Hommage à Jean de Neyman. Samedi 7 Septembre 2013

Avant la guerre, étudiant à Strasbourg, Jean de Neyman adhère au PCF. Dans l’Allemagne toute proche, le fascisme règne en maître. C’est « le temps du mépris » de Hitler et des Krupp. Jean connaît le hideux visage du fascisme : l’incendie du Reischtag, les autodafés de livres, les pogromes contre les juifs, les assassinats de communistes, les premiers camps de concentration où sont jetés les militants ouvriers.

Aussi, quand en 1940, les armées nazies campent sur notre sol, Jean, sans hésitation, entre dans la résistance, participe pleinement à « ce combat inégal et périlleux » dont il a mesuré tous les risques. Avec courage et audace, il multiplie les actions contre l’occupant.

Arrêté, alors qu’il s’élance au secours d’un déserteur allemand qu’il héberge et qui est pris par une patrouille, il est interné à Heinlex (Saint-Nazaire). Jugé, il est condamné à mort.

Pendant quelques jours qu’il lui reste à vivre, il rédige un mémoire de 55 pages de réflexions scientifiques et pédagogiques ainsi que la dernière lettre si noble et émouvante à ses parents.

Il va mourir. Les raisins mûrissent à l’approche des vendanges.
Il va mourir. Le nazisme agonise sous les coups des alliés. La victoire est proche ; cette victoire dont il a été un des artisans et que, ironie du sort, il ne connaîtra pas.

Le dos au mur du jeu de boules, à Heinlex, le 2 septembre 1944, il regarde, lui le dernier fusillé de la poche, calme, avec le sourire du vainqueur, les vaincus qui, inutilement, vont le fusiller.

Redonner au 8 Mai sa signification !

Le 8 Mai, célèbre la victoire des peuples et des forces alliées sur la barbarie nazie et la capitulation sans conditions des armées fascistes . Il n’est pas inutile de le rappeler aujourd’hui.

Tout d’abord parce que la capitulation sans conditions de l’Allemagne nazie le 8 mai 1945 a marqué la victoire des valeurs fondamentales de la civilisation dans son sens universel. C’est-à-dire, notamment, celles de la liberté, du respect des droits de l’homme et en particulier de la dignité, ainsi que le respect du droit et de la justice.

Cette victoire qui a conduit à la forte réaffirmation de ces valeurs fondamentales, concrétisées par des traités et des institutions, dont la plupart furent conçus, créés et adoptés à la lumière des tragédies générées par la barbarie nazie .

Mais, au fur et à mesure que le conflit s’éloigne dans le passé, l’accent est mis en général sur la commémoration, c’est-à-dire sur les victimes. Ira-t-on jusqu’à ce que le conflit soit complètement absorbé par l’Histoire et ne fasse l’objet que d’évocations occasionnelles, ira-t-on jusqu’à l’effacement de sa signification ?

La contribution de la France à cette victoire a un aspect particulier qui – là encore – souligne la spécificité du 8 mai. En effet, cette contribution a été en grande partie celle de tous ceux qui, refusant d’accepter la défaite de juin 1940, l’occupation nazie et la collaboration du gouvernement de Vichy, ont été des combattants volontaires, soit dans les Forces françaises libres, soit dans la Résistance intérieure.

Il faut aussi souligner la capacité d’espérance de ces combattants volontaires et leur confiance dans l’avenir alors que tout était sombre autour d’eux. Un espoir, une détermination et une solidarité qui ont abouti à l’accord unanime sur le programme du Conseil national de la Résistance qui a marqué la reconstruction de la France.

Le « 8 mai » célèbre la victoire de tout ce que le régime nazi a nié et a cherché à détruire, les cérémonies officielles l’oublient de plus en plus souvent et sont l’occasion de remises de décorations multiples qui n’ont rien à voir avec l’objet du 8 mai.

Pour les organisations signataires, le 8 mai célèbre la victoire militaire des pays alliés* contre le nazisme et commémore de façon générale les sacrifices et les souffrances de leurs populations, en particulier dans les pays sous occupation nazie, ainsi que celles des résistants dans ces pays.

*France, USA, Angleterre et Union Soviétique.

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Cérémonie du 70e anniversaire des fusillades de 1943

20130216_CommemorationBeleNantes_3647_OkW_PhotoPatriceMorel.jpg Photos Patrice Morel

L’ Allocution J. Busson

Monsieur le Maire,
Monsieur le Préfet,
Chères familles de fusillés,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations patriotiques,
Mesdames Messieurs,

Ici même, plongés dans la semi-obscurité de ce sinistre champ de tir du Bêle, plus de 80 résistants sont tombés sous les balles nazies.

Souvent jeunes, comme ceux du procès des 42 avec une moyenne d’âge de 30 ans, très jeunes comme André Rouault, aîné de Guy Moquet d’un mois à peine. Nous rendons particulièrement hommage aujourd’hui aux FTP des procès des 42 et des 16, pour le 70e anniversaire de leur sacrifice. Cette cérémonie, avec l’appel aux morts, des 82 noms, marque notre volonté de n’oublier aucun d’eux dans l’indissociable souvenir et la reconnaissance qui leur sont dus.

Commémorer leur engagement, leur combat, pour la liberté constitue un devoir contre l’oubli, un devoir envers les générations nouvelles afin qu’elles sachent que résister dans les pires conditions est toujours possible, indispensable lorsqu’il s’agit de défendre les droits essentiels de l’homme, les valeurs de liberté, de démocratie, de paix.

Enseigner l’histoire de ces résistants est le but de notre travail de mémoire, cette histoire si absente des programmes scolaires et des productions des grands médias. De plus pour certains, il faudrait aujourd’hui la dissoudre, l’amalgamer, avec celle d’autres conflits, y compris coloniaux, l’uniformiser dans un mémorial Day à la française. Nous ne pouvons aucunement souscrire à une telle perspective qui conduirait à brouiller les valeurs, à accentuer la perte des repères indispensables à la formation de citoyens conscients, capables d’êtres autonomes, solidaires et libres.

L’oubli, disait Eluard, est le second linceul des morts. Que serait, sans les différentes associations mémorielles présentes aujourd’hui, la mémoire de la résistance et de la déportation. La remise en cause régulière des grandes commémorations nationales patriotiques a pour but de les banaliser, de les vider de leur sens historique et des valeurs qu’elles portent.

C’est dans des moments comme ceux que nous vivons ce matin, lors des hommages rendus à ces hommes à ces femmes, qui bien que minoritaires résistèrent à la force bestiale qui semblait tout submerger, que nous mesurons mieux la nécessité d’une approche historique qui fait réflexion par l’analyse des causes et de l’enchaînement des faits.

Comment comprendre le sacrifice de Louis le Paih, de Claude Millot, dont les rues qui entourent ce lieu porteront désormais les noms ? Comment le comprendre en occultant le vécu de chacun d’entre eux: le contexte dans lequel se sont construite leur personnalité, avec les bonheurs des luttes de 1936, mais aussi les inquiétudes lors de l’écrasement de la République espagnole, leur colère face à la non intervention, la mobilisation contre la montée du fascisme en Europe avec son cortège de violences racistes et antisémites? Comment comprendre le sacrifice en occultant la honte et la révolte face à la débâcle, l’effondrement de la France, l’assassinat de la République voulue par une bande d’affairistes préférant Hitler plutôt que le Front populaire.

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Oui, il est important d’inaugurer encore aujourd’hui des plaques de rues qui incitent à la réflexion et fassent appel à la mémoire. Nous souhaitons que d’autres noms de rues viennent enrichir ce travail de mémoire. Pendant longtemps oubliés des commémorations officielles, ces Résistants ne le furent jamais des milieux populaires d’où ils étaient issus. Probablement leur appartenance politique gênait, contredisait certains dogmes et rappelait à certains notables leur passé pendant l’occupation.

Oui, il aura fallu attendre le 60e anniversaire de leur exécution pour que chaque année, un hommage officiel leur soit rendu. Nous le devons à notre action et à notre travail mémoriel, à l’écoute et à l’engagement voici 10 ans devant les familles et les derniers compagnons de ces Résistants, du Député-Maire de Nantes Jean Marc Ayrault aujourd’hui Premier Ministre. Nous lui renouvelons notre reconnaissance.

Monsieur le Maire, il nous faut aujourd’hui poursuivre ensemble ce nécessaire travail de mémoire. Le Bêle change, votre travail de bâtisseur du Nantes du 21è siècle,sort ce lieu de son isolement. Il n’est plus un terrain aux marges de la ville. Il devient un quartier jeune et agréable. Ce lieu de mémoire, au coeur d’habitations nouvelles, évoque,avec l’oeuvre de Jules Paressant et le totem mémoriel, les 50 otages mais nous la référence, mis à part cette plaque, aux autres Résistants ici martyrisés reste des plus discrète

L’appel des noms de tous les fusillés, avec le talent et l’humanité de Claudine Merceron et Martine Ritz à l’instant, soulève notre émotion. Mais au-delà de celle-ci, l’approche historique est nécessaire afin d’analyser, de comprendre le courage de chacun de ses hommes et femmes et leur détermination face aux sbires de Vichy, face à la Gestapo.

C’est cette approche historique, avec la prise en compte des engagements respectifs de ces militants politiques ou syndicaux dans un contexte de chasse aux communistes conduite sous le prétexte du pacte germano-soviétique, ce sont les enseignements tirés de ce chemin parcouru, avec ses souffrances et sacrifices, qui nous aident à cerner comment la Résistance a pu grandir année après année, jusqu’à la réalisation de son unité.

La création du Conseil National de La Résistance sous l’autorité de Jean Moulin et dont nous célébrons cette année le 70è anniversaire , fait encore référence.
Le CNR permit au pays de préparer sa libération avec le concours des Alliés, de redonner à la France sa place dans le concert des nations, en se dotant en 1944 d’un programme novateur de progrès social et d’avancées démocratiques, économiques et politiques, s’émancipant des forces de la finance qui avaient sombré dans la collaboration. Un programme ambitieux de reconstruction du pays et de conquêtes sociales, comme la sécurité sociale dont nous bénéficions aujourd’hui ou le droit de vote pour les femmes…

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Expliquer ce qu’un pays a été capable de réaliser alors qu’il devait se relever d’un champ de ruine, n’est-ce-pas démontrer que répondre aux attentes sociales des citoyens, organiser leur participation aux décisions ne constituent pas un handicap, mais au contraire une solution pour surmonter les problèmes avec plus d’efficacité qu’une gestion dont la finalité est le profit d’une minorité et l’austérité pour les autres.

Quelles leçon aussi pour aujourd’hui, cet espoir qui jamais ne les avait abandonné ! Et jusqu’à l’aube de leur exécution, la certitude de la victoire, si forte dans leur ultime lettre d’adieu. Conviction renforcée par les nouvelles de la défaite des nazis à Stalingrad, qui malgré tout leur parvenaient au fond des cachots.

Enseigner les pages d’histoire écrites de leur sang, les raisons de la montée du fascisme et du nazisme, c’est interpeller les consciences devant la banalisation des idées nauséabondes, des populistes et néo-fascistes, nationalistes, racistes, xénophobes alimentés en période de crise par les frustrations, la paupérisation, les peurs entretenues. Ces entreprises de banalisation de l’extrême droite n’épargne pas La France.

Oui, le ventre de la bête immonde est encore fécond. En Europe, l’extrême droite détient une quarantaine de sièges au parlement à Strasbourg et est présente dans seize assemblées nationales avec des scores frisant les 30% en Pologne . Ses idées sont au pouvoir en Hongrie, où paradent ses groupes para-militaires. La liberté de la presse y est ouvertement remise en cause. Des communautés y sont discriminées pour leur appartenance ethnique. Des statues au dictateur Horthy, allié d’Hitler et de Mussolini y sont érigées. Hélas nous pourrions multiplier les faits qui constituent autant d’alertes et n’épargne pas La France

Rendre hommage aux combattants de la liberté, n’a donc rien de passéiste . C’est là, oeuvre nécessaire pour éveiller, mettre en garde. Aujourd’hui plus personne ne devrait dire: «je ne savais pas». C’est l’Histoire, la connaissance des faits qui enseignent comment «Cela a commencé» dans les années 30 et comment cela s’est terminé sur notre continent dans des pays pourtant civilisés.

Rappeler le parcours de Paolo Rossi, de Gerson Kramnitzki, d’Armand Feldmann, de Simon Bronstein, de Jacques Jorissen de Victor Ruiz de Siefried Holzmann, celui de Benedicto Blanco Dobarro, de Basilio Blasco Martin, d’Alfredo Gomez Olléro, d’Ernesto Priéto Hidalgo, de Miguel Sanchez Tolosa, unis à leurs camarades français jusqu’à leur dernier souffle, c’est enseigner la grandeur humaine du refus d’un repli communautaire mutilant. Ces étrangers, nos frères pourtant, chantait justement le poète, n’étaient un danger que pour l’envahisseur, mais un apport enrichissant pour la France combattante et son peuple.
Se souvenir, lutter contre l’oubli, contre l’abandon de l’enseignement de l’histoire à l’école, démontrer que l’identité d’un être humain est bien autre chose que son appartenance à tel où tel groupe, c’est s’élever face à l’obscurantisme, c’est oeuvrer afin que l’humanité ne revive plus les catastrophes humanitaires des guerres engendrées par les forces fascistes de l’axe et les affairistes qui les financèrent en attendant le retour sur investissement sur le dos des peuples.

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L’Allocution de Patrick RIMBERT; Maire de Nantes

Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis ce matin pour commémorer ensemble le 70ème anniversaire de l’exécution, par les Nazis, des résistants condamnés lors du procès des 42 et du procès des 16 et, à cette occasion, inaugurer la rue Louis et Louise LE PAIH.

Vous êtes nombreux à connaître ces évènements tragiques. Je crois pourtant nécessaire d’en rappeler les grandes lignes, car ils donnent sens à notre rassemblement d’aujourd’hui.

Très rapidement après la défaite, la Résistance s’est organisée à Nantes. Peu de villes ont connu une activité si intense contre l’occupant: sabotages, attentats, constitution de réseaux de renseignements, très précieux pour les Alliés, fabrication de faux papiers, distribution de tracts….. C’est naturellement un motif de fierté pour nous tous. La Nation nous a d’ailleurs exprimé sa reconnaissance en faisant de Nantes une des cinq communes françaises à qui a été attribué le titre de Compagnon de la Libération. Mais que de souffrances pour cela parmi la population, que d’actes d’abnégation, de courage et même d’héroïsme aussi. Car c’est bien d’abnégation, de courage et d’héroïsme qu’il faut parler à propos de ceux dont nous honorons
ce matin la mémoire.

Les deux procès n’ont pas tout à fait la même histoire, mais ils révèlent la même chose: que le courage et l’idéalisme, un instant broyés par la tyrannie et la force brutale, peuvent triompher grâce à des hommes et des femmes d’exception.

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Le procès des 42 fait suite à l’arrestation, durant l’été 1942, d’un important et très actif réseau FTP, opération organisée conjointement par les Allemands et, hélas, la police de Vichy. Cette participation de Français rend encore plus douloureux cet épisode de notre histoire, mais elle ne doit pas être occultée car, comme l’a rappelé François Hollande dans son discours du 22 juillet dernier, à propos de la rafle du Vel d’Hiv, si «la vérité est dure, cruelle», l’implication de Français ne doit pas faire oublier que de tels actes furent « aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs. Ces mêmes valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l’honneur ».
L’occupant choisit alors de faire du procès de ces Résistants, qui étaient en fait 45, tous communistes, un instrument de terreur à l’égard de la population. Rien ne fut négligé: salle d’audience tendue de drapeaux à croix gammée, presse aux ordres largement conviée et bien sûr iniquité du procès, au cours duquel tout fut fait non seulement pour faire condamner, mais aussi pour salir les accusés, présentés comme des criminels de droit commun, rejetés de la masse des Français. Face à cela, les prévenus ont conservé une attitude très digne, chantant même La Marseillaise, devant leurs juges éberlués, juste après le verdict qui condamnait la plupart d’entre eux à la mort. Dès le lendemain, avant même que le délai de dépôt du recours en grâce ait expiré, 9 d’entre eux étaient fusillés au Bêle. Les autres suivront, les 13 février et 7 mai.

Je tiens à souligner la présence, parmi les condamnés, de cinq Espagnols, Républicains arrivés en France suite à la victoire du Franquisme et qui se sont engagés dans la Résistance sur notre sol. Ils s’appelaient: Alfredo GOMEZ-OLLERO, Benedetto BLANCO, Basilio BLASCO MARTIN, Miguel SANCHEZ et Hidalgo PRIETO. Il me semble important de le rappeler, car
leur engagement est particulièrement exemplaire. Chassés de leur pays, pas toujours, hélas, bien accueillis en France, où nombre d’entre eux ont été installés dans des camps sommaires et la plupart souvent tenus en suspicion, ils ont dépassé tout ceci pour reprendre leur combat contre le fascisme et son abjection, comprenant bien que c’était le même combat pour les valeurs de liberté et d’humanité qui se poursuivait. Leur contribution à la lutte sur notre territoire fut loin d’être négligeable: on estime qu’il y avait environ 60 000 maquisards espagnols dans le Sud-Ouest en 1944, où ils libérèrent seuls la ville de Foix. Au total, 12 000 républicains espagnols seront acheminés vers des camps de concentration ou de travail entre le 6 août 1940, qui marque le premier départ vers Mauthausen, et mai 1945

Le procès des 16 s’est tenu pour sa part en août 1943. Toujours intenté à des résistants communistes, il sera aussi discret que celui des 42 avait été retentissant. Mais sur le fond, rien ne change: l’instruction et les audiences sont une mascarade, la mort sanctionne pour la plupart le passage devant ces juges si éloignés de la justice.

Bien sûr, l’un comme l’autre de ces procès ont échoué. Non que les inculpés aient pu échapper à un sort funeste: 37 exécutions à l’issue du premier procès, 13 lors du second. Mais loin de briser la volonté de résistance de la population, ils ne feront qu’attiser sa haine des Allemands. D’autres hommes et femmes prendront le relais des morts glorieux, illustrant les
paroles du champ des partisans: « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre, à ta place ». D’ailleurs, tout y poussait: le régime de Vichy montrait de plus en plus clairement son visage d’odieux vassal du nazisme, notamment à travers l’instauration du STO, tandis qu’après Stalingrad et le débarquement allié en Afrique du Nord, l’espoir changeait de camp.

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On pourrait imaginer que ces deux procès aient fortement marqué les consciences et fait l’objet, dès l’après-guerre, de larges commémorations. En fait, il n’en fut rien. Sans doute à cause du retentissement de l’exécution des 50 otages, qui a occulté tous les autres crimes de guerre dans notre région, peut-être aussi, en cette période de guerre froide, du fait de
l’appartenance exclusive des condamnés au PCF, il faudra attendre 2003 pour qu’un véritable hommage officiel leur soit rendu, même si, dès 1993, la Ville de Rezé, qui honorait déjà régulièrement, ses 13 victimes avait entrepris de sortir leur mémoire de l’oubli. Nous n’avons bien sûr pas à juger de cette trop longue occultation, mais nous pouvons que la regretter, car
l’héroïsme ne se graduant pas, la reconnaissance et l’hommage qui lui sont dus ne peuvent être comptés. Il faut donc remercier tous ceux, en particulier le collectif « Procès des 42 », qui ont lutté pour que cesse cette injustice.

Notre rassemblement de ce matin vise à poursuivre la réparation de cet oubli, désormais bien entamée, par la cérémonie elle-même et l’inauguration de la rue Louis et Louise LE PAIH. A travers ces deux personnalités exceptionnelles, c’est en effet à tous leurs camarades, morts
avec eux, pour la même cause et pour les mêmes idéaux, morts ensemble parce qu’ils refusaient la même abjection, que nous rendons hommage. Ce que je sais d’eux me rend certain que c’est ce qu’ils auraient désiré. Ce sont en effet des gens dont l’engagement n’est pas le fruit du hasard, mais bien d’une histoire personnelle au service de l’amélioration de la condition humaine, en particulier des travailleurs. Louis Le Paih était, avant-guerre, l’un des responsables nantais du syndicat CGT du bâtiment. A ce titre, il a été l’un des dirigeants de la grève nantaise du bâtiment en 1938. A partir de 1939, il a travaillé à l’entreprise des Batignolles qui fabrique des locomotives. Cette entreprise où les militants communistes sont nombreux et très actifs est passée sous contrôle allemand à partir de l’été 1940.

Dès 1941, la police nantaise est chargée d’arrêter Louis LE PAIH en tant que militant communiste. Il passe alors dans l’illégalité et devient rapidement l’adjoint de Jean Vignau-Balous, interrégional militaire de « l’Organisation Spéciale » (OS) pour tout l’Ouest de la France. Avec ses camarades des Batignolles (Auguste Chauvin, Raymond Hervé, Gaston
Turpin), il participe directement à de multiples sabotages.
Après les arrestations de l’été 1942 qui ont totalement décapité la résistance communiste tant du point de vue militaire que politique, il joue un rôle essentiel dans sa réorganisation. Dès novembre, un groupe est opérationnel et sa première action est un coup d’éclat. En effet, le 14 novembre 1942, ce groupe FTP attaque les Allemands devant le cinéma Apollo, faisant un mort et plusieurs blessés graves. D’autres actions suivront, comme le sabotage en janvier 1943 du pont tournant du Grand Blottereau, mis hors d’usage pour plus d’une semaine. En deux mois, le bilan est impressionnant. Mais ce nouveau groupe est, lui aussi, très vite identifié et démantelé.

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Le 12 janvier 1943, Louis LE PAIH est appréhendé et les Allemands essaient de le faire parler afin de compléter l’instruction du « Procès des 42 ». Il ne dit rien à la police, guère plus aux juges, à qui il lance simplement: « Au tribunal allemand, je n’ai aucune déclaration à faire ». Évadé lors d’un transfert en gare de Nantes le 3 mai 1943, il est repris le 5 et fusillé. Il n’avait que 31 ans et était père de trois enfants.

Durant toutes ces luttes, il a pu compter sur le soutien indéfectible de son épouse, Louise, qui partageait ses convictions et n’a pas plus que lui hésité à mettre sa vie en danger pour les défendre. Elle a par exemple joué un rôle actif dans l’évasion de son mari, en établissant le contact entre celui-ci et les FTP.

On est toujours profondément ému lorsque l’on évoque ces figures, car leur vie est une leçon. Rien ne les préparait plus que d’autres à ce qu’ils ont accompli. Mais ils avaient des convictions, une fois en l’homme, l’espoir de voir s’améliorer sa condition et peut-être son esprit. Ils y croyaient si fort qu’ils y ont consacré leur vie et qu’ils l’ont mise en danger pour cela. C’est finalement, je crois, ce qu’il faut retenir de leur exemple: il est donné à chacun , il faut simplement avoir le courage de l’engagement. Puissions-nous, en ces temps heureusement moins troublés et dramatiques que ceux qu’ont vécus Louis et Louise LE PAIH, ne pas l’oublier et nous efforcer d’y être fidèles.

Je vous remercie.

Guy Gaultier, Résistant Nantais par E . Gasche

Avec le décès de Guy Gaultier, à l’âge de 97 ans, c’est une grande page de la Résistance nantaise qui vient de se refermer. L’homme était discret, il ne cherchait pas à faire parler de lui, n’intervenant qu’en cas d’extrême nécessité ou pour transmettre la mémoire auprès des jeunes. Il n’a jamais voulu faire la une de l’actualité, mais son itinéraire durant la deuxième guerre mondiale parle pour lui.

Il est né à Nantes en 1916 dans une famille ouvrière, une famille nombreuse et modeste ; son père, qui fut crieur à la poissonnerie du grand marché couvert à Talensac, était alors populaire dans la ville et il transmit à son fils un caractère bien trempé et un don de gouailleur sans précédent. Jeune homme, Guy Gaultier a appris le métier d’ouvrier de l’imprimerie et il a pratiqué la boxe en amateur. En 1936, au moment du front populaire, et de la guerre d’Espagne, il s’engage dans les jeunesses communistes et il fait volontiers le coup de poing lors des nombreuses manifestations de l’époque.

1940 : atterré et révolté par la défaite éclair de juin 40, il se lance rapidement dans l’action résistante, bien avant la rupture du pacte germano soviétique, ce dont témoignent notamment Gilles Gravoille et Fernand Grenier : Résistant de la première heure, survivant de la Déportation, Gilles Gravoille fut ensuite le seul député communiste de toute l’histoire politique du département ; Fernand Grenier, député de Saint-Denis, s’est évadé peu avant le 21 juin 1941 du camp d’internement de Châteaubriant et durant ses premiers jours de clandestinité il a tout naturellement trouvé refuge à Nantes chez les Gaultier (en 1943 il rejoindra Londres et l’année suivante Fernand Grenier sera ministre de l’air du premier gouvernement du général DeGaulle). Il fallait alors bien du courage pour s’opposer aux nazis et à leurs valets, et du courage le jeune Guy Gaultier n’en manquait pas : recommandé par le Résistant Joseph Sérot, employé à la ville, il se fit embaucher par la Kommandantur à la poste allemande d’où il sortait des informations pour son camarade Jean-Vignau-Balous, le responsable des jeunes résistants communistes nantais ; c’est sur la base de ces renseignements que fut organisé l’attentat du 20 octobre 41 qui coûta la vie au Feldkommandant Karl Hotz, entraînant la tragique fusillade de quarante-huit otages. Rapidement repérés et poursuivis par les polices françaises et allemandes, Guy Gaultier et Jean Vignau-Balous durent plonger dans la clandestinité ; tous deux seront arrêtés et déportés plus tard et Vignau-Balous mourra à Neuengamme en 44 ; quant à Joseph Sérot, il sera condamné à mort et fusillé en 43 à Nantes.

Plongé dans la clandestinité en région parisienne pour échapper aux recherches à Nantes, ce n’est qu’en 1943 qu’il est arrêté par la police française ; après un long séjour à la prison de Fresnes, il est remis aux Allemands. Pendant ce temps, à Nantes, la famille Gaultier est également inquiétée pour ses activités résistantes : ses parents sont arrêtés puis emprisonnés au fort de Romainville, son frère et son beau-frère sont déportés au camp de concentration de Sachsenhausen. De son côté, le jeune résistant nantais va subir plusieurs « interrogatoires » avant d’être déporté vers le camp de Natzwiller-Struthof, puis celui de Dachau. L’ouverture du camp au printemps 45 lui sauve la vie car, atteint du typhus et de tuberculose, il n’aurait probablement pas pu survivre encore pendant longtemps.

Doté d’une santé solide et d’un optimisme indestructible, le jeune ouvrier imprimeur nantais va se marier en 1947 avec Simone, elle-même Résistante et survivante du camp de Ravensbrück, et c’est à Malakoff , en région parisienne que le couple va désormais vivre : trois enfants, de nombreux petits-enfants et arrières petits-enfants, une vie de famille discrète et heureuse, avec toujours une fidélité intacte à la mémoire de ses camarades et une grande ouverture d’esprit , ne confondant pas les nazis avec tous les Allemands, et n’oubliant jamais de préciser, lorsqu’il évoquait le destin de tel ou tel compagnon de bagne : « le pauvre gars, qu’est-ce qu’il a dégusté, il en a sûrement bavé plus que moi ».

C’est désormais dans le petit cimetière de Malakoff, dans les Hauts-de-Seine, que repose ce héros discret de la résistance, un homme de qualité, un citoyen dont les Nantais peuvent garder fièrement la mémoire.

(Etienne Gasche, le 20/03/2013)

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Succès du cycle de conférences et de la rencontre avec d’anciens Résistants au château des ducs de Bretagne

Cycle de conférences
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Jeudi 21 et vendredi 22 mars 2013

En partenariat avec le Château des Ducs de Bretagne et le Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-inférieure.

Le parti communiste à l’épreuve de la guerre, 1940-1943
Par Roger Bourderon, maître de conférences honoraire de l’Université Paris VIII Saint-Denis.

À partir des publications clandestines (presse, brochures, tracts), Roger Bourderon abordera quatre thèmes : le parti communiste et le général de Gaulle de juin 1940 à juin 1941, les textes de Charles Tillon de l’été 1940 comparés aux textes offi ciels de la direction du PCF, la constitution de la résistance communiste de l’été 1940 au printemps 1941, la direction et la tactique des Francs-Tireurs Partisans à travers l’exemple de la région parisienne. Ils permettent de préciser l’activité de direction du PCF pendant cette période, le rapport de cette direction à l’Internationale communiste, et son évolution stratégique, qui conduit de la dénonciation de la guerre comme « impérialisme des deux côtés » à la résistance armée contre l’occupant hitlérien.

La répression contre la résistance en Loire-inférieure
Par Dominique Bloyet, journaliste, rédacteur en chef adjoint de Presse Océan, auteur, entre autre, de Nantes-La Résistance , St-Nazaire La Poche ; co-auteur de Nantes-50 Otages et La répression anti-communiste en Loire-Inférieure 1939-1944 (avec Jean- Pierre Sauvage).
Cette conférence a dû être annulée D Bloyet étant souffrant.
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Entre juillet 1942 et mars 1943, la police française interpelle 331 militants ou sympathisants communistes. Une opération d’envergure lancée après une longue série d’attentats et d’actions contre les troupes d’occupation et les organes de collaboration, dont le premier acte est marqué par l’attentat contre le commandant allemand de la place de Nantes, le 20 octobre 1941. Si les communistes n’entrent dans la résistance armée qu’après la rupture du pacte germano-soviétique le 21 juin 1941, certains d’entre eux étaient entrés dans la clandestinité à l’été 1940, sachant que le Parti communiste français avait été interdit dès le 26 septembre 1939 par le gouvernement Daladier et ses militants placés sous haute surveillance.

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Nantes 1943, la civilisation occidentale épure : les procès des 16 et des 42
Par Guy Haudebourg, professeur agrégé d’histoire-géographie au lycée La Herdrie, Basse-Goulaine, docteur en histoire contemporaine.

Deux procès sont intentés par les nazis aux résistants communistes nantais, en janvier et en août 1943. Ils sont exemplaires quant à la volonté de l’occupant et des collaborateurs de criminaliser toute forme de résistance, et tout particulièrement la résistance armée qualifiée de « terrorisme ». Le grand nombre de militants jugés (61) et le rôle politique important de beaucoup d’entre eux permettent également de mettre en lumière le fonctionnement du parti communiste clandestin. Enfin, si ces procès représentent une victoire militaire des nazis sur les communistes nantais, ils n’empêchent cependant pas la défaite idéologique de l’occupant dans l’opinion publique, en dépit de la propagande anticommuniste effrénée de la presse collaborationniste.

La France et l’Espagne : deux mémoires contradictoires face à une histoire commune
Par Xosé Lois Carrion, journaliste et spécialiste des questions de mémoire.

Lors du « procès des 42 » en janvier 1943, cinq Espagnols figurent au banc des accusés, et sont fusillés le 13 février. Il s’agit de résistants républicains, émigrés en France où ils poursuivent leur lutte contre le fascisme. Que reste-t-il de leur histoire, en France et en Espagne ? Comment les deux pays ont forgé les mémoires de ces résistants communistes ?

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