Commémoration de l’internement des Républicains espagnols et des Tsiganes                   à Moisdon-la-Rivière

Une commémoration s’est déroulée le 27 avril 2024, sur le site de La Forge

Plus de 200 personnes se sont réunies le 27 avril dernier pour commémorer l’internement de Républicains espagnols puis de Tsiganes entre 1939 et 1942, le Comité du souvenir – résistance 44 y étant fortement représenté. Préalablement aux dépôts de gerbes devant la stèle, inaugurée le 27 avril 2019, successivement M. Patrick Galivel, maire de Moisdon, M. Christophe Sauvé, secrétaire général de l’association départementale des gens du voyage citoyens, M. Christian Retailleau, président du Comité du Souvenir, M. Jérôme Alemany, vice-président du Conseil départemental de Loire-Atlantique, M. Marc Maklouf, sous-préfet de Châteaubriant-Ancenis ont fait vivre la mémoire de celles et ceux qui ont été entassés dans ce camp dans des conditions déplorables, jusqu’à la mort pour certains. La ville de Nantes était représentée par Robin Salecroix.

Christian Retailleau accompagné de Serge Adry (Comité de Châteaubiant) s’inclinent devant la stèle

 

Christophe Sauvé a demandé aux pouvoirs publics et aux associations de faire connaître « cette histoire de Français qui ont interné d’autres Français » en inscrivant notamment cette mémoire au schéma départemental actuellement en cours de révision.  Christian Retailleau a rappelé la mémoire des 875 internés dont 452 enfants, 385 femmes et 38 vieillards, Républicains espagnols, internés dès avril 1938 sur décision du nouveau gouvernement Daladier dont l’une des premières mesures a concerné les étrangers « suspects », « dont les réfugiés espagnols « indésirables ». Un décret est promulgué pour qu’ils soient internés dans des « centres spéciaux ». C’est début novembre 1939 qu’il sera décidé d’expulser tous ces réfugiés en direction de l’Espagne. Ils seront reconduits, sous escorte de la gendarmerie, jusqu‘à la frontière à Irun où les attendra de pied ferme la « guardia civile ». Puis, il a fait le rapprochement avec l’actualité politique et sociale et notamment la loi « asile immigration » qui torpille les piliers porteurs de notre pacte républicain hérité du Conseil national de la Résistance. » Il a conclu son intervention en déclarant « le sort indigne fait il y a plus de 80 ans, en France, aux Républicains espagnols et aux Tsiganes ne doit plus jamais se reproduire. Plus jamais « d’ indésirables » dans notre pays. »

Patricia RETAILLEAU

© Michel Charrier – « Rien n’est plus vivant qu’un souvenir » Federico Garcia Lorca, inscription gravée sur la stèle

Hommage à Raymond LAFORGE

Un autre lieu de mémoire à Moisdon-la-Rivière: le cimetière où ont été inhumés le 23 octobre 1941 trois des 27  de Châteaubriant fusillés le 22 octobre 1941. Il s’agit de Charles Delavacquerie, Eugène Kérivel et Raymond Laforge. Avant la cérémonie au camp de La Forge un hommage a été rendu à Raymond Laforge, toujours inhumé dans ce cimetière.

©Michel Charrier

POUR EN SAVOIR PLUS

* Allocution de Christophe Sauvé

*Allocution de Christian Retailleau

*Biographie de Raymond Laforge

* Livre – Les camps d’internement de Châteaubriant,Choisel et Moisdon-la-Rivière 1940-1945, Louis Poulhès, ed. Atlande

L’autre 8 mai 1945: les massacres coloniaux de Sétif, Guelma, Kherrata

Pour comprendre, il faut se reporter cinq années en arrière. En 1940, dans ce département français nommé Algérie, le monde colonial, qui s’était senti menacé par le Front populaire, accueille avec enthousiasme Vichy et le pétainisme. Le Parti du peuple algérien (PPA) et le Parti communiste algérien (PCA) sont dissous. Avec le débarquement américain de 1942, le climat évolue. Alger devient la capitale de la France libre, le siège du gouvernement provisoire de la République française (GPRF) et celui de l’Assemblée consultative provisoire (ACP). La revendication nationaliste reprend. « Les nationalistes prennent au mot l’idéologie anticolonialiste de la Charte de l’Atlantique (12 août 1942), écrit Mohammed Harbi.(1) Ferhat Abbas(2), transmet aux Américains le 10 février 1943, avec le soutien du PPA de Messali Hadj(3) un « Manifeste du peuple algérien ». A l’exception de Messali Hadj, placé en résidence surveillée, les prisonniers politiques sont libérés en avril 1943. Les tirailleurs algériens, dont plusieurs milliers sont tués, s’illustrent à la bataille de Montecassino, participent à la libération de la Corse, de la Provence. Ils sont les premiers à franchir le Rhin le 31 mars 1945. Ce qui fait dire à Ferhat Abbas: »L’opinion musulmane veut être associée au sort commun autrement que par de nouveaux sacrifices. »

messali_hadj.jpgA l’occasion du 1er mai 1945, les manifestations organisées par les mouvements nationalistes pour rappeler les promesses qui leur ont été faites, sont brutalement réprimées. Il y a des morts à Alger et à Oran. Le PPA décide alors d’organiser le 8 mai des manifestations pacifiques en mettant en avant le mot d’ordre d’indépendance.

Sétif

Ce mardi 8 mai 1945, à Sétif comme à Paris, c’est aussi la liesse. On fête la Libération, à laquelle les tirailleurs algériens, comme d’autres soldats coloniaux, ont pris une part décisive: 138 000 jeunes Algériens ont participé à la libération de la France. Les bâtiments officiels sont pavoisés, la foule converge vers l’avenue Georges Clemenceau et se dirige vers le monument aux morts. Les manifestants brandissent des drapeaux alliés, dont celui de la France et l’emblème algérien, précédés par des scouts qui portent la gerbe destinée à être déposée devant le monument aux morts. A l’appel des Amis du Mouvement de la Liberté (AML)(4), aux slogans de liberté se mêlent des mots d’ordre nationalistes: « A bas le colonialisme! », « Vive l’Algérie libre et indépendante! ». Des militants du PPA réclament la libération de leur chef, Messali Hadj, arrêté deux semaines plus tôt et déporté à Brazzaville. On entonne Min Djibalina, l’hymne des indépendantistes. Un jeune scout, Saal Bouzid, porte une bannière en vert et blanc, frappée d’un croissant et d’une étoile rouges. C’est le drapeau algérien ! Pour les autorités coloniales, c’en est trop, c’est une provocation. Le préfet de Constantine, Lestrade-Carbonnel, qui avait prévenu à l’issue du 1er mai : « il y aura des troubles et un grand parti sera dissous », ordonne : « Faites tirer sur tous ceux qui arborent le drapeau algérien ».la_manifestation_de_setif.jpg

Les policiers reçoivent l’ordre de se saisir du drapeau. Ils tirent. Saal Bouzid s’effondre. Des Européens tirent également depuis les fenêtres des immeubles. D’autres manifestants tombent à côté. Le défilé pacifique se transforme en émeute.

Les miliciens ou policiers pillent, volent, violent, tuent. Présent dans la manifestation, Kateb Yacine, alors lycéen, décrira dans son roman Nedjma, la confusion qui règne: « Les automitrailleuses, les automitrailleuses, les automitrailleuses, y en a qui tombent et d’autres qui courent parmi les arbres, y a pas de montagne, y a pas de stratégie, on aurait pu couper les fils téléphoniques, mais ils ont la radio et des armes américaines toutes neuves. Les gendarmes ont sorti leur side-car, je ne vois plus rien autour de moi ». Alors que se répand la nouvelle de l’assassinat du porte-drapeau, la révolte gagne toute la ville, puis se diffuse dans les campagnes alentour. La population européenne est prise pour cible dans une explosion de colère et de vengeance longtemps contenues. Ces émeutes coûtent la vie à une centaine d’Européens. En réponse au soulèvement qui se propage dans le Nord-Constantinois, le général Duval (5) mobilise l’aviation et la marine, et se met alors en place une répression d’une sauvagerie inouïe jusqu’au bombardement de populations civiles. L’armée ratisse les villages et les bombarde.
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Guelma, Kherrata

Le soir, à Guelma, sans attendre, le sous-préfet (socialiste) André Achiary(6) fait tirer sur la foule. Il a organisé trois semaines plus tôt, des milices composées d’Européens, toutes tendances politiques confondues. Il met sur pied des tribunaux d’exception, dits de salut public, en dehors de toute légalité. De pacifiques, en réaction les manifestations deviennent violentes. L’armée, aidée par les milices européennes, réprime sauvagement la révolte: manifestants tués, femmes violées…L’aviation mitraille et bombarde les villages. Depuis la baie de Bougie, le croiseur Duguay-Trouin bombarde les douars de Kabylie. A Périgotville, près de Guelma, on fusille tous ceux qui savent lire et écrire. Des prisonniers fusillés sont jetés dans les gorges de Kherrata, on fait disparaître les corps, jetés et brûlés dans les fours à chaux de Marcel Lavie, entrepreneur et conseiller général.

Les arrestations se multiplient, les condamnations pleuvent, les exécutions sommaires sont nombreuses. Tout cela s’accompagne de véritables razzias; les tueurs, miliciens ou policiers, pillent, volent, violent, massacrent à tout va. Ces milices forment le creuset d’une « culture politique séditieuse » préfigurant l’ OAS (7). L’historien Alain Ruscio explique que « Le fossé entre les communautés était tel que la simple rumeur d’une insurrection générale des Arabes, savamment reprise puis orchestrée par certains administrateurs et élus coloniaux, avait littéralement plongé dans les transes la quasi-totalité de la population européenne ».

La répression, qui dure sept semaines, fait plusieurs dizaines de milliers de morts. Des milliers de personnes sont condamnées par les « tribunaux », totalement illégaux, dits de « salut public » et internées.

Ainsi « pendant que l’on fêtait la victoire en métropole, des « indigènes » étaient arrêtés en masse, exécutés sommairement, fusillés à Sétif et Guelma parce qu’ils avaient osé revendiquer l’application des principes de liberté, d’égalité, de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes contre l’ordre colonial. »(8)

monument_aux_morts_de_kherrata.jpgCombien de morts ? Le bilan est impossible à établir. Du côté européen, il est précis: 102 tués, 86 civils et 16 militaires. Du côté algérien, le ministère de l’intérieur a concédé 1 000 à 1500 morts, le PPA en a dénoncé 45 000. Les historiens estiment l’ampleur des tueries entre 15 000 et 30 000. La guerre des chiffres ne peut en tout cas dissimuler la disproportion dans l’exercice de la violence. « Le caractère massif de la répression explique cette imprécision. Il rend très aléatoire, en effet, le décompte des morts. » (9)

 » La guerre d’Algérie a commencé à Sétif », affirme Mohammed Harbi.

A la fin de ces événements sanglants, le général Duval, commandant en chef des forces françaises en Algérie, assure dans un rapport à ses supérieurs: « Je vous ai donné la paix pour dix ans. Mais il ne faut pas se leurrer. Tout doit changer en Algérie. » Mais rien ne sera fait.

En fait, cette répression a créé une situation irréparable. Ce bain de sang est un point de non-retour. Il s’inscrit comme le prologue de la guerre d’indépendance algérienne déclenchée neuf ans plus tard, le 1er novembre 1954. En 1947, le PPA mettra en place une structure paramilitaire, prélude à la fondation du FLN.

L’événement a été noyé dans la joie de la victoire sur l’Allemagne nazie. Ce qui a contribué à confisquer la mémoire de ces événements. C’est seulement le 27 janvier 2005, année du 60ème anniversaire, qu’un officiel français, l’ambassadeur Hubert Colin de Verdière évoque à l’université Ferhat-Abbas de Sétif « cette tragédie inexcusable ». Et il a fallu attendre soixante-dix ans pour qu’un ministre se rende à Sétif, exprimer « la reconnaissance par la France des souffrances endurées et rendre hommage aux victimes algériennes et européennes de Sétif, Guelma et de Kherrata »(10) Reconnaissance timide et tardive. En Algérie, la plaie est vive.

En 2009, pour la première fois, un espace public, la mairie de Paris, se souvient de ces événements ignorés par l’histoire française. A l’initiative de l’historien Olivier Lecour Grandmaison et de l’Adjointe (PCF) au maire de Paris, Catherine Vieu-Charier, un colloque s’est tenu pour dit-elle « faire connaître ces événements, très complexes, très douloureux et injustifiables qui ont été les grands oubliés de l’histoire de la France », expliquant cette amnésie par le fait « qu’il semblait insupportable de reconnaître de telles horreurs, quand on était à dénoncer celles de l’Allemagne nazie. » Si le travail de mémoire est défaillant, le travail d’histoire se développe comme le montre la bibliographie partielle en annexe.

Bibliographie
Henri Alleg (dir), La Guerre d’Algérie, Temps actuels,1981
Jean-Pierre Peyroutou, Aux origines de la guerre d’Algérie, 1940-1945
Alain Ruscio, Les communistes et l’Algérie. 1920-1962, La Découverte, 2019
Annie Rey-Goldzeigner, De Mers-el-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois, La Découverte, 2002
Jean-Louis Planche, Sétif 1945-Histoire d’un massacre annoncé, Perrin, 2006
Mohammed Harbi & Benjamin Stora, La Guerre d’Algérie 1954-2004,La fin de l’amnésie, Robert Laffont, 2004
Sylvie Thébaut, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, Flammarion, 2005
Olivier Lecour Grandmaison, Coloniser, exterminer. Sur la guerre et l’Etat colonial, Fayard, 2005
Mouloud Feraoun, Journal, Seuil, 1962
Kateb Yacine, Nedjma, roman, Seuil, 1956
Notes
1- La Charte de l’Atlantique est un document élaboré par Roosevelt et Churchill, non signé, qui servira de base à la « Déclaration des nations Unies », signée le 1er janvier 1942 par les représentants de 26 pays en guerre contre l’Allemagne, puis à la Charte de l’ONU en 1945.
2 – Ferhat Abbas (1899-1985). D’abord maurrassien, il adresse en 1941 à Pétain un rapport sur « L’Algérie de demain »; après le débarquement américain, il se rapproche de Darlan. Autonomiste, Il rédige le Manifeste et créé les Amis du Mouvement de la Liberté (AML) avec le PPA indépendantiste en 1943. Il sera le président de la 1ère Assemblée constituante en 1962 et à ce titre, premier Chef d’Etat algérien.
3 – Messali Hadj (1898-1974), indépendantiste depuis 1927, il crée le Parti du peuple algérien (PPA) en 1937. Il a révélé avoir reçu des avances de la part de Pétain, mais aussi de celle des Allemands, auxquelles il n’a pas donné suite.
4 – Les Amis du Manifeste pour la Liberté (AML) sont un mouvement créé par Ferhat Abbas, avec le soutien du PPA de Messali Hadj en 1943.
5 – Le général de brigade Duval (1894-1955) est le commandant des forces armées en Algérie. Il commande l’action sanglante de répression du 8 mai 1945 et des semaines suivantes dans le Nord-Constantinois. Il bénéficiera d’une fin de carrière fulgurante : promu commandant supérieur des troupes en Tunisie en novembre 1945, général de division en 1946, commandant supérieur des troupes du Maroc en 1949, général de corps d’armée en 1951 et obtiendra la 5ème étoile en 1954.
6 – André Achiary (1909-1983), socialiste, commissaire de police d’Alger sous Vichy, il recourt à la torture dans la répression contre les communistes en 1940-42. Sentant le vent tourner, il prépare l’accueil des Américains lors du débarquement en novembre 1942 et devient sous-préfet de Guelma. Il est l’initiateur, en mai 1945, des massacres de Guelma, qui lui valent son surnom de « boucher de Guelma ». L’historien J-P Peyroutou révèle qu’il avait créé sa milice le 14 avril, donc trois semaines avant le 8 mai. Mouloud Feraoun fait un terrible portrait d’Achiary dans son Journal.
7 – Achiary rejoint les « ultras » de l’Algérie française en 1955-56. La terminologie des tribunaux spéciaux est reprise par les « comités de salut public » formés par l’Algérie française. Dans ses Mémoires, On chantait rouge (Robert Laffont, 1977), Charles Tillon explique qu’il n’a aucune responsabilité dans la répression de ces émeutes, et qu’elle fut une machination fomentée par des nostalgiques de Vichy. Il dit être persuadé que les Américains ont joué un rôle dans ce drame. Il met en cause un colonel d’aviation pétainiste qui sera plus tard un animateur du complot du « Comité de salut public » du 13 mai 1958, qui aboutira à la prise du pouvoir par le général de Gaulle et à l’avènement de la Ve République.
8 – Olivier Lecour Grandmaison, L’Humanité, 9 mai 2009
9 – Sylvie Thénaut, Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, Flammarion, 2005
10 – Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’Etat aux Anciens combattants et à la Mémoire, le 19 avril 2015 reprenant les termes choisis par le Président de la République, François Hollande, lors de sa visite officielle en Algérie en 2012.

La foule en liesse fête la victoire sur les Champs Elysées, à Paris
8 mai 1945

Armistice ou capitulation sans conditions ?

La date du 8 mai est souvent retenue comme un « armistice », sans doute par analogie avec le 11 novembre. Mais il s’agit d’un abus de langage. Un armistice est négocié. Or, lors des Conférences de Casablanca puis de Téhéran, durant l’année 1943, les Alliés ont rejeté toute idée de négociation. Ils ont convenu d’un principe : à la guerre totale prônée par l’Allemagne doit répondre une victoire totale, sans compromis. 

En janvier 1945, l’Allemagne ne s’avoue pas vaincue. Elle a lancé deux offensives dans les Ardennes et en Hongrie en décembre 1944 et compte sur de nouvelles armes : les fusées V1 et V2. Goebbels dit en mars :  » S’il est écrit que nous devons sombrer, le peuple allemand tout entier sombrera avec nous. »

Pourtant, en avril, l’Allemagne est aux abois. Le 24 avril 1945, Himmler prend contact avec le comte Bernadotte, président de la Croix rouge suédoise, pour transmettre aux occidentaux une proposition de paix séparée, en échange de quoi il regrouperait l’ensemble des forces armées allemandes sur le front de l’Est pour vaincre l’Union soviétique.

Le mardi 8 mai 1945, la Seconde Guerre mondiale s’achève en Europe par la victoire des Alliés et l’effondrement de l’Allemagne nazie, quand l’Italie fasciste était déjà défaite. Six années de guerre marquées par des atrocités inimaginables, 2077 jours de souffrances. Mais ce n’est pas la fin de la guerre mondiale, qui se poursuit en Asie.

Drapeau rouge sur le Reischstag – Photo d’Evgueni Khaldeï

La guerre en Europe se termine par la prise de Berlin, capitale et lieu de pouvoir des nazis dans laquelle Hitler avait décidé de revenir le 16 avril 1945. En mars, les troupes soviétiques des maréchaux Joukov, Koniev et Rokossovski se rejoignent et préparent l’assaut de la ville. A l’Ouest, les armées alliées encerclent la Ruhr : l’étau se resserre inexorablement. Le 21 avril, les chars soviétiques entrent dans la ville. L’appel pour défendre la ville, à la Volksturm, sorte d’armée fantoche d’enfants et de vieillards fanatisés ne change rien. Dans la nuit du 29 au 30 avril, Hitler se suicide. C’est la débâcle ! Une heure plus tôt, les soldats de Joukov ont entrepris la prise du Reichstag et le 1er mai, vers 3 h, le lieutenant Sorokine et son escouade hissent le drapeau rouge sur le toit (1). Goebbels tente alors de négocier mais Staline lui fait répondre que rien n’est négociable et exige la capitulation sans conditions, comme cela a été annoncé par les Alliés. Le 2 mai, le commandant de la place de Berlin, Weidling se rend.

Le 7 mai à Reims, 2 h 41

Le 3 mai, Doenitz, désigné par Hitler comme son successeur, envoie le général Alfred Jodl, chef d’état-major de la Wehrmacht, au quartier général d’Eisenhower à Reims, muni des pleins pouvoirs pour signer la reddition générale des forces allemandes. Il y arrive le 6. La veille, les troupes du général Leclerc se sont emparées du « Nid d’aigle » de Berchtesgaden. Jodl est contraint d’accepter un texte du commandement allié soumis par le général américain Walter B. Smith (2). La capitulation est signée dans la nuit, le 7 mai à 2 h 41. De Gaulle et Staline sont furieux, ils ont le sentiment que la France et l’URSS ont été tenus à l’écart, en dépit de la présence à Reims du général Sousloparov et du général François Sevez, à titre de témoin.

Jodl signe l’acte de reddition à Reims
Keitel signe l’acte de capitulation à Berlin

Le 8 mai à Berlin, 23 h 01

La « cérémonie » de signature doit être répétée à Berlin le 8 mai, au quartier général de l’Armée rouge. Il est certain que le symbole est plus fort. L’Allemagne y est représentée par le maréchal Keitel. En entrant dans la salle, il salue de son bâton de maréchal. Joukov qui préside, reste assis et impassible : Keitel vient de comprendre qu’il est un vaincu auxquels les honneurs ne seront pas rendus (3). La signature des neuf exemplaires intervient à 23 h 01 à Berlin (4), soit 1 h 01 à Moscou le 9 mai (5). Le drapeau français a été ajouté à la hâte, la France est représentée par le général de Lattre de Tassigny, ce qui a provoqué les sarcasmes de Keitel :  » Les Français, ici » (6). Pour la France, être admise parmi les vainqueurs n’a été possible que grâce à la mobilisation de la Résistance tout au long de la guerre et dans les combats de la libération. Le texte signé à Reims le 7 mai est un « acte de reddition », celui du 8 mai, signé à Berlin est un « acte de capitulation militaire », qui implique le dépôt des armes et pas seulement la fin des combats.

Le 9 mai à 15 h, le général de Gaulle fait un discours à la radio, tandis que les cloches de toutes les églises françaises sonnent à la volée puis il se rend à l’Etoile. Au même moment, Churchill à Londres et Truman à Washington s’expriment également. La fin de la guerre est vécue dans la liesse populaire, malgré l’angoisse de celles et ceux qui attendent le retour d’un prisonnier ou

d’un déporté. Au lourd bilan humain (58 millions de morts civils et militaires, 10 millions de morts dans les camps nazis), s’ajoutent des économies en ruines, des drames personnels, le traumatisme de la révélation des horreurs du système nazi.

Le 11 mai à Bouvron (Loire-Inférieure)

Toutefois, le territoire n’est pas libéré en totalité le 8 mai. Il reste, sur la façade atlantique, des poches toujours occupées par l’armée allemande. C’est le cas en Loire-Inférieure où les combats se sont poursuivis, après la libération de Nantes, dans la Poche de Saint-Nazaire. Un autre acte de reddition intervient le 11 mai à Bouvron.

Le général de la Wehrmacht Junck remet son revolver au général américain Kramer, accompagné du général français Chomel. « En remettant mon arme, je vous remets la reddition de toutes les troupes allemandes de la forteresse de Saint-Nazaire leur déclare-t-il. L’armée allemande se rend, de même que dans les autres forteresses nazies protégées par le Mur de l’Atlantique.  

Le général de la Wehrmacht Junck remet son revolver au général américain Kramer

L’autre 8 mai : Sétif*

Le 8 mai, la foule en liesse ignore que ce jour devra s’écrire au pluriel. Il y a eu des 8 mai. Au moment où cette foule célébrait la victoire, l’armée française tirait à Sétif et à Guelma sur des manifestants algériens qui exprimaient des sentiments nationaux, mais aussi des revendications démocratiques largement inspirés par les idéaux de la Résistance.

Le 8 mai appartient à ces dates clefs de l’époque contemporaine – « Une des plus grandes dates de l’Histoire universelle » (7) – celles qui commémorent les fins de conflits meurtriers marqués par des atrocités innommables, celles qui fondent pour partie l’identité des vivants sur le souvenir des morts. Le sens du 8 mai, c’est la victoire de la démocratie sur la barbarie nazie, sur le fascisme. Comme le note l’historien Serge Wolikow : « L’esprit né de la victoire sur l’hitlérisme a encore une grande résonance dans le monde d’aujourd’hui, qu’il s’agisse des principes démocratiques, des solidarités internationales ou de la manière de vivre ensemble ».

* Pour en savoir plus, voir notre article L’autre 8 mai : Sétif

L’autre 8 mai 1945: les massacres coloniaux de Sétif, Guelma, Kherrata

 Source

* Ian Kershaw, La Fin. Allemagne 1944 – 1945, Seuil, 2012

* Serge Wolikow, Antifascisme et nation, EUD, 1998

*Jean Lopez (dir), La Wehrmacht, La fin d’un mythe, Perrin, 2019

Notes

1 – Officiellement, c’est le lieutenant Sorokine et son escouade qui ont hissé le drapeau sur le toit du Reichstag. Mais, en raison de l’obscurité l’événement n’a pas pu être photographié. La photo mythique de Evguéni Khaldéï a été prise le lendemain.

2 – La séance est présidée par le général Bedell Smith, chef d’état-major d’Eisenhower qui signe l’acte pour les Occidentaux, puis l’acte est signé par le général Souslopalov, pour l’Union soviétique et par le général Sevez, sous-chef d’état-major, pour la France (Le maréhal Juin est à San Francisco où se déroule la Conférence des Nations-Unies)

3 – Témoignage du commandant René Bondoux, présent aux côtés du général de Lattre, Le Figaro, 8 mai 2015.

4 – La séance est présidée par le maréchal Joukov qui signe pour l’URSS, les Occidentaux ont une double représentation, le général Tedder signe pour la Grande-Bretagne et le général Spaatz pour les Etats-Unis.  L’acte est signé pour la France par le général de Lattre de Tassigny au titre de témoin.

5 – Ce qui explique que le « 8 mai » est commémoré le 9 en Russie.

6 – Il y a plusieurs variantes selon les traductions :  » Les Français ici » ou « Les Français aussi »

7 – Marcel Cachin, L’Humanité, 9 mai 1945

« Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. »

M. le Président. – Je donne lecture de l’article 16 : « Les femmes seront éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».
J’ai été saisi d’un amendement de M. Grenier ainsi conçu : « Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».
M. Grenier. – Je ne reviendrai pas pour défendre mon amendement sur ce que j’ai déjà dit au sujet du vote des femmes. Ce sont les mêmes considérations qui m’ont inspiré. Je pense que l’amendement de M. Prigent ayant été adopté par l’Assemblée, les femmes doivent voter, non seulement aux élections qui aboutiront à la Constituante, mais également à toutes les élections qui auront lieu dès la libération.
M. le Président de la Commission. – Je dois rappeler que c’est à l’unanimité moins une voix que la Commission avait adopté le principe du vote des femmes, et que c’est à l’unanimité qu’elle avait estimé que les femmes ne voteraient pas aux élections provisoires qui auraient lieu en cours de libération.
Il ne s’agit pas d’apprécier les capacités, les mérites et les droits de la femme à voter, mais uniquement d’examiner les conditions de fait dans lesquelles elle va être amenée à exercer ce droit pour la première fois. N’oubliez pas que le délai de trois mois que nous avons prévu pour la reconstitution des listes électorales est extrêmement court, même pour des élections ordinaires. Or, le travail sera encore compliqué par l’absence des réfugiés, prisonniers et déportés. Si l’on doit ajouter les femmes sur ces listes les difficultés seront encore accrues. D’autre part, il est établi qu’en temps normal les femmes sont déjà plus nombreuses que les hommes. Que sera-ce à un moment où prisonniers et déportés ne seront pas encore rentrés ? Quels que soient les mérites des femmes, est-il bien indiqué de remplacer le suffrage universel masculin par le suffrage universel féminin ?
Enfin, je pense que la confection matérielle des listes électorales où, pour la première fois, figureront les femmes, donc des listes nouvelles, demandera beaucoup de temps. Si donc l’on admet les femmes à voter aux premières élections qui suivront la libération, on ouvre la porte à toutes sortes de fraudes et d’irrégularités dans cette période incertaine qui accompagnera les premières consultations populaires. Autant je considère que l’amendement de M. Prigent était fondé, autant j’estime qu’il n’y a pas lieu de retenir celui de M. Grenier. La Commission en demande donc le rejet.
M. Antier. – Je ne partage pas l’avis de la Commission. Je considère que la France, hommes et femmes réunis, résiste dans son ensemble. Il serait donc injuste d’écarter les femmes des premières élections, d’autant plus que ces élections se dérouleront à l’échelon communal et départemental. La confection des listes est donc possible.
M. Poimbœuf. – J’avais, à la Commission, soutenu le vote des femmes dès les premières élections, et c’est uniquement parce qu’il apparaissait pratiquement impossible de dresser les listes dans le délai légal de trois mois que, par la suite, je m’y étais opposé. J’insiste sur le terme « pratiquement ». On pourrait donc, peut-être, envisager une prorogation de ce délai de trois mois, ce qui permettrait de concilier tous les points de vue.
M. Grenier. – Je dois avouer qu’aucun des arguments exposés ne m’a convaincu. L’éloignement de leurs foyers de nombreux prisonniers et déportés qui ont été remplacés dans leurs tâches par leurs femmes, confère à ces dernières un droit encore plus fort de voter dès les premières élections. Quant à la confection matérielle des listes électorales, j’estime qu’il s’agit d’une question de bonne volonté et d’organisation dans chaque mairie. Il suffirait d’y employer un personnel suffisamment nombreux. On l’a bien fait pour les cartes de vêtements ou d’alimentation.
Je ne comprends pas non plus qu’on puisse supposer que nous demandons le vote féminin dès les premières élections pour faciliter je ne sais quelles irrégularités. Nous demandons simplement que toute la Nation soit appelée à se prononcer sur ceux qui la dirigeront, que ce soit à l’échelon municipal, départemental ou national.
Je dois d’ailleurs vous mettre en garde contre une réaction éventuelle de l’opinion publique. À la suite de nos derniers débats, le presse et la radio ont annoncé que le suffrage des femmes était décidé, et l’on n’a pas précisé s’il s’agissait d’élections suivant immédiatement la libération ou plus tardives. Si mon amendement n’est pas retenu, nous donnerons l’impression de nous être déjugés. (Applaudissements)
M. Hauriou. – C’est le groupe des indépendants de la Résistance qui a proposé d’ajouter à l’article 1er du projet d’ordonnance sur les élections à l’Assemblée constituante, une disposition prévoyant le vote des femmes. Nous ne pouvons donc être suspectés d’hostilité à cet égard. Je voudrais cependant présenter quelques observations.
En premier lieu, je dois souligner que sous le biais des élections municipales, c’est en réalité tout le problème des élections provisoires qui suivront que nous abordons. Car si nous admettons les femmes à voter aux premières élections qui suivront la libération, il sera impossible de ne pas les admettre aux élections pour l’Assemblée nationale provisoire. Il faut bien savoir dans quelle voie nous nous engageons. Le groupe des résistants indépendants a admis que, s’agissant d’élections pour une représentation provisoire, il ne saurait être question de faire voter les femmes, car ceci ne manquerait pas de provoquer un déséquilibre dans le corps électoral.
Par contre nous ne formulons aucune réserve au suffrage féminin quand les conditions seront redevenues normales.
Il y a dans notre position une seconde raison. Nous souhaitons que le vote féminin réussisse. Or, si nous suivions M. Grenier dans son amendement, il serait à redouter que les femmes n’encourent des responsabilités et des reproches immérités, dans une consultation populaire où elles auraient eu la majorité. Nous estimons que le premier essai de vote des femmes doit avoir lieu dans des conditions normales, et c’est pourquoi nous voterons contre l’amendement de M. Grenier.
M. Antier. – La participation des femmes au suffrage universel est un droit qui n’est pas discutable.
M. le Président de la Commission. – Je voudrais répondre d’un mot à M. Grenier quant aux irrégularités et aux fraudes qui risquent de se produire si les femmes sont admises à voter tout de suite. Il sera matériellement et techniquement impossible, étant donnés les délais restreints, de procéder à une constitution régulière des listes électorales. J’insiste donc pour le rejet de l’amendement.
M. Ribière. – Au point de vue de la constitution de listes, je ne vois vraiment pas d’obstacles sérieux à l’admission des femmes. Notre collègue Grenier a judicieusement fait observer qu’il avait été possible, sans grandes difficultés, d’établir les cartes d’alimentation.
D’autre part, il faut reconnaître que les femmes qui sont en France et dont les maris sont prisonniers en Allemagne voteront dans le même esprit qu’auraient voté leurs maris. Refuser le droit de vote aux femmes pour ce premier suffrage serait à mon avis une injure pour les femmes.
M. Grenier. – Il semble que l’argument décisif contre mon amendement soit celui de la difficulté d’établir des listes électorales complètes. Je fais observer que, même pour les électeurs masculins, il sera impossible d’obtenir des listes complètes. Si l’on annonçait dans les communes que toutes les femmes doivent se présenter à la mairie, munies de leurs pièces d’identité, les femmes se feraient elles-mêmes inscrire. Si certaines ne se dérangent pas, tant pis pour elles, elles ne voteront pas. De toute façon, j’estime qu’il vaut mieux une participation des femmes à 80 ou 90 % que pas de participation du tout. Il faut qu’ici chacun se prononce par oui ou par non.
M. Vallon. – Je retrouve dans ce débat les traditions de l’ancien Parlement français dans ce qu’elles avaient de plus détestable. À maintes reprises, le Parlement s’est prononcé à la quasi-unanimité pour le principe du vote des femmes, mais, chaque fois, l’on s’est arrangé par des arguments de procédure pour que la réforme n’aboutisse pas. Ces petits subterfuges doivent cesser (Applaudissements) ; il faut parfois savoir prendre des risques.
M. Bissagnet. – L’amendement Grenier amènera un déséquilibre très net, car il y aura deux fois plus de femmes que d’hommes qui prendront part au vote. Aurons-nous donc une image vraie de l’idée du pays ? En raison de ce déséquilibre, je préfère que le suffrage des femmes soit ajourné jusqu’à ce que tous les hommes soient rentrés dans leurs foyers, et c’est pourquoi je voterai contre l’amendement.
M. Charles Laurent. – Je tiens à préciser que ce n’est pas du tout la question des difficultés d’établissement des listes électorales, qui m’a amené à voter contre l’amendement, à la Commission. Le véritable argument est celui tiré du déséquilibre auquel M. Bissagnet vient de faire allusion.
Au moment où la population sera appelée à aller aux urnes, il y aura cinq millions d’absents, et les femmes seront, en France, deux fois et demi plus nombreuses que les hommes. Il est impossible d’envisager le suffrage dans ces conditions. Aussi voterai-je dans le sens demandé par la Commission.
M. Darnal. – Je m’étonne pour ma part qu’on ait soulevé cet argument de déséquilibre. Est-ce à dire que les femmes françaises sont des déséquilibrées ? S’il peut y avoir déséquilibre, pourquoi alors a-t-on admis le vote des femmes lorsqu’il s’agit de questions aussi importantes que celles qui feront l’objet des élections à l’Assemblée nationale ? Devons-nous oui ou non légiférer pour sortir la France du marasme et de sa misère présente, et devons-nous nous attacher à des questions de procédure ?
La Résistance a dit, par la voix de M. Prigent, que nous avions résisté avec nos femmes et nos filles. Pourquoi alors les femmes n’apporteraient-elles pas leur concours intellectuel comme elles ont donné leur concours physique ?
M. Valentino. – Jusqu’à présent, on a semblé approuver l’octroi du vote aux femmes au moment des élections à l’Assemblée constituante et refusé ce même droit lors des élections municipales provisoires.
J’ai voté en faveur du vote des femmes à l’Assemblée constituante, je voterai cependant contre l’amendement de M. Grenier. Il n’y a pas contradiction dans mon attitude car je suis pour le respect de la légalité républicaine.
Pour la Constituante, il s’agit de fixer de nouvelles règles pour la Constitution de la France, et les femmes doivent participer au vote.
Mais nous ne sommes pas une Assemblée législative, nous ne pouvons bousculer la légalité républicaine.
Notre rôle consiste à réparer les lézardes que Vichy a pu créer et les conséquences des défaillances humaines. Ce qui est indispensable c’est de renouveler l’Administration municipale en restant fidèle aux règles.
M. Costa. – Après les arguments qui ont été présentés, je déclare que je voterai pour le vote « immédiat » des femmes.
M. Poimbœuf. – L’observation que je vais faire semblera remettre en discussion, contrairement à toutes les règles de procédure, l’article 15 qui a déjà été adopté (*) ; en réalité elle ne fera qu’apporter une précision.
J’estime, eu égard aux arguments invoqués, que le délai imparti risque d’être trop court, et je demande que l’on ajoute à l’article 15 qui parle « d’un délai de trois mois » la disposition suivante : « sous réserve de la constitution des listes électorales ». (Mouvements divers). Cette réserve ne constitue pas un « torpillage » du projet ; j’admets que les élections devront avoir lieu dans un délai de trois mois, et que les femmes y seront appelées. Ce n’est que si le délai s’avère trop court qu’il y aura lieu de le proroger. Les élections ne seront reculées que dans le cas où les listes électorales ne pourraient pas être établies à temps (Mouvements divers). Je déclare, en tout cas, que je voterai pour la participation immédiate des femmes aux premiers votes.
M. Duclos. – J’appartiens à un département, le Var, qui a connu un sénateur qui a lutté pendant de nombreuses années en faveur du vote des femmes. Aussi je saisis l’occasion qui m’est offerte de faire triompher la proposition, étant certain d’autre part d’exprimer le vœu des conseillers généraux. Les arguments présentés contre le vote des femmes ne me semblent pas pertinents. Les femmes des prisonniers et de ceux qui sont morts pour la Patrie remplaceront leurs maris. Quant à l’équilibre électoral, il est aisé de répondre que l’équilibre de la Nation a été rétabli par les sacrifices et le courage des femmes.
On a soulevé les difficultés d’ordre pratique qui ne manqueraient pas d’apparaître lors de l’établissement des listes électorales. Ces difficultés sont exagérées ; il sera très facile de se référer en la matière aux cartes d’alimentation. On me dira peut-être que les résultats numériques que fourniront ces cartes ne seront pas parfaits. Peut-être en effet, y aura-t-il quelques fraudes, mais les listes électorales d’antan étaient-elles parfaites ? Je prétends qu’il est possible de réduire considérablement les tripotages. Par un travail consciencieux et un contrôle sévère on aboutira à un double résultat heureux : réprimer les fraudes et rendre possible le vote des femmes.
M. le Président de la Commission. – Je n’aurais pas repris la parole si l’intervention de M. Poimbœuf n’avait pas remis en question l’article 15 précédemment voté. Nous constatons les inconvénients que peuvent présenter les amendements soulevés au cours des débats. Ils sèment la confusion dans la discussion.
Quant à l’amendement Grenier, s’il était adopté, il aboutirait en fait à retarder les élections (Mouvements). Je n’ai aucun amour-propre à défendre, j’ai voté au sein de la Commission en faveur du vote des femmes et j’ai accepté au nom de la Commission l’amendement Prigent, mais il me semble impossible de constituer les listes électorales dans les délais impartis.
Pour les hommes, il sera possible de retrouver les listes de recrutement. Cet élément n’existe pas pour les femmes.
On vous a parlé des cartes d’alimentation. Mais M. Duclos a admis que les listes établies sur cette base pourraient ne pas être très régulières, et en dépit de ses espoirs je crains que des tripotages ne puissent être évités. C’est pour écarter ce grave problème d’irrégularité que je propose de réserver le vote des femmes pour les élections subsidiaires.
SCRUTIN
L’amendement Grenier est mis aux voix par scrutin public.
A la majorité de 51 voix contre 16 sur 67 votants, l’amendement est adopté.
Ont voté pour : MM. Antier, d’Astier de la Vigerie, Aubrac, Aurange, Auriol, Billoux, Blanc, Bonte, Bourgoin, Bouzanquet, Buisson, R. P. Carrière, Claudius, Costa, Croizat, Cuttoli, Darnal, Debiesse, Duclos, Evrard, Fayet, Ferrière, Froment, Gazier, Gervolino, Giovoni, Girot, Grenier, Marty, Mayoux, Mercier, Mistral, Moch, Muselli, Parent, Poimbœuf, Prigent, Pourtalet, Rencurel, Ribière, Tubert, Vallon, de Villèle.
Bulletins 4, 6, 7, 9, 11, 13, 14, 15.
Ont voté contre : MM. Astier, Azaïs, Bosman, Cassin, Dumesnil de Gramont, Francke, Gandelin, Giacobbi, Hauriou, Jean-Jacques, Laurent, Maillot, Rucart, Valentino, Viard.
Bulletin 3.
En congé ou excusés : MM. Boillot, Ely Manel Fall, Seignon, Zivarattinam.
N’ont pas pris part au scrutin : MM. Bendjelloul, Bissagnet, de Boissoudy, Cot, Guérin, Guillery, Lapie, Morandat, Serda et M. Félix Gouin qui présidait la séance.
(*) Article 15 : « Dès que dans un département l’établissement des listes électorales sera terminé, et au plus tard dans les trois mois suivant la libération de ce département, le Préfet sera tenu de convoquer le Collège électoral pour procéder à l’élection des municipalités et d’un conseil général provisoire. »
Source :
Supplément au Journal Officiel de la République française du 30 mars 1944, pp. 2-3 et 8 (scrutin).

LE TEMOIGNAGE DE FERNAND GRENIER

Le droit de vote des femmes est conquis en 1944. Merci qui ?

Un long chemin vers le droit de vote des femmes : d’Olympe de Gouges à Fernand Grenier

Les camps d’internement de Châteaubriant, Choisel et Moisdon-la-Rivière

Mardi 2 avril 2024 de 18h00 à 19h30 à Nantes                  

Archives de Loire-Atlantique 6, rue de Bouillé 44000 Nantes

Samedi 6 avril à 15h à Châteaubriant

Médiathèque 6 place de Saint-Nicolas

Conférence par Louis Poulhès, agrégé et docteur en histoire, ancien directeur régional des Affaires culturelles de Bourgogne.

Les otages exécutés par les Allemands en 1941 à Châteaubriant sont bien connus. Tel n’est pas le cas de l’histoire du camp de Choisel où ils étaient internés, encore moins celle du camp de Moisdon-la-Rivière affecté aux nomades. C’est l’objet du livre, récemment publié, que son auteur présente aujourd’hui.

Entrée libre

 Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec l’auteur, publié dans UN AUTOMNE 41, bulletin du Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure.

A l’occasion de la parution de l’ouvrage de  Louis Poulhès, Les camps d’internement de Châteaubriant. Choisel et Moisdon-la-Rivière, Atlande

nous avons posé quelques questions à Louis Poulhès, déjà auteur des livres : Un camp d’internement en plein Paris. Les Tourelles 1940-1945 et L’Etat contre les communistes 1938-1944 parus en 2019 et 2021 chez le même éditeur.

  • Pourquoi un tel ouvrage ?

Le camp est connu pour les internés qui y ont été fusillés comme otages, notamment Guy Môquet, Jean-Pierre Timbaud, Charles Michels. Paradoxalement, l’histoire du camp a été assez peu étudiée. La mémoire des fusillés a contribué à la reléguer un peu dans l’ombre. Le livre ne porte pas seulement sur Choisel, mais aussi sur Moisdon-la-Rivière, un camp ouvert en novembre 1940 pour des nomades, transférés ensuite à Choisel fin février début-mars 1941, puis renvoyés à Moisdon début septembre 1941. Les deux camps ont fait l’objet d’une gestion commune jusqu’au transfert de tous les internés dans d’autres camps de la zone occupée dans la première quinzaine de mai 1942. Sous l’Occupation, le camp de Moisdon-la-Rivière a donc fonctionné de novembre 1940 à février 1941, puis de septembre 1941 à mai 1942, celui de Choisel de mars 1941 à mai 1942. Leur histoire ne doit pas être dissociée.

  • Comment avez-vous travaillé ?

Comme pour tout travail historique de fond, le recours aux archives est indispensable. La plupart des documents sont conservés aux archives départementales de Loire-Atlantique, mais aussi aux archives de la préfecture de police à Paris, aux archives départementales d’Eure-et-Loir et du Maine-et-Loire et d’autres encore. J’ai croisé ces documents avec les informations issues des internés eux-mêmes : journaux des internés, correspondances avec leurs familles, témoignages et mémoires.

  • Votre éditeur précise que vous avez conçu votre ouvrage « en dehors de tout esprit polémique et d’idéalisation ». Pourquoi ce commentaire ?

Il s’agit simplement d’indiquer que ce travail se veut distancié par rapport à son objet, même si je reste très ému du sort de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants privés de leur liberté pour nombre d’entre eux durant des années, au-delà des seuls fusillés. En particulier, j’ai pris soin de prendre en compte les internés autres que politiques, la mémoire commune réduisant souvent le camp aux seuls politiques. La mémoire de ces camps, qui fait partie de leur histoire, a fait aussi l’objet d’un chapitre du livre.

  • Qu’est-ce qu’un camp d’internement ?

C’est un camp est destiné à enfermer des individus selon une procédure tout à fait particulière : l’internement administratif. En ce qui concerne les politiques (principalement des communistes et des syndicalistes), les internés n’ont commis aucune infraction, mais ils sont seulement suspectés de pouvoir en commettre. Ils peuvent aussi ne pas avoir libérés après avoir purgé une peine ou après avoir été absous par un juge. La décision d’internement est prise par le ministre de l’intérieur ou les préfets (autorité administrative) et non par un juge (autorité judiciaire). La durée de privation de liberté n’est pas limitée dans la très grande majorité des cas, arrestations et libérations étant totalement aux mains de l’administration. Les internés administratifs ne sont donc pas des « prisonniers » comme les autres, prévenus ou condamnés, détenus en vertu d’une procédure judiciaire. La procédure de l’internement n’a été inventée par le gouvernement de Vichy, qui a seulement élargi les publics visés à tous ceux qu’il a considéré comme « indésirables », mais par le gouvernement Daladier sous la IIIe République.

  • Combien y-a-il eu de camps d’internement sous l’Occupation allemande ?

Leur nombre a varié fortement dans le temps. Certains ont été très éphémères (quelques semaines) et leur taille extrêmement variée. On peut les estimer à moins d’une trentaine pour l’ensemble de la période de l’Occupation. Dans la zone non occupée, on distingue principalement des camps pour les étrangers (les plus grands avec jusqu’à plusieurs milliers d’internés) et des camps pour les Français (nettement plus petits avec de quelques dizaines d’internés à plusieurs centaines). Dans la zone occupée, le gouvernement de Vichy est soumis à l’autorisation des Allemands. Le premier camp est celui d’Aincourt en Seine-et-Oise créé début octobre 1940 pour les politiques, les Allemands ayant également enjoint Vichy d’interner les nomades dès octobre-novembre 1940. L’internement des Juifs commence principalement en mai 1941. Tous ces camps sont gérés et gardés par des Français sous l’autorité du gouvernement de Vichy. Rares sont les camps allemands (Compiègne, Romainville ou Drancy après juillet 1943).

  • Combien de personnes ont été internées à Châteaubriant ?

Dans les deux camps de Moisdon et Choisel, 1601 personnes au total ont été enregistrées. Les politiques sont au nombre de 682, soit un peu plus des deux cinquièmes (42,3% du total). Ils sont entrés à Choisel à partir d’avril 1941, puis surtout en mai et à l’été 1941. Les nomades sont 544, soit un peu plus du tiers (34,2 %) et les « indésirables », qui regroupent les autres catégories d’internés 375, soit un peu moins du quart avec 23,5 %. Le maximum des internés présents à Choisel est d’environ 860 personnes à la fin août 1941. Une des originalités de l’ouvrage est de produire la liste complète de tous les internés, par dates d’entrée, avec leurs noms, prénoms, dates de naissance, catégorie d’internement.

  • Qu’est-ce qui a conduit à la fermeture du camp en mai 1942 ?

Les différentes catégories d’internés ont été transférés dans des camps spécialisés dans la première quinzaine de mai 1942 : Voves pour les politiques, Mulsanne pour les nomades, Aincourt pour les femmes (politiques et « indésirables »), Rouillé pour les repris de justice, Gaillon pour les « marché noir », Pithiviers pour les juifs. Le camp de Choisel a sans doute été considéré par les Allemands comme trop connu. Les exécutions d’otages ont en effet profondément bouleversé les Français. Vichy et les Allemands souhaitent également spécialiser les camps. A la différence de Moisdon, définitivement fermé, Choisel a été réouvert en septembre 1944 jusqu’en décembre 1945 pour les collaborateurs, puis transformé en annexe de la prison de Fontevrault jusqu’en décembre 1946. Le camp a ensuite été détruit.

Fête de l’Humanité / dimanche 12 septembre /Louis Poulhes
Nous n’avons pas oublié

Plusieurs commémorations ont honoré le souvenir des FTP fusillés de 1943

Le 29 janvier 1943, plusieurs résistants, combattants FTP,  jugés depuis le 15 janvier par le tribunal militaire, siégeant exceptionnellement dans la salle de la Cour d’assises du palais de Justice de Nantes, ont été passés par les armes au champ de tir du Bêle à Nantes. Le 27 janvier dernier, pour le 81ème anniversaire de leur mort, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées sur les lieux mêmes de leur exécution. 81 : le nombre qui marque cet anniversaire est aussi le nombre des fusillés en ce lieu par les nazis entre 1941 et 1943.

NANTES

La cérémonie, organisée par la municipalité de Nantes en liaison avec le Comité départemental du souvenir a été honorée de la présence du sous-préfet Pascal Othéguy, représentant le préfet, Olivier Chateau, adjoint chargé du patrimoine et de la mémoire, représentant la maire Johanna Rolland, du député Andy Kerbrat, Charlotte Girardot-Moitié, représentant le président du conseil départemental, Julien Bainvel, représentant la présidente du Conseil régional, la Colonelle Fabienne Daniel, représentant le général Le Gentil, Benoit Luc, directeur de l’ONAC-VG et de  Madame Rodier, principale du collège Simone Veil.

Avant celles des personnalités, des gerbes ont été déposées par Christian Retailleau, président du Comité du souvenir, par les délégués des associations mémorielles : ADIRP, les familles de fusillés, les organisations syndicales CGT et FSU et la fédération du PCF.

©Michel Charrier

En ouverture de la commémoration, l’appel des morts effectué avec une grande sensibilité par les comédiennes Claudine Merceron et Martine Ritz a été suivi d’une émouvante évocation historique et artistique. Neuf élèves de la classe de 3ème citoyenne du collège Simone Veil – Aïssatou, Clémence, Emmie, Karen, Léna, Lilou, Manon, Mathéo, Nolan, ont lu en binômes des extraits de lettres de plusieurs fusillés à leur famille, celles de Pierre Greleau, d’André Rouault – fusillé à 17 ans, Maurice Lagathu, Joseph Colas et Raymond Hervé avant de dire le bouleversant poème de Marianne Cohn « Je trahirai demain » et de terminer par « L’Affiche rouge », chantée à capella avec Claudine Merceron et Martine Ritz en hommage aux combattants des FTP -MOI parisiens dont le chef Missak Manouchian est enfin entré au Panthéon le 21 février 2024.

© K Fontan-Praichard – Les élèves du collège Simone Veil qui ont participé à l’évocation artistique
DR  Le sous-préfet Pascal Othéguy a salué les porte-drapeaux, ici Dionisio Ordovas, porte-drapeau de la République espagnole. Cinq Républicains espagnols engagés dans la Résistance nantaise ont en effet été fusillés au Bêle.

SAINTE-LUCE

En 1952, Renée Losq s’est installée à Sainte-Luce-sur-Loire avec ses enfants. La cérémonie d’hommage l’associant à son mari Jean, fusillé le 13 février    1943 s’est déroulée le 27 Janvier, en présence de leur famille, chaleureusement saluée par Nicole Badaud, pour l’ARAC, Christian Retailleau pour le Comité départemental du souvenir. La cérémonie a commencé devant la stèle, place Jean Losq, puis dans la salle Renée Losq. Nicole Badaud s’est exprimée au nom des deux organisations. Elle a d’abord remercié la municipalité, représentée par le maire Anthony Descloziers, pour avoir permis la présentation, sur le mail de l’Europe, de l’exposition sur les « procès » des 42 et des 16, réalisée par les Archives municipales de Nantes avec la coopération du Comité du souvenir. « Cette exposition, a-t-elle dit, nous rappelle que le travail de mémoire et de transmission est une priorité pour nous tous ». Elle a évoqué la parodie de procès tenu en janvier 1943 à Nantes et le témoignage bouleversant de Renée Losq : « Lorsque les sentences sont tombées, tous les gars se sont levés et ont chanté La Marseillaise. Ils étaient enchaînés (…) » Cet acte nous dit « le courage, la dignité, la force de conviction des résistants. » Evoquant le contexte de l’année 1943, l’oratrice souligne combien au lieu de tétaniser la population, but recherché par les nazis, ce nouveau massacre de 50 résistants après celui des Otages en 1941,  a renforcé le sentiment anti-allemand, s’ajoutant aux annonces des défaites allemandes à Stalingrad et en Afrique du nord.

Nicole Badaud retrace ensuite, avec émotion, le parcours de Jean et Renée Losq et leur combat pour une société plus juste, aux Batignolles et à La Halvêque, qui les conduit à s’engager dans la Résistance. Jean est fusillé à 35 ans, Renée est déportée à 32 ans à Ravensbrück puis Mauthausen. Elle dit la difficulté de la réadaptation qu’ont connu tous les survivants et la reprise de l’activité militante de Renée à la FNDIRP, à l’UFAC, l’ARAC, au PCF. Attachée à transmettre aux jeunes générations le message de paix qu’elle portait, elle concluait toujours ses interventions dans les établissements scolaires par « Plus jamais ça ! »

©Michel Charrier
©Jacqueline Bourbigot

DIVATTE-SUR-LOIRE

L’hommage aux Républicains espagnols fusillés à l’issue du « procès » dit des 42 s’est déroulé le 28 janvier. Christine Fernandez, secrétaire générale du Comité départemental du souvenir rappelle dans son allocution que « cela fait 20 ans que nous nous retrouvons dans ce cimetière pour rendre hommage à nos camarades Républicains espagnols ». La première cérémonie, organisée par le Comité du souvenir en lien avec la municipalité et l’UNC s’est tenue le 15 février 2004. Elle rappelle que le Comité avait été alerté par Jean Chauvin, dont le père Auguste Chauvin mentionnait dans une lettre la présence de codétenus espagnols dans sa cellule à la prison Lafayette. Elle déroule ensuite le fil des démarches et recherches qui ont conduit à un premier contact avec la fille d’Alfredo Gomez Ollero et la sœur de Miguel Sanchez Tolosa « qui ignoraient tout de leur père et frère depuis leur départ d’Espagne chassés par le franquisme. » Elle évoque le temps fort qu’a été leur venue à Nantes et à La Chapelle-Basse-Mer le 12 février 2006, à l’occasion de l’inauguration de la stèle créée par le plasticien allemand Ekkehart Rautenstrauch « qui a donné lieu à des scènes émouvantes. » Cet hommage a eu des échos de l’autre côté des Pyrénées et une délégation du Comité du souvenir a pu se rendre en Galice pour l’inauguration d’une plaque dans le village natal de Gomez Ollero. L’oratrice rend hommage à Annie Buraud et Gérard Roulic, chevilles ouvrières du collectif qui a poursuivi les recherches jusqu’à l’établissement de relations avec les 5 familles. L’an dernier, elles étaient présentes jusqu’au arrières – petites – filles dans ce cimetière et à l’inauguration à Nantes d’une rue Alfredo Gomez Ollero, en présence de l’ambassadeur d’Espagne, très ému. Christine Fernandez développe ensuite l’engagement des Espagnols en Loire-Inférieure et la chute de leur groupe avec 88 arrestations à l’été 1942 qui mène à la parodie de procès dit des 42. « Ils sont morts pour libérer la France du joug nazi. Nous ne pouvons oublier leur combat alors que la loi dite asile-immigration torpille les piliers porteurs de notre pacte républicain hérité du CNR. Inlassablement, ajoute-t-elle, faisant allusion à la panthéonisation du groupe Manouchian, nous rappellerons le rôle décisif de milliers d’étrangers dans la Résistance française »

Madame Christelle Braud, maire de Divatte-sur-Loire, rappelle à son tour le travail de Jean-Paul Leroux, adjoint au maire et des regrettés Roger Jamin, maire et Roger Hivert, président de l’UNC avec le Comité du souvenir en 2004. Elle souligne l’importance de ces rassemblements annuels pour faire vivre le souvenir de ces hommes « qui ont combattu sans relâche chez eux en Espagne, fuit vers la France et malgré l’accueil qui leur a été fait, sont entrés dans la résistance et ont combattu jusqu’à la mort contre le nazisme », ajoutant « Commémorer leur engagement constitue un devoir contre l’oubli (…) Le passé nous instruit et la mémoire es un héritage que nous devons transmettre. Inlassablement. »

Des gerbes ont ensuite été déposées par Marcel Guillé (UD CGT), Anne Mesnier et Annie Cailleau-Belleau (FSU), Pedro Maïa (PCF) puis Christian Retailleau, président du Comité départemental du souvenir. Après La Marseillaise a retenti l’Hymne de la République espagnole puis le Chant des partisans. Des hommages ont ensuite été rendus à Gisèle Giraudet, pour avoir longtemps pris soin des tombes espagnoles et en présence de sa famille à Christian de Mondragon, pour avoir installé le drapeau français au sommet de la cathédrale le 11 novembre 1940, avec son ami Michel Dabat, l’un des 50 otages.

©Michel Charrier
©Michel Charrier

REZÉ

Le 25 février, sous une pluie battante, s’est déroulé l’hommage aux FTP rezéens. La cérémonie s’est ouverte devant la stèle à Jean Moulin, installée dans le square éponyme, rond-point des Martyrs de la Résistance, à l’entrée de Pont-Rousseau.

©Michel Charrier

Après une halte devant le monument aux morts, place Roger Salengro, le cortège s’est dirigé vers le cimetière Saint-Paul, rue Jean Fraix, où en présence de Philippe Audubert, adjoint chargé des anciens combattants représentant la maire Agnès Bourgeais, Jacques Floch, ancien secrétaire d’Etat et maire honoraire, Gilles Retière, maire honoraire, Christian Retailleau s’est exprimé devant le Mémorial aux résistants fusillés. Après avoir évoqué le souvenir de Gilbert Boissard, qui nous a quittés l’été dernier et qui était présent chaque année à ce rendez-vous, fidèle à la mémoire de son père Marcel Boissard et de ses camarades, le président du Comité départemental du souvenir a évoqué la figure de Maurice Lagathu, 21 ans, chef du groupe FTP de Pont-Rousseau qui écrivait dans sa dernière lettre : «  J’emporte avec moi la certitude de la victoire. »

©Michel Charrier

Ces résistants avaient rejoint les Francs Tireurs et Partisans après les massacres de masse d’octobre et décembre 1941 à Châteaubriant, Nantes et au Mont Valérien. Christian Retailleau rappelle leur engagement : « Pendant des mois, ils vont multiplier les actions de guérilla : sabotages d’installations militaires, de voies ferrées, du pont-roulant de l’usine de locomotives des Batignolles, attentats contre les soldats allemands et les collaborationnistes. Ce sont plus d’une cinquantaine d’actions de résistance dans toute l’agglomération. Mais la police française, avec le SPAC, le service de police anticommuniste créé par le ministre de l’intérieur Pucheu, sous la coupe de l’Occupant, va effectuer sa sinistre besogne. Les groupes de FTP sont tombés dans l’été 1942. La parodie de procès dit des 42 en janvier 1943, suivi du procès des 16 en août avaient l’objectif de criminaliser la Résistance. Le bilan est terrible : 50 accusés sont condamnés à mort, 7 autres sont déportés dont 3 femmes. Parmi eux 5 Républicains espagnols qui avaient rejoint la Résistance française. »

©Michel Charrier

Christian Retailleau revient sur l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian, accompagnés des 23 FTP qui composaient ce qui s’est  appelé ensuite «  groupe Manouchian » après la Libération, ainsi que Joseph Epstein, chef de tous les FTP parisiens. Saluant « ce moment historique », qui met en lumière « l’apport inestimable des étrangers  à la Résistance », il a exprimé sa consternation que la loi dite asile-immigration ait pu être votée « attaquant notre pacte républicain hérité du Conseil national de la Résistance ». Evoquant la situation en Ukraine et à Gaza, ravagées par la guerre, il a fustigé le climat de haine qui renaît, concluant sur les mots de Manouchian : « Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand ».

Annexes

Allocution de Madame Christelle Braud, maire de Divatte-sur-Loire

Allocution de Christine Fernandez à Divatte-sur-Loire

Allocution de Nicole Badaud à Sainte-Luce-sur-Loire

Allocution de Christian Retailleau à Rezé

Enfin !

Le Comité du souvenir résistance 44 honore la mémoire de Missak et Mélinée Manouchian et de leurs camarades FTP

Missak Manouchian entre au Panthéon avec Mélinée, l’ensemble des membres de son groupe de 23 résistant .es et Joseph Epstein, chef des FTP de la région parisienne.

Notre Comité considère que cette reconnaissance, certes tardive, n’est que justice eu égard au rôle qu’ont joué ces hommes et ces femmes qui se sont levés, au péril de leur vie pour combattre la barbarie à une époque où notre pays vivait sous le joug des extrêmes-droites au pouvoir avec Vichy et l’occupation nazie.

Ils et elles nous ont laissé la liberté en héritage et un ensemble de mesures pour  les « jours heureux » du Conseil national de la Résistance.

Cet événement constitue un message essentiel à l’heure où se répand une xénophobie aux effets délétères. Ces « étrangers et nos frères pourtant » symbolisent une certaine idée de la nation française, ouverte et fraternelle.

Notre Comité s’associe d’autant mieux à cet événement qu’il y associe les FTP qui ont joué un rôle majeur dans la résistance ligérienne, et parmi eux de nombreux Espagnols. D’autre part, comme le révèle notre site resistance-44.fr, à deux reprises, puis, les FTP parisiens par de nombreux faits d’armes ont rendu justice aux 50 otages le 22 octobre 1943, puis le 9 septembre 1943 aux FTP nantais condamnés à l’issue du « procès » des 16.

Notre Comité puise dans cette panthéonisation des encouragements à poursuivre son activité pour défendre et transmettre les valeurs de la Résistance.

Nantes le 19 février 2024