit servir de bélier pour enfoncer la porte de la forme Joubert.
L’explosif est placé à l’avant du navire et se compose de 24 grenades sous-marines – soit 4 tonnes d’explosifs ! – placées dans des réservoirs d’acier et de béton.
Le Campbeltown est commandé par le Lieutenant-commander S.H. Beattie et son équipage est réduit à 75 hommes. Au total, 345 marins et 266 commandos sont engagés dans l’Opération. Le lieutenant-colonel Newman commande l’opération terrestre avec 256 hommes et officiers tandis que le capitaine de frégate Ryder est responsable des forces navales.
Pendant plusieurs semaines, les commandos suivent un entraînement intensif de jour et de nuit. Ils disposent de photographies aériennes prises par la RAF et de maquettes très précises du port et des docks, fruits d’une liaison avec les réseaux de la Résistance. Les équipes chargées des démolitions bénéficient d’un entraînement spécifique dans les ports de Cardiff et Southampton. A la mi-mars, tous s’entraînent à Falmouth à la navigation par mer houleuse, au débarquement nocturne etc. Ils s’ingénient également à mettre d’éventuels espions allemands sur de fausses pistes, parlent d’expédition au-delà de Suez, exposent en évidence sur les quais des caisses de lunettes de soleil, shorts, crème solaire etc.

L’expédition vogue vers Saint-Nazaire

L’expédition appareille dans l’après-midi du 26 mars, faisant route pour tromper l’ennemi, vers le golfe de Gascogne et La Rochelle, avant de bifurquer pour se présenter au sud de l’estuaire au soir du 27 mars. Sur le pont les commandos portent des tricots ou duffle-coats comme des touristes. En route, au large d’Ouessant, les veilleurs du Tynedale aperçoivent un sous-marin en surface. Ils ouvrent le feu et pensent l’avoir coulé. A tort puisque l’U-593 signale la présence de navires britanniques. La flottille croise également deux chalutiers français. Après embarcation de leurs équipages, ils sont coulés. A 17h, Ryder est informé de la présence de quatre torpilleurs allemands sortant de la Loire (suite au message de l’U-593). Mais ils sont plus au sud et évitent ces torpilleurs allemands. Le stratagème a ainsi réussi à tromper l’ennemi jusqu’a l’approche de l’estuaire. A 20h, ils se mettent en position et prennent la direction de Saint-Nazaire. A 22h, le sous-marin britannique Sturgeon placé en jalon au point Z devant l’entrée de la Loire, est en vue. Le Tynedale et l’Altherstone se séparent de la formation et vont patrouiller vers Belle-Ile, tandis que le reste de l’expédition, battant pavillon allemand et arborant la croix gammée poursuit sa route vers Saint-Nazaire. A présent tout repose sur le lieutenant A.R. Green qui ouvre la marche. Après la guerre les pilotes de la Loire ont dit que la conduite du Campbeltown à travers les hauts fonds était « sans précédent dans l’histoire du port. » A 23h, les charges explosives sont amorcées. A 23h30, la Royal Air Force commence à effectuer un bombardement au-dessus du port, pour faire diversion, mais la visibilité est mauvaise, seules deux bombes sont larguées et les avions rentrent vers leur base, de crainte de tuer des civils français. Incroyable: l’aviation n’a pas été informée de l’opération Chariot ! Au passage, tous feux éteints, des navires anglais, des projecteurs s’allument. En morse, un soldat allemand demande le mot de passe. Le chef timonier répond « Attendez », grappille ainsi quelques secondes puis, tentant le bluff, passe l’indicatif connu d’un destroyer allemand et poursuit par un long message « Urgent – deux bâtiments avariées au cours d’un engagement ennemi, demande à entrer immédiatement dans le port » et il ajoute « J’ai encore autre chose à vous transmettre ». Mais quelqu’un ouvre le feu. Calmement, Pike envoie un nouveau message: « Je suis ami. Il y a méprise ». Le bluff fonctionne : le feu cesse. Puis reprend, alors sur le Campbeltown on descend la croix gammée, il est 1h27, le pavillon britannique est hissé, ce qui déclenche le tir des batteries ennemies. Le déluge de feu commence.
A 1h34, le Campbeltown s’encastre à une vitesse de 19 nœuds dans la porte de la forme Joubert – avec 4 minutes de retard sur l’horaire prévu. A bord, beaucoup d’hommes sont blessés. L’équipage débarque par les échelles télescopiques et rejoint les groupes terrestres qui viennent de débarquer des vedettes, la station de pompage est détruite ainsi que les treuils servant à l’ouverture de la porte. Les commandos investissent le port et détruisent les infrastructures portuaires désignées comme cibles. Ils ont pour mission de démolir 4 ponts, 6 centrales électriques, 8 portes d’écluses et 13 canons.
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Le rembarquement, prévu à partir du Vieux Môle n’est pas possible car plus de la moitié des vedettes en bois ont été détruites sous le déluge de feu allemand et le Vieux Môle est resté aux mains des Allemands. Le MTB 74 rembarque les survivants du Campbeltown et cherche à gagner la haute mer, mais touché par l’artillerie allemande, il doit être abandonné. Conscient que tout rembarquement est impossible, Newman rassemble les survivants et ils prennent la décision de se séparer en petits groupes et rejoindre l’arrière-pays, dans l’espoir de pouvoir ultérieurement regagner l’Angleterre. Les commandos dispersés dans la ville sont faits prisonniers ou sont abattus. Seuls cinq échapperont à la captivité. En mer, quatre vedettes pleines, avec 222 rescapés réussissent à rejoindre le point de rendez-vous avec les destroyers Altherstone et Tynedale et quatre autres vedettes regagnent l’Angleterre par leurs propres moyens. Sur le chemin du retour, le ML 306 est intercepté par le torpilleur allemand Jaguar. L’équipage refuse de se rendre et résiste héroïquement, mais après une heure de rude combat et de lourdes pertes, l’équipage est contraint de se rendre.
Le 28 mars à 10h, les combats prennent fin. 215 marins et commandos ont été capturés, 169 sont morts. Du côté allemand, les pertes s’élèvent à 42 tués et 127 blessés.
Et le Campbeltown dans tout cela ? A 10h30, les explosifs à bord du destroyer explosent, la porte de la forme est anéantie. L’eau s’engouffre dans le bassin faisant chavirer deux pétroliers en réparation qui s’y trouvaient. L’explosion pulvérise une quarantaine d’officiers supérieurs allemands venus en inspection ainsi que de nombreux soldats allemands – 400 – venus en curieux, appareils photos en main. C’est une énorme déflagration qui secoue la ville. Les vitres volent en éclat. On retrouve des débris humains dans un rayon de deux kilomètres et les dockers consacreront plusieurs jours au déblaiement.
Le lendemain, 29 mars, les deux torpilles à retardement lancées par le MTB 74 explosent, endommageant sérieusement l’écluse de l’ancienne entrée et semant la panique parmi les troupes allemandes qui font feu sur des ouvriers français et des ouvriers de l’organisation Todt dont les uniformes sont de la même couleur kaki que les commandos britanniques : 16 seront tués, une trentaine seront blessés. A la tombée de la nuit, la panique s’accentue. Les Allemands croyant voir des commandos partout, tirent les uns sur les autres. Bilan: 300 à 400 tués.

Objectif atteint

La porte de la forme Joubert est définitivement détruite. Inutilisable, elle ne sera pas réparée avant la fin de la guerre, la cale est hors d’usage, le Tirpitz ne pourra pas venir à Saint-Nazaire, confiné à jamais dans sa tanière norvégienne. Les docks sont très fortement démolis ou endommagés. La bataille de l’Atlantique s’en trouve transformée.
Sur 611 soldats anglais, 169 sont tués, la moitié d’entre eux lors de la destruction de leurs vedettes dans l’estuaire au moment de l’évacuation des commandos, beaucoup sont blessés, 251 sont faits prisonniers, surtout après le ratissage de la ville par les Allemands, 5 ont pu rentrer via Gibraltar. Au total 227 hommes ont réussi à revenir au Royaume Uni. A l’évidence, le bilan sur le plan humain est bien différent de celui de l’attaque des îles Lofoten en avril 1941 où les Britanniques n’ont enregistré qu’un seul blessé. Lors de l’enterrement au cimetière de La Baule, le lundi 30, les Allemands formèrent une haie d’honneur.
Ces hommes ne sont pour la plupart pas des militaires de carrière, ce sont des volontaires, ils se sont engagés en sachant qu’ils avaient peu de chance de revenir, par patriotisme et pour combattre le nazisme. Lord Mountbatten leur avait fait dire qu’il n’avait pas beaucoup d’espoir de les faire revenir.

Le renard n’aime pas le raisin

Le 27 mars, de nombreux Nazairiens avaient écouté, fenêtres fermées, l’émission de la BBC « Les Français parlent aux Français ». Chaque soir des messages personnels sont diffusés et ce 27 mars l’un d’eux semble bien anodin: « Le renard n’aime pas le raisin ». Ils sont bien loin de se douter qu’ils viennent d’entendre le message codé d’un fait d’armes au retentissement international, véritable épopée qui va susciter un immense espoir en cette nouvelle année noire. Les Nazairiens, habitués aux alertes, ont vite compris que « ce n’était pas comme d’habitude ». Mais habituellement il y a une sirène de fin d’alerte. Pas là. Le vacarme continue toute la nuit avec des tirs de canons et de mitrailleuses. La confusion est totale. Des habitants sont expulsés et conduits au camp de prisonniers de Savenay. Mais quand ils apprennent ce qui s’est passé, les Nazairiens, qui ont beaucoup souffert, accueillent avec joie cet audacieux coup de main, ils comprennent que la puissance nazie n’est pas invincible, ils sont contents et reprennent espoir.
Le plan a bénéficié de la coopération de résistants français, notamment grâce aux renseignements collectés par le réseau Notre-Dame du colonel Rémy et transmis à Londres par ondes radio. Mais le message de la BBC, à qui était-il destiné ? Toujours est-il que le jeune Jules Busson (2), fut arrêté après le débarquement du commando anglais et emprisonné quelques jours, avec les habitants de son quartier, au camp de Savenay. Certains Nazairiens ont-ils participé aux combats ? Selon le plan initial, le groupe du capitaine Birney qui devait débarquer le premier au Vieux Môle « aurait affaire à des Français dans cette zone et bénéficierait de l’aide de membres des Forces Françaises libres, connus sous le nom de « French faces », et formerait alors une tête de pont autour du Vieux Môle, par laquelle les autres forces se retireraient pour le rembarquement. » (3)
Les commandos ont réalisé ce qui reste comme l’un des plus grands raids de l’Histoire, l’une des plus audacieuses opérations de la seconde guerre mondiale.
Selon Churchill, l’opération Chariot, qui a ébranlé le moral de l’armée allemande et remonté celui des Français dès 1942, aurait permis de gagner six mois de guerre. »Je ne connais pas, dans toutes les annales militaires et navales, d’autres cas où des dommages aussi importants furent infligés à l’adversaire aussi rapidement et en engageant des moyens aussi faibles. » écrira Lord Mountbatten en 1945. A la suite du raid, Hitler dépêche le Generalfeldmarschal von Rundstedt, commandant des forces allemandes en Europe occidentale. Trois jours plus tard, c’est le général Jodl, directeur des Opérations auprès du commandement suprême de toutes les formes armées qui descend à St Nazaire. Un blâme sera infligé aux défenseurs du port. Hitler décide de prélever des troupes sur le front russe pour renforcer son front Ouest.
Le souvenir de cette opération que les Anglais nomment « the greatest raid of all » (le plus grand de tous les raids) a inspiré des documentaires, des livres, des bandes dessinées, des jeux vidéo. Et contrairement à l’affaire du Lancastria, celle-ci n’a pas été classée Secret défense. Chaque année, le 28 mars, une cérémonie en rappelle l’Histoire au Vieux Môle où se trouve désormais la stèle du souvenir. En raison de la pandémie de Covid-19 elle n’a pas pu avoir lieu cette année.

Bibliographie
AREMORS, Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier 1939-45, Edition Aremors, 1986
OURY Louis, Commandos sur l’estuaire, roman, Messidor, 1987
STASI Jean-Charles, 28 mars 1942 Chariot, le plus grand raid commando de la seconde Guerre mondiale, éditions Heimdal
CHEMEREAU Hubert, Opération Chariot, tournant de la Bataille de l’Atlantique, revue Ar Men, mars 2012
BARR SMITH Robert The Greatest Raid of All , 2003
* Michel Mahé, l’un des auteurs d’Aremors a publié un article sur la rencontre entre l’un des raiders Bill Watson et des élèves du Lycée Aristide Briand, en 2007- disponible sur www.marineenboisdubrivet.fr
Notes
1-La forme Joubert est un énorme bassin de 349 mètres sur 50. L’accès repose sur des portes si massives, épaisses de 11 mètres qu’on les appelle des « caissons », elles font (52 mètres de long et 16 m de haut et se déplacent sur d’énormes roulettes.
2- Voir le témoignage de Jules Busson « De Saint-Nazaire à Buchenwald » Témoignage de Jules BUSSON
3- selon D. Masson dans son livre Le raid sur Saint-Nazaire.

1940, l’année terrible

Depuis l’arrivée d’Hitler à la chancellerie le 30 janvier 1933, la préparation à la guerre est au centre de la politique nazie. Le thème de « l’Allemagne, rempart contre le communisme » rencontre un écho certains au sein des milieux politiques, économiques et financiers occidentaux.
Deux lignes se sont opposées : celle de la sécurité collective, fondée sur la coopération de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Union soviétique et celle de « l’apaisement », de concessions visant à négocier avec l’Allemagne nazie un partage des sphères d’influence et à détourner son agressivité vers l’est. C’est la passivité devant l’invasion de la Chine par le Japon, l’abandon de l’Ethiopie, l’annexion de la Sarre, l’abandon de l’Espagne républicaine, l’absence de riposte à l’annexion de l’Autriche, l’accord de Munich scellé aux dépens de la Tchécoslovaquie. Dès septembre 1938, le gouvernement britannique signe avec Hitler un accord de non-agression, imité par le gouvernement français en décembre. Les négociations pour la conclusion d’un pacte tripartite d’assistance mutuelle Grande-Bretagne, France, URSS sont menées mollement. La politique dite « d’apaisement » a fait d’Hitler le maître du jeu en Europe et lui permet d’enfoncer habilement un coin dans la faille existant depuis Munich entre les démocraties occidentales et l’URSS et c’est le 23 août 1939, la signature du pacte de non-agression germano-soviétique.
Sous le prétexte que le PCF se refuse à condamner le pacte de non-agression germano-soviétique, le journal L’Humanité est interdit le 25 août 1939. Son numéro daté du 26, saisi, titrait : « Union de la nation française contre l’agresseur hitlérien. »

La « drôle de guerre »

Le second conflit mondial commence par une « drôle de guerre ». La dislocation du Front populaire et la conjoncture au début de la guerre provoquent interrogations et scepticisme. Les gouvernements britannique puis français notifient l’état de guerre avec l’Allemagne à dater du 3 septembre à 17 heures. Mais c’est la guerre immobile. Au nom de l’effort de guerre, le gouvernement revient sur des conquis du Front populaire, le 25 septembre à l’instigation de Belin, son n°2 – qui deviendra ministre de Pétain -, la CGT entérine l’exclusion des communistes. Le lendemain, le gouvernement interdit le Parti communiste. Pourtant le 2 septembre, les crédits exceptionnels demandés par Daladier pour la Défense, ont été votés par les députés communistes.
Sur le front, R.A.S., l’armée se bat contre le « général Ennui », les soldats « tuent le temps » : belote et rebelote. A l’arrière, les conditions de vie se dégradent. La répression s’abat : le 15 mars 1940, le ministre de l’Intérieur Sarraut annonce fièrement son butin : 2 778 élus déchus de leur mandat, 11 000 perquisitions, 3 400 militants arrêtés, 1 500 condamnés. A quoi il faut ajouter les militants internés par simple mesure administrative des préfets. Pourchassés et diffamés, les communistes tentent de se réorganiser dans la clandestinité. La tâche est ardue. Les contacts rompus par la mobilisation sont difficiles à rétablir, les militants sont dispersés, il faut trouver des planques, restructurer l’organisation. Et le désarroi est réel : incompréhension du pacte germano-soviétique, formidable pression psychologique, poids de la répression etc.

La « débâcle »

10 mai 1940 : déclenchement de l’offensive allemande. 10 juin 1940 : l’Italie entre en guerre. 22 juin 1940 : signature de l’armistice à Rethondes. C’est la guerre éclair, la Blitzkrieg théorisée par les stratèges allemands. Sous un déluge de fer et de feu, la machine de guerre hitlérienne avance. Sur les routes, dans un chaos épouvantable, civils et militaires confondus, près de quatre millions de personnes sont en détresse. Des combats de retardement, des actes d’héroïsme ne parviennent pas à endiguer le raz-de-marée. Certains dirigeants s’adressent aux pays neutres, on songe même à appeler l’URSS à l’aide (1), on tente de jouer la carte américaine. Trop tard puisqu’ on annonce déjà la demande d’armistice. Le président du Conseil Paul Reynaud démissionne le 16 juin au soir. Pétain le remplace et demande aux Français le 17 juin de « cesser le combat ».L’armistice est signé le 22 juin à Rethondes. Il ne s’agit pas d’un simple arrêt des hostilités, mais également de l’occupation des trois cinquièmes de la France, de la détention en Allemagne des prisonniers de guerre, de la livraison d’armes et d’installations militaires, du désarmement de la flotte, du concours de l’administration française. Le gouvernement Pétain émigre à Vichy. Le 10 juillet 1940, dans le casino de Vichy, l’Assemblée nationale, qui rassemble députés et sénateurs) confère tous les pouvoirs à Pétain. 649 votants, 20 abstentions, pour 569, contre : 80 (surtout d’anciens élus du Front populaire dont Blum).Les quatre élus socialistes de Loire-Inférieure, le député-maire de Nantes, Auguste Pageot, le député-maire de Saint-Nazaire, François Blancho, ainsi que Maurice Thiéfaine et Eugène Leroux ont voté pour. « Tous les partis ont leurs renégats et leurs traîtres » commente amèrement V. Auriol (2)
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L’été 1940

La chute de la France constitue une étape cruciale dans la construction de l’Europe hitlérienne. Un grand pays a été anéanti en quelques semaines. Le pillage de la France va permettre de relever le niveau de vie des Allemands. Il s’agit d’« utiliser au maximum les ressources du pays pour les besoins de la Wehrmacht et de l’économie de guerre allemande ». (3) Tous les pays, jusqu’aux frontières soviétiques, sont des Etats alliés ou soumis. L’Allemagne nazie peut préparer la dernière étape de sa guerre : l’attaque de l’URSS et le plan Barbarossa est mis au point en décembre 1940.
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Eté 1940 : tous les cadres habituels volent en éclats. La France est débitée en six morceaux (4): la partie la plus riche est sous occupation allemande. La République est morte. Les partis politiques se sont volatilisés. La presse qui tire à 11 millions d’exemplaires change de contenu. L’économie est en berne. Le cadre familial est ébranlé, fragilisé sur les routes de l’exode, des millions de réfugiés, logés chez l’habitant ou dans des camps ont abandonné leurs foyers. Des enfants sont perdus en route. On est sans nouvelles des prisonniers de guerre. La France vit à l’heure allemande. Le ravitaillement est difficile, les prix flambent, le marché noir s’installe. Des bâtiments sont réquisitionnés par l’occupant, des restaurants, des cinémas leur sont réservés, les panneaux de signalisation s’écrivent en caractères gothiques, les Français apprennent vite le mot-clé : « verboten », interdit. Les Allemands entrent à Nantes le 19 juin puis se dirigent vers Saint-Nazaire.
Pour autant, l’occupant affecte de se tenir à l’écart des affaires du pays. C’est le rôle de Vichy, dont le gouvernement est légal, et a autorité sur l’ensemble du territoire, zone occupée comprise. Vichy s’empresse de construire « l’ordre nouveau » avec « l’homme providentiel » Pétain. L’équipe qui l’entoure consacre le triomphe des droites rassemblées : droite classique, droite « cléricale », fascistes, quelques hommes de gauche et des syndicalistes anticommunistes. A cela s’ajoutent deux nouveautés : la présence envahissante des militaires vaincus de Weygand à Darlan et celle, non moins envahissante, des technocrates qui ont fait carrière dans la haute administration et la gestion des grandes affaires.
Pétain bouclier ? Beaucoup de Français le croient capable d’amorcer le processus de paix, faire revenir les prisonniers, permettre de retrouver une vie plus normale.

La révolution nationale.

Dès le 8 juillet, avant même le vote des pleins pouvoirs, l’objectif est clairement défini : refonte complète du régime, liquidation des acquis démocratiques – en particulier ceux du Front populaire et insertion dans l’Europe dominée par l’Allemagne hitlérienne. Les illusions et le désarroi dans la population, l’impossibilité légale d’expression de la moindre contestation rendent l’opération facile.
« Nous, Maréchal de France, Chef de l’Etat français… » Cette formule régalienne consacre la dictature personnelle de Pétain, consacrée par les trois Actes constitutionnels du 11 juillet 1940, qui lui donnent des pouvoirs illimités. Seule la déclaration de guerre suppose l’accord des assemblées législatives, lesquelles sont ajournées jusqu’à nouvel ordre et ne seront jamais convoquées. La République est abolie et avec elle le suffrage universel. Le préfet devient le personnage central dans le département, consacré par la loi du 23 décembre 1940 comme seul représentant de l’Etat. La docilité à l’égard du nouveau régime est de mise : de juillet à décembre 1940, 85 préfets sur 93 sont remplacés (démission, retraite ou pour 40 d’entre eux exclusion). Les conseils d’arrondissements et conseils généraux sont supprimés en octobre 1940. Les maires et conseils municipaux sont remplacés par une délégation spéciale (il s’agit à Nantes d’E. Prieur, puis G. Rondeau et H. Orrion). Ainsi s’établit une pyramide de relations d’obéissance. Le 19 avril 1941, sont créés les préfets régionaux, sorte de gouverneurs provinciaux.
Un nouvel ordre économique et social ? Le 16 août 1940 sont institués les Comités d’organisation qui réorganisent l’économie dans une optique corporatiste. Créés par branche d’activité, ils ont des pouvoirs considérables. Souvent les dirigeants des grands groupes capitalistes président ces Comités. La politique sociale suit la même logique. Le droit de grève est supprimé. Le 9 novembre, un décret dissout la CGT et la CFTC à l’échelon confédéral. Seuls subsistent les syndicats locaux, les unions locales et départementales à condition que la référence à la lutte des classes ait disparu de leurs statuts. Le syndicat patronal CGPF est également interdit, mais le grand patronat s’est investi dans les Comités d’organisation. En octobre, Belin, l’ex-numéro deux de la CGT, converti en Ministre du Travail ébauche une nouvelle organisation des salariés, mais la Charte du travail ne verra le jour qu’un an plus tard, en octobre 1941.Celle-ci réalise l’intégration du syndicalisme à l’Etat, en excluant toute activité revendicative. Les comités sociaux, d’établissement, locaux, régionaux, nationaux structurent la collaboration de classe. A côté, les bonnes œuvres fleurissent.
L’Etat français se veut aussi national. L’épuration politique, sous la houlette du ministre de l’Intérieur, Marcel Peyrouton, frappe les opposants. L’arrestation ou la mise en résidence surveillée sur ordre du préfet est instituée le 3 septembre 1940. La répression frappe d’abord les militants et élus communistes (5). L’épuration administrative suit : fin 1940, 2 282 révocations de fonctionnaires ont paru au Journal officiel. Les auteurs de propos « défaitistes » ou les auditeurs de la BBC en langue française sont punissables. Mais l’anti-France, ce sont aussi les « indésirables » en tout genre : immigrés, naturalisés de fraîche date, juifs, tsiganes. L’exclusion de la Fonction publique et des professions libérales est décidée le 17 juillet 1940. Cette mesure frappe, par exemple, le docteur Maurice Ténine, Français par naturalisation de son père, interné à Châteaubriant et fusillé le 22 octobre 1941.(6) Le 3 octobre, un statut des juifs est promulgué.
L’Etat français a besoin de relais. Il les cherche d’abord vers ceux qui peuvent être les plus perméables aux slogans d’autorité, d’ordre : les anciens combattants, la paysannerie. La Légion française des combattants, « les yeux et les bras du Maréchal », est créée le 29 août 1940. Ils se feront les auxiliaires des autorités pour traquer et dénoncer les francs-maçons, les communistes, les juifs et les gaullistes (7).
L’attachement à la terre est l’un des tout premiers thèmes de la rhétorique pétainiste : « La terre, elle, ne ment pas. » Une organisation corporative de l’agriculture est promulguée le 2 décembre 1940, instituant « ce qu’on attendait depuis un demi-siècle dans le grand capital agrarien, un mécanisme officiel permettant aux producteurs de faire la loi sur un marché organisé », (8) plaçant la masse de la paysannerie sous la coupe des agrariens et des hobereaux.
Le remodelage de la France suppose la prise en main de l’éducation de la jeunesse. Dès août 1940, des écoles de cadres sont mises en route. Il s’agit d’abord de rassembler les dizaines de milliers de jeunes recrues dispersées par la débâcle. Ces groupements deviendront les Chantiers de jeunesse à partir du 10 juillet 1941. Ils reçoivent pour huit mois les jeunes de 20 ans. Mais prendre en main les jeunes à vingt ans ne suffit pas. Il faut les façonner dès leur passage à l’école. Une quantité impressionnante de mesures sont prises pour réformer les contenus. A cette vague obscurantiste s’ajoute une épuration dans le milieu enseignant. Enfin, une nouvelle organisation est créée pour accueillir les « inorganisés » : les Compagnons de France.
La mise en condition s’accompagne, au niveau des signes, de l’abandon de la devise républicaine, la relégation de Marianne, l’adoption de la francisque. L’Etat français contrôle tous les moyens d’information : agence de presse, journaux, à l’exemple à Nantes du Phare de la Loire (9), Radio-Vichy. La censure règne. Ainsi se met en place une énorme machine à décerveler.

La collaboration

Dans son discours du 11 juillet 1940, Pétain développe le thème de la collaboration de la France « avec tous ses voisins ». Hitler avait fait le choix, avant l’armistice de maintenir un gouvernement français légal. Le gouvernement de Vichy n’existe et ne légifère qu’autant que les nazis y trouvent leur compte. La collaboration est d’abord économique. Elle est utile pour mieux piller les ressources françaises et il existe plusieurs canaux pour cela : la prise de guerre, la réquisition, les transactions commerciales, les bureaux d’achat. A l’autre bout de la chaîne, les profiteurs français. L’ambassadeur américain W. Bullitt, câble à Roosevelt, le 1er juillet, que l’espoir du gouvernement Pétain « est que la France soit une province favorite de l’Allemagne ». (10)
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La collaboration est aussi politique. Elle est lancée le 24 octobre, quand Pétain et Laval rencontrent Hitler et Ribbentrop à Montoire (ci-dessus) où Hitler ne concède rien, mais la célèbre poignée de main est utilisée par la propagande nazie pour montrer que la France change de camp. Et Pétain de confirmer le 30 octobre : « …j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration. » L’Eglise catholique constitue tout de suite l’un des piliers du régime. L’Assemblée des archevêques et cardinaux rappelle le 24 juillet 1941 « son loyalisme sincère et complet envers le pouvoir établi ».
La France est-elle pétainiste ? Pour les Français, ce qui a changé, c’est l’apparition de difficultés matérielles sans précédent. Deux cent soixante-dix mille immeubles sont sinistrés, le réseau ferré, celui des PTT ont souffert. Tout un peuple est plongé dans la pénurie. Des produits de première nécessité disparaissent. En juillet des cartes de rationnement sont instaurées. Il n’est aucune catégorie sociale appartenant aux couches travailleuses qui n’ait pas des doléances à formuler. Ainsi dès la fin de l’année 1940, le consensus apparaît fragile ; dans l’hiver 1940-1941, si des illusions persistent, des lézardes apparaissent et le Maréchal s’inquiétera quelques mois plus tard du « vent mauvais » qui commence à se lever.
Sources
Roger Bourderon & Germaine Willard, 1940. De la défaite à la Résistance, Messidor, 1990
Marc Ferro, Pétain, Fayard, 2014
Alain Guérin, La Résistance, Livre Club Diderot, 1973, réédité Omnibus
Eric J. Hobsbawm, L’Age des extrêmes. Histoire du court XXeme siècle, Editions complexe, 1994
Annie Lacroix-Riz, De Munich à Vichy, A. Coli, 2008
Le choix de la défaite, A. Colin, 2009
Les élites françaises 1940-1944, A. Colin, 2016
Robert O. Paxton, La France de Vichy 1940 -1944, Le Seuil, 1973

Notes
1 – Pierre Cot, Les Lettres Françaises, 15-21 décembre 1966
2 – Vincent Auriol, Hier et demain, Charlot, 1945
3 – E. Jäckel, La France dans l’Europe d’Hitler, Fayard, 1968
4 – zone nord, zone sud, zone d’occupation italienne, dans le Nord et le Pas-de-Calais, zone rattachée au commandement de Bruxelles, zone réservée à l’Est, et Alsace-Lorraine annexée au Reich.
5 – Henri Michel, Vichy, année 1940, R.Laffont, 1966
6 – Ledigarcher & Richardeau , Immortels ! BD publiée par le Comité du Souvenir 44
7 – Henri Amouroux, Quarante millions de pétainistes, juin 1940-Juin 1941, R. Laffont, 1977
8 – R.O. Paxton, La France de Vichy 1940-1944, Le Seuil, 1973
9 – J.C. Cozic et D. Garnier, La Presse à Nantes, L’Atalante, 2008
10 – H. Michel, Vichy, année 1940, op.cit.