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Cérémonie du 70° anniversaire des « procès des 42 et des 16 »

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L’ Allocution J. Busson

Monsieur le Maire, Retour ligne automatique
Monsieur le Préfet,Retour ligne automatique
Chères familles de fusillés,Retour ligne automatique
Mesdames et Messieurs les élus,Retour ligne automatique
Mesdames et Messieurs les représentants des associations patriotiques,Retour ligne automatique
Mesdames Messieurs,

Ici même, plongés dans la semi-obscurité de ce sinistre champ de tir du Bêle, plus de 80 résistants sont tombés sous les balles nazies.

Souvent jeunes, comme ceux du procès des 42 avec une moyenne d’âge de 30 ans, très jeunes comme André Rouault, aîné de Guy Moquet d’un mois à peine. Nous rendons particulièrement hommage aujourd’hui aux FTP des procès des 42 et des 16, pour le 70e anniversaire de leur sacrifice. Cette cérémonie, avec l’appel aux morts, des 82 noms, marque notre volonté de n’oublier aucun d’eux dans l’indissociable souvenir et la reconnaissance qui leur sont dus.

Commémorer leur engagement, leur combat, pour la liberté constitue un devoir contre l’oubli, un devoir envers les générations nouvelles afin qu’elles sachent que résister dans les pires conditions est toujours possible, indispensable lorsqu’il s’agit de défendre les droits essentiels de l’homme, les valeurs de liberté, de démocratie, de paix.

Enseigner l’histoire de ces résistants est le but de notre travail de mémoire, cette histoire si absente des programmes scolaires et des productions des grands médias. De plus pour certains, il faudrait aujourd’hui la dissoudre, l’amalgamer, avec celle d’autres conflits, y compris coloniaux, l’uniformiser dans un mémorial Day à la française. Nous ne pouvons aucunement souscrire à une telle perspective qui conduirait à brouiller les valeurs, à accentuer la perte des repères indispensables à la formation de citoyens conscients, capables d’êtres autonomes, solidaires et libres.

L’oubli, disait Eluard, est le second linceul des morts. Que serait, sans les différentes associations mémorielles présentes aujourd’hui, la mémoire de la résistance et de la déportation. La remise en cause régulière des grandes commémorations nationales patriotiques a pour but de les banaliser, de les vider de leur sens historique et des valeurs qu’elles portent.

C’est dans des moments comme ceux que nous vivons ce matin, lors des hommages rendus à ces hommes à ces femmes, qui bien que minoritaires résistèrent à la force bestiale qui semblait tout submerger, que nous mesurons mieux la nécessité d’une approche historique qui fait réflexion par l’analyse des causes et de l’enchaînement des faits.

Comment comprendre le sacrifice de Louis le Paih, de Claude Millot, dont les rues qui entourent ce lieu porteront désormais les noms ? Comment le comprendre en occultant le vécu de chacun d’entre eux : le contexte dans lequel se sont construite leur personnalité, avec les bonheurs des luttes de 1936, mais aussi les inquiétudes lors de l’écrasement de la République espagnole, leur colère face à la non intervention, la mobilisation contre la montée du fascisme en Europe avec son cortège de violences racistes et antisémites ? Comment comprendre le sacrifice en occultant la honte et la révolte face à la débâcle, l’effondrement de la France, l’assassinat de la République voulue par une bande d’affairistes préférant Hitler plutôt que le Front populaire.
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Oui, il est important d’inaugurer encore aujourd’hui des plaques de rues qui incitent à la réflexion et fassent appel à la mémoire. Nous souhaitons que d’autres noms de rues viennent enrichir ce travail de mémoire. Pendant longtemps oubliés des commémorations officielles, ces Résistants ne le furent jamais des milieux populaires d’où ils étaient issus. Probablement leur appartenance politique gênait, contredisait certains dogmes et rappelait à certains notables leur passé pendant l’occupation.

Oui, il aura fallu attendre le 60e anniversaire de leur exécution pour que chaque année, un hommage officiel leur soit rendu. Nous le devons à notre action et à notre travail mémoriel, à l’écoute et à l’engagement voici 10 ans devant les familles et les derniers compagnons de ces Résistants, du Député-Maire de Nantes Jean Marc Ayrault aujourd’hui Premier Ministre. Nous lui renouvelons notre reconnaissance.

Monsieur le Maire, il nous faut aujourd’hui poursuivre ensemble ce nécessaire travail de mémoire. Le Bêle change, votre travail de bâtisseur du Nantes du 21è siècle,sort ce lieu de son isolement. Il n’est plus un terrain aux marges de la ville. Il devient un quartier jeune et agréable. Ce lieu de mémoire, au coeur d’habitations nouvelles, évoque,avec l’oeuvre de Jules Paressant et le totem mémoriel, les 50 otages mais nous la référence, mis à part cette plaque, aux autres Résistants ici martyrisés reste des plus discrète

L’appel des noms de tous les fusillés, avec le talent et l’humanité de Claudine Merceron et Martine Ritz à l’instant, soulève notre émotion. Mais au-delà de celle-ci, l’approche historique est nécessaire afin d’analyser, de comprendre le courage de chacun de ses hommes et femmes et leur détermination face aux sbires de Vichy, face à la Gestapo.

C’est cette approche historique, avec la prise en compte des engagements respectifs de ces militants politiques ou syndicaux dans un contexte de chasse aux communistes conduite sous le prétexte du pacte germano-soviétique, ce sont les enseignements tirés de ce chemin parcouru, avec ses souffrances et sacrifices, qui nous aident à cerner comment la Résistance a pu grandir année après année, jusqu’à la réalisation de son unité.

La création du Conseil National de La Résistance sous l’autorité de Jean Moulin et dont nous célébrons cette année le 70è anniversaire , fait encore référence.
Le CNR permit au pays de préparer sa libération avec le concours des Alliés, de redonner à la France sa place dans le concert des nations, en se dotant en 1944 d’un programme novateur de progrès social et d’avancées démocratiques, économiques et politiques, s’émancipant des forces de la finance qui avaient sombré dans la collaboration. Un programme ambitieux de reconstruction du pays et de conquêtes sociales, comme la sécurité sociale dont nous bénéficions aujourd’hui ou le droit de vote pour les femmes…

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Expliquer ce qu’un pays a été capable de réaliser alors qu’il devait se relever d’un champ de ruine, n’est-ce-pas démontrer que répondre aux attentes sociales des citoyens, organiser leur participation aux décisions ne constituent pas un handicap, mais au contraire une solution pour surmonter les problèmes avec plus d’efficacité qu’une gestion dont la finalité est le profit d’une minorité et l’austérité pour les autres.

Quelles leçon aussi pour aujourd’hui, cet espoir qui jamais ne les avait abandonné ! Et jusqu’à l’aube de leur exécution, la certitude de la victoire, si forte dans leur ultime lettre d’adieu. Conviction renforcée par les nouvelles de la défaite des nazis à Stalingrad, qui malgré tout leur parvenaient au fond des cachots.

Enseigner les pages d’histoire écrites de leur sang, les raisons de la montée du fascisme et du nazisme, c’est interpeller les consciences devant la banalisation des idées nauséabondes, des populistes et néo-fascistes, nationalistes, racistes, xénophobes alimentés en période de crise par les frustrations, la paupérisation, les peurs entretenues. Ces entreprises de banalisation de l’extrême droite n’épargne pas La France.

Oui, le ventre de la bête immonde est encore fécond. En Europe, l’extrême droite détient une quarantaine de sièges au parlement à Strasbourg et est présente dans seize assemblées nationales avec des scores frisant les 30% en Pologne . Ses idées sont au pouvoir en Hongrie, où paradent ses groupes para-militaires. La liberté de la presse y est ouvertement remise en cause. Des communautés y sont discriminées pour leur appartenance ethnique. Des statues au dictateur Horthy, allié d’Hitler et de Mussolini y sont érigées. Hélas nous pourrions multiplier les faits qui constituent autant d’alertes et n’épargne pas La France

Rendre hommage aux combattants de la liberté, n’a donc rien de passéiste . C’est là, oeuvre nécessaire pour éveiller, mettre en garde. Aujourd’hui plus personne ne devrait dire: «je ne savais pas». C’est l’Histoire, la connaissance des faits qui enseignent comment «Cela a commencé» dans les années 30 et comment cela s’est terminé sur notre continent dans des pays pourtant civilisés.

Rappeler le parcours de Paolo Rossi, de Gerson Kramnitzki, d’Armand Feldmann, de Simon Bronstein, de Jacques Jorissen de Victor Ruiz de Siefried Holzmann, celui de Benedicto Blanco Dobarro, de Basilio Blasco Martin, d’Alfredo Gomez Olléro, d’Ernesto Priéto Hidalgo, de Miguel Sanchez Tolosa, unis à leurs camarades français jusqu’à leur dernier souffle, c’est enseigner la grandeur humaine du refus d’un repli communautaire mutilant. Ces étrangers, nos frères pourtant, chantait justement le poète, n’étaient un danger que pour l’envahisseur, mais un apport enrichissant pour la France combattante et son peuple.
Se souvenir, lutter contre l’oubli, contre l’abandon de l’enseignement de l’histoire à l’école, démontrer que l’identité d’un être humain est bien autre chose que son appartenance à tel où tel groupe, c’est s’élever face à l’obscurantisme, c’est oeuvrer afin que l’humanité ne revive plus les catastrophes humanitaires des guerres engendrées par les forces fascistes de l’axe et les affairistes qui les financèrent en attendant le retour sur investissement sur le dos des peuples.

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L’Allocution de Patrick RIMBERT; Maire de Nantes

Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis ce matin pour commémorer ensemble le 70ème anniversaire de l’exécution, par les Nazis, des résistants condamnés lors du procès des 42 et du procès des 16 et, à cette occasion, inaugurer la rue Louis et Louise LE PAIH.

Vous êtes nombreux à connaître ces évènements tragiques. Je crois pourtant nécessaire d’en rappeler les grandes lignes, car ils donnent sens à notre rassemblement d’aujourd’hui.

Très rapidement après la défaite, la Résistance s’est organisée à Nantes. Peu de villes ont connu une activité si intense contre l’occupant: sabotages, attentats, constitution de réseaux de renseignements, très précieux pour les Alliés, fabrication de faux papiers, distribution de tracts….. C’est naturellement un motif de fierté pour nous tous. La Nation nous a d’ailleurs exprimé sa reconnaissance en faisant de Nantes une des cinq communes françaises à qui a été attribué le titre de Compagnon de la Libération. Mais que de souffrances pour cela parmi la population, que d’actes d’abnégation, de courage et même d’héroïsme aussi. Car c’est bien d’abnégation, de courage et d’héroïsme qu’il faut parler à propos de ceux dont nous honorons
ce matin la mémoire.

Les deux procès n’ont pas tout à fait la même histoire, mais ils révèlent la même chose: que le courage et l’idéalisme, un instant broyés par la tyrannie et la force brutale, peuvent triompher grâce à des hommes et des femmes d’exception.

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Le procès des 42 fait suite à l’arrestation, durant l’été 1942, d’un important et très actif réseau FTP, opération organisée conjointement par les Allemands et, hélas, la police de Vichy. Cette participation de Français rend encore plus douloureux cet épisode de notre histoire, mais elle ne doit pas être occultée car, comme l’a rappelé François Hollande dans son discours du 22 juillet dernier, à propos de la rafle du Vel d’Hiv, si «la vérité est dure, cruelle», l’implication de Français ne doit pas faire oublier que de tels actes furent « aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs. Ces mêmes valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l’honneur ».
L’occupant choisit alors de faire du procès de ces Résistants, qui étaient en fait 45, tous communistes, un instrument de terreur à l’égard de la population. Rien ne fut négligé: salle d’audience tendue de drapeaux à croix gammée, presse aux ordres largement conviée et bien sûr iniquité du procès, au cours duquel tout fut fait non seulement pour faire condamner, mais aussi pour salir les accusés, présentés comme des criminels de droit commun, rejetés de la masse des Français. Face à cela, les prévenus ont conservé une attitude très digne, chantant même La Marseillaise, devant leurs juges éberlués, juste après le verdict qui condamnait la plupart d’entre eux à la mort. Dès le lendemain, avant même que le délai de dépôt du recours en grâce ait expiré, 9 d’entre eux étaient fusillés au Bêle. Les autres suivront, les 13 février et 7 mai.

Je tiens à souligner la présence, parmi les condamnés, de cinq Espagnols, Républicains arrivés en France suite à la victoire du Franquisme et qui se sont engagés dans la Résistance sur notre sol. Ils s’appelaient: Alfredo GOMEZ-OLLERO, Benedetto BLANCO, Basilio BLASCO MARTIN, Miguel SANCHEZ et Hidalgo PRIETO. Il me semble important de le rappeler, car
leur engagement est particulièrement exemplaire. Chassés de leur pays, pas toujours, hélas, bien accueillis en France, où nombre d’entre eux ont été installés dans des camps sommaires et la plupart souvent tenus en suspicion, ils ont dépassé tout ceci pour reprendre leur combat contre le fascisme et son abjection, comprenant bien que c’était le même combat pour les valeurs de liberté et d’humanité qui se poursuivait. Leur contribution à la lutte sur notre territoire fut loin d’être négligeable: on estime qu’il y avait environ 60 000 maquisards espagnols dans le Sud-Ouest en 1944, où ils libérèrent seuls la ville de Foix. Au total, 12 000 républicains espagnols seront acheminés vers des camps de concentration ou de travail entre le 6 août 1940, qui marque le premier départ vers Mauthausen, et mai 1945

Le procès des 16 s’est tenu pour sa part en août 1943. Toujours intenté à des résistants communistes, il sera aussi discret que celui des 42 avait été retentissant. Mais sur le fond, rien ne change: l’instruction et les audiences sont une mascarade, la mort sanctionne pour la plupart le passage devant ces juges si éloignés de la justice.

Bien sûr, l’un comme l’autre de ces procès ont échoué. Non que les inculpés aient pu échapper à un sort funeste: 37 exécutions à l’issue du premier procès, 13 lors du second. Mais loin de briser la volonté de résistance de la population, ils ne feront qu’attiser sa haine des Allemands. D’autres hommes et femmes prendront le relais des morts glorieux, illustrant les
paroles du champ des partisans: « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre, à ta place ». D’ailleurs, tout y poussait: le régime de Vichy montrait de plus en plus clairement son visage d’odieux vassal du nazisme, notamment à travers l’instauration du STO, tandis qu’après Stalingrad et le débarquement allié en Afrique du Nord, l’espoir changeait de camp.

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On pourrait imaginer que ces deux procès aient fortement marqué les consciences et fait l’objet, dès l’après-guerre, de larges commémorations. En fait, il n’en fut rien. Sans doute à cause du retentissement de l’exécution des 50 otages, qui a occulté tous les autres crimes de guerre dans notre région, peut-être aussi, en cette période de guerre froide, du fait de
l’appartenance exclusive des condamnés au PCF, il faudra attendre 2003 pour qu’un véritable hommage officiel leur soit rendu, même si, dès 1993, la Ville de Rezé, qui honorait déjà régulièrement, ses 13 victimes avait entrepris de sortir leur mémoire de l’oubli. Nous n’avons bien sûr pas à juger de cette trop longue occultation, mais nous pouvons que la regretter, car
l’héroïsme ne se graduant pas, la reconnaissance et l’hommage qui lui sont dus ne peuvent être comptés. Il faut donc remercier tous ceux, en particulier le collectif « Procès des 42 », qui ont lutté pour que cesse cette injustice.

Notre rassemblement de ce matin vise à poursuivre la réparation de cet oubli, désormais bien entamée, par la cérémonie elle-même et l’inauguration de la rue Louis et Louise LE PAIH. A travers ces deux personnalités exceptionnelles, c’est en effet à tous leurs camarades, morts
avec eux, pour la même cause et pour les mêmes idéaux, morts ensemble parce qu’ils refusaient la même abjection, que nous rendons hommage. Ce que je sais d’eux me rend certain que c’est ce qu’ils auraient désiré. Ce sont en effet des gens dont l’engagement n’est pas le fruit du hasard, mais bien d’une histoire personnelle au service de l’amélioration de la condition humaine, en particulier des travailleurs. Louis Le Paih était, avant-guerre, l’un des responsables nantais du syndicat CGT du bâtiment. A ce titre, il a été l’un des dirigeants de la grève nantaise du bâtiment en 1938. A partir de 1939, il a travaillé à l’entreprise des Batignolles qui fabrique des locomotives. Cette entreprise où les militants communistes sont nombreux et très actifs est passée sous contrôle allemand à partir de l’été 1940.

Dès 1941, la police nantaise est chargée d’arrêter Louis LE PAIH en tant que militant communiste. Il passe alors dans l’illégalité et devient rapidement l’adjoint de Jean Vignau-Balous, interrégional militaire de « l’Organisation Spéciale » (OS) pour tout l’Ouest de la France. Avec ses camarades des Batignolles (Auguste Chauvin, Raymond Hervé, Gaston
Turpin), il participe directement à de multiples sabotages.
Après les arrestations de l’été 1942 qui ont totalement décapité la résistance communiste tant du point de vue militaire que politique, il joue un rôle essentiel dans sa réorganisation. Dès novembre, un groupe est opérationnel et sa première action est un coup d’éclat. En effet, le 14 novembre 1942, ce groupe FTP attaque les Allemands devant le cinéma Apollo, faisant un mort et plusieurs blessés graves. D’autres actions suivront, comme le sabotage en janvier 1943 du pont tournant du Grand Blottereau, mis hors d’usage pour plus d’une semaine. En deux mois, le bilan est impressionnant. Mais ce nouveau groupe est, lui aussi, très vite identifié et démantelé.

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Le 12 janvier 1943, Louis LE PAIH est appréhendé et les Allemands essaient de le faire parler afin de compléter l’instruction du « Procès des 42 ». Il ne dit rien à la police, guère plus aux juges, à qui il lance simplement: « Au tribunal allemand, je n’ai aucune déclaration à faire ». Évadé lors d’un transfert en gare de Nantes le 3 mai 1943, il est repris le 5 et fusillé. Il n’avait que 31 ans et était père de trois enfants.

Durant toutes ces luttes, il a pu compter sur le soutien indéfectible de son épouse, Louise, qui partageait ses convictions et n’a pas plus que lui hésité à mettre sa vie en danger pour les défendre. Elle a par exemple joué un rôle actif dans l’évasion de son mari, en établissant le contact entre celui-ci et les FTP.

On est toujours profondément ému lorsque l’on évoque ces figures, car leur vie est une leçon. Rien ne les préparait plus que d’autres à ce qu’ils ont accompli. Mais ils avaient des convictions, une fois en l’homme, l’espoir de voir s’améliorer sa condition et peut-être son esprit. Ils y croyaient si fort qu’ils y ont consacré leur vie et qu’ils l’ont mise en danger pour cela. C’est finalement, je crois, ce qu’il faut retenir de leur exemple: il est donné à chacun , il faut simplement avoir le courage de l’engagement. Puissions-nous, en ces temps heureusement moins troublés et dramatiques que ceux qu’ont vécus Louis et Louise LE PAIH, ne pas l’oublier et nous efforcer d’y être fidèles.

Je vous remercie.

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Une Statue dédiée à la mémoire de Renée Losq

Hommage à Renée et Jean Losq
Samedi 09 Février 2013 à 14h30 à Sainte Luce
Allocution de Christine Fernandez pour le Comité du Souvenir des fusillés de Nantes Chateaubriant et de la résistance en Loire-Inférieure

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Monsieur Le Maire
Mesdames et Messieurs les descendants de Renée et Jean Losq
Mesdames et Messieurs les élus et représentants des associations de la résistance et de la déportation
Mesdames et Messieurs

Monsieur le maire vient de retracer les personnalités de Renée et Jean Losq que nous honorons aujourd’hui à l’occasion du 70ème anniversaire du procès dit des « 42 ».En fait il étaient 45 résistants communistes, 40 Français dont 2 femmes et 5 Républicains espagnols, ils furent tous jugés en Janvier 1943 par un tribunal de guerre allemand. Ce procès fut mis en scène par les nazis comme un grand spectacle de propagande visant à éradiquer tout acte de résistance. Il n’est pas inutile de rappeler que ce procès fut le plus important de toute la zone occupée pendant la période de 1940 à 1943. Le plus important par le nombre d’inculpés et des sentences qui ont suivi :37 condamnations à mort, le plus jeune André Rouault dont on ne parle pas assez, n’avait que 17 ans, l’âge de Guy Moquet à un mois près ! A ce procès viendra s’ajouter en Août 1943 le procès dit des « 16 » où 13 autres résistants communistes seront fusillés ou exécutés. Pour notre département l’année 1943 sera avec l’année 1941 une des plus sombres de cette période d’occupation.
Contrairement à ce qui se dit ici ou là, les martyrs du » procès des 42 »n’ont pas été oubliés ou occultés de la mémoire collective pendant 70 ans .Depuis 1945 notre comité célèbre chaque année ces résistants et œuvre à la mise en lumière de ces procès. Par contre il est incontestable qu’il aura fallu attendre le 60ème anniversaire pour qu’un hommage officiel leur soit rendu au terrain du champ de tir du Bêle.
Renée Losq y était présente .Nous savons combien sa parole a mis du temps à se libérer après-guerre pour témoigner de son incroyable survie dans les camps de concentration. Malgré les difficultés du quotidien, Renée faisait front et son engagement sans faille au sein de l’ ARAC (association républicaine des anciens combattants),de la FNDIRP( fédération nationale des déportés et internés , résistants et patriotes) et de notre Comité est là pour en témoigner.
Œuvrer pour la paix, faire « la guerre à la guerre » et « plus jamais ça » étaient ses leitmotiv.
Témoigner encore et toujours jusqu’au dernier souffle. Je me souviens, non sans émotion, de ses récits sur les atrocités commises dans les camps de concentration mais aussi de ses amitiés avec d’autres résistantes, Marcelle Baron, Gisèle Giraudeau et Marie Michel qui ont connu les mêmes souffrances.
Malheureusement, aujourd’hui ce travail de mémoire auprès de la jeunesse emprunte des chemins escarpés. C’est ainsi que nous entrons dans une nouvelle phase de confusion mémorielle en faisant du 11 Novembre une journée nationale d’hommage aux morts de toutes les guerres. Si nous ne voulons pas que toutes les mémoires soient confondues, c’est tout simplement pour que chaque génération réfléchisse et tire les enseignements de chaque guerre. Cette mémoire aseptisée peut aussi conduire en période de crise économique et sociale à un repli sur soi et à une acceptation inquiétante des idées populistes , racistes et xénophobes.
Ces idées se retrouvent en France mais également en Hongrie, Pologne, Pays bas ….L’extrême droite est actuellement représentée dans 16 assemblées nationales sur notre continent. Nous savons « que le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde »(Bertold Brecht)
Vigilance et clairvoyance , tel est le sens de cette cérémonie et des initiatives qui se tiennent dans notre ville actuellement et qui auront lieu successivement à Rezé, Nantes et La Chapelle Basse Mer les 15,16 et 17 Février prochain.
Enfin, au nom de notre comité je tiens à remercier la municipalité de Sainte Luce pour nous avoir associé, avec l’ARAC à ce groupe de travail animé par Anne Morinière et composé de plusieurs élus, de responsables municipaux et de l’association « Au bord du fleuve ».Pendant plus de 2 ans un travail remarquable a été mené en bonne intelligence.
Si vous le permettez , j’aimerais me tourner vers les enfants, les petits-enfants et arrières petits-enfants de Renée et Jean Losq pour leur manifester toute notre affection et leur dire tout simplement « je vous embrasse ».
Merci pour votre attention.

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Cérémonie du 70° anniversaire des « procès des 42 et des 16 »

20130216_CommemorationBeleNantes_3647_OkW_PhotoPatriceMorel.jpg Photos Patrice Morel

L’ Allocution J. Busson

Monsieur le Maire,
Monsieur le Préfet,
Chères familles de fusillés,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations patriotiques,
Mesdames Messieurs,

Ici même, plongés dans la semi-obscurité de ce sinistre champ de tir du Bêle, plus de 80 résistants sont tombés sous les balles nazies.

Souvent jeunes, comme ceux du procès des 42 avec une moyenne d’âge de 30 ans, très jeunes comme André Rouault, aîné de Guy Moquet d’un mois à peine. Nous rendons particulièrement hommage aujourd’hui aux FTP des procès des 42 et des 16, pour le 70e anniversaire de leur sacrifice. Cette cérémonie, avec l’appel aux morts, des 82 noms, marque notre volonté de n’oublier aucun d’eux dans l’indissociable souvenir et la reconnaissance qui leur sont dus.

Commémorer leur engagement, leur combat, pour la liberté constitue un devoir contre l’oubli, un devoir envers les générations nouvelles afin qu’elles sachent que résister dans les pires conditions est toujours possible, indispensable lorsqu’il s’agit de défendre les droits essentiels de l’homme, les valeurs de liberté, de démocratie, de paix.

Enseigner l’histoire de ces résistants est le but de notre travail de mémoire, cette histoire si absente des programmes scolaires et des productions des grands médias. De plus pour certains, il faudrait aujourd’hui la dissoudre, l’amalgamer, avec celle d’autres conflits, y compris coloniaux, l’uniformiser dans un mémorial Day à la française. Nous ne pouvons aucunement souscrire à une telle perspective qui conduirait à brouiller les valeurs, à accentuer la perte des repères indispensables à la formation de citoyens conscients, capables d’êtres autonomes, solidaires et libres.

L’oubli, disait Eluard, est le second linceul des morts. Que serait, sans les différentes associations mémorielles présentes aujourd’hui, la mémoire de la résistance et de la déportation. La remise en cause régulière des grandes commémorations nationales patriotiques a pour but de les banaliser, de les vider de leur sens historique et des valeurs qu’elles portent.

C’est dans des moments comme ceux que nous vivons ce matin, lors des hommages rendus à ces hommes à ces femmes, qui bien que minoritaires résistèrent à la force bestiale qui semblait tout submerger, que nous mesurons mieux la nécessité d’une approche historique qui fait réflexion par l’analyse des causes et de l’enchaînement des faits.

Comment comprendre le sacrifice de Louis le Paih, de Claude Millot, dont les rues qui entourent ce lieu porteront désormais les noms ? Comment le comprendre en occultant le vécu de chacun d’entre eux: le contexte dans lequel se sont construite leur personnalité, avec les bonheurs des luttes de 1936, mais aussi les inquiétudes lors de l’écrasement de la République espagnole, leur colère face à la non intervention, la mobilisation contre la montée du fascisme en Europe avec son cortège de violences racistes et antisémites? Comment comprendre le sacrifice en occultant la honte et la révolte face à la débâcle, l’effondrement de la France, l’assassinat de la République voulue par une bande d’affairistes préférant Hitler plutôt que le Front populaire.

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Oui, il est important d’inaugurer encore aujourd’hui des plaques de rues qui incitent à la réflexion et fassent appel à la mémoire. Nous souhaitons que d’autres noms de rues viennent enrichir ce travail de mémoire. Pendant longtemps oubliés des commémorations officielles, ces Résistants ne le furent jamais des milieux populaires d’où ils étaient issus. Probablement leur appartenance politique gênait, contredisait certains dogmes et rappelait à certains notables leur passé pendant l’occupation.

Oui, il aura fallu attendre le 60e anniversaire de leur exécution pour que chaque année, un hommage officiel leur soit rendu. Nous le devons à notre action et à notre travail mémoriel, à l’écoute et à l’engagement voici 10 ans devant les familles et les derniers compagnons de ces Résistants, du Député-Maire de Nantes Jean Marc Ayrault aujourd’hui Premier Ministre. Nous lui renouvelons notre reconnaissance.

Monsieur le Maire, il nous faut aujourd’hui poursuivre ensemble ce nécessaire travail de mémoire. Le Bêle change, votre travail de bâtisseur du Nantes du 21è siècle,sort ce lieu de son isolement. Il n’est plus un terrain aux marges de la ville. Il devient un quartier jeune et agréable. Ce lieu de mémoire, au coeur d’habitations nouvelles, évoque,avec l’oeuvre de Jules Paressant et le totem mémoriel, les 50 otages mais nous la référence, mis à part cette plaque, aux autres Résistants ici martyrisés reste des plus discrète

L’appel des noms de tous les fusillés, avec le talent et l’humanité de Claudine Merceron et Martine Ritz à l’instant, soulève notre émotion. Mais au-delà de celle-ci, l’approche historique est nécessaire afin d’analyser, de comprendre le courage de chacun de ses hommes et femmes et leur détermination face aux sbires de Vichy, face à la Gestapo.

C’est cette approche historique, avec la prise en compte des engagements respectifs de ces militants politiques ou syndicaux dans un contexte de chasse aux communistes conduite sous le prétexte du pacte germano-soviétique, ce sont les enseignements tirés de ce chemin parcouru, avec ses souffrances et sacrifices, qui nous aident à cerner comment la Résistance a pu grandir année après année, jusqu’à la réalisation de son unité.

La création du Conseil National de La Résistance sous l’autorité de Jean Moulin et dont nous célébrons cette année le 70è anniversaire , fait encore référence.
Le CNR permit au pays de préparer sa libération avec le concours des Alliés, de redonner à la France sa place dans le concert des nations, en se dotant en 1944 d’un programme novateur de progrès social et d’avancées démocratiques, économiques et politiques, s’émancipant des forces de la finance qui avaient sombré dans la collaboration. Un programme ambitieux de reconstruction du pays et de conquêtes sociales, comme la sécurité sociale dont nous bénéficions aujourd’hui ou le droit de vote pour les femmes…

20130216_CommemorationBeleNantes_3538_OkW_PhotoPatriceMorel.jpg

Expliquer ce qu’un pays a été capable de réaliser alors qu’il devait se relever d’un champ de ruine, n’est-ce-pas démontrer que répondre aux attentes sociales des citoyens, organiser leur participation aux décisions ne constituent pas un handicap, mais au contraire une solution pour surmonter les problèmes avec plus d’efficacité qu’une gestion dont la finalité est le profit d’une minorité et l’austérité pour les autres.

Quelles leçon aussi pour aujourd’hui, cet espoir qui jamais ne les avait abandonné ! Et jusqu’à l’aube de leur exécution, la certitude de la victoire, si forte dans leur ultime lettre d’adieu. Conviction renforcée par les nouvelles de la défaite des nazis à Stalingrad, qui malgré tout leur parvenaient au fond des cachots.

Enseigner les pages d’histoire écrites de leur sang, les raisons de la montée du fascisme et du nazisme, c’est interpeller les consciences devant la banalisation des idées nauséabondes, des populistes et néo-fascistes, nationalistes, racistes, xénophobes alimentés en période de crise par les frustrations, la paupérisation, les peurs entretenues. Ces entreprises de banalisation de l’extrême droite n’épargne pas La France.

Oui, le ventre de la bête immonde est encore fécond. En Europe, l’extrême droite détient une quarantaine de sièges au parlement à Strasbourg et est présente dans seize assemblées nationales avec des scores frisant les 30% en Pologne . Ses idées sont au pouvoir en Hongrie, où paradent ses groupes para-militaires. La liberté de la presse y est ouvertement remise en cause. Des communautés y sont discriminées pour leur appartenance ethnique. Des statues au dictateur Horthy, allié d’Hitler et de Mussolini y sont érigées. Hélas nous pourrions multiplier les faits qui constituent autant d’alertes et n’épargne pas La France

Rendre hommage aux combattants de la liberté, n’a donc rien de passéiste . C’est là, oeuvre nécessaire pour éveiller, mettre en garde. Aujourd’hui plus personne ne devrait dire: «je ne savais pas». C’est l’Histoire, la connaissance des faits qui enseignent comment «Cela a commencé» dans les années 30 et comment cela s’est terminé sur notre continent dans des pays pourtant civilisés.

Rappeler le parcours de Paolo Rossi, de Gerson Kramnitzki, d’Armand Feldmann, de Simon Bronstein, de Jacques Jorissen de Victor Ruiz de Siefried Holzmann, celui de Benedicto Blanco Dobarro, de Basilio Blasco Martin, d’Alfredo Gomez Olléro, d’Ernesto Priéto Hidalgo, de Miguel Sanchez Tolosa, unis à leurs camarades français jusqu’à leur dernier souffle, c’est enseigner la grandeur humaine du refus d’un repli communautaire mutilant. Ces étrangers, nos frères pourtant, chantait justement le poète, n’étaient un danger que pour l’envahisseur, mais un apport enrichissant pour la France combattante et son peuple.
Se souvenir, lutter contre l’oubli, contre l’abandon de l’enseignement de l’histoire à l’école, démontrer que l’identité d’un être humain est bien autre chose que son appartenance à tel où tel groupe, c’est s’élever face à l’obscurantisme, c’est oeuvrer afin que l’humanité ne revive plus les catastrophes humanitaires des guerres engendrées par les forces fascistes de l’axe et les affairistes qui les financèrent en attendant le retour sur investissement sur le dos des peuples.

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L’Allocution de Patrick RIMBERT; Maire de Nantes

Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis ce matin pour commémorer ensemble le 70ème anniversaire de l’exécution, par les Nazis, des résistants condamnés lors du procès des 42 et du procès des 16 et, à cette occasion, inaugurer la rue Louis et Louise LE PAIH.

Vous êtes nombreux à connaître ces évènements tragiques. Je crois pourtant nécessaire d’en rappeler les grandes lignes, car ils donnent sens à notre rassemblement d’aujourd’hui.

Très rapidement après la défaite, la Résistance s’est organisée à Nantes. Peu de villes ont connu une activité si intense contre l’occupant: sabotages, attentats, constitution de réseaux de renseignements, très précieux pour les Alliés, fabrication de faux papiers, distribution de tracts….. C’est naturellement un motif de fierté pour nous tous. La Nation nous a d’ailleurs exprimé sa reconnaissance en faisant de Nantes une des cinq communes françaises à qui a été attribué le titre de Compagnon de la Libération. Mais que de souffrances pour cela parmi la population, que d’actes d’abnégation, de courage et même d’héroïsme aussi. Car c’est bien d’abnégation, de courage et d’héroïsme qu’il faut parler à propos de ceux dont nous honorons
ce matin la mémoire.

Les deux procès n’ont pas tout à fait la même histoire, mais ils révèlent la même chose: que le courage et l’idéalisme, un instant broyés par la tyrannie et la force brutale, peuvent triompher grâce à des hommes et des femmes d’exception.

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Le procès des 42 fait suite à l’arrestation, durant l’été 1942, d’un important et très actif réseau FTP, opération organisée conjointement par les Allemands et, hélas, la police de Vichy. Cette participation de Français rend encore plus douloureux cet épisode de notre histoire, mais elle ne doit pas être occultée car, comme l’a rappelé François Hollande dans son discours du 22 juillet dernier, à propos de la rafle du Vel d’Hiv, si «la vérité est dure, cruelle», l’implication de Français ne doit pas faire oublier que de tels actes furent « aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs. Ces mêmes valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l’honneur ».
L’occupant choisit alors de faire du procès de ces Résistants, qui étaient en fait 45, tous communistes, un instrument de terreur à l’égard de la population. Rien ne fut négligé: salle d’audience tendue de drapeaux à croix gammée, presse aux ordres largement conviée et bien sûr iniquité du procès, au cours duquel tout fut fait non seulement pour faire condamner, mais aussi pour salir les accusés, présentés comme des criminels de droit commun, rejetés de la masse des Français. Face à cela, les prévenus ont conservé une attitude très digne, chantant même La Marseillaise, devant leurs juges éberlués, juste après le verdict qui condamnait la plupart d’entre eux à la mort. Dès le lendemain, avant même que le délai de dépôt du recours en grâce ait expiré, 9 d’entre eux étaient fusillés au Bêle. Les autres suivront, les 13 février et 7 mai.

Je tiens à souligner la présence, parmi les condamnés, de cinq Espagnols, Républicains arrivés en France suite à la victoire du Franquisme et qui se sont engagés dans la Résistance sur notre sol. Ils s’appelaient: Alfredo GOMEZ-OLLERO, Benedetto BLANCO, Basilio BLASCO MARTIN, Miguel SANCHEZ et Hidalgo PRIETO. Il me semble important de le rappeler, car
leur engagement est particulièrement exemplaire. Chassés de leur pays, pas toujours, hélas, bien accueillis en France, où nombre d’entre eux ont été installés dans des camps sommaires et la plupart souvent tenus en suspicion, ils ont dépassé tout ceci pour reprendre leur combat contre le fascisme et son abjection, comprenant bien que c’était le même combat pour les valeurs de liberté et d’humanité qui se poursuivait. Leur contribution à la lutte sur notre territoire fut loin d’être négligeable: on estime qu’il y avait environ 60 000 maquisards espagnols dans le Sud-Ouest en 1944, où ils libérèrent seuls la ville de Foix. Au total, 12 000 républicains espagnols seront acheminés vers des camps de concentration ou de travail entre le 6 août 1940, qui marque le premier départ vers Mauthausen, et mai 1945

Le procès des 16 s’est tenu pour sa part en août 1943. Toujours intenté à des résistants communistes, il sera aussi discret que celui des 42 avait été retentissant. Mais sur le fond, rien ne change: l’instruction et les audiences sont une mascarade, la mort sanctionne pour la plupart le passage devant ces juges si éloignés de la justice.

Bien sûr, l’un comme l’autre de ces procès ont échoué. Non que les inculpés aient pu échapper à un sort funeste: 37 exécutions à l’issue du premier procès, 13 lors du second. Mais loin de briser la volonté de résistance de la population, ils ne feront qu’attiser sa haine des Allemands. D’autres hommes et femmes prendront le relais des morts glorieux, illustrant les
paroles du champ des partisans: « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre, à ta place ». D’ailleurs, tout y poussait: le régime de Vichy montrait de plus en plus clairement son visage d’odieux vassal du nazisme, notamment à travers l’instauration du STO, tandis qu’après Stalingrad et le débarquement allié en Afrique du Nord, l’espoir changeait de camp.

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On pourrait imaginer que ces deux procès aient fortement marqué les consciences et fait l’objet, dès l’après-guerre, de larges commémorations. En fait, il n’en fut rien. Sans doute à cause du retentissement de l’exécution des 50 otages, qui a occulté tous les autres crimes de guerre dans notre région, peut-être aussi, en cette période de guerre froide, du fait de
l’appartenance exclusive des condamnés au PCF, il faudra attendre 2003 pour qu’un véritable hommage officiel leur soit rendu, même si, dès 1993, la Ville de Rezé, qui honorait déjà régulièrement, ses 13 victimes avait entrepris de sortir leur mémoire de l’oubli. Nous n’avons bien sûr pas à juger de cette trop longue occultation, mais nous pouvons que la regretter, car
l’héroïsme ne se graduant pas, la reconnaissance et l’hommage qui lui sont dus ne peuvent être comptés. Il faut donc remercier tous ceux, en particulier le collectif « Procès des 42 », qui ont lutté pour que cesse cette injustice.

Notre rassemblement de ce matin vise à poursuivre la réparation de cet oubli, désormais bien entamée, par la cérémonie elle-même et l’inauguration de la rue Louis et Louise LE PAIH. A travers ces deux personnalités exceptionnelles, c’est en effet à tous leurs camarades, morts
avec eux, pour la même cause et pour les mêmes idéaux, morts ensemble parce qu’ils refusaient la même abjection, que nous rendons hommage. Ce que je sais d’eux me rend certain que c’est ce qu’ils auraient désiré. Ce sont en effet des gens dont l’engagement n’est pas le fruit du hasard, mais bien d’une histoire personnelle au service de l’amélioration de la condition humaine, en particulier des travailleurs. Louis Le Paih était, avant-guerre, l’un des responsables nantais du syndicat CGT du bâtiment. A ce titre, il a été l’un des dirigeants de la grève nantaise du bâtiment en 1938. A partir de 1939, il a travaillé à l’entreprise des Batignolles qui fabrique des locomotives. Cette entreprise où les militants communistes sont nombreux et très actifs est passée sous contrôle allemand à partir de l’été 1940.

Dès 1941, la police nantaise est chargée d’arrêter Louis LE PAIH en tant que militant communiste. Il passe alors dans l’illégalité et devient rapidement l’adjoint de Jean Vignau-Balous, interrégional militaire de « l’Organisation Spéciale » (OS) pour tout l’Ouest de la France. Avec ses camarades des Batignolles (Auguste Chauvin, Raymond Hervé, Gaston
Turpin), il participe directement à de multiples sabotages.
Après les arrestations de l’été 1942 qui ont totalement décapité la résistance communiste tant du point de vue militaire que politique, il joue un rôle essentiel dans sa réorganisation. Dès novembre, un groupe est opérationnel et sa première action est un coup d’éclat. En effet, le 14 novembre 1942, ce groupe FTP attaque les Allemands devant le cinéma Apollo, faisant un mort et plusieurs blessés graves. D’autres actions suivront, comme le sabotage en janvier 1943 du pont tournant du Grand Blottereau, mis hors d’usage pour plus d’une semaine. En deux mois, le bilan est impressionnant. Mais ce nouveau groupe est, lui aussi, très vite identifié et démantelé.

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Le 12 janvier 1943, Louis LE PAIH est appréhendé et les Allemands essaient de le faire parler afin de compléter l’instruction du « Procès des 42 ». Il ne dit rien à la police, guère plus aux juges, à qui il lance simplement: « Au tribunal allemand, je n’ai aucune déclaration à faire ». Évadé lors d’un transfert en gare de Nantes le 3 mai 1943, il est repris le 5 et fusillé. Il n’avait que 31 ans et était père de trois enfants.

Durant toutes ces luttes, il a pu compter sur le soutien indéfectible de son épouse, Louise, qui partageait ses convictions et n’a pas plus que lui hésité à mettre sa vie en danger pour les défendre. Elle a par exemple joué un rôle actif dans l’évasion de son mari, en établissant le contact entre celui-ci et les FTP.

On est toujours profondément ému lorsque l’on évoque ces figures, car leur vie est une leçon. Rien ne les préparait plus que d’autres à ce qu’ils ont accompli. Mais ils avaient des convictions, une fois en l’homme, l’espoir de voir s’améliorer sa condition et peut-être son esprit. Ils y croyaient si fort qu’ils y ont consacré leur vie et qu’ils l’ont mise en danger pour cela. C’est finalement, je crois, ce qu’il faut retenir de leur exemple: il est donné à chacun , il faut simplement avoir le courage de l’engagement. Puissions-nous, en ces temps heureusement moins troublés et dramatiques que ceux qu’ont vécus Louis et Louise LE PAIH, ne pas l’oublier et nous efforcer d’y être fidèles.

Je vous remercie.

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Hommage aux 9 fusillés de la Blissière le samedi 15 décembre 2012 à 14h30

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L’hommage aux « 9 fusillés de La Blisière » n’avait pu être rendu depuis longtemps dans la propriété privée en toute liberté sur les lieux même de la fusillade en pleine forêt. Ce fût fait le samedi 15 décembre 2012 avec le Comité local de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, le Comité du souvenir en Loire-Atlantique et des habitants de la Région.
L’histoire : A la suite d’attentats à Paris 100 otages doivent être fusillés. Les Allemands décident d’en prendre 9 au camp de Choisel : BABIN, JACQ, AGNES, BARROUX, VIGOR, PERROUAULT, PILLET, THORETTON et GOSSET qui seront fusillés le 15 décembre 1941 en forêt de Juigné-les-Moutiers à l’étang de La Blisière en Loire-Atlantique.
Aujourd’hui, un seul arbre qui servi de poteau d’exécution est resté debout avec ses stigmates dues aux impacts de balles encore visibles. Le temps aura eu raison des autres mais la mémoire n’a pas été abattue !

POUR SE RENDRE A LA BLISSIERE

Guingette_de_la_Blissiere.jpgArriver à Châteaubriant par la rocade et suivre la direction Laval.
300 mètres avant le rond-point F Grenier, prendre le D 34 vers Juigné des Moutiers.
Après la traversée de la forêt, passer le lieu-dit “ La Teillais” ,
une fois à nouveau dans la forêt au premier carrefour prendre à gauche.
( Si, vous arrivez par Juigné des Moutiers: passez devant l’église, direction
Châteaubriant et dans la forêt au premier carrefour prendre à droite.)
Suivre la route jusqu’à la sortie de la forêt. Vous trouverez la stèle à 100m sur votre
droite. Le rendez-vous est fixé à la hauteur de celle-ci pour ensuite aller à pieds.
Chaussures de marche ou bottes recommandées

Bulletin novembre 2012

Le 15 janvier 1943, le « Procès des 42 » s’ouvre au Palais de Justice
de Nantes. En fait, le Conseil de Guerre de l’armée allemande juge 43
hommes et 2 femmes.

Du 15 au 28 janvier 1943, les 45 inculpés sont amenés, enchaînés devant la cour martiale allemande présidée par le Dr Hanschmann, le procureur étant le Dr Gottloeb. Seuls peuvent assister aux séances les avocats (Guineaudeau, Lerat, Lauriot, Mouquin et Pascal, aidés du traducteur Duméril), quelques officiels et des journalistes asservis à l’occupant.

Une grande partie des entretiens se fait en allemand et le réquisitoire n’est pas traduit aux accusés qui n’ont pu s’entretenir avec les avocats avant le procès.

Membres de l’Organisation spéciale (OS), créée par le parti communiste, ils vont devoir répondre, pendant deux semaines, de 49
chefs d’accusation allant d’attentats contre l’occupant à l’exécution de
« collaborateurs » ou au vol de tickets d’alimentation. Ils savent que leur vie est en jeu.

Le contexte, en effet, n’est guère favorable à la mansuétude des autorités allemandes.

Depuis un an, les actes de sabotage se sont multipliés dans la
Basse‑Loire, la plupart à porter au crédit de l’OS et le souvenir de
l’exécution du Feldkommandant Holz, le 20 octobre 1941 par de jeunes
communistes, est encore très présent dans les mémoires. De plus, en dépit des nouvelles rassurantes véhiculées par la presse collaborationniste, tel «Le Phare», les combats qui font rage à Stalingrad remettent en cause la suprématie des armées du Reich en Europe.

Enfin, les exactions allemandes de toutes sortes, les réquisitions de
plus en plus nombreuses de jeunes pour l’Allemagne, commencent à
faire basculer les esprits dans un sens favorable à toutes les formes de
résistance.

D’évidence, les autorités allemandes veulent l’exécution de tous les
accusés. Quelque soit le motif initial d’inculpation, 37 accusés sont
considérés comme des « francs-tireurs » et condamnés à mort. Trois
inculpés de vol sont condamnés à diverses peines de prison. Trois autres sont acquittés faute de preuves bien que le tribunal ne les juge pas innocents. Deux d’entre eux sont d’ailleurs déportés (Roger Guédon et Ernest Le Goff).

Aussi, Allemands et collaborateurs de tout poil cherchent-ils à
criminaliser les résistants.
La presse collaborationniste exulte.
Les faits, mal éclaircis pour les deux femmes Renée Losq et Marie Michel, sont renvoyés à un complément d’enquête. Celles-ci sont
déportées.

Le 28 janvier 1943, le ministère public allemand est satisfait. Le tribunal a suivi son réquisitoire.
Les demandes de grâce signées du Préfet, du Maire de Nantes, de
l’Évêque et du Pasteur n’entament pas la détermination des Allemands.

En dépit du délai de grâce qui va jusqu’au 2 février, dès le 29 janvier,
9 condamnés sont fusillés au terrain militaire du Bêle à Nantes.
25 autres le seront le 13 février 1943.
Les trois derniers sont exécutés le 7 mai 1943.
De nouvelles arrestations surviennent; en août un nouveau simulacre de procès dit des 16 se déroule et se conclue par encore 13 exécutions.

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Témoignage de Monsieur Yves Calurel Le Pouliguen, le 17/12/2012

J’ai lu l’article du journal concernant la Blisière.
Personnellement, je ne peux pas oublier le lendemain de cette fusillade. Monsieur Maillard fils est venu le matin à Pouencé voir mon père qui était artisan peintre. Il lui demanda de la peinture bleue, blanche et rouge, afin de peindre sur les arbres, témoins de cette fusillade. Mon père lui proposa mon aide et ma participation. Etant jeune apprenti, ce travail ne fut pas facile sur l’écorce ensanglantée et en ajoutant la peur.
Après la guerre, la Blisière était un lieu de distraction le dimanche à la guinguette (bals et danses) J’y allais quelquefois et je ne pouvais oublier ce lieu est m’y recueillir . Je le faisait visiter à des amis étonnés.
Ceci est un triste rappel et sans prétention je vous adresse mes félicitations pour entretenir ce triste lieu.
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11 Novembre 2012

Dessin paru dans l’Humanité du 12/11/2012.
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Le Conseil des ministres du 3 octobre, en créant une mission chargée de préparer la commémoration des anniversaires des deux guerres mondiales, justifie en évoquant « la continuité des deux conflits» un mélange des genres.

Régulièrement, émerge la remise en cause des grandes commémorations nationales patriotiques, dans le but de les banaliser et de les vider de leur sens historique et des valeurs qu’elles portent.

Le gouvernement et sa majorité UMP, en ce début d’année 2012 faisait voter une loi sur le sens du 11 Novembre, servant l’objectif d’uniformisation de la mémoire. Projet que condamnait le candidat socialiste F. Hollande.
L’objectif est d’entretenir la confusion et l’oubli de la spécificité de toutes les guerres auxquelles notre pays a été confronté, alors qu’il est de tradition, dans notre République, de rendre hommage aux anciens combattants de chacune d’elles, à chaque date anniversaire historique de la fin de chaque conflit.
Si nous ne voulons pas que toutes les mémoires soient amalgamées, c’est tout simplement pour que chaque génération réfléchisse et tire les enseignements de chaque guerre.

Le 11 Novembre 2011, le message du Président de la République: « En mêlant, indistinctement, tous les champs de bataille, accréditait l’idée que le combat des poilus sacrifiés à Verdun, en 1916, aurait le même sens que la mort de nos malheureux engagés militaires français tombés dans les guerres coloniales. Est-ce que mourir sous les balles et les obus nazis, dans le verrou de Sedan ou au Mont Valérien, a la même signification que d’être, hélas, tué sur les rives du canal de Suez en 1956 ? ».

En confondant des événements et engagements qui n’ont pas la même portée historique et humaine, le risque est que tout soit fondu dans une même condamnation abstraite de la guerre, qui empêche de réfléchir sur ses causes. En ne distinguant plus les situations, en unifiant les conflits, on aboutit à une vision aseptisée de l’histoire et de la mémoire collective, qui ne permet plus de comprendre le passé et de construire lucidement l’avenir. Mais sans doute est-ce là l’objectif recherché, si l’on en juge par la place désormais accordée aux programmes d’histoire dans l’enseignement secondaire.

Fort justement, des historiens et les enseignants de cette matière s’en émeuvent. Et ils regrettent aussi que dans les nouveaux programmes d’histoire, les guerres soient envisagées comme un tout, parfois traitées ensemble, ce qui conduit à des rapprochements erronés ou fallacieux. Rassembler les conflits du vingtième siècle dans le concept flou de « guerre totale » réduit ces conflits aux efforts et souffrances qu’ils ont engendrés, sans en aborder les enjeux, sans évoquer la contextualisation politique et idéologique de ces catastrophes successives.

En privilégiant la « folie des hommes », pour reprendre les mots de l’ancien Président Sarkozy, enseigner l’histoire des guerres reviendrait seulement à extirper le mal, le mal présent en chacun de nous. À cette aune, tout se vaut, et c’est alors la défaite de la volonté de comprendre.

Nantes le 9 novembre 2012