Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant de Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

Commémorations du 82ème anniversaire

La flamme de la Résistance ne s’est pas éteinte.

               Nous étions près de 3 000.

Il y a 82 ans, 48 otages étaient fusillés par les nazis  à Châteaubriant, Nantes et au Mont-Valérien. Chaque année, des cérémonies leur rendent hommage. Il s’agit de la plus importante manifestation commémorative de la Résistance en France. Cette année encore, la mémoire est restée intacte, l’émotion toujours aussi grande.

INDRE

Le Comité local du Souvenir d’Indre a organisé sa cérémonie en mémoire d’Eugène et Léoncie Kerivel et de 2 résistants indrais le 15 octobre. Annoncée par des articles dans Presse-Océan et Ouest-France, la cérémonie a rassemblé 60 personnes en présence du maire d’Indre Anthony Berthelot et de la maire de Couëron Carole Grelaud, avec la participation des élèves de CM2 des écoles publiques d’Indre dont certains porte-drapeaux juniors. C’est sur le Môle près du marché que le rendez-vous a été donné à 8 h 45, avec un dépôt de fleurs sur le Palis d’ardoise peint aux visages d’Eugène et de Léoncie Kérivel. À 9 h, les musiciens de la fanfare de l’école de musique ont conduit les participants jusqu’au cimetière.  Le dépôt de gerbes au monument aux Morts a été suivi de la lecture par les petits-enfants de Thierry Diquelou du poème de Paul Éluard Liberté. Nouveauté cette année : l’allocution de Jean-Luc Le Drenn, président du Comité, a été accompagnée d’une évocation artistique de Claudine Merceron et de Pascal Gilet. Jean-Luc Le Drenn a notamment déclaré que «  la transmission des valeurs de la résistance auprès des jeunes générations est nécessaire dans un monde tourmenté confronté au fanatisme religieux, aux idées fascistes racistes communautaristes » avant de souligner l’aide précieuse de la municipalité indraise : « La mairie a commandé plusieurs drapeaux juniors pour les quatre enfants porte-drapeaux et un drapeau floqué “Comité local d’Indre“». La présence d’élèves a permis de mesurer le travail de mémoire réalisé par le Comité envers la jeunesse indraise.

NANTES                                                                                                                                                             Veillée du souvenir

La Veillée du souvenir a réuni près de 200 personnes, le vendredi 20 octobre, devant le Monument aux 50 Otages et à la Résistance. Le président du Comité départemental du souvenir Christian Retailleau a accueilli le préfet des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique Fabrice Rigoulet-Roze, l’adjoint à la maire de Nantes Olivier Chateau, le député Mounir Belhamiti et les autorités civiles et militaires.

Puis le jeune maître de cérémonie Clément Leparoux a appelé, dans l’ordre protocolaire, au dépôt des gerbes, celle du Comité du souvenir et de l’Amicale déposée par Christian Retailleau et Maryse Veny-Timbaud, de nombreuses gerbes des organisations syndicales, des associations mémorielles et du PCF*, du député, de la municipalité et du préfet. Après l’appel aux morts, La Marseillaise, la minute de silence et le Chant des partisans, Catherine Tuchais a pris la parole au nom du Comité du souvenir.

« Aucun combat pour la liberté, le progrès et la paix n’est jamais vain »

Elle a retracé le contexte des fusillades d’otages du 22 octobre 1941 et présenté ces 48 hommes « épris de liberté, qui avaient choisi le combat contre l’oppression nazie » expliquant comment ce massacre « a marqué un tournant dans la résistance ». « Il faut sans cesse transmettre les valeurs de la Résistance aux jeunes générations, résister aux sirènes du repli sur soi et continuer à lutter encore et toujours contre la destruction des conquêtes sociales de la Libération » a-t-elle ajouté en évoquant la mobilisation récente contre la réforme des retraites. Elle a ensuite évoqué « le contexte international où règne la division et la terreur », mentionnant les guerres en Ukraine et au Proche-Orient avant de rendre hommage à Dominique Bernard l’enseignant d’Arras, « victime du fanatisme et du refus de l’émancipation par le savoir. »

L’évocation artistique était intitulée, 80e anniversaire oblige, Dans les coulisses du CNR. Ecrite par Claudine Merceron du Théâtre d’ici ou d’ailleurs et interprétée avec brio par Pascal Gillet, Michel Hermouet et les jeunes Lili et Manolo et l’autrice. Le texte était composé des dernières lettres de Jean-Pierre Timbaud et Michel Dabat, d’extraits du journal de Pierre Rigaud, retraçant la journée tragique dans le camp de Choisel, la mise en exergue de l’action des jeunes Michel Dabat et Christian de Mondragon le 11 novembre 1940 et celle des anciens combattants qui avaient mis en place des réseaux d’évasion des prisonniers de guerre. Autant de « graines de l’espoir » qui commencèrent à germer avec la création du CNR le 27 mai 1943, nouvel indice après Stalingrad en février que « Hitler n’est plus invincible ».

Lors de la réception à l’Hôtel de ville, Olivier Chateau a rappelé l’intérêt que porte la municipalité à l’activité du Comité du souvenir et à l’importance du travail de transmission de cette Histoire auprès des nouveaux Nantais et des jeunes générations. Christian Retailleau, dans ses remerciements, a assuré la municipalité de la détermination du Comité.

*Outre les gerbes déposées par le préfet, le député et celle de la municipalité, citons celles de la CGT : UD (Fabrice David),UL (Nelly Goyet), Fédération des industries chimiques (Christophe Janot), Municipaux ( Anita Gadet), FAPT, Cheminots ( Stéphane Godart), Airbus (Laurence Danet), Retraités 44 (Yannick colin), Retraités Nantes (Michel Charrier) ; FSU(Marie Raynaud), PCF 44 (Aymeric Seassau et Pédro Maia), PCF Nantes (Pascal Divay et Clotilde Mathieu), Mouvement de la JC ( Gabriel Augeat), ADIRP (Yveline Larzul-Durand et Noël Leprime)

Cérémonies officielles  

Le samedi 22 se sont déroulées à Nantes les cérémonies officielles. Au monument des 50 otages d’abord, la cérémonie – le protocole étant assuré par Xavier Trochu – était présidée par la sous-préfète Marie Argouarc’h et Bassem Asseh, premier adjoint représentant la maire de Nantes Johanna Rolland en présence des autorités civiles et militaires et des représentants des associations mémorielles. Une deuxième étape a conduit les participants au champ de tir du Bêle, lieu de l’exécution des 16 otages nantais. L’appel des fusillés a été confié aux comédiennes Claudine Merceron et Martine Ritz. La dernière lettre de Jean-Pierre Glou a été lue. Comme la veille, l’anniversaire de la création du CNR a été évoqué. L’intervention s’est conclue sur la chanson d’Henri Franceschi Merci Monsieur Croizat. A noter la présence du commandant Joel Beckner, attaché militaire de l’ambassade des Etats-Unis, qui a déposé une gerbe. Ce moment officiel s’est conclu, sous une pluie battante, au cimetière de La Chauvinière où reposent un certain nombre des fusillés. La municipalité nantaise fleurit le 1er novembre les tombes de ceux qui sont inhumés dans d’autres cimetières.

CHÂTEAUBRIANT

A Choisel puis au Château. Les cérémonies castelbriantaises ont commencé, sous la pluie et un vent violent, le samedi 21 octobre par un hommage à l’ensemble des internés sur le lieu même où se trouvait le camp de Choisel. Un monument et un panneau explicatif identifient aujourd’hui ce lieu de mémoire. Une centaine de personnes étaient présentes. En présence de Catherine Ciron, représentant le maire Xavier Hunault, qui a pris la parole, Carine Picard-Nilès, présidente de l’Amicale, Sylvie Rogé, secrétaire générale et Serge Adry, président du Comité local du souvenir, des maires du Castelbriantais, et de l’attaché parlementaire du député Jean-Claude Raux,  un émouvant hommage a été rendu par Jean-Jacques Catreux à Odette Nilès, la dernière survivante du camp qui nous a quittés le 27 mai dernier. Puis une deuxième étape du parcours mémoriel a conduit les commémorants dans la cour du château médiéval, là où dans la soirée du 22 octobre sanglant, les corps des martyrs avaient été déposés  dans l’attente de la fabrication par les entreprises de menuiserie Nourrisson et Maussion de 27 cercueils – sans noms – avant leur inhumation le lendemain dans 9 cimetières de la région.

Au musée. A 17h, une centaine de personnes ont répondu, malgré la pluie et le froid, à l’invitation au vernissage de la nouvelle exposition temporaire consacrée au thème du Concours national de la Résistance et de la Déportation : «  Résister contre la Déporttation », dont la qualité a été saluée par tous. Le sous-préfet  Marc Makhlouf, Catherine Ciron, adjointe au maire et conseillère départementale ont pris la parole. Les Inspecteurs pédagogiques régionaux Michel Durif et Valérie Lejeune étaient présents. Gilles Bontemps, président des Amis du musée a rendu hommage à Jean-Paul Le Maguet, ancien conservateur du musée.

A La Blisière. Après le 22 octobre, « la liste tragique n’est pas close pour autant » comme l’avait écrit à sa femme Adrien Agnès. Le 15 décembre 1941, lui-même et huit autres internés ont été extraits de la baraque des otages. Cette fois les camions n’ont pas traversé la ville mais ont pris la direction de Soudan puis de Juigné-les-Moutiers. La fusillade a eu lieu en pleine forêt, au lieu-dit La Blisière. Claude Gaudin au nom du Comité départemental du souvenir a rappelé le contexte de cette exécution, et de celles qui se sont déroulées simultanément au Mont-Valérien (69 fusillés dont Gabriel Péri), à Caen (13 dont Lucien Sampaix), Fontrevaud (4). Après avoir évoqué chacun des fusillés, il a ajouté : « notre présence témoigne de notre volonté de préserver notre démocratie en péril. Honorer la mémoire des fusillés de La Blisière qui ont combattu la barbarie nazie au péril de leur vie, c’est permettre à tous de réfléchir et de tirer des enseignements de leur engagement et des valeurs qu’ils défendaient. »

Hommage à Odette Nilès. En fin de matinée, une réception à l’Hôtel de Ville a été l’occasion pour le maire Xavier Hunault de rendre un hommage émouvant à Odette Nilès.

Dans la carrière de la Sablière. Forte participation populaire pour ce 82ème anniversaire. Le soleil était au rendez-vous, il faisait aussi beau que le 22 octobre 1941. 2 500 personnes – beaucoup de jeunes – ont participé à cet hommage. Le cortège, parti du rond-point Fernand Grenier auquel Gwen Herbin a rendu hommage pour l’Amicale, a été emmené vers la carrière par l’harmonie municipale Les Baladins musiciens, au son du Chant des partisans, accompagnée d’une trentaine de  porte-drapeaux et de nombreux porteurs de gerbes. En ouverture de la cérémonie officielle, présidée par le préfet des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique M. Fabrice Rigoulet-Roze, des jeunes scolaires ont procédé au dépôt de terres prélevées sur des lieux de résistance dans 5 des 183 alvéoles du sous-bassement du monument créé par Antoine Rohal en 1950.

Ce projet pédagogique piloté par Romain Barre a fait intervenir cette année les établissements suivants :              
– terre du Frontstalag 181 de Saumur collectée par le lycée Sadi Carnot – Jean Bertin de Saumur
– terre du Camp Tsigane de Montreuil-Bellay collectée par le lycée Sadi Carnot – Jean Bertin de Saumur
– terre de Brême en Allemagne collectée par le Berufsbildende Schulen de Verden (Lycée professionnel)
– terre de Terezin (République Tchèque) collectée par le collège Gaston Couté de Voves
– terre de Saint Etienne de Montluc (Loire – Atlantique) collectée par le collège Paul Gauguin de Cordemais
– terre du pont de Thouars (Deux-Sèvres) collectée par le lycée Henri Dunant d’Angers
– terre des Grands-Bas à Villevêque, lieu d’atterrissage (Maine et Loire) collectée par le lycée David d’Angers d’Angers                 

Après l’appel des noms des fusillés suivi du Chant des partisans, interprété par l’Harmonie, la voix d’Odette Nilès a résonné dans la carrière. Dans cet extrait d’un entretien d’Odette Nilès avec le journaliste Daniel Mermet en 2016, elle évoque, avec beaucoup d’émotion, sa réaction et celle des internés en ce début d’après-midi du 22 octobre 1941 au moment où les otages ont été extraits du camp.

De nombreuses personnalités étaient présentes*, invitées par le maître de cérémonie Claude Nilès à déposer des gerbes au pied des 27 poteaux supportant les portraits des fusillés. En plus de ces 27 gerbes de nombreuses autres ont été déposées au pied des stèles. La Marseillaise a retentit, suivie d’une minute de silence puis du Chant des marais tandis que les personnalités saluaient les 37 porte-drapeaux présents. Des extraits des dernières lettres de fusillés ont été diffusées pendant ce salut. Carine Picard-Nilès a ensuite pris la parole.La présidente de l’Amicale de Châteaubriant a déclaré à propos d’Odette Nilès: « Oui, nous continuerons à porter son œuvre de mémoire et celle de toutes ces femmes et de ces hommes morts pour que nous vivions libres, mais sans la déformer, sans la réécrire, sans la minorer ». Faisant écho au Chant des partisans, elle poursuit : «  Ami, entends-u les bruits sourds des peuples qui ouffent de la guerre à nos portes, en Ukraine, au Haut-Karabah en arménie, sur le continent africain, en Isrraël et Palestine sous le joug de dirigeants fascistes ou fanatiques ? » * Puis le secrétaire général du PCF, dont la plupart des fusillés étaient membres, s’est exprimé à son tour : « Le 22 octobre 1941, dans cette clairière, 27 hommes tombaient sous les balles allemandes. Ving-sept noms inscrits à jamais au Panthéon de la mémoire nationale. Vingt-sept vies volées par la barbarie et qui donnèrent à la Résistance française une irrésistible force populaire. Châteaubriant est un symbole. Symbole d’un crime devant l’Histoire,symbole d’un puple travailleur qui refusa l’occupation, animé ar sa soif de justice sociale et d’émancipation.(…) Se montrer dignes de [leur] héritage, c’est contribuer à le défendre et le faire vivre partout où il se trouve menacé ; c’est mettre l’être humain au cœur de tous nos choix, c’est continuer à défendre la paix(…) 82 ans après cette commémoration demeure d’une cruelle actualité,  l’heure où les fanatismes, les extrémismes, la barbarie s’en prennent aveuglément à des civils. »

©GwennHerbin

Le Théâtre d’ici et d’ailleurs, accompagné de comédiennes et comédiens amateurs et d’élèves de CM1/CM2 de l’école Jean Monnet d’Issé dirigés par Kristine Maerel et leurs enseignant.e.s Pascaline Labbé et David Vieau (commune dont était originaire Alexandre Fourny, otage fusillé à Nantes) ont alors pris possession du plateau et interprété Les graines de l’espoir, une création de Claudine Merceron. Cette lecture théâtralisée, lue, jouée et chantée a évoqué les événements de 1941 et de la création en 1943 du Conseil national de la Résistance. Interprétée avec talent, elle s’est achevée par la chanson fétiche de ce rendez-vous annuel dans la carrière des fusillés : L’Age d’or (Léo Ferré) interprétée avec fougue et émotion par la vingtaine d’artistes et reprise en chœur par la foule qui vibre toujours à cette chanson.

©Pascal Fournet



Il restait aux nombreux cars venus de différentes régions, aux centaines de voitures stationnées sur l’esplanade Ambroise Croizat à reprendre la route et rentrer à bon port, aux bénévoles à retrousser les manches pour ranger les 2 000 chaises, démonter les stands, comme à l’équipe des cégétistes de Mines-énergie qui ont assuré la restauration rapide sur le site.

Parmi les personnalités présentes, citons le Préfet des Pays de la Loire et de Loire-Atlantique M. Rigoulet-Roze, le sous-préfet de Châteaubriant M. Marc Makhlouf, M. Xavier Hunault, maire de Châteaubriant, son adjointe Mme Catherine Ciron, conseillère départementale et plusieurs maires du castelbriantais, Aymeric Seassau, représentant la maire de Nantes, xxx représntant la mairie de Paris, Lydie Mahé, adjointe au maire de Saint-Nazaire, le député Jean-Claude Raux, la sénatrice Karine Daniel, les sénateurs Gérard Lahellec et Philippe Grosvalet, Carine Picard-Nilès, présidente de l’Amicale, et Sylvie Rogé, secrétaire générale, Christian Retailleau, président du comité départemental du souvenir accompagné de Serge Adry du comité de Châteaubriant, Jean-Luc Le Drenn, du comité d’Indre, Fabien Roussel, secrétaire général du PCF, Fabrice David, secrétaire de l’UD CGT, Myriam Lebkiri, représentant Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, Robin Salecroix et Véronique Mahé, co-secrétaires départementaux du PCF 44, Anita Charrieau et Julien Delaporte PCF 85, Assan Lakehoul, secrétaire national du Mouvement de la jeunesse communiste et Léna Raud, secrétaire nationale de l’UEC, plusieurs secrétaires généraux de Fédérations de la CGT : FILPAC, Mine-Energie, Services publics, FAPT etc. , des secrétaires régionaux Pays de Loire, Picardie, Normandie, les représentants d’organisations mémorielles ARAC, ANACR, FNDIRP, Comité parisien de Libération, Familles de fusillés, du Mont Valérien, de Souge, Familles de fusillés et massacrés de la Résistance, AFMD, Lucienne Nayet, présidente du Musée de la Résistance nationale et Gilles Bontemps, musée de Châteaubriand, Nous avons noté parmi la foule la présence de Philippe Martinez et celle Chantal Trubert, dessinatrice des portraits des 48 fusillés (également présente à Nantes à la Veillée du souvenir)

POUR EN SAVOIR PLUS

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/12/hommage-a-Odette-Niles-stele-camp-de-choisel-le-samedi-21-octobre-2023.pdf

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/12/Carine-PIcard-Niles-Chateaubriant-22-10-23-5.pdf

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/12/Fabien-Roussel_Discours_Chateaubriant_2023-1.pdf

Octobre 1941 – octobre 2023

Rassemblons-nous nombreux lors des cérémonies commémoratives à Châteaubriant, Nantes et Indre

Alors que les atteintes à la démocratie se multiplient, que les conquis de la Résistance – et dernièrement les retraites – sont systématiquement remis en cause, alors que les déformations de l’Histoire sont en vogue, que le fond de l’air est brun et que les bruits de bottes se font entendre encore aux portes de l’ Europe et ailleurs dans le monde, les rassemblements organisés à l’occasion du 82ème anniversaire de l’Octobre sanglant de 1941 ne constitueront pas seulement un hommage aux fusillés, mais aussi une réponse à cette dérive et une manifestation de notre conviction que « résister se conjugue au présent ».

Le programme des initiatives

L’Amicale Châteaubriant-Voves – Rouillé – Aincourt, organisatrice avec le Comité départemental du souvenir et ses comités locaux de Châteaubriant et d’Indre a conçu un programme comprenant de nombreuses initiatives.

14 octobreSaint-Herblain – 17h, bibliothèque Paul Eluard, avenue des Plantes rencontre avec l’historienne Dominique Comelli autour de la BD Immortels ! sur les 50 Otages

15 octobre – Indre – 8h45, place Odette Nilès (bord de Loire) puis au monument aux morts au cimetière. Hommage à Eugène et Léoncie Kérivel et aux résistants indrais.

Nantes.

Exposition des portraits des 48 otages, réalisés par l’artiste Chantal Trubert, le long du boulevard des 50 Otages

Vendredi 20 octobre – 17h45, Monument aux 50 Otages et à la Résistance Veillée du souvenir. Evocation artistique conçue par Claudine Merceron, Théâtre d’ici et d’ailleurs :  Dans les coulisses du C.N.R.  – Réception à l’Hôtel de Ville

Samedi 21 octobre – 10h, Cérémonies officielles devant le Monument aux 50 Otages et à la Résistance puis au champ de tir du Bêle et au cimetière de La Chauvinière (transport assuré par car entre ces lieux)

Châteaubriant.

Samedi 21 octobre – 14h30, rassemblement devant la stèle du camp de Choisel : hommage aux internés suivi dans la cour du Château d’un hommage aux fusillés.

17h, musée de la Résistance – vernissage de l’exposition temporaire 2023-2024 « Résister à la Déportation en France et en Europe », dans le cadre du Concours national de la Résistance et de la Déportation.      

Dimanche 22 octobre – 10h, La Blisière – Juigné-les-Moutiers. Hommage aux 9 fusillés du 15 décembre 1941  

13h30 – rassemblement au rond-point Fernand Grenier.                                                                       Hommage à Fernand Grenier puis départ en cortège vers la carrière de La Sablière derrière les porte-drapeaux et porteurs de gerbes. Cérémonie officielle, hommage à Odette Nilès, allocution de Monsieur Fabien Roussel, député, secrétaire national du PCF.

 Evocation théâtrale conçue par Claudine Merceron et Elodie Retière et le Théâtre d’ici et d’ailleurs.

Des stands de restauration rapide seront à disposition du public ainsi que des stands de littérature avec dédicaces d’auteurs.

Transport gratuit par cars, organisés par les villes de Nantes et Saint-Nazaire       
Nantes
10H30 – Départ place du Vieux Doulon ( arrêt bus)                                                                  
10h40 – Boulevard de Sarrebrück (arrêt Haubans)                                                                        
10h50 – Place Pirmil ( station tram/bus)                                                                                           
11h00 – Chantiers navals (station tram/bus)   
11h05 – Place Zola (arrêt côté Renardières)                                                                                       
11h10 – Place des Châtaigniers  / Abel Durand (arrêt Massacre face à Carrefour)                        
11h 25 – Eglise du Pont du Cens (arrêt bus)   
11h30 – Le Cardo (station tram/bus)      
Saint-Nazaire
11h00 – départ parking du Théâtre, côté CIL  
11h15 – Trignac- Place de la Mairie                                                                                                   
11h40 – Montoir-de-Bretagne, place du marché                    
Inscriptions
Nantes – comitesouvenir@resistance-44.fr   ou 06.33.83.74.35                                              
 Saint-Nazaire – alain.trigodet@free.fr ou 06.95.70.63.96               
Restauration rapide sur le stand Mines-Energie CGT à l’entrée de la carrière ou pique-nique
Retour à l’issue de la cérémonie par le même itinéraire.
Invitations  de la bibliothèque Paul Eluard à une animation le 14 octobre autour de la BD Immortels !  

Le 22 octobre avant, pendant et après la cérémonie, la librairie de l’Amicale de Châteaubriant et le stand du Comité de Loire-Atlantique vous accueilleront et vous proposeront des livres sur la Résistance et notamment sur les fusillés de Châteaubriant et de Nantes. Vous pourrez obtenir des dédicaces des auteurs.

Outre la BD Immortels ! ci-dessus

sera proposé le livre

EN VIE, EN JOUE, ENJEUX. Les 50 Otages de Didier Guyvarc’h et Loïc Le Gac, préface de Thomas Fontaine

Ouvrage de référence sur la naissance de la résistance, le code des otages, l’internement administratif, les fusillades du 22 octobre 1941, le parcours des fusillés et la mémoire de cet évènement et ses évolutions au fil du temps.

Adrien AGNES (1899-1941) est un ingénieur agronome, chef de service à la mairie de Stains (93) où une rue porte son nom. II était domicilié à Aubervilliers. Le quai le long du canal Saint-Denis porte son nom. « La liste tragique n’est pas close » écrit-il : il a été fusillé à La Blisière, en Forêt de Juigné-les-Moutiers le 15 décembre 1941.
Le 22 octobre 1941 à Châteaubriant,             minute par minute

consigné dans une lettre d’Adrien AGNES

Dans une lettre adressée sa femme, Adrien Agnès, relate, minute par minute les événements des 20 au 22 octobre 1941 dans le camp de Choisel. Sa lettre a été publiée ensuite sous forme d’un tract de 4 pages, intégralement reproduit dans le livre En vie, en joue, enjeux de Didier Guyvarc’h et Loïc Le Gac, préface de Thomas Fontaine, édité aux éditions du CHT.

Châteaubriant, Choisel.

Ma chère femme,

Maintenant que le désastre est accompli je veux que tu puisses réaliser le drame dans toute son horreur. Aussi je vais te le relater depuis son origine, minute par minute.

Lundi 20 octobre, nous apprenons au camp vers dix heures qu’un officier allemand vient d’être assassiné à Nantes. Je me trouvais au bureau du lieutenant, attendant d’être reçu par lui, car je venais réclamer contre la retenue faite sur mon mandat d’une façon arbitraire. On ne m’a pas reçu mais au contraire on nous a renvoyés à nos baraques respectives, en nous indiquant que nous ne serions reçus ni ce jour, ni les suivants.

A 11 heures, l’officier de la Kommandantur vient conférer avec la direction du camp. Il faut désigner des otages. Les dossiers sont remis au nombre de 200 environ au chef de cabinet du sous-préfet. Celui-ci se rend à Paris au ministère de l’Intérieur et là on choisit les otages.

Ce même jour, les troupes allemandes gardent le camp. Il nous est signifié à nous et surtout à la baraque 19 de ne sortir sous aucun prétexte après la nuit jusqu’au matin neuf heures.

Vers vingt et une heures, trois coups de fusil sont tirés, simultanément, d’un mirador. Les sentinelles ont aperçu des ombres dans le camp. Une balle traverse le toit de la baraque 10 et ricoche pour venir traverser une vitre à hauteur du lit d’un camarade qui était couché.

Mardi 21 octobre. La garde du camp par les Allemands est relevée à neuf heures du matin. Toute la journée se passe dans une atmosphère lourde de menaces. On pense qu’il doit être désigné des otages parmi les internés. Le soir à vingt et une heures, les Allemands reprennent la garde.

Avant cela, nous avons confirmation que Monsieur Poli, le chef de Cabinet du Sous-Préfet, est parti pour Paris au ministère de l’Intérieur avec la liste des détenus et que parmi ceux-là trente des nôtres doivent être désignés. Nous savons que c’est notre baraque qui doit fournir le contingent exigé. Nous en déduisons qu’étant vingt et un dans ce local, neuf des autres baraques devront compléter cette liste.

Nous discutons cette nuit-là assez tard, et nul ne se fait d’illusions sur le sort qui nous attend : c’est une veillée funèbre, néanmoins aucun de nous ne manifeste d’angoisse ni de crainte. Sans crânerie chacun attend la suite du drame et la seule appréhension que l’on puisse avoir et dont on discute c’est : serons-nous guillotinés ou fusillés ?

Dans la nuit, un nouveau coup de feu est tiré sur une ombre imaginaire. Cela nous rappelle la façon dont nous sommes gardés et l’interdiction de sortir qui nous a été faite.

Chacun de nous va se coucher et cherche à dormir, ce qui nous est bien difficile. Nous avons discuté le soir sur le sort qui nous attend, Granet, Timbaud, Michels, Grandel, Auffret, Bartoli, Barthélémy sont assis sur mon lit et chacun dit son mot ou son appréciation sur la situation.

Mercredi 22 octobre. Le réveil est plus sombre qu’à l’ordinaire ; chacun sent la menace sur le camp. A 9 heures, nous allons chercher le café.

Vers dix heures, le sous-préfet, le lieutenant Moreau et le lieutenant Touya passent devant la baraque et vont examiner la porte du camp qui donne sur la route de Fercé. Examinent-ils la possibilité de faire passer la voiture par cette porte ? C’est possible comme nous le comprendrons plus tard.

Quelques instants après, le lieutenant Touya réunit ses gendarmes pour passer les consignes nouvelles. Tous sont consignés au camp et la brigade qui avait été relevée a été ramenée, d’après un ordre reçu en cours de route. La plupart de nous font des déplacements au camp P 1 et beaucoup, c’est pour revoir une dernière fois les camarades.

Midi. Nous nous mettons à table et nos camarades aidés de Michels font cuire du poisson que nous avons reçu.

A 13 heures, le repas terminé, beaucoup se mettent à écrire à leurs familles. Que raconter à celles-ci, sinon des faits sans importance et qui sont loin de notre pensée.

Maurice, Victor et Jacq se promènent ensemble, Timbaud et Granet se promènent avec Poulmarc’h. De ma fenêtre on a vue sur tout le camp P 2. Barthélémy, qui partage la même table que moi, et qui est en train d’écrire à sa femme détenue à la prison de Niort, pousse une exclamation d’étonnement.

Il est 13h30. Les gendarmes viennent en ordre et au pas de marche se ranger vers la porte qui ouvre sur notre camp. L’adjudant de gendarmerie poste les hommes à l’intérieur du P 2 tout le long des barbelés à raison d’un homme tous les 10 mètres.

A ce moment les Allemands apparaissent, suivis du lieutenant Touya. Un seul mot dans la baraque : « Ça y est, c’est pour nous, ils viennent nous chercher. » Les lettres sont interrompues ainsi que les promenades. Tous se précipitent aux fenêtres pour voir ce qui se prépare.

Les Allemands installent un fusil mitrailleur au milieu de la cour du camp P2 face à la baraque centrale n°6. Tous les prisonniers sont enfermés dans leurs baraques respectives avec un gendarme en faction à chaque porte.

Le lieutenant Touya suivi de l’officier allemand et de nombreux gendarmes, ouvre la porte qui commande l’entrée de notre camp et cette troupe se dirige vers notre baraque. Les cœurs sont serrés, mais aucune peur, aucun malaise parmi les vingt présents à la baraque.

Le lieutenant ouvre la porte, salue cérémonieusement. Il entre, suivi de l’officier allemand. Il prononce ces mots : « Salut messieurs, préparez-vous à sortir à l’appel de votre nom. » Nous sommes tous prêts, massés devant mon lit qui est le premier à gauche en entrant.

Le lieutenant appelle alors : Michels, Poulmarc’h, Granet… et au fur et à mesure de l’appel  les désignés sortent et chacun attend  l‘appel de son nom. Après en avoir appelé seize de notre baraque, on appelle alors Delavacquerie. Le docteur Jacq répond que c’est au camp P 1. Aussitôt le lieutenant se retire en fermant la porte, et les camarades sont entraînés au camp P 2 dans la baraque 6.

Les six qui restons non appelés nous nous regardons avec stupeur, nous n’avons eu peur ni les uns ni les autres et la seule impression qui nous domine en ce moment tragique, c’est l’étonnement d’être encore ici et de n’avoir pas été désignés, mais la liste tragique n’est pas close pour cela.

Dans le même apparat, les autorités se dirigent vers le camp P 1 et à la baraque 1, elles appellent Kérivel, à la 3 David, Bastard et Le Panse, à la 4 Delavacquerie et Lefebvre, à la 8 Tellier et Lalet, à la 9 Pourchasse et Vercruysse, enfin à la 10, Môquet.

Tous ces camarades sont emmenés à leur tour au camp P2 et au passage on prend Gardette à l’infirmerie. Les 27 camarades sont enfermés dans la baraque 6. On permet à Kérivel de faire ses adieux à sa femme, qui est dans le camp, internée comme lui. A chaque otage on remet alors une feuille de papier et une enveloppe pour que chacun écrive ses dernières volontés.

Il était 13h50 quand les gendarmes se sont dirigés vers notre baraque. A 14 heures, tous les condamnés sont enfermés dans la baraque 6 entourés de gendarmes et des autorités. Chaque fenêtre et chaque porte ont été condamnées avec les lits dressés contre la paroi.

Nous suivons la course des minutes sur la montre et tu dois comprendre dans quel état d’esprit et dans quelle angoisse nos voyons arriver le curé qui a été mandé par les autorités.

Aucun condamné n’accepte son ministère, mais plusieurs d’entre eux lui ont confié de leurs objets ou correspondance. Il serait intéressant de savoir qu’elles ont été les paroles confiées à cet homme et son impression sur l’attitude et la valeur de nos malheureux camarades. Il ne sortira de la baraque que quelques minutes avant l’expiration du délai qui leur été accordé, c’est-à-dire 14 h25.

A 14h30, nous voyons arriver sur la route des camions allemands qui doivent emmener nos malheureux camarades. A ce moment nous entendons chanter La Marseillaise par les condamnés. Les camarades du camp P 1 reprennent le chant à leur tour.

A 15 heures précises, les camions sont venus se ranger devant la baraque 6. Le lieutenant ouvre la porte et commence le dernier appel. A l’annonce de son nom chacun se présente. Les gendarmes fouillent et vident toutes les poches, ils attachent les mains de nos amis et les font monter dans le camion.

Chaque camion prend neuf camarades. Ceux-ci n’arrêtent pas de chanter La Marseillaise et nous font des dignes d’adieu car ils nous voient de la fenêtre.

Ténine interpelle l’officier allemand et dit d’abord : « C’est un honneur pour un Français de tomber sous les balles allemandes. » Puis, désignant Môquet qui n’a que dix-sept ans, il dit que c’est un crime de tuer un gosse. Môquet répond : « Laisse Ténine, je suis autant communiste que toi. »

Timbaud s’adresse au lieutenant Touya, mais on ne distingue pas ce qu’il dit. Michels, parlementaire déchu pour avoir désapprouvé la guerre à l’Allemagne, est fusillé par les Allemands.

A 15h15, tous les camions sont prêts. Les gendarmes se figent au garde-à-vous, et tous pleurent devant l’attitude héroïque de nos amis. Les camions s’ébranlent et quelques minutes après ils passent sur la route qui longe le camp et les voix de nos frères qui chantent toujours s’entendent encore.

Nous sommes avisés qu’ils vont être fusillés à seize heures quinze. Nous ne saurons que plus tard que le lieu d’exécution est une carrière de sable à deux kilomètres de Châteaubriant.

Tout le monde sort des baraques et nous nous rendons aussitôt vers la baraque 6. Sur les parois nos camarades ont inscrit leurs derniers espoirs et c’est d’une main ferme qu’ils ont tracé là leurs suprêmes espérances et leur confiance inébranlable dans l’avenir.

A 16 h 15 exactement, chaque camp se réunit et appelle chaque victime. Un autre répond : Fusillé. Un silence absolu règne dans le camp. Nos amis ne sont plus. Ils sont tombés 9 à la fois et les 3 salves se sont succédées et ont été entendues à 15h50, 16 heures et 16h10.

Le soir arrive. Nous avons les premiers échos de l’acte dernier de la tragédie. Les camarades ont traversé Châteaubriant sans cesser de chanter La Marseillaise. Les gens sur leur passage se découvraient respectueusement. L’émotion dans la ville est à son comble. A côté de la carrière, les gens de la ferme avaient été enfermés chez eux et consignés.

L’angoisse est toujours dans le camp car il faut encore 52 otages dont la moitié doit être prélevée au camp.

Jeudi 23 octobre. – Le matin est toujours aussi chargé de menaces. Pourtant vers midi, l’officier de la Kommandantur vient informer le lieutenant Touya que l’on ne prendra plus d’otages dans le camp, la conduite de nos amis a été si héroïque que l’officier allemand dit : « Les communistes français sont des braves et ne ressemblent pas aux communistes allemands. »

Notre appréhension s’efface peu à peu mais la douleur d’avoir perdu de tels camarades se fait ressentir maintenant plus fortement que la veille. Malgré les affirmations qui viennent de nous être faites nous nous estimons toujours sous le coup d’une menace.

Nous apprenons dans quelles conditions nos camarades ont été exécutés. La carrière de sable qui a été utilisée porte encore les traces des poteaux contre lesquels furent collées les victimes. Pour chaque homme il y avait un peloton de 10 soldats.

Les corps furent mis dans les camions et transportés au château. La terre est pleine de sang. On nous dit que beaucoup de gens du pays se sont rendus à la carrière et ont contemplé les traces de cette tragédie.

Vendredi 24 octobre – Les corps de nos camarades auraient été mis dans des bières de chêne. Les cercueils ont été dirigés par dans neuf communes différentes et nos amis reposent maintenant en cette terre bretonne qu’aucun de nous n’avait considérée comme devant recevoir son sang et d’une façon aussi barbare.

Cette page d’histoire restera la flétrissure indélébile de ceux qui l’ont ordonnée.

D’autres détails ne sont pas moins terribles. Ténine venait de perdre son gosse qu’il adorait. Huynk-Khuong avait sa compagne à la prison de Rennes, condamnée à vingt ans de travaux forcés. Barthélémy dont la femme est en prison à Niort, était passé au juge d’instruction le vendredi précédent et il devait partir le 22 au matin en jugement à Bressuire. Lalet, jeune étudiant de vingt ans, marié depuis un an, dont la libération est arrivée à Châteaubriant le jour de sa mort. Bourhis, de Trégunc, dont la libération est arrivée en même temps. Môquet qui n’a dû son exécution qu’à son nom. Son père, député communistes, est à la prison d’Alger.

Voilà, ma chérie, les heures tragiques que nous avons vécues. Les six survivants de la baraque ne pourront jamais oublier ces instants qui nous privent d’un capital si pur et si grand, car on a pris à notre affection l’élite du camp.

Si la France était pourvue de traitres, elle a prouvé qu’il y a encore des héros d’une bravoure exemplaire, dont le souvenir restera un symbole de foi, de loyauté, de patriotisme.

Leur exemple ne sera pas vain.

Je termine en te disant confiance, toujours confiance.

LES 50 OTAGES

Ceux de Nantes

©Comité du souvenir. Chaque année le vendredi le plus proche du 22 octobre, une Veillée du souvenir se tient devant le Monument

Le 23 octobre 1941, en ouvrant leur journal quotidien, validé par la Propaganda Staffel, les Nantais découvrent l’avis publié par le Militärbefehlshaber  Otto von Stülpnagel. Le commandant des troupes allemandes annonce l’exécution la veille de 48 otages en représailles à la mort du Feldkommandant Hotz, abattu le 20 octobre.

Plus tard dans la journée, une affiche recouvre les murs de la ville.

La liste (ci-dessous dans L’OEuvre) comprend 19 noms d’otages « de Nantes », 1 de Saint-Nazaire, 1 de Saint-Herblain. La veille en fin d’après-midi, 16 ont été fusillés au champ de tir du Bêle, 5 au Mont-Valérien près de Paris et 27 dans la carrière de La Sablière à Châteaubriant soit 48 noms au total.

Ceux de Nantes, qui sont-ils ?

Ce sont des anciens combattants de la guerre 1914-1918, regroupés derrière Léon Jost, président-fondateur du comité d’entente des associations d’anciens combattants créé en 1932, fort de 60 000 adhérents, unis par le serment de Verdun pour « travailler à la paix des vivants ». Le 19 juin 1940, Nantes, déclarée « ville ouverte » par les autorités locales, tombe aux mains des Allemands. Ceux-ci regroupent les nombreux soldats français, britanniques, belges présents en ville. Dès le 19 au soir, ils sont 2 500 entassés sans eau, ni pain, dans la caserne Cambronne et au quartier Richemont.

L’oeuvre. 23 octobre 1941

De l’aide aux prisonniers de guerre…

 Le 28 juin, alertés par Paul Birien, plusieurs responsables Fernand Ridel, Léon Jost, Alexandre Fourny se réunissent dans un café de la route de Paris et décident d’une intervention auprès des autorités allemandes afin d’améliorer la situation des prisonniers de guerre retenus à Nantes. Dès le lendemain, ils obtiennent l’autorisation de ravitailler les prisonniers et livrent 125 kg de pain et de charcuterie. Le 30 juin, le bureau du Comité d’entente, réuni à son siège 10, rue de L’Arche-Sèche, apprend que 35 000 prisonniers dont 20 000 de la région nantaise sont répartis dans plusieurs camps à Châteaubriant, ville occupée depuis le 17 juin,

 dans un complet dénuement. Un autre camp est ouvert à Savenay et comprend 16 000 hommes et un autre encore à Ancenis. Afin de légaliser son activité, le Comté d’entente crée un Comité d’aide aux prisonniers et obtient le soutien des autorités – préfet, maire etc. – de la Croix rouge, de la Chambre de commerce.

…au réseau d’évasion

Dans l’ombre, se développe une autre activité, illégale celle-ci, d’aide à l’évasion de prisonniers dirigée par Auguste Bouvron. Le plus souvent, ces évasions ont lieu à l’occasion de corvées effectuées à l’extérieur des camps. Les prisonniers se cachent et sont reconduits à Nantes dans les camions de ravitaillement qui ne repartent donc pas à vide. Dans les bureaux du Comité, 18 rue Saint-Léonard, les évadés reçoivent des faux papiers, des fiches de démobilisation, des cartes d’alimentation, un peu d’argent et des vêtements civils. Epaulé par un cheminot, Marin Poirier, Auguste Bouvron constitue un réseau de passeurs en Charente pour franchir la ligne de démarcation ou dans le Finistère, en direction de l’Angleterre. Les Allemands constatent des évasions sans en connaître le nombre exact et soupçonnent le Comité d’entente qu’ils mettent sous surveillance. Le 15 juin, les hommes de la Geheime feldpolizei (GFP), la police militaire secrète se rend rue Saint-Léonard et arrêtent Paul Birien, Auguste Blot et les 2 secrétaires Mme Lemeute et Mlle Litoux. Puis ils se rendent à l’usine LU dont Léon Jost est directeur de la production et du personnel et l’arrêtent. Le circuit se poursuit, Alexandre Fourny est arrêté dans son cabinet d’avocat. Le soir ils sont écroués à la prison militaire des Rochettes, accompagnés dès le lendemain par Me Ridel. Le 20 janvier, trois autres anciens combattants rejoignent le groupe : Auguste Blouin, Pierre Roger et Marin Poirier. Informé de ces arrestations, Auguste Bouvron reste caché à Clisson où il se trouve.

Les détenus sont jugés mais, faute de preuves, les juges du tribunal militaire allemand, qui siège 4 rue Sully, délivrent un non-lieu. Cependant, 48 heures plus tard, ils sont de nouveau arrêtés et Léon Jost l’est à son tour le 3 mars. Le 22 avril 1941, le groupe des anciens combattants est une nouvelle fois convoqué au tribunal, mais après deux renvois successifs au 6 puis au 30 mai l’audience n’a finalement lieu que le 15 juillet. Ils sont accusés d’avoir favorisé 900 évasions de prisonniers de guerre. Interrogés un à un, tous nient les faits, à l’exception de Pierre Roger qui charge ses « camarades ». Il est relaxé. Jost, Fourny, Ridel, Blot et Blouin sont condamnés à 3 ans de prison, Mlle Litoux à 6 mois et Marin Poirier à 4ans et demi. Ils déposent un pourvoi en appel. Le 27 août, les sentences tombent : le tribunal confirme les peines sauf pour Mlle Litoux dont la peine passe de 6 mois à 3 ans de prison tandis que Marin Poirier est condamné à mort. Le Feldkommandant Hotz rejette le recours en grâce rédigé par les avocats. Le 30 août, l’abbé Fontaine, aumônier de la prison Lafayette, l’assiste jusqu’au champ de tir du Bêle. Selon son témoignage, Marin Poirier refuse que ses bourreaux lui bandent les yeux. Il refuse la main que lui tend l’officier allemand. « Je ne me suis jamais sali. Faites votre devoir » lui rétorque-t-il.

Marin Poirier est ainsi le premier fusillé nantais.  Il est enterré sur place avant d’être transféré à Saint-Julien-de-Concelles le 8 novembre 1941, puis ses obsèques solennelles se déroulent le 13 novembre 1945 à Nantes en même temps que celles de tous les fusillés. La veille, le lieutenant de vaisseau Henri Honoré d’Estienne d’Orves et ses compagnons Yann Doornick et Maurice Barlier avaient été fusillés au Mont-Valérien.

11 novembre 1940 : les étudiants manifestent à l’Etoile et à Nantes aussi.

L’entrée des Allemands dans Nantes le 19 juin 1940, produit un nouvel effet de sidération après celui de la débâcle. Si la plupart des Nantais choisissent de ne pas choisir, quelques actes de refus de l’Occupation se produisent peu à peu, spontanément : inscriptions à la craie sur les murs, refus de descendre du trottoir pour laisser le passage aux militaires allemands, papillons (on ne disait pas encore flyers), sabotage de lignes téléphoniques ou de câbles électriques etc.

Un coup d’éclat survient à l’occasion du 11 novembre 1940, le premier depuis l’Occupation. La marche à l’Etoile des étudiants et lycéens parisiens est bien connue. A Nantes aussi, à l’appel d’étudiants de Clemenceau, des lycéens et étudiants bravant l’interdiction, célèbrent la victoire de 1918. Plusieurs dizaines se rassemblent dans le Jardin des Plantes, puis pénètrent dans la cour d’honneur du lycée Clemenceau et déposent une gerbe devant le monument aux Morts. Ils défilent ensuite en ville et le cortège grossit d’élèves du lycée de jeunes filles, de l’école professionnelle Launay, de Livet et d’autres établissements. Le groupe remonte vers le monument aux morts de la ville. La police allemande procède à des arrestations, mais cette première manifestation publique a encouragé un certain nombre de jeunes à aller plus loin.

Le drapeau français flotte au sommet de la cathédrale.

L’impact de cette journée est d’autant plus fort qu’une surprise attend les Nantais au saut du lit. Des passants constatent que le drapeau français, interdit, flotte au sommet de la cathédrale Saint-Pierre au cœur de Nantes. Initiative de l’évêque Mgr Villepelet ? Peu probable. Le bouche à oreille provoque bientôt un attroupement. L’évêché alerte la Kommandantur qui envoie ses Feldgendarmes pour tenter de disperser la foule. Un soldat est missionné pour grimper et arracher le drapeau, mais ne parvient qu’à déchirer la partie rouge. Il faut faire appel aux pompiers et à la grande échelle qui parviennent à décrocher le drapeau seulement à … 11h30. Toute la matinée, les Nantais ont apprécié le spectacle. Les auteurs de cet acte de résistance seront connus plus tard. Il s’agit de Michel Dabat, 19 ans, étudiant aux Beaux-Arts et son ami Christian de Mondragon, lycéen de 16 ans qui ont entrepris de hisser le drapeau tricolore sur l’une des tours de la cathédrale au nez et à la barbe des patrouilles allemandes et en défi au couvre-feu.

De premiers réseaux se constituent

Après la manifestation étudiante, plusieurs jeunes rencontrent un cheminot, Marcel Hévin qui cherche des bonnes volontés « pour faire quelque chose ». Un groupe se forme autour de lui pour venir en aide aux personnes qui souhaitent gagner la Grande Bretagne et collecter des renseignements stratégiques en vue de les transmettre à Londres. Il y a là notamment Henri Vandernotte, employé des magasins Decré, Hubert Caldecott, un pharmacien nazairien, Frédéric Creusé, un ancien de l’école Livet, Jean Grolleau et Jean-Pierre Glou, étudiants de l’Institut polytechnique de l’Ouest (future Ecole centrale), Philippe Labrousse, un ancien du lycée Clemenceau, qui après des études de droit est maintenant directeur du contentieux aux chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire.

Le démantèlement d’un autre réseau de renseignements, le réseau Nemrod, constitué par le lieutenant de vaisseau Henri Honoré d’Estienne d’Orves provoque des arrestations en chaîne. L’étau se resserre autour de Marcel Hévin, dénoncé, et il est arrêté de même que Michel Dabat puis Frédéric Creusé, Christian de Mondragon, Philippe Labrousse, Jean Grolleau et Jean-Pierre Glou. Au siège de la Gestapo, les coups pleuvent pour faire avouer les accusés. Car l’aveu est la reine des preuves et justement les preuves manquent. Au point que les juges allemands sont contraints de prononcer un non-lieu à l’encontre de Hévin, Labrousse et Caldecott le 19 juillet 1941. Le 8 août, Dabat est condamné à 4 mois, Glou écope de 6 semaines, et Grolleau de 15 jours de prison, Creusé est acquitté. Néanmoins ils sont maintenus en détention à l’exception de Christian de Mondragon, libéré en raison de son jeune âge. Ce qui motive l’interrogation de Frédéric Creusé dans une lettre à ses parents : « Sommes-nous pris comme otages ? ». Le 30 septembre, Hevin, Caldecott et Labrousse sont conduits au Fort de Romainville, près de Paris où sont déjà détenus Charles Ribourdouille, 33 ans et Victor Saunier, 28 ans.

La composition de la liste Le 20 octobre, Hitler exige 100 ou 150 otages pour venger la mort du Feldkommandant Karl Hotz, abattu à Nantes par un groupe de jeunes résistants communistes.

Puis les modalités se précisent : 50 immédiatement et 50 autres si les coupables ne sont pas arrêtés avant le 23 octobre à minuit. Des primes mirobolantes sont offertes aux délateurs. A Paris, le Commandant militaire de la Wehrmacht, Otto von Stülpnagel et le ministre de l’intérieur Pucheu, arrivé de Vichy se concertent. Pucheu a fait dresser une liste de 200 noms, réduite à 61, choisis parmi les communistes internés dans le camp de Choisel à Châteaubriant. Pucheu voudrait faire exécuter uniquement des communistes et des cégétistes qu’il exècre. Les Allemands tiennent à appliquer strictement le Code des otages promulgué il y a

peu à la demande d’Hitler. Il s’agit d’établir une liste d’hommes aux profils variés, d’âges variés et des Nantais puisque c’est à Nantes que le Feldkommandant a été abattu. Or, il y a dans les prisons de Nantes des prisonniers qui ont agi contre les Allemands et sont donc considérés comme otages. Il faut aussi puiser dans ce vivier. D’autant qu’il y a parmi eux des communistes comme René Carrel, ancien des Brigades internationales en Espagne, José Gil, ouvrier de la navale, Léon Ignasiak, ouvrier des Forges de Basse-Indre, Robert Grassineau, Maurice Allano, André Le Moal, jeune nazairien de 17 ans.

Chaque année, le 22 octobre un hommage officiel est rendu au champ de tir du Bêle

La liste des otages est ainsi arrêtée : 27 internés du camp de Choisel, élus communistes, dirigeants de la CGT seront fusillés à Châteaubriant, 16 otages emprisonnés à Nantes (13 à Lafayette, 3 aux Rochettes) seront fusillés au champ de tir du Bêle et 5 internés au Fort de Romainville seront fusillés au Mont-Valérien.

 De même qu’à Châteaubriant où les corps des fusillés sont inhumés anonymement dans 9 communes du Castelbriantais, ceux de Nantes seront enterrés dans le vignoble à Basse-Goulaine, Haute-Goulaine et Saint-Julien-de-Concelles. Les fusillés du Mont-Valérien seront inhumés au cimetière parisien d’Ivry.

Pour mémoire

Le 22 octobre 1944, le boulevard des 50 Otages, tracé sur l’ancien cours de l’Erdre, est inauguré en présence de 100 000 personnes. L’après-midi une foule immense se rassemble dans la carrière des fusillés à Châteaubriant, en présence notamment du ministre de l’Air Charles Tillon – ancien chef des FTP, Marcel Cachin, directeur de L’Humanité, Michel Debré, commissaire de la République.

Le 14 janvier 1945, le général de Gaulle vient remettre à Clovis Constant, chef de la délégation municipale (maire provisoire en attendant les élections) la Croix de Compagnon de la Libération, décernée à la ville de Nantes le 11 novembre 1941. Le 9 juin 1945, les corps des fusillés, exhumés des différents cimetières sont amenés au Musée des Beaux-Arts où est dressée une chapelle ardente avant les obsèques solennelles qui réunissent une foule considérable.

Le 22 octobre 1952 est inauguré le monument aux 50 Otages et à la Résistance, conçu par Marcel Fradin avec le concours de Jean Mazuet pour les statues.

Sources

*Didier GUYVARC’H et Loïc LE GAC, préface de Thomas FONTAINE, En vie, en joue, enjeux. Editions du CHT *Dominique BLOYET, Etienne GASCHE Nantes, Les 50 Otages, Editions CMD

Des Nantais témoignent sur les bombardements de 1943

Le 4 octobre, le journal OUEST-FRANCE a organisé  à Nantes une soirée sur les bombardements des 16 et 13 septembre. Cette soirée faisait suite à la publication d’un ensemble d’articles de grande qualité. Trois historiens  – Ambre Ivol, Andrew Knapp et Christophe Belser ont apporté leur éclairage puis des témoins ont partagé leurs souvenirs de ces terribles journées. Plusieurs autres témoignages, dont certains avaient été confiés à notre Comité, ont été lus par des élèves du lycée Carcouët. Nous publions ci-dessous ceux de Monique Arradon, Jean-Claude Baron et Jean Cesbron.

 

Témoignage de Monique ARRADON sur les bombardements de Nantes

Monique Arradon avait 12 ans en 1943. Elle vivait à Nantes, où elle est née. Elle a remis au Comité du souvenir son témoignage sur les bombardements de Nantes les 16 et 23 septembre 1943 qui l’ont marquée, comme les fusillades des Otages à Nantes, Châteaubriant et au Mont-Valérien, deux ans auparavant, le 22 octobre 1941 « Comme une volée de grains jetée aux poulets, le 16 septembre 1943, une pluie de bombes américaines tombe sur Nantes. Ce jeudi-là, fin de vacances, j’étais avec ma mère  chez ma tante, quartier de Saint-Félix, assez éloigné du port.

Nous ne fûmes pas trop inquiètes de la sirène d’alerte, qui allait retarder notre retour à la maison. Les Nantais ne craignaient plus guère, jour et nuit, les alertes au cours desquelles rien ne se passait sauf quelques bombes lancées, en piqué, sur le port par les aviateurs anglais. Une batterie de DCA, allemande, au bout de notre avenue, ne m’empêchait plus de dormir…

Contrairement aux Nazairiens, fuyant leur ville, enflammée chaque nuit, où seule résistait la base sous-marine, qui nous prédisait des catastrophes…

Donc, en cette fin d’après-midi ensoleillée, le 16 septembre, nous fûmes atterrées par le bruit épouvantable, incessant, sa durée, les détonations et les lueurs d’incendies qui irradiaient le ciel, bleu.

Annick, ma cousine, arriva, blanche de plâtras, choquée. Elle était restée coincée dans son bureau. Fuir, fuir Nantes…

Sitôt l’alerte terminée, au bout de combien de temps ? Très inquiètes, ma mère et moi revînment vite à la maison. Claude, mon frère, arriva, assourdi par les explosions. Il s’était protégé sous le pont de la Motte-Rouge, au bord de l’Erdre. Il avait vu Nantes flamber. Peu éloigné, à vol d’oiseau du centre-ville, il entendit s’écrouler une rue entière, la rue de l’Arche-Sèche, transformée en fleuve de pierres.

Puis mon père rentra. De son bureau il avait vu les malades de l’Hôtel-Dieu descendre en hâte par les fenêtres dans leurs draps. Il avait traversé à vélo la ville en feu pour rejoindre notre quartier, au rond-point de Paris.

La rue du calvaire, baptisée à jamais, n’était que flammes. Le samedi, lorsque nous allâmes mesurer l’ampleur du désastre, la rue brûlait encore, longue torche couchée, allumée au pied de l’église Saint- Nicolas.

Chaque rue révélait son drame, la dérision des immeubles éventrés sur la poignante intimité de ceux qui désormais étaient sous les décombres. Fleurs jaunes délavées d’un papier peint entourant le cadre du grand-père soldat, le chatoiement d’un miroir intact, un lit de fer préparé pour la nuit, au-dessus du vide…

Le jeudi 23 septembre, une semaine après,  les bombardements reprirent. Stupeur et colère.

Il faisait très beau cet automne-là. Le 23 septembre, on prépare la rentrée scolaire du 1er octobre. Courait dans Nantes l’histoire de ce grand-père accompagné de ses petits-enfants pour faire des achats d’écoliers  et qui n’en revinrent jamais. Nous étions séparés, sans nouvelle possible des parents et amis, par des montagnes de pierres, des gouffres de cendre. Il faudra des années et des milliers de bras pour « déblayer » Nantes, après la guerre.

Mon souvenir le plus vif est celui des obsèques des victimes. Tous les Nantais valides y assistaient – un dimanche, je crois. Nous fûmes bloqués près du lycée Clemenceau, chapelle ardente, qui fournissait sans fin les « cercueils » portés à dos d’hommes. Impossible d’approcher la cathédrale Saint-Pierre. Des cercueils ? Il n’y en avait plus dans Nantes. Planches hâtivement assemblées, de divers formats. Que restait-il de certains Nantais ? « Tout » ce qu’on avait pu retirer des décombres avait été casé dans des caisses. Je n’ai pas souvenir de fleurs. Il ne devait pas subsister de fleurs en septembre 1943, pas même ces gros dalhias d’automne, prémices des chrysanthèmes frisés de la Toussaint, pour nos morts.

La décision est annoncée : tous les enfants au-dessous de 15 ans doivent quitter Nantes. Ma mère, ma grand-mère, mon frère et moi partîmes pour Vigneux-de-Bretagne, avec les meubles de valeur. En arrivant nous apprîmes de notre famille, le pire. Odile Caudal, notre cousine de vingt ans, descendue sur la recommandation de son père, dans l’abri « creusé » place Viarme, y avait été déchiquetée par une bombe.

Son père, une nuit entière, manipula des restes de corps humains pour retrouver à l’aube, une main. Reconnue à la bague de la mère d’Odile, morte jeune, qu’elle portait.

Les nouvelles les plus atroces circulaient. »

Monique Arradon

.* Plus tard, devenue artiste peintre et sculpteure reconnue, elle a conçu pour la carrière de la Sablière, un projet de monument Hommage aux fusillés de Châteaubriant dont elle a offert le prototype au musée de la Résistance de Châteaubriant, où il est exposé depuis le 80e anniversaire de cet événement tragique.

Monique Arradon expose une sculpture 

Bonsoir. Je m’appelle Jean Cesbron

Je suis né en 1935 et ma sœur en 1936 à Malville  où mes parents étaient instituteurs publics. Mobilisé en Septembre 1939, mon père est décédé en 1942 des suites de la guerre.

Le 16 Septembre 1943 nous sommes allés, ma mère, ma sœur et moi chez Decré pour y faire les courses de la rentrée scolaire qui avait lieu le 1er Octobre à cette époque.

Nous étions chez Decré quand les sirènes ont retenti indiquant une alerte aérienne .Le magasin a été évacué et nous sommes partis à pied pour rejoindre Pont Rousseau où nous résidions chez mes grands parents maternels .Pendant les alertes les tramways ne roulaient pas. Lorsque nous sommes arrivés chaussée de la Madeleine on percevait le bruit des moteurs d’avions qui volaient au dessus de Nantes.

Ma mère craignant la destruction possible du pont de la Madeleine a fait, comme d’autres piétons,  le choix de nous faire pénétrer dans le couloir ouvert d’un grand immeuble, côté droit de la rue de la Madeleine après la maternité et l’Hôtel Dieu .Le couloir où nous avons pénétré était sombre, humide et froid. Dans ce couloir qui possédait un escalier en pierre, une dizaine de personnes étaient assises sur les marches ou debout appuyées sur le mur. Il n’y avait pas d’enfants, pas de pleurs, pas de bruit, personne ne parlait.    

Serré contre ma mère, je ne me souviens pas avoir eu peur bien qu’on entendît dans ce couloir sinistre le bruit des avions et des explosions fortes et peu éloignées.

Lorsque la sirène a annoncé le départ des avions, donc la fin du bombardement nous sommes sortis et j’ai constaté que sur le pont de la Madeleine  il y avait des gens. Nous avons donc traversé la Loire et regagné Rezé par le pont de fer SNCF ouvert sur une voie aux piétons et cyclistes.

Le jeudi 23 septembre dans la matinée des avions ont bombardé Nantes et Rezé .

Mon grand père chez qui nous habitions a considéré que notre sécurité n’était plus assurée. Il a estimé que nous ne pouvions plus demeurer chez lui à Rezé.

Le même jour le Préfet de Loire inférieure et le Maire de Nantes ont décidé l’évacuation des enfants, des lycéens. En fin d’après midi nous sommes allés ma mère, ma sœur et moi à la gare de l’Etat où nous avons pris le train des ouvriers pour Clisson. Ce train s’est arrêté  avant les ponts de la Vendée et j’ai vu brûler la ville de Nantes : un brasier énorme, des explosions terribles proches du train immobile.

J’avais alors 8 ans et demi et ces visions d’incendies sont gravées dans ma mémoire pour toujours.

Depuis je hais la guerre et me suis engagé pour la paix et l’entente  entre les peuples.

Jean Cesbron  –  1/10/ 2023.

Jean-Claude Baron

« J’ai vécu dans Nantes dévastée »

Jean-Claude Baron est né en 1939. Il garde des souvenirs d’enfance de Nantes dévastée par les bombardements. Avec ses parents, Marcelle et Alfred Baron, ils n’ont jamais pu regagner leur appartement de Doulon, qui avait été « soufflé ».

« En 1943, nous étions réfugiés dans un hameau près de Nort-sur-Erdre, fuyant les restrictions alimentaires et les premiers bombardements sur Nantes. Mon père était dans la clandestinité et ma mère, employée chez Brissoneau, était une résistante active, elle cachait des résistants, Agente de liaison, elle est arrêtée par la Gestapo en mars 1944, déporté à Ravensbrück, elle reviendra très affaiblie en mai 1945 », expose-t-il.

 « C’est ma grand-mère et ma grande sœur qui s’occupaient de moi, j’avais 4 ans. En mai 1945, mon père, réintégré aux Batignolles, avait obtenu une maison ouvrière à la Halvêque car il était impossible de retourner dans l’appartement de Doulon, « soufflé » lors des bombardements de septembre 1943. C’était dans les années 1950 que j’ai vécu dans Nantes dévastée. Je me souviens de la rue du Calvaire rasée, sauf le haut et le bas ; Decré rasé, place Royale à demi-rasée ; les baraques du Commerce occupant le cours Saint-André, les grands magasins installés dans des entrepôts en face le château des Ducs, plus tard, un ami, Georges Douard, profondément marqué par les bombardements où il avait perdu son frère, a écrit un livre témoignage. »

Pour Jean-Claude Baron, qui perpétue toujours le souvenir de cette terrible période : « 1943, c’est aussi le procès des 42, avec 37 condamnations à mort, la résistance décapitée. L’usine des Batignolles fut aussi bombardée par les Anglais, bombardements ciblés, causant la mort de 42 ouvriers. Les bombardements de septembre 1943 par les Américains visaient le port, la gare, mais eux n’étaient pas ciblés, poursuit-il. Aujourd’hui, amoureux de la ville où je suis né, j’aime « lire » les façades et celles de la reconstruction, elles sont intégrées, mais portent pour ceux qui les regardent de douloureux souvenirs. »

Hommage à Jean de Neyman, grand résistant humaniste
©Xavier Trochu

Comme chaque année à l’initiative du Comité du Souvenir et de la section locale du PCF, dont il était membre, un hommage émouvant a été rendu à Jean de Neyman le 2 septembre à l’occasion du 79e anniversaire de son exécution par les nazis.

Une cinquantaine de personnes étaient rassemblées sur le site d’Heinlex à Saint-Nazaire, en présence de la famille, Mmes Dominique de Neyman et Claire Buchbinder et M. Pierre Stapf, ainsi que Mme Véronique Mahé, conseillère régionale, MM Christian Retailleau, président du Comité du Souvenir, Yves Bourbigot, président de l’association Buchenwald – Dora 44, Stéphane Marsac, président de l’ADIRP 44 et Pierre Billon, président de la section de Saint-Nazaire de l’UNC.

©P. Morel

Dans son allocution, le secrétaire du PCF de Saint-Nazaire Cédric Turcas a retracé la vie et l’engagement de Jean de Neyman.

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/09/Ceremonie-commemorative-en-hommage-a-Jean-de-NEYMAN-20_23-Recuperation-automatique.pdf

Né à Paris en 1914 de parents polonais, professeur agrégé de physique, il adhère en 1934 au PCF, en étant très actif dans le combat antifasciste et le soutien aux résistants antinazis allemands.

Après sa démobilisation en 1940, il est exclu de l’enseignement public par le régime de Vichy qui a interdit la fonction publique aux Français d’origine étrangère.

Devenu professeur du secondaire dans le privé à La Baule (44), il s’implique rapidement dans la résistance, dans son milieu d’abord puis avec les communistes nazairiens. Il entre dans la clandestinité en mai 1944 avec son groupe de résistants Francs-tireurs et partisans (FTP). Dans la poche de Saint-Nazaire constituée en août et forte de près de 30 000 soldats ennemis, ils multiplient les actions de guérilla, sabotages d’installations, prises d’équipements et d’armes, et soutiennent les déserteurs allemands

Arrêté pour avoir tenté de sauver l’un d’eux, il est condamné à mort par les autorités militaires allemandes et fusillé le 2 septembre 1944 au château d’Heinlex.

©Didier

Dans une lettre à ses parents, il écrit : « Parmi tous les risques, j’ai l’intention de prendre mes responsabilités aussi clairement que ma conscience m’en donnera les moyens. Je voudrais que vous – (ceux qui survivront) – sachiez vous consoler de ma perte, car je me considère comme un élément, un petit chaînon dans l’évolution de notre monde, et puisque nous sommes dans la période du gros travail, et qu’il doit y avoir d’innombrables chaînons de brisés et d’usés, peu importe au total qu’ils le soient de façon rationnelle, individuelle … », ce que commente ainsi Cédric Turcas : «  Quelle leçon nous apporte Jean dans cette lettre empreinte d’une conscience collective, d’une conscience républicaine ô combien supérieure à sa propre existence. Comment ne pas y voir la somme des êtres résistants qui ont eu à faire ces choix éclairés au risque de leur vie pour que nous puissions vivre libres, vivre en paix ? Comment ne pas y voir une sommation à diffuser aujourd’hui ces valeurs dans notre société, à l’heure où les derniers témoins vivants de cette époque nous quittent peu à peu ? ».

©Xavier Trochu

A la fin de la cérémonie, conclue par le verre de l’amitié offert par la section PCF, rendez-vous a été donné l’année prochaine aux participants pour le 80e anniversaire de l’exécution de Jean de Neyman. Cet événement mémoriel devant associer historiens, municipalités, artistes et le monde scolaire sera l’occasion de faire connaître aux nouvelles générations cette figure héroïque de la résistance nazairienne.