Hommage à Jean de Neyman, grand résistant humaniste
©Xavier Trochu

Comme chaque année à l’initiative du Comité du Souvenir et de la section locale du PCF, dont il était membre, un hommage émouvant a été rendu à Jean de Neyman le 2 septembre à l’occasion du 79e anniversaire de son exécution par les nazis.

Une cinquantaine de personnes étaient rassemblées sur le site d’Heinlex à Saint-Nazaire, en présence de la famille, Mmes Dominique de Neyman et Claire Buchbinder et M. Pierre Stapf, ainsi que Mme Véronique Mahé, conseillère régionale, MM Christian Retailleau, président du Comité du Souvenir, Yves Bourbigot, président de l’association Buchenwald – Dora 44, Stéphane Marsac, président de l’ADIRP 44 et Pierre Billon, président de la section de Saint-Nazaire de l’UNC.

©P. Morel

Dans son allocution, le secrétaire du PCF de Saint-Nazaire Cédric Turcas a retracé la vie et l’engagement de Jean de Neyman.

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/09/Ceremonie-commemorative-en-hommage-a-Jean-de-NEYMAN-20_23-Recuperation-automatique.pdf

Né à Paris en 1914 de parents polonais, professeur agrégé de physique, il adhère en 1934 au PCF, en étant très actif dans le combat antifasciste et le soutien aux résistants antinazis allemands.

Après sa démobilisation en 1940, il est exclu de l’enseignement public par le régime de Vichy qui a interdit la fonction publique aux Français d’origine étrangère.

Devenu professeur du secondaire dans le privé à La Baule (44), il s’implique rapidement dans la résistance, dans son milieu d’abord puis avec les communistes nazairiens. Il entre dans la clandestinité en mai 1944 avec son groupe de résistants Francs-tireurs et partisans (FTP). Dans la poche de Saint-Nazaire constituée en août et forte de près de 30 000 soldats ennemis, ils multiplient les actions de guérilla, sabotages d’installations, prises d’équipements et d’armes, et soutiennent les déserteurs allemands

Arrêté pour avoir tenté de sauver l’un d’eux, il est condamné à mort par les autorités militaires allemandes et fusillé le 2 septembre 1944 au château d’Heinlex.

©Didier

Dans une lettre à ses parents, il écrit : « Parmi tous les risques, j’ai l’intention de prendre mes responsabilités aussi clairement que ma conscience m’en donnera les moyens. Je voudrais que vous – (ceux qui survivront) – sachiez vous consoler de ma perte, car je me considère comme un élément, un petit chaînon dans l’évolution de notre monde, et puisque nous sommes dans la période du gros travail, et qu’il doit y avoir d’innombrables chaînons de brisés et d’usés, peu importe au total qu’ils le soient de façon rationnelle, individuelle … », ce que commente ainsi Cédric Turcas : «  Quelle leçon nous apporte Jean dans cette lettre empreinte d’une conscience collective, d’une conscience républicaine ô combien supérieure à sa propre existence. Comment ne pas y voir la somme des êtres résistants qui ont eu à faire ces choix éclairés au risque de leur vie pour que nous puissions vivre libres, vivre en paix ? Comment ne pas y voir une sommation à diffuser aujourd’hui ces valeurs dans notre société, à l’heure où les derniers témoins vivants de cette époque nous quittent peu à peu ? ».

©Xavier Trochu

A la fin de la cérémonie, conclue par le verre de l’amitié offert par la section PCF, rendez-vous a été donné l’année prochaine aux participants pour le 80e anniversaire de l’exécution de Jean de Neyman. Cet événement mémoriel devant associer historiens, municipalités, artistes et le monde scolaire sera l’occasion de faire connaître aux nouvelles générations cette figure héroïque de la résistance nazairienne.

Hommage à six des 48 Otages fusillés le 22 octobre 1941et inhumés à Basse – Goulaine

Le 22 octobre 1941, 48 otages étaient exécutés par les nazis, sur ordre d’Hitler. Six d’entre eux, fusillés au Bêle, à Nantes, ont été inhumés anonymement, au cimetière de Basse-Goulaine. Le 17 juin 2023, la Ville et le Comité du souvenir ont organisé une cérémonie lors de laquelle une plaque, pour ne pas les oublier, a été dévoilée, au cimetière du bourg.

Rappelons le contexte. Le 20 octobre 1941, le lieutenant-colonel Karl Hotz, chef des troupes allemandes d’occupation à Nantes, est abattu par un commando de résistants communistes. En représailles, Hitler exige l’exécution de 50 otages. Quarante-huit seront finalement fusillés le 22 octobre 1941 : 27 dans la carrière de la Sablière, à Châteaubriant : 16 au champ de tir du Bêle, à Nantes et cinq au Mont Valérien (Hauts-de-Seine).

Pour éviter tout recueillement sur les tombes, et toute manifestation d’hostilité à leur égard, les Allemands ont choisi de disperser les corps dans des communes éloignées de Châteaubriant et de Nantes, lieux des exécutions et, à l’époque, mal desservies par les transports. Les cercueils portaient un simple numéro, sans nom. Ils seront transférés à Nantes pour les obsèques solennelles, le 9 juin 1945.

Pour ne pas les oublier et leur donner un visage, le Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure a initié un parcours de la mémoire qui relie les 9 communes du castelbriantais et les 3 communes du vignoble nantais : Saint-Julien-de-Concelles, Haute-Goulaine, et Basse-Goulaine. La cérémonie du 17 juin 2023 a constitué le dernier jalon du parcours.

Qui étaient ces combattants ?

Joseph Gil, 19 ans, était ouvrier d’usine, à Nantes. Résistant et membre du Front national pour la libération et l’indépendance de la France, il militait au sein d’une organisation communiste clandestine. Il a été arrêté le 5 septembre 1941, en possession d’un revolver, par la police française.

Jean Platiau, 20 ans, était employé de commerce. Il a été arrêté pour action en faveur de l’ennemi, le 22 novembre 1940, à Nantes, par l’Abwehr (service de renseignements de la Wehrmacht).

Jean Grolleau, 21 ans, s’engagea dès le mois de septembre 1940 dans la Résistance avec d’autres étudiants. Le 13 mai 1941, il a été arrêté à Nantes par l’Abwehr. Suspecté d’intelligence avec l’ennemi mais faute de preuves contre lui, il espérait une prochaine libération, quand il fut désigné comme otage.

Léon Ignasiak, 48 ans, était chauffeur de four aux Forges de Basse-Indre. Militant communiste et syndicaliste CGT, il a été arrêté le 20 octobre 1941 pour ce motif par la police française.

Paul Birien, 50 ans, représentant de commerce, et Joseph Blot, 50 ans, entrepreneur de couverture, appartenaient au groupe des anciens combattants de la Première Guerre mondiale. Arrêtés par les Allemands, ils furent accusés d’aide à l’évasion de prisonniers.

La cérémonie, organisée par la municipalité avec le Comité du souvenir et le soutien de l’UNC, de plusieurs associations mémorielles et du PCF, a rassemblé une centaine de personnes.

Après un premier dépôt de gerbe à l’intérieur du cimetière, la plaque a été dévoilée par le maire Alain Vey, accompagné de la députée Sophie Errante et l’ancien maire Bernard Poignant  et le président du Comité Christian Retailleau, accompagné d’Elie Brisson de l’UNC

Puis le cortège a rejoint le monument pour la Paix, où Alain Vey et Christian Retailleau ont pris la parole, en présence du Conseil municipal des jeunes. La fanfare L’Echo de Saint-Sébastien-sur-Loire a interprété avec brio La Marseillaise et le Chant des partisans.

À l’issue de cette séquence, une évocation artistique a été proposée : un extrait de la pièce Les 50  a été interprété par des artistes du Théâtre D’ici ou d’ailleurs et du Théâtre Balivernes, emmenés par Claudine Merceron. Le verre de l’amitié a été offert par la municipalité.

Crédit photos : Ghislaine Leloup, Didier Goan
Odette Nilès est décédée

Chères amies, chers amis,

C’est avec une infinie tristesse que nous avons appris le décès d’Odette Nilès, survenu le 27 mai au moment où la journée nationale de la Résistance était célébrée dans de nombreuses localités.

Née en 1922, sa vie entière, résumée dans la notice biographique du Maitron ci-jointe, a été consacrée à la défense de ses idéaux en faveur de la justice sociale, de la liberté, de l’égalité et de la paix. 

Jeune résistante communiste, elle connaît l’internement dans différents camps, dont celui de Châteaubriant où elle assiste avec ses camarades le 22 octobre 1941 au départ des 27 otages vers le lieu de leur martyr, et les combats de libération au sein des FTP.

Elle succède à son mari Maurice Nilès comme présidente de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, afin de perpétuer le souvenir de ses camarades de résistance et  combattre sans relâche les idées de l’extrême-droite.

La disparition d’Odette Nilès, dernière survivante du camp de Choisel à Châteaubriant, nous oblige à transmettre, plus encore, la mémoire des résistants et les valeurs de la Résistance contenues dans le programme du CNR  » Les jours heureux ».

Nous présentons à son fils Claude Nilès, à sa petite-fille Carine Picard-Nilès et à toute sa famille nos plus sincères condoléances.

Christian Retailleau

Président du Comité du Souvenir – Résistance 44

Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

1, place de la Gare de l’Etat – case 1 – 44276 Nantes Cedex 2
www.resistance-44.fr

Le 1er Mai sous l’Occupation (1939-1944)

Sous la menace d’un second conflit mondial le 1er Mai 1939 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Signés en septembre 1938, les accords de Munich censés préserver la paix divisent la CGT. Dans les entreprises, les conquêtes du Front populaire, contestées par le patronat, sont remises en cause par les décrets-lois gouvernementaux. La grève générale de protestation décidée lors du congrès de la CGT réuni à Nantes en novembre 1938 est sévèrement réprimée, de nombreux militants sont arrêtés, des milliers de travailleurs licenciés. Dans ce contexte inquiétant, la CGT affaiblie et divisée déclare que le 1er Mai 1939 n’entraînera pas obligatoirement de cessation de travail. Les grévistes sont rares en Loire- Inférieure mais des rassemblements à Nantes, Saint-Nazaire, Châteaubriant témoignent d’une volonté de maintenir le caractère traditionnel du 1er Mai.

            Les divisions au sein de la CGT s’étalent au grand jour lors du congrès de l’Union départementale réuni à Saint-Nazaire les 13 et 14 avril 1940 lorsque Léon Jouhaux, secrétaire confédéral, critique avec véhémence les dirigeants locaux (Gaston Jacquet et Pierre Gaudin) qui n’ont pas dénoncé le pacte germano-soviétique signé le 20 août 1939. Alors que la France est en guerre depuis huit mois, le 1er Mai 1940 est calme et laborieux. La CGT n’a pas appelé à manifester. La CFTC a cru de son devoir de célébrer la fête chrétienne du 1er Mai … le jour de l’Ascension. Les dirigeants des deux organisations (Jouhaux et Tessier) exaltent à la radio nationale « la collaboration du patronat et du salariat à la pacification intérieure par l’intensification de la production et de la justice sociale ». En août, CGT et CFTC sont dissoutes. La « Révolution nationale » est en marche.

            En 1941, le gouvernement de Vichy entend s’approprier le 1er Mai. Considéré comme un symbole de division et de haine, il devient désormais légal de célébrer « la Fête du travail et de la concorde sociale », journée prétexte à écouter la parole du maréchal. L’initiative n’est pas unanimement partagée et soulève les craintes de la Feldkommandantur de Nantes qui interdit toutes manifestations, alors que la presse locale relaie de rassurantes informations préfectorales sur la mise sous surveillance d’éléments perturbateurs susceptibles de se livrer à une propagande communiste. Ces mesures préventives n’évitent pas que des résistances se manifestent : diffusion de L’Humanité clandestine, collage de papillons tricolores sur les vitrines de la rue Crébillon, inscriptions « Vive Thorez » quai de Versailles, drapeau rouge avec faucille et marteau hissé au mât de pavillon près du monument aux morts.

            En 1942, l’hostilité à la Charte du travail promulguée le 4 octobre 1941 commence à s’exprimer. L’occupant, dont une partie de l’armée est empêtrée sur le front russe, donne des signes de fébrilité. La « Fête du travail et de la concorde sociale » qui se voulait grandiose, est morose. Décalée au 2 mai pour assurer deux jours de repos consécutifs et une économie de charbon et d’électricité, elle traduit les difficultés du moment. Consacrée au travail, elle offre l’opportunité d’une large distribution de médailles aux plus méritants. De son côté, dans l’ombre, la résistance s’organise et s’exprime sous différentes formes : le discours du maréchal n’est pas, comme prévu, diffusé par haut-parleur dans toutes les entreprises faute d’un réel empressement à les doter du matériel nécessaire ; l’occupant, qui redoute les manifestations le plus souvent à l’initiative des groupes communistes, ne peut empêcher la diffusion de tracts dénonçant le pillage des matières premières, revendiquant tickets d’alimentation et augmentations de salaires ; entre Nantes et Pontchâteau, deux pylônes sont dynamités, un troisième dynamitage aurait privé la Bretagne d’électricité ; répondant à un appel de la radio anglaise, 1500 Nantais bravent l’interdiction expresse de manifester en se rassemblant près de la mairie sans être autrement inquiétés par la police municipale nantaise.

            En 1943, le cours de la guerre est en train de changer mais toute manifestation demeure interdite « tout incident, dans les circonstances actuelles étant de nature à provoquer une dangereuse tension dans les rapports entre l’occupant et l’occupé » rappelle le préfet régional. Après trois ans d’activités clandestines, les militants CGT confédérés et unitaires, aboutissent à la réunification syndicale le 17 avril 1943, cinq semaines avant la création du Conseil national de la Résistance. Malgré un appel de Londres à cimenter cette unité ouvrière dans la lutte, aucune manifestation n’est organisée le 1er Mai dans le département. Le maréchal peut donc tenter de faire oublier aux Français son impuissance à régler leurs problèmes en leur distribuant force médailles à son effigie et en offrant un goûter aux enfants de prisonniers.

            En mai 1944, alors que l’on évoque la possibilité d’un débarquement des troupes alliées et que l’urgence est à l’intensification des actes de résistance à l’occupant, la CGT reconstituée appelle à faire du 1er Mai une journée de combat pour la libération. Un appel resté vain à Nantes où aucune manifestation à caractère politique n’est tolérée hormis cette fête organisée au théâtre Graslin, en présence d’artistes parisiens, au cours de laquelle le préfet est chargé de s’assurer que le seul orateur autorisé soit acquis aux principes de la Révolution nationale. Dans une ville sous les décombres des derniers bombardements, le cœur n’y est pas. Le matin du 1er Mai, beaucoup de Nantais ont quitté la ville à bicyclette. Les nécessités du ravitaillement l’avaient emporté sur les attraits du music-hall parisien.

Après quatre ans d’occupation, la tentative de récupération politique du 1er Mai par le gouvernement de Vichy a échoué. C’est dans une France libérée du totalitarisme nazi et de la « Révolution nationale » que les Nantais célébreront le 1er Mai 1945.

                                                                   Michel TACET.

Il y a 80 ans, le 17 avril 1943

Des accords du Perreux à la création du CNR

Le Nantais Raymond Sémat œuvre à la réunification de la CGT

Raymond Sémat, vous connaissez? « Nantais venu d’ailleurs », né à Mazamet en 1896, tourneur, il travaille à Béziers. En 1932, il s’établit à Nantes où il s’illustre dans l’action syndicale: secrétaire du syndicat unitaire des Métaux, secrétaire de l’UL CGTU, il dirige également la 15ème Union Régionale de la CGTU. A partir de 1935 il se consacre à ses nouvelles responsabilités nationales de secrétaire de la Fédération des Métaux et il prend part aux pourparlers nationaux qui conduisent à la réunification syndicale de mars 1936, à la veille du Front populaire.

Au cours des négociations de Matignon, il est avec Benoît Frachon l’un des deux « ex-unitaires » signataires des Accords Matignon. Après le congrès de Nantes en 1938, il accède à la Commission administrative de la CGT réunifiée.

 Il est arrêté en octobre 1940, en même temps que son fils Roger ainsi que Timbaud, Granet, Poulmarc’h et tant d’autres syndicalistes livrés aux Allemands par le sinistre policier Peyrouton, promu Ministre de l’Intérieur de Pétain. Il est interné successivement à Aincourt, Clairvaux, Fontevrault puis Choisel/Châteaubriant d’où il s’évade le 16 juin 1941, avec l’aide de Germaine Hénaff. Repris en décembre 1942, il est interné à Voves d’où il s’évade de nouveau le 11 janvier 1944 avant de rejoindre les FTP puis de retrouver ses responsabilités syndicales à la Libération.

Raymond Sémat en combattant FTP – FFI

Entre temps, il est chargé par B. Frachon de missions à hauts risques. La scission de 1939 avait creusé un fossé entre les deux grands courants du mouvement syndical. Les « ex-unitaires » souhaitent que la CGT se réunifie pour contrer l’attentisme, refuser la Charte du travail et lutter contre l’occupant et Vichy. Une première prise de contacts a  lieu en décembre 1940 au siège de la Fédération du Bois, suivie le 17 mai 1941 d’une rencontre « à caractère informatif » entre des responsables des deux courants. Certains signes encourageants (notamment le Manifeste des 12, par lequel 9 ex-confédérés et 3 responsables de la CFTC se démarquent de la politique de Vichy) incitent B. Frachon à confier à R. Sémat la mission de prendre contact avec Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT, alors en résidence surveillée à Cahors. En août 1942, Raymond Sémat a le contact avec Louis Saillant qu’il informe de l’objectif de Benoit Frachon et la rencontre avec Jouhaux a lieu le 22 septembre 1942 à Cahors.  Un accord de principe est trouvé pour poursuivre les discussions.

Certes des clivages persistent mais le processus est enclenché et rejoint le souci de Jean Moulin qui considérait comme prioritaire l’union des forces syndicales les plus susceptibles d’entraîner les mouvements de Résistance intérieure. L’arrestation de Jouhaux en novembre 1942 et celle de Sémat en décembre interrompent les contacts. C’est alors André Tollet qui est chargé de les rétablir avec l’aide de Henri Raynaud, autre évadé de Châteaubriant, en lien constant avec Benoît Frachon. Les contacts reprennent en janvier 1943 puis un accord verbal est scellé le 17 avril 1943, après une nuit de discussions dans un pavillon au 9, rue du Stade, chez Fritsch, beau-père de Saillant, au Perreux (aujourd’hui dans le Val-de-Marne) avec Louis Saillant et Robert Bothereau, ouvrant la voie à la réunification clandestine de la CGT.

La réunification, bien qu’imparfaite, a eu trois conséquences importantes:

1. Elle a entraîné les ex-confédérés dans une condamnation de la Charte du travail et au-delà dans la condamnation de la politique générale du régime de Vichy;

2. Elle a permis, après l’effondrement du début de l’Occupation, une augmentation sensible des effectifs et un regain des luttes syndicales.

3. Elle a permis que le syndicalisme résistant prenne toute sa place dans les organes de la Résistance. La CGT est représentée au CNR par Louis Saillant, la CFTC l’est par Gaston Tessier. Des syndicalistes de la CGT et de la CFTC siègent à l’Assemblée consultative d’Alger (sur les 22 rapports ou propositions qui y sont déposés, 9 sont le fait de la CGT)

Certes, réalisée au niveau confédéral, la réunification fut plus difficile au niveau des Fédérations et des UD. Ainsi il ne semble pas qu’elle ait pu se réaliser en Loire-Inférieure, notamment en raison des vagues d’arrestations des militants ex-unitaires qui agissent à la fois sur le terrain revendicatif et sont actifs dans la lutte politique et militaire contre Vichy et l’occupant et sont les principales victimes de la répression. La CGT reste géographiquement coupée entre la région nantaise dominée par les amis de Léon Jouhaux (Auguste Péneau et Gabriel Goudy) tandis que la région nazairienne (Jouvance et Blanchard) est aux mains des amis de Belin, ex-numéro 2 de la CGT devenu à Vichy, le ministre du travail de Pétain.

© DR -Louis Saillant

Les Accords du Perreux conclus entre les représentants des deux tendances syndicales ont constitué un tournant majeur et donné un formidable élan à la Résistance. Ils ont apporté à Jean Moulin – alias Régis qui a œuvré à lever les obstacles à l’unité entre les deux courants – des éléments de conviction pour surmonter les réticences et réussir à créer le 27 mai 1943 le Conseil National de la Résistance dans lequel la CGT représentée par Louis Saillant – qui en deviendra le président, jouera un rôle essentiel dans l’élaboration du programme du CNR et par conséquent dans les réformes économiques et sociales de la Libération.

                                                              Loïc LE GAC

Sources:

Guy Haudebourg Défendre les travailleurs sous l’Occupation Annales de Bretagne 2009

Jean-Pierre Lecrom Syndicalisme & Résistance Colloque de Cachan 1995

André Tollet La classe ouvrière dans la Résistance (Editions sociales)

François Hincker in Le syndicalisme dans la Résistance (Editions de la Courtille)

André Narritsens, Cahier d’histoire sociale, n° 144 décembre 2017 (IHS CGT)

HAUTE-GOULAINE

Ne les oublions pas

Initié dans le Castelbriantais, le parcours de la mémoire suit son chemin dans la région nantaise. Après Saint-Julien-de-Concelles, le 19 novembre 2022, c’est à Haute-Goulaine qu’une plaque a été posée à l’entrée du cimetière le 1er avril. Nous étions une centaine, malgré une météo peu engageante, pour ne pas oublier. Après le mot d’accueil du maire Fabrice Cuchot et en présence de Julie Voleau, conseillère départementale, le cortège conduit par les porte-drapeaux s’est recueilli, à l’intérieur du cimetière, devant la stèle aux Otages inhumés le 22 octobre 1941. Six résistants exécutés au stand de tir du Bêle à Nantes ont en effet été inhumés anonymement dans le cimetière de cette commune, quand d’autres l’étaient au même moment à Saint-Julien-de-Concelles et Basse-Goulaine dans ces communes éloignées de Nantes, mal desservies à l’époque par les transports, afin d’empêcher les pèlerinages. A la Libération, les tombes ont pu être identifiées et les corps ont été transférés dans des cimetières choisis par les familles dont celui de La Chauvinière à Nantes. Des obsèques solennelles avaient été organisées le 9 juin 1945. Une chapelle ardente avait été accueillie dans le hall du musée des Beaux-Arts.

Christian Retailleau, président du Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et de Nantes, après avoir salué la famille d’Alexandre Fourny présente, a rappelé le contexte de cet événement tragique et tracé les parcours de vie des six résistants : les anciens combattants Léon Jost, Alexandre Fourny et Auguste Blouin et les jeunes ouvriers syndicalistes et communistes René Carrel, Robert Grassineau et André Le Moal qui n’avait que 17 ans. Puis il a été procédé, sous une pluie battante, au dévoilement de la plaque. L’évocation artistique a donc été présentée à l’Hôtel de ville. Les comédiens du Théâtre d’ici ou d’ailleurs avec Claudine Merceron accompagnés des théâtres Balivernes et du Marais ont interprété une scène extraite de la pièce Les 50. Les jeunes élus du Conseil municipal des enfants ont interprété une scène avant d’entonner La Marseillaise reprise par le public.

Rezé n’a pas oublié ses résistants FTP fusillés en 1943

Le dimanche 26 février 2023 se sont déroulées les commémorations des fusillades des résistants FTP fusillés en 1943 à l’issue des procès des 42 et des 16.

Le soleil était au rendez-vous, le vent aussi. Malgré un froid glacial les participants se sont d’abord regroupés dans le square Jean Moulin, en bordure de la place des Martyrs de la Résistance. Une gerbe a été déposée au pied de la stèle rendant hommage au fondateur du Conseil national de la Résistance, puis le cortège s’est porté au long des rues de la IVème République, Jean Jaurès puis Aristide Briand vers le Monument Roger-Salengro où une nouvelle gerbe a été déposée. Le cortège a cheminé vers le cimetière Saint-Paul où se trouve le Mémorial. Une centaine de personnes étaient présentes. L’appel des morts a été confié à Laurent et Nicolas Boissard, petits-fils du fusillé rezéen Marcel Boissard. Des gerbes ont été déposées par le Comité d’entente des anciens combattants, la FNDIRP, le PCF, le Comité du souvenir, le PCF et la maire.

©Photo du site de la Mairie de Rezé

Christian Retailleau a pris la parole* au nom du Comité départemental du souvenir. Il a salué « Rezé, qui depuis la Libération a toujours su commémorer ses fusillés, dont les noms ornent les plaques de nombreuses rues » ; il a rappelé le contexte des événements de 1942-43, l’action des résistants FTP, la répression dont ils furent victimes, les procès des 42 et des 16,  les exécutions avant de dresser le portrait « de ces résistants dont le plus jeune André Rouault a 17 ans, André Guinoiseau et Jean Greleau de Rezé ont 20 ans (…) Ce sont des ouvriers qui symbolisent le rôle irremplaçable du monde du travail dans ce que fut la Résistance, si bien résumé par François Mauriac : « seule la classe ouvrière dans sa masse est restée fidèle à la France profanée. » (…) C’est notre responsabilité collective de faire connaître aux nouvelles générations l’histoire de la Résistance afin que ne soient pas banalisées les idéologies fascisantes, (…) pour refuser les guerres en Ukraine et ailleurs, pour refuser la misère et construire un monde de paix. »

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/03/REZE-Allocution-C.-Retailleau.pdf

Madame Agnès Bourgeais*, maire conclut la cérémonie : «  Nous sommes réunis pour évoquer des faits qui ont marqué l’Histoire. Nous refusons que ces noms gravés sur les plaques de nos rues tombent dans l’oubli.(…) Ce qu’ont vécu ces hommes auxquels nous rendons hommage aujourd’hui est tout sauf abstrait. Derrière ces faits, il y avait des hommes, des femmes et des habitants. Il y avait des Rezéens. (…) Il faut se rendre compte de ce qu’implique d’agir ainsi, de prendre des risques. Il faut prendre la mesure du choix qui est fait par ces hommes, la mesure de leur courage. (…) Ces hommes étaient des résistants (…) Ce mot désigne un engagement : celui d’une lutte pour des valeurs. Ces hommes n’étaient pas des héros, mais ils le sont devenus. »

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/03/Reze-allocution-maire-Copie.pdf

Philippe Audubert, adjoint chargé des Anciens combattants a invité les participants à assister dans l’après-midi au deuxième temps de cette journée  au Théâtre municipal.

La déambulation dans Pont-Rousseau a permis de parcourir ou de croiser plusieurs rues portant les noms de résistants rezéens fusillés par les nazis : 12 rues ont ainsi été renommées par délibération du conseil municipal le 28 décembre 1944, sur proposition du Comité local de Libération. Saluons la décision de la municipalité d’habiller chaque plaque d’une courte présentation  avec photo et  d’éditer pour cette journée du 26 février un dépliant très bien conçu : un plan  localise les rues et chaque nom est accompagné d’une brève biographie. Ajoutons que pendant cette période, l’exposition réalisée par les Archives municipales de Nantes a été présentée sur le parvis de l’Hôtel de ville.

Le verre de l’amitié a été partagé à l’invitation de la municipalité salle Jean Jaurès.

Un temps fort a été consacré l’après-midi à une initiative culturelle au Théâtre municipal situé dans la salle qui a servi de chapelle ardente aux fusillés rezéens le jour de leurs obsèques solennelles en 1945. La rue porte aujourd’hui le nom de Guy Le Lan, l’un des jeunes FTP fusillé le 25 août 1943 à l’issue du procès dit des 16, en même temps que Jean Fraix. Plus d’une centaine de personnes ont visionné le documentaire Le procès des 42, réalisé par l’historien-documentariste Marc Grangiens avec ses étudiants de BTS audio-visuel du Lycée Léonard de Vinci de Montaigu(85). Ce film expose clairement le contexte du procès – la guérilla urbaine menée par ces combattants contre l’Occupant nazi,  le déroulement de ce « procès » qui n’était en fait qu’une parodie grâce aux explications d’historiens  et aux témoignages d’inculpés, condamnés à des peines de déportation Renée Losq et Roger Guédon.

C’est ensuite la pièce Paolo qui a été jouée avec beaucoup de sensibilité par l’autrice et comédienne  Anne Rossi, petite-fille de Paolo Rossi, l’un des condamnés du « procès » des 16, déporté à Tübingen en Allemagne où il a été fusillé le 20 novembre 1943, en même temps qu’André Rouesné. L’autrice s’est inspirée de souvenirs familiaux et de La  Montagne de kaolin, récit de son oncle, l’écrivain Pierre-Louis Rossi dont le rôle enfant  est interprété par Timothée Godineau-Leroy.  La mise en scène est sobre, le décor est dépouillé de sorte que les spectatrices et spectateurs peuvent se concentrer sur les paroles/témoignages des artistes. L’ovation et les rappels en fin de séance ont traduit la satisfaction du public.

Débat au théâtre de Rezé

Un temps d’échanges a suivi.  Christian Retailleau, président du Comité départemental du souvenir, Ronan Viaud, responsable des Archives municipales de Rezé et Loïc Le Gac, co-auteur du livre En Vie, En joue, Enjeux ont répondu pendant une heure à un feu roulant de questions sur l’action des résistants, la répression, le rôle de la police française, le poids de la collaboration etc.