Guy Gaultier, Résistant Nantais par E . Gasche

Avec le décès de Guy Gaultier, à l’âge de 97 ans, c’est une grande page de la Résistance nantaise qui vient de se refermer. L’homme était discret, il ne cherchait pas à faire parler de lui, n’intervenant qu’en cas d’extrême nécessité ou pour transmettre la mémoire auprès des jeunes. Il n’a jamais voulu faire la une de l’actualité, mais son itinéraire durant la deuxième guerre mondiale parle pour lui.

Il est né à Nantes en 1916 dans une famille ouvrière, une famille nombreuse et modeste ; son père, qui fut crieur à la poissonnerie du grand marché couvert à Talensac, était alors populaire dans la ville et il transmit à son fils un caractère bien trempé et un don de gouailleur sans précédent. Jeune homme, Guy Gaultier a appris le métier d’ouvrier de l’imprimerie et il a pratiqué la boxe en amateur. En 1936, au moment du front populaire, et de la guerre d’Espagne, il s’engage dans les jeunesses communistes et il fait volontiers le coup de poing lors des nombreuses manifestations de l’époque.

1940 : atterré et révolté par la défaite éclair de juin 40, il se lance rapidement dans l’action résistante, bien avant la rupture du pacte germano soviétique, ce dont témoignent notamment Gilles Gravoille et Fernand Grenier : Résistant de la première heure, survivant de la Déportation, Gilles Gravoille fut ensuite le seul député communiste de toute l’histoire politique du département ; Fernand Grenier, député de Saint-Denis, s’est évadé peu avant le 21 juin 1941 du camp d’internement de Châteaubriant et durant ses premiers jours de clandestinité il a tout naturellement trouvé refuge à Nantes chez les Gaultier (en 1943 il rejoindra Londres et l’année suivante Fernand Grenier sera ministre de l’air du premier gouvernement du général DeGaulle). Il fallait alors bien du courage pour s’opposer aux nazis et à leurs valets, et du courage le jeune Guy Gaultier n’en manquait pas : recommandé par le Résistant Joseph Sérot, employé à la ville, il se fit embaucher par la Kommandantur à la poste allemande d’où il sortait des informations pour son camarade Jean-Vignau-Balous, le responsable des jeunes résistants communistes nantais ; c’est sur la base de ces renseignements que fut organisé l’attentat du 20 octobre 41 qui coûta la vie au Feldkommandant Karl Hotz, entraînant la tragique fusillade de quarante-huit otages. Rapidement repérés et poursuivis par les polices françaises et allemandes, Guy Gaultier et Jean Vignau-Balous durent plonger dans la clandestinité ; tous deux seront arrêtés et déportés plus tard et Vignau-Balous mourra à Neuengamme en 44 ; quant à Joseph Sérot, il sera condamné à mort et fusillé en 43 à Nantes.

Plongé dans la clandestinité en région parisienne pour échapper aux recherches à Nantes, ce n’est qu’en 1943 qu’il est arrêté par la police française ; après un long séjour à la prison de Fresnes, il est remis aux Allemands. Pendant ce temps, à Nantes, la famille Gaultier est également inquiétée pour ses activités résistantes : ses parents sont arrêtés puis emprisonnés au fort de Romainville, son frère et son beau-frère sont déportés au camp de concentration de Sachsenhausen. De son côté, le jeune résistant nantais va subir plusieurs « interrogatoires » avant d’être déporté vers le camp de Natzwiller-Struthof, puis celui de Dachau. L’ouverture du camp au printemps 45 lui sauve la vie car, atteint du typhus et de tuberculose, il n’aurait probablement pas pu survivre encore pendant longtemps.

Doté d’une santé solide et d’un optimisme indestructible, le jeune ouvrier imprimeur nantais va se marier en 1947 avec Simone, elle-même Résistante et survivante du camp de Ravensbrück, et c’est à Malakoff , en région parisienne que le couple va désormais vivre : trois enfants, de nombreux petits-enfants et arrières petits-enfants, une vie de famille discrète et heureuse, avec toujours une fidélité intacte à la mémoire de ses camarades et une grande ouverture d’esprit , ne confondant pas les nazis avec tous les Allemands, et n’oubliant jamais de préciser, lorsqu’il évoquait le destin de tel ou tel compagnon de bagne : « le pauvre gars, qu’est-ce qu’il a dégusté, il en a sûrement bavé plus que moi ».

C’est désormais dans le petit cimetière de Malakoff, dans les Hauts-de-Seine, que repose ce héros discret de la résistance, un homme de qualité, un citoyen dont les Nantais peuvent garder fièrement la mémoire.

(Etienne Gasche, le 20/03/2013)

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Succès du cycle de conférences et de la rencontre avec d’anciens Résistants au château des ducs de Bretagne

Cycle de conférences
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Jeudi 21 et vendredi 22 mars 2013

En partenariat avec le Château des Ducs de Bretagne et le Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-inférieure.

Le parti communiste à l’épreuve de la guerre, 1940-1943
Par Roger Bourderon, maître de conférences honoraire de l’Université Paris VIII Saint-Denis.

À partir des publications clandestines (presse, brochures, tracts), Roger Bourderon abordera quatre thèmes : le parti communiste et le général de Gaulle de juin 1940 à juin 1941, les textes de Charles Tillon de l’été 1940 comparés aux textes offi ciels de la direction du PCF, la constitution de la résistance communiste de l’été 1940 au printemps 1941, la direction et la tactique des Francs-Tireurs Partisans à travers l’exemple de la région parisienne. Ils permettent de préciser l’activité de direction du PCF pendant cette période, le rapport de cette direction à l’Internationale communiste, et son évolution stratégique, qui conduit de la dénonciation de la guerre comme « impérialisme des deux côtés » à la résistance armée contre l’occupant hitlérien.

La répression contre la résistance en Loire-inférieure
Par Dominique Bloyet, journaliste, rédacteur en chef adjoint de Presse Océan, auteur, entre autre, de Nantes-La Résistance , St-Nazaire La Poche ; co-auteur de Nantes-50 Otages et La répression anti-communiste en Loire-Inférieure 1939-1944 (avec Jean- Pierre Sauvage).
Cette conférence a dû être annulée D Bloyet étant souffrant.
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Entre juillet 1942 et mars 1943, la police française interpelle 331 militants ou sympathisants communistes. Une opération d’envergure lancée après une longue série d’attentats et d’actions contre les troupes d’occupation et les organes de collaboration, dont le premier acte est marqué par l’attentat contre le commandant allemand de la place de Nantes, le 20 octobre 1941. Si les communistes n’entrent dans la résistance armée qu’après la rupture du pacte germano-soviétique le 21 juin 1941, certains d’entre eux étaient entrés dans la clandestinité à l’été 1940, sachant que le Parti communiste français avait été interdit dès le 26 septembre 1939 par le gouvernement Daladier et ses militants placés sous haute surveillance.

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Nantes 1943, la civilisation occidentale épure : les procès des 16 et des 42
Par Guy Haudebourg, professeur agrégé d’histoire-géographie au lycée La Herdrie, Basse-Goulaine, docteur en histoire contemporaine.

Deux procès sont intentés par les nazis aux résistants communistes nantais, en janvier et en août 1943. Ils sont exemplaires quant à la volonté de l’occupant et des collaborateurs de criminaliser toute forme de résistance, et tout particulièrement la résistance armée qualifiée de « terrorisme ». Le grand nombre de militants jugés (61) et le rôle politique important de beaucoup d’entre eux permettent également de mettre en lumière le fonctionnement du parti communiste clandestin. Enfin, si ces procès représentent une victoire militaire des nazis sur les communistes nantais, ils n’empêchent cependant pas la défaite idéologique de l’occupant dans l’opinion publique, en dépit de la propagande anticommuniste effrénée de la presse collaborationniste.

La France et l’Espagne : deux mémoires contradictoires face à une histoire commune
Par Xosé Lois Carrion, journaliste et spécialiste des questions de mémoire.

Lors du « procès des 42 » en janvier 1943, cinq Espagnols figurent au banc des accusés, et sont fusillés le 13 février. Il s’agit de résistants républicains, émigrés en France où ils poursuivent leur lutte contre le fascisme. Que reste-t-il de leur histoire, en France et en Espagne ? Comment les deux pays ont forgé les mémoires de ces résistants communistes ?

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CIMETIERE LA CHAPELLE BASSE MER 17 FEVRIER 2013

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Carlos Fernandez , Hubert Doucet et Pascal Barras, Manuel Duran et

Monsieur le Maire de La Chapelle Basse-Mer,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les membres des familles de nos résistants espagnols,
Mesdames et Messieurs les représentants des Associations, Syndicales et Politiques et des Associations des Anciens Combattants,
Chers Amis,
Je veux tout d’abord remercier le Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire Inférieure, de donner l’occasion à l’ACER, -les Amis des Combattants en Espagne Républicaine- association héritière de l’AVER l’Amicale des combattants volontaires en Espagne Républicaine, plus connus sous le terme d’anciens Brigadistes. Merci de nous donner la parole lors de cette commémoration du 70 ème anniversaire du procès des 42 et plus spécialement aujourd’hui, pour évoquer la mémoire des résistants espagnols, résistants sur le sol de France, et qui ne faisaient que continuer le combat commencé, quelques années plus tôt contre le fascisme et la liberté en Espagne Républicaine.
Modestement, l’ACER peut dire que nous sommes les héritiers d’hommes qui ont forgé de par leur engagement, au péril de leur vie une histoire commune, une histoire partagée, avec les résistants espagnols.
Le coup d’état du général Franco le 18 juillet 1936, contre la jeune République Espagnole, et son agression par les futures forces de l’axe , l’Italie Fasciste de Mussolini, l’Allemagne Nazi de Hitler, le Portugal de Salazar qui apporta d’énorme moyen logistiques, et d’autres contingents plus petits, comme des irlandais et des polonais, des russes blancs, sans compter sur les troupes de choc composés par les marocains, toutes ses forces n’avaient qu’un seul objectif, combattre la démocratie, restaurer une gouvernance aux mains des grands propriétaires.

En Espagne et de par le monde, des femmes et des hommes se sont soulevés et ont essayé au péril de leur vie de repousser ce coup d’état des factieux, de défendre les valeurs de la démocratie, de la liberté, de combattre le fascisme international. Dès le 18 juillet des démocrates étrangers présent à Barcelone pour participer aux Olympiades, participèrent à la défense de la République et contribuèrent ainsi à mettre avec le peuple catalan hors d’état de nuire les troupes rebelles.
L’agression de la République espagnole sera l’occasion pour ces jeunes révolutionnaires de prendre une part active au combat contre le fascisme et ils s’y engageront corps et âme.
Dans les Brigades Internationales dès le mois d’octobre,  ils participeront aux côtés de l’armée républicaine espagnole comme troupes de choc dans  toutes les grandes batailles pour sauver la République, ils seront reconnus pour leur courage au combat, leur moral combatif, leur conscience politique élevée. Si les volontaires français sont de loin les plus nombreux, il y avait également 52 autres nationalités.
 Benédicto, Basilio, Alfredo, Ernesto, Miguel, vous avez croisé ces hommes ! ces internationaux, venus de tous les quatre coins du monde pour vous aider, pour combattre avec vous la bête immonde.
Comme vous ! des milliers ne sont pas revenus chez eux, certains sont enterrés au creux d’une tombe sans que leurs familles ne sachent ce qu’ils sont devenus, d’autres restent portés disparus.
Vous avez avec eux, connu la défaite républicaine, l’internement dans les camps français dans des conditions inhumaines, avec les internationaux qui ne pouvaient plus rentrer chez eux, allemand, Italiens, Polonais.
Vous avez avec eux, connu la déroute de l’armée française et l’entrée de l’armée allemande à Paris,  mais votre détermination demeura intacte, comme celle des internationaux.
Vous connaissiez avec eux, le fascisme et ses méthodes, et vous saviez qu’il n’y avait pas d’autre choix que de l’affronter malgré l’état de débâcle matérielle et morale de la France en 1940.
Les anciens des BI et vous les Espagnols exilés de l’armée républicaine vous vous êtes retrouvés nombreux pour poursuivre le combat antifasciste sur le sol français.
 

Vous avez été parmi les premiers, aux côtés de militants politiques et syndicaux,   à tenir bon dans la tourmente, à ne pas céder au défaitisme, et à commencer à s’organiser.
Vous tous, les anciens d’Espagne, revenus ou exilés ou repliés en France vous avez compté parmi les pionniers, parmi les instructeurs expérimentés des premiers temps de la lutte armée, de la guérilla urbaine, des maquis.
N’oublions pas, que les Résistants Espagnols, ont participé à la libération de nombreux départements dont l’Ariège, les Basses-Pyrénées, le Gers, le Tarn et les Pyrénées-Orientales. Les Espagnols étaient aussi présents dans les grandes concentrations de résistants : le Vercors, le Plateau des Glières, le Mont Mouchet.   
Et pourtant, vous les espagnols, avant Pétain et le désastre de 40, aviez été catalogués par la 3ème République moribonde, comme « étrangers indésirables ».
Comme « indésirables », certains porterons le triangle bleu dans les funestes camps nazis.
Comme « indésirables » beaucoup sombreront dans l’oubli de la libération.
Ici, il a fallu la volonté des élus de la Chapelle Basse Mer et le courage et l’engagement de certaines personnes au sein du « Collectif du procès des 42 » qui ont réussi avec patience à faire sortir de l’oubli nos résistants espagnols, retrouver leur familles et les honorer maintenant depuis 10 ans.

Nous sommes, aujourd’hui des passeurs de mémoire, et chaque génération a sa propre responsabilité pour que ces histoires exemplaires de la Résistance ne tombent pas dans l’oubli, l’indifférence, ou même la récupération idéologique. Responsables politiques, enseignants, associations mémorielles, nous avons un devoir de mémoire pour faire  connaître et vivre au présent les valeurs portées par ces combattants antifacistes, par ces combattants de la liberté.
 Notre jeunesse, quoiqu’on en dise, peut s’y intéresser si la filiation avec ce qu’elle vit aujourd’hui est faite, si on va à sa rencontre pour lui parler de ces combattants en travaillant les formes du récit pour mieux les toucher.  Parlons du procès des 42, communiquons autour de cet évènement, creusons ce sillon, il est fécond car à travers le parcours de ces hommes, Français et étrangers, bien des choses peuvent parler aux jeunes générations.

Ce qu’elles vivent aujourd’hui, la précarité sociale, l’injustice, la montée de l’intolérance et des violences, la jeunesse des années 30 les a aussi connues. La montée du populisme, la recherche du bouc-émissaire comme solution aux difficultés des peuples restent malheureusement de vieilles  recettes toujours d’actualité.
Notre vieille Europe n’est pas à l’abri d’une grave rechute de l’intolérance et du conservatisme, et ses instances institutionnelles ont des réactions bien molles devant les résurgences du fascisme en Hongrie et aux Pays-Bas, alors qu’elles ne trouvent pas de mots assez durs pour fustiger la population grecque, victime d’une régression sociale impitoyable.
Certains discours de la droite française sur la famille, le travail, les étrangers ont des relents pétainistes.
 Si les conditions historiques ne sont jamais identiques, la vigilance s’impose et nous devons la faire absolument partager.
 Pour être efficaces dans ce combat difficile, les jeunes générations doivent connaître leur passé si l’on veut que, nourries de l’expérience de leurs aînés, elles  inventent des formes inédites de lutte dans le combat  incessant pour le progrès social et la démocratie.