Louis Dronval nous a quittés
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Né le 8 juin 1952 à Loctudy, dans le Finistère, dans une famille où on lisait l’Humanité-Dimanche, Louis Dronval a découvert l’engagement syndical et politique auprès de son grand-père maternel. Celui-ci, marin pêcheur, avait participé à la mutinerie des marins de la Mer Noire en 1919, refusant de participer à l’offensive militaire française contre la Révolution russe.

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« La Résistance naît là où les droits sont bafoués »

christian_retailleau.jpgÀ 62 ans, Christian Retailleau est à la tête du Comité du souvenir 44, qui honore entre autres la mémoire des 48 otages fusillés par les Allemands le 22 octobre 1941. Les exécutions ont eu lieu sur la colline du Mont-Valérien (Hauts-de-Seine), au champ de tir du Bêle (au nord-est de Nantes) et dans une carrière de Châteaubriant.

Ouest-France Benoit ROBERT. Publié le 11/03/2022

Ils étaient 48, résistants, opposants, juifs, communistes ou simplement détenteurs d’armes. Tous, ce 22 octobre 1941, ont été fusillés comme otages après l’exécution, deux jours plus tôt, d’un officier allemand à Nantes. Depuis, en Loire-Atlantique, le souvenir se perpétue à travers l’action d’un comité dont l’origine remonte à la Libération.
L’association qui répond au nom de Comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes, réunit 300 adhérents. « Son but est de transmettre l’histoire de ce massacre de civils à travers les faits, résume Christian Retailleau, son président. Mais aussi d’entretenir la mémoire dans le monde associatif, du travail ou de l’éducation. »
Réunir le peuple
À travers l’idée même de résistance, difficile pour lui d’éluder la question du conflit en Ukraine. La guerre qui se déroule à moins de 3 000 kilomètres le ramène au passé. « Les acteurs sont différents. La Russie n’est plus soviétique, mais le pouvoir en place a des relents néofascistes. La Résistance, ce sont des hommes et des femmes qui surgissent là où les droits humains sont bafoués. »
Selon lui, le modèle et les valeurs adoptés par le Conseil national de la Résistance (CNR), après sa création en mai 1943, n’ont rien perdu de leur vigueur. « Il s’agissait de poser les bases d’une société plus humaine de manière à unifier la population une fois le pays libéré, revenir aux fondamentaux pour que les gens ne soient pas livrés à eux-mêmes. » En toile de fond, c’est l’extrême droite qui est visée, « héritière de la pire partie de notre histoire commune ».
Encore plus ouvrière
Dans tout le département, le comité tisse des liens avec les municipalités. À Saint-Nazaire, des noms de quatre résistants locaux ont été signalés à la mairie pour baptiser les rues de futurs aménagements urbains.
L’anniversaire de la libération de la poche, prévu en 2025, est dans le viseur. Tout comme la mémoire de Jean de Neyman, dernier fusillé de Loire-Inférieure (ancienne Loire-Atlantique), le 2 septembre 1944.
« Cette ville portuaire était totalement militarisée. Il était difficile de s’organiser comme à Nantes par exemple. Pour autant, la Résistance était issue des milieux populaires, encore plus ouvrière qu’aujourd’hui, basée sur le renseignement et l’entraide. »
Alors que la Loire-Inférieure de l’époque traîne une image de vieille terre catholique et conservatrice, elle demeure marquée par une empreinte anarcho-syndicaliste entre Nantes et Saint-Nazaire. Ce mélange de profils, de tendances, agit comme un révélateur et dessine toute la complexité liée à cette période.
Cette année, le comité planche sur l’organisation d’un colloque sur le « procès » des 42, le plus important en zone occupée. « En janvier 1943, à Nantes, le tribunal militaire allemand jugeait des résistants Francs-tireurs et partisans. » Trente-sept d’entre eux sont condamnés à mort. Parmi les accusés, figurent cinq républicains espagnols.

St Nazaire, terre de Résistance

Dès le début de l’Occupation, des personnes ont manifesté leur opposition ou exprimé leur refus par des attitudes ou des actes de désobéissance. C’était la résistance, elle n’est devenue la Résistance que plus tard, lorsque des mouvements se sont développés, structurés, lorsque des couches sociales diverses se sont reconnues dans ce mouvement et y ont contribué et lorsqu’elle s’est unifiée. Bref, lorsqu’elle est devenue un mouvement social, un phénomène historique. « La Résistance en tant qu’expression d’une force politique n’émerge qu’au début de 1942 » selon l’historien Jean-Marie Guillon et « l’expression est définitivement consacrée lorsque, en 1943, le Conseil national de la Résistance est créé ».(1)
Il faut imaginer le contexte et le climat de l’époque. 1940, la défaite, la débâcle, le chaos, des millions de réfugiés sur les routes et d’énormes illusions et malentendus, beaucoup de confusion. Pas de smartphone ni de réseaux sociaux à l’époque pour s’informer, échanger, se rencontrer. La presse est muselée ou interdite si elle n’est pas aux ordres.

Du refus à la Résistance
Du refus à la résistance, c’est le chemin qu’empruntent les Nazairiens opposés à Vichy et à l’envahisseur. En 1940, et surtout dans une ville ouvrière comme Saint-Nazaire, la porte d’entrée c’est la lutte revendicative qui permet de reprendre contact avec les travailleurs et de les réorganiser. La propagande compte aussi pour ouvrir les yeux. Elle est rudimentaire au début : papillons (on ne disait pas encore flyers), inscriptions à la craie ou à la peinture sur les murs, premiers tracts ronéotés.
Dès 1940, les premières actions contre l’occupant apportent des signaux. La Résistance a mille visages et les modes d’action sont variés: propagande, aide aux évadés, renseignement, hébergement de clandestins, de déserteurs, sabotage, francs-tireurs, maquisards, tout cela formait la Résistance.

La mémoire des 48 Otages fusillés à Châteaubriant, Nantes et au Mont-Valérien le 22 octobre 1941, puis celle des résistants fusillés à la suite des parodies de procès dits des 42 et des 16 en 1943 a éclipsé le souvenir de l’action des Résistants nazairiens. Ils ne sont pas absents de la liste des 48 : Hubert Caldecott, Philippe Labrousse et André Le Moal sont des Nazairiens, de même plusieurs FTP nazairiens figurent dans la liste des 16. A travers cet article, nous voulons faire leur place à des êtres de chair et de sang, qui ne réclamaient ni la gloire, ni les larmes mais qui voulaient vivre dans un monde débarrassé de l’oppression, de l’exploitation et de la guerre.

Le Courrier de Saint-Nazaire, hebdomadaire monarchiste, réactionnaire et Le Phare ont paru sous l’Occupation. Leurs articles sont édifiants. Ainsi, Le Courrier de Saint-Nazaire publie le 10 août 1040, un « Avis à la population », signé du maire F. Blancho, reproduisant un avis du Colonel Schirmer, commandant la Place et faisant état de coups de feu tirés le 4 août, rue d’Anjou contre des soldats allemands. Le 31 août, Joseph Montfort, contrôleur des assurance sociales, est condamné à un an de prison et 1000 F d’amende pour propagande communiste. Il aurait distribué un tract intitulé « Aux Français ». Le 13 septembre, le nommé Trigodet Joseph, d’Herbignac a été condamné à mort par le tribunal de guerre allemand et fusillé le 6 pour avoir endommagé une ligne téléphonique. Le 20 décembre, des tracts communistes ont été distribués à St Nazaire et une perquisition a permis d’arrêter Auguste Véto et de l’interner administrativement.
Le 7 mars 1941, à Batz/mer au cours d’un changement de troupes, entre le départ de l’unité relevée et l’arrivée de la suivante, les cantonnements ont été pillés par des femmes et des enfants. Le 4 avril, nouvel avis du maire F. Blancho qui oblige à enlever immédiatement toutes les inscriptions et interdit le port d’insignes gaullistes. Le 18 avril, à Trignac, des câbles ont été sectionnés. Le 15 août, dix communistes nazairiens, qui ont été arrêtés le vendredi 11 à l’aube sont conduits à Châteaubriant où existe un camp d’internement, le camp de Choisel. Le 22 août, l’agitation communiste marque une inquiétante recrudescence et tend à dresser la population contre l’occupant. Le 10 octobre 1941, il est rappelé au public l’interdiction d’écouter des émissions radiophoniques étrangères, la fenêtre ouverte, sous peine de confiscation du poste. Le 12 décembre, le gouvernement annonce que 1 850 communistes viennent d’être arrêtés en zone non occupée, arrestations qui s’ajoutent aux 11000 effectuées depuis 6 semaines dans ces milieux. Cette revue de presse est édifiante !

Par ailleurs, le Journal de marche du XXVème Corps d’Armée allemande, stationné en Bretagne relève en janvier 1941: recrudescence des activités communistes, tract de Thorez lancé à St Nazaire. Accueil favorable de la propagande communiste auprès des travailleurs étrangers de l’Organisation Todt. Mai 1941: intense activité de sabotage, coupures de câbles, enlèvement de matériel de transmission précieux. Des communistes se sont manifestés le 1er mai à St Nazaire. Juillet : rassemblement de 400 à 500 jeunes, femmes et enfants à l’enterrement de deux aviateurs anglais abattus; découverte de papillons favorables à « l’ Union soviétique dans son combat contre le fascisme ». Août, découverte à St Brévin de papillons menaçant les Français travaillant pour la Wehrmacht. Novembre, arrestation à la Baule de l’Anglais Henry Brod et du Dr Dubois.
Les quelques aperçus de la Résistance nazairienne qui suivent, donnent à comprendre la diversité des formes d’action et donnent vie à des résistants trop oubliés.

L’aide aux évasions
Au cours de la débâcle, 50 000 soldats sont internés dans les camps de Savenay, Châteaubriant, Château-Bougon et les casernes de Nantes. Le Comité d’entente des Anciens combattants se charge, avec l’accord de la Kommandantur de ravitailler ces prisonniers. Sous couvert de cette activité humanitaire légale, une autre activité, illégale, se met en place qui consiste à favoriser les évasions. A Savenay, certains jours, il y a 50 évasions. En janvier 1941, les principaux organisateurs sont arrêtés, ils seront condamnés et figureront au nombre des 50 Otages fusillés le 22 octobre 1941, Marin Poirier ayant déjà été fusillé fin août.
150 soldats polonais qui cherchent à ne pas tomber aux mains des Allemands sont conduits au Croisic où des pêcheurs les conduisent sur des bateaux anglais qui croisent au large. Bohu, le passeur de Lavau, en transporte 50 sur la rive gauche de la Loire en vue de regagner la zone dite libre.

Les agents de renseignements
Le réseau Georges-France 31, est spécialisé dans le renseignement. Le Dr Mercier, au retour de démobilisation en août 1940, découvre l’Etat-major allemand installé dans sa maison. Vers la fin 1940, il est contacté et il lui est proposé de collecter et fournir des renseignements qui seraient communiqués à Londres. Il accepte et est mis en relation avec Mme Lardon. Après diverses péripéties il est arrêté sur dénonciation, emprisonné puis conduit à Paris au siège de la Gestapo où il découvre un personnage qu’il avait déjà vu chez lui et qui était donc un agent de la Gestapo chargé de surveiller les résistants nazairiens. Albert Vinçon, professeur, militant socialiste et responsable de la Ligue des droits de l’Homme est aussi membre de ce réseau, comme René Ross, professeur révoqué parce que juif, nommé chef de la Défense passive et Jean Le Netter. Ils transmettent des renseignements sur les chantiers et les mouvements de navires dans le port. La Gestapo réussit un coup de filet qui démantèle le réseau: 101 arrestations. Vinçon, Ross et Le Netter seront fusillés le 27 novembre 1942 au Mont-Valérien. Mme Lardon sera déportée et ne reviendra pas.
Un autre réseau s’occupe de renseignement: le réseau Alliance. Eugène Monnier se fait embaucher à la Base sous-marine après sa démobilisation. Il est sollicité par un collègue pour fournir des renseignements techniques sur les sous-marins et accepte sans d’ailleurs connaître le nom du réseau, qu’il n’apprendra qu’à la fin de la guerre, en même temps que le nom de celle qui le dirige: Marie-Madelaine Fourcade.

Organisation de sabotages
Emile Bertho témoigne (2). Démobilisé le 26 avril 1940, il est contacté le 2 septembre par Gérard Périco et Fernand Beccard. Ceux-ci sont depuis juillet en liaison avec Marcel Paul (3), chargé de regrouper les militants communistes du département. Au début, « l’action des groupes nazairiens consistait en distribution de tracts puis la nécessité est arrivée de mener des actions de sabotage, en particulier à la Base sous-marine » où il travaille avec Amiable, Auguste Mahé, Roger Ollio et Roger Ménard. « Il fallait aussi héberger les clandestins comme Amiable, pourvoir à leur ravitaillement et organiser la solidarité avec le groupe interné à Châteaubriant ». Pour compléter, ils rassemblent des renseignements sur la Base: plans, photos etc.
Jean Struzzo participe, « presque quotidiennement », avec son groupe: Léon Delavallée, Pierre Viaud, Le Moulec à des sabotages dans les magasins de la Kriegsmarine, aux chantiers de la Loire et dans les dépendances de la forme Jean-Bart: « arbres à cames, compresseurs graissés à l’acide, bogies de wagons à la poudre d’émeri, pièces détériorées à l’emballage etc ». Il estime que les sabotages effectués par leur petit groupe représentent des milliers d’heures de travail. Ils sont en relation avec Boulay, un brigadier des douanes qui a organisé des groupes de résistance parmi les ouvriers qui travaillent à la construction du Mur de l’Atlantique. Il sera déporté et mourra en camp de concentration.

Le sabotage de l’Arado
L’Arado est un prototype, terminé et en état de marche, d’hydravion de reconnaissance. Il trône sur un vaste chariot dans le bâtiment 73 à la SNCAO(4). René André est le responsable des Jeunes du Front National (5). »Adrien Berselli, un camarade du groupe propose de saboter l’Arado. Sa proposition est acceptée. Jean Dréan, l’artificier, fabrique l’engin explosif. Je le rentre dans l’usine dans une musette et le camoufle dans mon coffre à l’atelier de chaudronnerie. Le mardi de la Pentecôte 42, Adrien arrive tôt avant l’embauche. Il dépose l’engin dans la carlingue, fixe l’explosif sur un flotteur, allume la mèche et se sauve. Quelques minutes avant l’embauche, c’est l’explosion ». Un flotteur est détruit, la carlingue est percée de trous, le prototype est inutilisable. Les Allemands sont furieux, mais le secret est bien gardé. Aucune arrestation ne sera opérée.

Création de l’OS (organisation spéciale)
L’OS est une organisation de combat créée par le parti communiste. C’est l’embryon des Francs-Tireurs et Partisans(6).Selon Georges Girard, la Loire-Inférieure est l’une des premières régions à constituer des groupes d’OS vers novembre 1940 à Nantes et Saint-Nazaire. « Nous étions conscients de la nécessité d’agir contre l’occupant. Nous étions des jeunes assez « casse-cou », dit-il, « Guy Lelan, Jean Dréan, Albert Rocheteau, Marcel Pichard, Roger Ménard et moi ». Ils récupèrent des armes. Ils apprennent comment pénétrer la nuit à l’Eden-Parc, un hôtel où logent des officiers et savent où sont entreposées leurs armes. Ils récupèrent ainsi des révolvers et des mitrailleuses. Ils sont en étroite relation avec des Républicains espagnols internés à Gron, qui ont l’expérience de la guérilla urbaine et la leur font partager.
Albert Rocheteau raconte qu’une nuit avec G. Girard, ils sautent par dessus le mur de clôture où les Allemands entreposaient des dizaines de camions et de jeeps, place de l’Abattoir. Après avoir siphonné les réservoirs, ils arrosent d’essence les bâches, les pneus, le sol. Ils entendent un ronflement sonore et découvrent un gardien qui roupille dans une remorque. Ils le réveillent et lui disent: « Barre-toi en vitesse ». A sa suite, ils enjambent le mur et Georges jette son briquet allumé. De gigantesques flammes jaillissent. « Il fait clair comme en plein jour ». En avril 1942, ils décident de faire sauter la permanence de la LVF(7) rue Amiral Courbet. Guy Lelan fabrique la bombe. Vers 5h du matin, ils se dirigent vers la permanence. Pendant que Georges fait le guet, révolver au poing, A. Rocheteau glisse la bombe sous le rideau de fermeture. Il allume et le trio décampe. Les vitres volent en éclat. Les officiers allemands qui logent dans l’hôtel à côté s’affolent et hurlent. Le lendemain, les Allemands arrêtent 11 otages, qui sont incarcérés au camp de Ker Faouet mais seront relâchés quarante-huit heures plus tard.
Albert Rocheteau, par deux fois, est arrêté et emprisonné. Par deux fois il s’évade et continue le combat. Au cours d’un accrochage à Genrouët avec une patrouille allemande, lors d’une tentative de récupération d’armes, il reçoit une balle dans la cuisse. A la formation de la Poche, il s’engage dans le 2ème Bataillon FTP, participe à de nombreuses actions et est sérieusement blessé par l’éclatement d’une mine.
Georges Girard, arrêté, interné, s’évade en profitant du bombardement de la prison. Il rejoint la région parisienne et participe à l’Etat-major du colonel Fabien sous le nom de commandant Conan. Pendant l’insurrection de Paris, il est blessé par une balle à l’épaule et au bras gauche sur les quais de la Cité.

Guy Lelan, Fernand Mougenot et Jean Dréan, trop repérés, s’éloignent de St-Nazaire et poursuivent leur activité dans la région nantaise. Avec dix de leurs camarades: Armand Loyen, Jean Fraix, Marcel Bosquet, Louis Bâle, André Rouesné, Joseph Colas, Paolo Rossi, Henri Gauthier, Guy Jamet et Denise Ginollin, ils sont arrêtés et torturés par le SPAC (8). En août 1943, ils comparaissent devant un tribunal allemand(9) qui les condamnent à mort, sauf Denise Ginollin qui est déportée. Ils seront fusillés le lendemain -25 août 1943 – à Nantes, au champ de tir du Bêle. Une cérémonie d’hommage y est organisée chaque année en février.

Les jeunes dans la Résistance
Militant des Jeunesses communistes, Alfred Hémery dit « qu’il est devenu résistant tout naturellement par sa connaissance du nazisme ». Après l’embarquement des troupes anglaises et polonaises du 15 au18 juin1940 (10), il détruit, en tirant avec une mitrailleuse anti-aérienne, plus de 200 camions « pour qu’ils ne tombent pas intacts aux mains de l’ennemi ». A la masse il casse des delcos, fend des blocs-moteurs. Dès l’arrivée des Allemands les jeunes du groupe, ont multiplié les sabotages, coupant à plusieurs reprises les lignes téléphoniques entre St Nazaire et le camp de Trignac. Ils sabotent les camions. Ils enlèvent les panneaux de signalisation de St-Nazaire à Montoir. « Tout cela pour créer un climat d’insécurité et affaiblir le moral des troupes allemandes ». Ils distribuent de nombreux tracts et journaux du Front national.
Hémery est arrêté avec Louis Cadro aux chantiers de Penhoët, lors d’une distribution de tracts appelant à une manifestation le 14 juillet 1942. Les gendarmes français veulent savoir qui est derrière les sabotages commis dans la région et « surtout savoir qui a saboté l’Arado ». Ils perquisitionnent chez les parents des jeunes arrêtés. Alfred Hémery avait caché son 7,65 hors de la maison. Il est transféré à Nantes au siège du SPAC où on lui pose sans cesse la même lancinante question: qui a saboté l’Arado? Les Allemands ne l’ont jamais su. En juillet et août 1942, de nombreux jeunes communistes sont arrêtés aux chantiers et à l’usine d’aviation: Maurice Sculo 16 ans, Adrien Berselli, Jules Busson, Louis Gravouil, Jules Pichon, Yves Soubil, René Louis, André Travaille, Odette Dréan, Clodic. Ils sont jugés par la Cour martiale de Rennes le 4 février 1943, condamnés de 1 à 3 ans de prison. Maurice Sculo est libéré en raison de son âge ainsi que Clodic et Soubil. Hémery écope d’un an. Il fait le circuit de nombreuses prisons: Beaugé, Vitré, Rennes, Laval, Paris puis le 23 septembre 1943, il part de Compiègne pour Buchenwald d’où il est revenu le 28 juillet 1945, pesant 37 kg.
D’autres jeunes du groupe connaîtront l’enfer des camps: Cadro, Busson, Berselli, Gravouil, Pichon, Louis, Travaille et Odette Dréan. Ils sont tous revenus sauf Berselli. Dans les derniers jours d’avril 1945, 8 à 10 000 déportés de Neuengamme embarquent en rade de Lübeck sur quatre navires que les bombardiers anglais attaquent et coulent. Les déportés, dont Berselli, périssent asphyxiés dans les cales, noyés ou mitraillés par les SS. Tragique erreur ?

La lutte clandestine: témoignages de résistants nazairiens

Témoignage de Rémy Jégo : »Lorsque, après la débâcle, le chantier a repris son activité normale, j’ai été contacté en octobre 1940, par André Riguidel, membre des Jeunesses communistes. Avec Robert Jousset et Louis Cadro, nous distribuions des tracts appelant à la résistance à Méan et Penhoët et aussi dans les chantiers où nous pénétrions malgré la présence des Allemands. Après une période de flottement, nous avons, au cours du printemps 41, été recontactés par Godeau. A la gare de St-Nazaire, nous avons eu un entretien avec Jean Vignau-Balous, responsable fédéral des JC, mort en déportation. Quelque temps plus tard, le 22 juin 1941, exactement, nous avions rendez-vous avec lui à Nantes, place Louis XVI (…) Personne au rendez-vous. (…) Vers septembre 1941,, c’est René André qui nous fournissait en tracts et journaux clandestins : L’Humanité et France d’abord. J’ai été arrêté le 12 juin 1942 avec Babonneau, Carré, Cerclé, Rannou, Pichard, et Coleou, interné d’abord à Voves puis à Pithiviers. En juin 1944, j’obtins une permission pour assister aux obsèques de mon père. Au retour, conseillé par Quénéhervé, je pris le train, descendis à contre-voie et retrouvai Joseph Montfort sur la route de Bouvron. Je passai dans la clandestinité et devins responsable des réfractaires (3) en Vendée et terminai lieutenant FFI sur le front de Pornic. Mon camarade Robert Jousset, responsable d’un groupe FTP, (4) fut arrêté le 7 août 1944, emprisonné puis déporté à Mauthausen. Il mourut quelques jours après la libération du camp. »

Témoignage d’Ernest Pichon – Démobilisé le 1er septembre 1940, il est embauché comme menuisier par la mairie. Au début de 1941, il est contacté par Emile Bertho. Leur activité consiste à distribuer des tracts à la volée ou la nuit dans les boîtes aux lettres et saboter des lignes électriques ou téléphoniques. Muté à Trignac avec Pierre Durand, René Dubois, Albert Lumeau, ils travaillent sous les ordres d’un soldat allemand qui les laisse bricoler. C’est ainsi qu’il peut fabriquer un linographe, un cadre en bois de la taille d’un stencil et un rouleau de bois recouvert d’un bout de chambre à air pour étaler l’encre. « Déjà la répression se faisait sentir. Des camarades étaient arrêtés, d’autres étaient recherchés et disparaissaient dans la nature. Il fallait combler les vides et c’est ainsi que je me suis retrouvé dans le triangle de direction avec Emile Bertho et Pierre Mahé ». Il effectue la liaison avec Nantes et après diverses actions, il est arrêté le 5 août 1942 à St-Brévin et transféré à Nantes aux mains du SPAC(5). Quand il sort de l’interrogatoire, il est méconnaissable, mais il n’a pas lâché un nom. En février 1943, avec 25 autres communistes, il passe devant la Cour spéciale de Rennes présidée par le conseiller Hervieu. Outre les Nantais, se trouvent là les Nazairiens Emile Bertho, François Bretéché, René Desmars, Pierre Mahé, Gérard Périco, Marcel Pichard, tous ouvriers à la SNCAO, (6) André Pilliaire, ouvrier aux Fonderies, Lucien Cervier, plombier. Trois Nantais sont acquittés. Tous les autres sont condamnés à des peines de 1 à 4 ans de prison et seront envoyés dans des camps de concentration.

Robert Averty – « Dès juillet 1940, avec Jean Dréan, nous rédigions et diffusions des tracts contre l’occupant, tirés chez un camarade au Petit Maroc. Nous recrutions des jeunes pour le travail clandestin : André Riguidel, Robert Jousset, Rémy Jégo, puis un peu plus tard Jules Busson, Louis Gravouil, Dunay etc. qui participaient à la diffusion du matériel »Retour ligne automatique
Une nuit, depuis le balcon du cinéma Athénée, ils peignent – Ollivier, Pasquier, Dunay et lui – sur la belle façade rose du cinéma, en noir, au goudron et en lettres d’un mètre de haut « Vive l’URSS ». Les Allemands font tout repeindre en noir. Les résistants reviennent quelques jours plus tard avec de la peinture blanche pour repeindre la même inscription.Retour ligne automatique
Ils participent à de multiples sabotages. Averty conduisait un fenwick, sur lequel il transportait des pièces de sous-marins. Parfois en sortant de l’atelier, il donnait un coup de frein brutal et les culasses s’abîmaient en tombant sur le sol.Retour ligne automatique
En 1941, leur groupe a reçu des tracts en allemand qu’ils ont distribuées dans les vestiaires des marins et ouvriers allemands. En juillet 1942, Averty voit au Vieux St-Nazaire, la traction noire de la police et reconnaît Jules Busson, encadré par des policiers. Il comprend qu’il vaut mieux se mettre au vert et se planque à Machecoul. En février 1943, il revient à Gavy et rencontre Joseph Montfort qui le charge du recrutement, de la diffusion des tracts et de la réparation des armes.

Témoignage de Joseph Montfort -« Arrêté pour distribution de tracts communistes pendant la drôle de guerre, j’ai été interné à Nantes, puis à Rennes. Dans cette dernière prison, dans la cellule voisine de la mienne, se trouvait l’archevêque de Rennes incarcéré pour avoir, au cours d’un sermon dominical, critiqué le bombardement allemand qui avait fait beaucoup de victimes parmi la population (7). Ayant reçu un mandat, j’ai insisté auprès des Allemands pour aller à la poste. On m’y a conduit en voiture. Le chauffeur est resté assis dans l’auto, lisant son journal. Bizarre… Arès avoir touché le mandat, je me suis éclipsé par une porte de derrière. Et je suis tranquillement revenu à St Nazaire.Retour ligne automatique
Révoqué par la Caisse des assurances sociales, j’ai été embauché par la ville. Ganachaud m’a demandé d’immatriculer tous les gars embauchés à la Base, qui n’avaient aucun papier, en particulier les Républicains espagnols que le gouvernement de Pétain avait libérés d’Argelès pour les livrer aux Allemands.Retour ligne automatique
A la Base nous étions une bonne équipe de camarades : Ganachaud, Godeau, Bertho etc. Nous distribuions des tracts, pratiquions des sabotages et collections des renseignements sur l’ennemi.Retour ligne automatique
Le 1er aout 1941, deux inspecteurs de police viennent me chercher et m’emmènent au commissariat où je retrouve : Alexis Bocéno, Armand Bonay, Marceau Chabot, Pierre Durand, René Tournabie, Fernand Beccard, Félix Bénize, André Constantin, Auguste Mahé et Pierre Genevoix.Retour ligne automatique
Nous sommes internés tous les onze au camp de Châteaubriant. Le 7 mai 1942, enchaînés trois par trois, nous sommes transférés au camp de Voves. Fin 1942, je suis à l’hôpital de Chartres pour une opération. Nous tissons, un camarade breton et moi, une grande corde avec de la serpillière et nous tentons l’évasion. Mon copain descend le premier. La corde, frottant sur une corniche aux arêtes pointues, se casse au 1er étage. Je regarde : le copain est tombé brutalement et ne bouge plus. Je frappe violemment à la porte : « Un gars s’est suicidé ». On ouvre. La porte d’entrée n’est pas fermée : je fonce. « Arrête, arrête », je cours, le copain se relève et on se sauve. On se planque dans une buanderie. Le matin, une jeune employée arrive. « N’ayez pas peur, nous ne sommes pas des bandits, nous sommes des prisonniers évadés. » Son patron, un docteur est affolé. « Je viens de sortir d’un camp de prisonniers. Si on vous trouve ici…Je pars à huit heures. Je laisserai la porte ouverte. Je ne veux pas vous voir ici ce soir. » « Ne vous inquiétez pas, nous n’y serons plus. » Il me donne pansements et médicaments pour soigner mon camarade. Nous partons. Après mille péripéties, nous retrouvons le contact avec le parti. Je suis envoyé à Camaret. Il faut des explosifs pour nos FTP : j’embauche à l’Organisation Todt.Retour ligne automatique
En avril 1943, je reviens à St -Nazaire voir ma femme et mes enfants et je demande à Rutigliano, responsable régional, l’autorisation d’être muté du Finistère en Loire-inférieure. Autorisation accordée. J’ai alors travaillé avec les groupes de Lecontel (Savenay), de Quénéhervé (Pontchâteau) et de Bourmaud (La Baule).Retour ligne automatique
A la formation de la Poche, j’ai rejoint le 2ème Bataillon FTP ».

A Saint-Brévin – Maurice Piconnier et ses camarades distribuent des tracts, pratiquent aussi de nombreux sabotages, tendent des fils de fer au travers de la route pour apprendre aux motocyclistes allemands à « faire de la voltige ». Maurice est arrêté le 31 août 1941 et incarcéré au camp de Châteaubriant puis au camp de Voves d’où il s’évadera… Robert Albert et Louis Coquet seront arrêtés le 11 août 1943, torturés par la Gestapo et fusillés le 27 octobre à Angers. Raymond Chalopin, arrêté en même temps qu’eux, sera déporté à Buchenwald.

Henri Fogel, toute sa famille est morte à Auschwitz – Pour voyager, il fallait posséder un ausweiss portant les cachets officiels. Il essaie de fabriquer un cachet en gravant une pomme de terre, mais le résultat n’est guère satisfaisant. Au début de 1941, il va dans un bureau allemand avec un copain et pendant que celui-ci demande des renseignements, Fogel subtilise un cachet. Avec son ausweiss, il effectue plusieurs voyages en camion à St Jean-le-Vieux, dans les Pyrénées. En plus du matériel que Louis Guilbaud, le chauffeur, transporte pour le compte de la SNCAO, ils transportent aussi clandestinement le courrier que les Espagnols du camp Franco destinent à leurs familles. Un jour, Allanet l’avertit : « Tu dois absolument partir. Selon les renseignements qui nous parviennent, ton arrestation est imminente ». Il passe la route de démarcation vers Châteauroux, s’intègre au maquis d’Oradour-sur-Vayres, libère les détenus de la prison de Nanton. Après la Libération, il apprend que son père, sa mère et 24 autres membres de sa famille sont morts à Auschwitz. Les enfants de sa sœur ont été tués à coups de marteau sur les genoux de leur grand-père.

Sources
AREMORS, Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier, t. 3 – 1939-1945, éditions Aremors, 1986
HAUDEBOURG Guy, Nantes 1943, Fusillés pour l’exemple, Geste éditions, 2014

Notes
1 – François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, 2006
2 – Les témoignages cités ont été recueillis par les auteurs du collectif Aremors
3 – Marcel Paul sera déporté à Buchenwald et nommé Ministre de la Production industrielle à la Libération
4- SNCAO: en application de la loi de nationalisation des industries aéronautiques du 11 août 1936, Loire-Nieuport devient la Société nationale des constructions aéronautiques de l’ Ouest
5 – Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France, créé en mai1941
6 – FTPF: Francs-Tireurs et Partisans Français, prolonge l’OS vers la fin de 1941 pour développer la lutte armée.
7 – LVF: Légion des volontaires français contre le bolchévisme, collaborant avec la Wehrmacht.
8 – Le SPAC: Service de Police Anti-Communiste
9 – Le « procès » des 16 – s’est déroulé en août 1943, à la suite d’un premier « procès » (dit des 42), en janvier 1943 : 50 exécutions au total
10 – L’embarquement des troupes anglaises et polonaises en juin 1940. Voir notre article sur la tragédie du Lancastria Pire que le Titanic : la tragédie du Lancastria
11 -Il s’agit des réfractaires au STO, le Service du Travail obligatoire, en Allemagne
12 – Bombardement de Rennes le 17 juin 1940. Voir notre article sur l’évasion du Jean-Bart414

BD immortels
Immortels !

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Les 50 Otages en BD
La Résistance dans la bande dessinée s’est enrichie d’un nouvel album avec cette BD sur les 50 otages de Châteaubriant et Nantes.
Le Comité du souvenir des fusillés de Châteaubriant, Nantes et de la Résistance en Loire-inférieure qui en est l’initiateur et éditeur, a confié la réalisation à deux jeunes artistes, Camille Ledigarcher, scénariste et illustratrice, et Gaëlle Richardeau, coloriste.
Le 22 octobre 1941, sur ordre d’Hitler, 50 Otages (en fait 48) sont fusillés à Châteaubriant dans la carrière de la Sablière, à Nantes au champ de tir du Bêle et au Mont-Valérien, près de Paris. Cet assassinat, premier massacre de masse de l’Occupant, intervient après que trois jeunes résistants communistes des Bataillons de la jeunesse ont abattu le Feldkommandant Karl Hotz, chef de la Wehrmacht à Nantes.
Des récits comme celui d’Aragon, « Les Martyrs », des témoignages, un film de Volker Schlöndorff, « La Mer à l’aube » ont été consacrés à l’histoire des 50 otages. « Immortels ! » est la première BD. Au fil des planches, l’album retrace la vie quotidienne dans le camp de Choisel, elle fait revivre les personnages : le syndicaliste Jean-Pierre Timbaud, le médecin Maurice Ténine, le député Charles Michels et bien d’autres. Elle montre le rôle des autorités civiles et militaires allemandes et vichystes. Les actions d’entraide et d’aide aux évasions des anciens combattants nantais sont évoquées à travers la figure de Léon Jost. L’exploit de deux jeunes lycéens qui hissent le drapeau tricolore au sommet de la cathédrale nantaise le 11 novembre 1940 est donné à voir. La diversité de la Résistance est mise en lumière, illustrée par le jeune Michel Dabat « qui croyait au ciel » et le lycéen Guy Môquet « qui n’y croyait pas ». « Immortels ! » reconstitue les dernières heures des Otages, jusqu’à leur exécution, leur comportement face au peloton, leur courage, et leur foi en la victoire et un avenir meilleur.

Accessible à toutes et tous, de 7 à 97 ans, et en tous lieux, privés ou publics, de lecture et de documentation, cette BD, artistique, ludique, et respectueuse de l’Histoire, incite à la réflexion sur la question toujours actuelle du courage et de l’engagement pour la liberté. Accompagnée d’un dossier pédagogique, composé par l’historienne Dominique Comelli, elle constituera un support utile à la transmission de la mémoire à travers les générations, à la visite des lieux de mémoire, et toute action éducative se référant aux valeurs de la Résistance et aux Droits humains.
La BD est disponible auprès du Comité du souvenir 1, place de la gare de l’Etat case 1 Nantes 44276 Cedex 2. Site www.resistance-44.fr Courriel : comitesouvenir@orange.fr
Prix : 15 € + 5 € de participation aux frais de port pour un exemplaire.
Collectivités, syndicats, associations, bibliothèques etc. pour des achats en nombre dans le cadre du 80e anniversaire, nous consulter sur les frais de port.
PAIEMENT EN LIGNE
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https://www.payasso.fr/resistance-44fr/immortels-les-50-otages-en-bd

Deux portraits de résistantes nazairiennes : Marthe Gallet et Suzanne Mahé

Marthe GALLET
de Saint-Nazaire à la Libération de Paris

Le 3 novembre 2014, une foule emplit la grande salle de la résidence du Traict, sur le front de mer de Saint-Nazaire. Tous ces gens, famille, amis, camarades, résidents, personnel de l’EPHAD sont venus souhaiter un bon anniversaire à Marthe Gallet, et pas n’importe lequel : le 100ème.Retour ligne automatique
Marthe Gallet, « ce petit bout de femme à la vie extraordinaire »1 est une figure nazairienne dont la vie est jalonnée d’engagements multiples.
Née en 1914, Marthe Robert entre à l’Ecole normale d’institutrices de Nantes et commence à militer au syndicat des instituteurs, au Groupe des jeunes. Elle militait déjà au Parti communiste depuis 1934. C’est l’époque des luttes antifascistes, du soutien à l’Espagne républicaine et du Front populaire qui l’enthousiasme. C’est dans un défilé à La Baule qu’elle rencontre Frédéric. Instituteur, lui est passé par l’Ecole normale de Savenay. Tous deux sont militants, Frédéric devient responsable du Comité du Front populaire, tandis que Marthe s’occupe de l’Union des Jeunes Filles de France, un mouvement créé par Danièle Casanova et d’autres pour permettre aux jeunes filles, en un temps où la mixité n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, de s’engager elles aussi. Elle épouse Frédéric en 1937 et ils obtiendront un poste double à Trignac en 1939.
1939, c’est la guerre. Frédéric est mobilisé, il laisse sur le quai de la gare sa femme et sa fillette, Françoise née l’année précédente. Grâce à deux militants, Raymonde et Ernest Pichon2, elle reprend contact avec le parti communiste, hors la loi depuis le 26 septembre 1939 et participe à la diffusion de tracts et journaux clandestins et apporte son aide aux militants traqués par la police, car la répression est féroce.
« Septembre 1942. Soudain vers onze heures du soir, des coups violents ébranlent la porte. Ma sœur était avec moi. Son mari venait de quitter la maison avec Albert Rocheteau3. Tout de suite, nous avons eu peur pour eux. Mais la police arrêtait cette nuit-là toute une liste de suspects dont je faisais partie. Comment expliquer que malgré la douleur de quitter ma petite Françoise endormie dans son berceau, je ressentis une sorte de soulagement. Ma sœur partit dans la nuit par des chemins détournés, roulant ma petite fille dans sa poussette. Elle la conduisit à Saint-Nazaire chez ses grands-parents.(…)
Je fus conduite à pied à la prison de Saint-Nazaire où je retrouvai « Tante Fine » arrêtée la nuit même au Croisic. Les policiers voulaient savoir où se trouvaient Georges et Léone, les interrogatoires se succédèrent. A l’un d’eux, ils amenèrent une petite fille de l’âge de Françoise me promettant la liberté si je donnais une adresse.
Je fis connaissance avec la saleté de la prison et pourtant j’étais privilégiée. Nous n’étions que trois dans une grande pièce, mais les tas de chiffons qui s’amoncelaient étaient un lieu d’élection pour les souris ; nous trouvions sous nos paillasses des nichées de petites souris toutes roses. J’étais avec deux condamnées de droit commun dont je garde un excellent souvenir, l’une emprisonnée pour avortement, l’autre rejetée par la société, Marie, à qui j’apprenais l’orthographe. »
Après Saint-Nazaire, c’est le circuit des prisons : château de Gaillon (Eure), camp de la Lande près de Tours, où elle fait une tentative d’évasion, infructueuse mais qui lui fait inventer La Chanson des évadés, de nouveau Tours puis le transfert à la prison des Tourelles à Paris qu’évoque Patrick Modiano dans son roman Dora Bruder, d’où elle s’évade en février 1944 après avoir pris quelques cours d’espagnol auprès de Républicaines internées. Elle reprend sa place dans la résistance, et s’engage dans les FTP, elle devient l’agente de liaison Michèle, attachée à l’Etat-major du Colonel André, de son vrai nom Albert OUZOULIAS4 et parcourt Paris à vélo pour transmette les courriers et les instructions. Arrive l’insurrection d’août 1944, elle est en première ligne et participe à ce titre à la libération de Paris.

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Après la Libération, elle rentre à Saint-Nazaire et reprend son métier d’institutrice à l’école Jean Jaurès. Elle anime et préside l’Union des Femmes françaises, mouvement né pendant l’Occupation à partir des comités populaires féminins (aujourd’hui Femmes solidaires). Les combats ne manquent pas. Si la guerre est finie, les conflits ne manqueront pas – Indochine, Algérie, Vietnam . Conflits sociaux également dans lesquels elle est investie : 1955, 1967, 1968. Luttes pour l’école et la laïcité.
Marthe Gallet nous a quittés en 2015 dans sa 101ème année.
1- Ouest-France 7/11/2014Retour ligne automatique
2- Ernest Pichon, membre du triangle de direction de la résistance communiste nazairienne avec Emile Bertho et Pierre Mahé, il sera arrêté le 5 août 1942, torturé, emprisonné, il comparaît devant la Cour spéciale de Rennes avec 25 autres communistes, en février 1943. Il sera déporté à Buchenwald
3- Albert Rocheteau, membre de l’Organisation spéciale, puis des FTPRetour ligne automatique
4 – Albert Ouzoulias, adjoint du colonel Rol-Tanguy, auteur de Les Bataillons de la jeunesse Editions sociales

Le camp des Tourelles
Avant le Bureau des légendes et l’existence de la télévision, la caserne des Tourelles, dans le 20ème arrondissement de Paris, qui abrite aujourd’hui les services de renseignements, a été un camp d’internement. 7 658 personnes y ont été internées entre novembre 1940 et le 19 août 1944 : des « indésirables » étrangers, des communistes, des femmes juives, des réfractaires au STO.Retour ligne automatique
Le 14 mai 2018, la Ville de Paris a dévoilé une plaque commémorative, au 163, boulevard Mortier Paris 20ème, à la mémoire des populations internées dans cette caserne entre 1940 et 1944. Le Musée de l’Histoire vivante de Montreuil possède et a exposé fin 2019/début 2020 trente et un portraits d’interné-e-s des Tourelles
Pour en savoir plus
* reportage dans L’Humanité-Dimanche n° 689 2 au 8 janvier 2020 Retour ligne automatique
* Louis Poulhès , Un camp d’internement en plein Paris : Les Tourelles, Atlande éditeur

Suzanne MAHÉ, Lucienne, Alphonsine [née JUSTAMONT Suzanne]
par Julian Mischi

Née le 19 janvier 1913 à Niort (Deux-Sèvres), morte le 5 avril 2005 à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; institutrice ; résistante ; militante communiste, conseillère municipale communiste de Saint-Nazaire.
Suzanne Justamont était fille d’un père petit industriel d’une famille protestante et d’une mère catholique. Des dépôts de bilans successifs entraînèrent une relative prolétarisation de la famille. Son père était indiqué « barman » sur le registre de naissance et en 1940, lors du mariage de sa fille « commerçant ». Sur les conseils d’un enseignant, elle passa le concours d’entrée à l’École normale d’institutrices où elle découvrit les textes de Marx. 

Lors de sa première année d’enseignement en 1933-1934, à une quarantaine de kilomètres de Niort, elle adhéra au Syndicat des instituteurs et se lia avec deux enseignantes avec qui elle effectua, pendant l’été, un voyage de six semaines à bicyclette, en Allemagne, y découvrant l’implantation du nazisme. Revenue en France, nommée à Saint-Martin-de-Mâcon près de Thouars, elle adhéra au Secours Rouge International. Responsable de l’Union des jeunes filles de France à Thouars (Deux-Sèvres), elle adhéra au Parti communiste en 1934 et milita aussi au comité mondial des femmes contre la guerre. En avril 1936, lors d’un meeting du comité thouarsais du Front populaire des jeunes, elle représenta la section de Thouars du comité mondial des jeunes filles. Après juin 1936, elle vérifia régulièrement si les employées des magasins disposaient bien d’un siège qu’elles venaient d’obtenir. Elle consacrait aussi ses moments de liberté à collecter pour l’Espagne républicaine.

Elle participa à la création, dans le SNI des Deux-Sèvres, d’un groupe des jeunes de l’enseignement, dont elle fut secrétaire à partir de 1935, qui, chaque été, voyageait dans différentes régions de France, s’efforçant de nouer le contact avec les populations ouvrières et paysannes. Par ailleurs, aux vacances de Pâques, elle participait à Paris aux écoles du Parti communiste. Enfin, à Noël, les groupes des jeunes de l’enseignement organisaient des rencontres internationales ; en 1939, elle y rencontra Pierre Mahé, son futur mari. Comme lui, elle avait fait grève le 30 novembre 1938, malgré la réquisition des fonctionnaires, par discipline d’organisation et pour montrer l’exemple. Pierre Mahé étant mobilisé, ils décidèrent de se marier pour qu’il bénéficie d’une permission, le 23 mars 1940 à Saint-Nazaire. Il fut fait prisonnier et envoyé en captivité près de Stettin à Rawa Ruska (Allemagne) ; après cinq tentatives infructueuses, il s’évada et gagna la Suède, mais ne réussit à revenir en France qu’en juin 1945.

En février 1940, lors d’une perquisition à son domicile, la police trouva des livres communistes. Elle fut arrêtée peu après son mariage et incarcérée en avril à la prison de Tours (Indre-et-Loire) dont elle fut libérée le 18 juillet 1940. Elle reprit son poste d’institutrice à la Madeleine de Guérande, près de Saint-Nazaire, où existait une cellule communiste clandestine. Elle était chargée d’aller dans les familles pour repérer qui, éventuellement, pourrait aider, cacher un militant. Figurant sur la liste des enseignants(e)s communistes, elle fut révoquée en décembre 1940 et en avril-mai 1941, recherchée par la police française, elle gagna le Morbihan, puis Paris où elle trouva le contact avec le Parti communiste. Elle habita Argenteuil puis Colombes, et dans cette ville, fut responsable du comité des femmes du réseau du Parti communiste clandestin. Elle prit le nom d’Annick pour son travail de liaison. Elle fut arrêtée le 19 novembre 1941 et interrogée par le commissaire David, de la Brigade spéciale 2, quatre jours plus tard. Condamnée à deux ans de prison, elle fut enfermée à la Petite Roquette, où les détenues les plus politisées organisèrent des cours, un journal et réussirent à faire sortir des renseignements par leur avocate. Le jour anniversaire de la victoire de Valmy, suivant le mot d’ordre du PC de manifester, elle participa à une prise de parole dans la cour de la prison. A la suite d’un procès en janvier 1943, condamnée à une peine de prison, envoyée au fort de Romainville, elle fut déportée le 13 mai 1944 et arriva au camp de Ravensbrück (Allemagne) le 16 mai 1944 par le dernier convoi de 750 femmes. Elle fut, de là, envoyée à Hanovre (Allemagne) dans une usine de produits chimiques où, là aussi, les déportées politiques essayèrent de constituer un collectif capable d’actes de résistance dans leur vie quotidienne. Elles furent délivrées par l’armée américaine en mars-avril 1945.

Rapatriée en France, très amaigrie, elle retrouva son mari en juin 1945. Ils furent d’abord réintégrés dans l’enseignement à Pornichet (Loire-Atlantique), où elle commença une intense vie militante de quartier, autour des questions du ravitaillement, et dans le cadre du PCF. De retour en septembre 1947 à Saint-Nazaire où la vie reprenait lentement, ils s’installèrent dans le quartier de Kerlédé, habitant l’un des 210 bungalows provisoires. Elle participa aux nombreuses activités de l’Amicale de quartier, très vite sous influence communiste : lutte pour l’amélioration des conditions de vie quotidienne, accueil d’enfants du Secours populaire, d’enfants des mineurs en grève en 1948, sou du soldat, lutte contre la guerre du Vietnam, puis d’Algérie. En 1954, Suzanne et Pierre Mahé s’installèrent dans le quartier de Plaisance ; elle continua le même type d’activités militantes et prit plusieurs fois la parole contre la guerre d’Algérie, à Saint-Nazaire, et à Rennes, lors de la fête de l’Union des femmes françaises. 



En 1950, elle remplaça, après sa destitution du conseil municipal, Madeleine Gallen*, en tant que conseillère municipale communiste, administratrice du Bureau de bienfaisance ; elle assura ce mandat jusqu’en avril 1953. Elle intervint à plusieurs reprises pour défendre les positions de la minorité communiste (distribution de lait aux enfants des chômeurs, carte sociale municipale pour les économiquement faibles, questions scolaires). 

De 1962 à 1968, la famille Mahé, avec ses deux enfants, vécut à Nantes afin que Suzanne, victime d’une dépression, puisse y être soignée. Ils revinrent à Saint-Nazaire en 1968. Elle mourut dix années après la disparition de son mari.

POUR CITER CET ARTICLE :
https://maitron.fr/spip.php?article119469, notice MAHÉ Suzanne, Lucienne, Alphonsine [née JUSTAMONT Suzanne] par Julian Mischi, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 13 novembre 2019.

SOURCES : Arch. Dép. Deux-Sèvres, 4M 13/4E. — Arch. mun. Saint-Nazaire (Cristel Gravelle). — Entretiens avec S. Mahé et témoignage écrit. — Émission de « Turbulences », radio libre locale, 17 février 1984. — Raconte camarade, par Maxime (pseudonyme de Pierre Mahé), Saint-Nazaire, 1974, 354 p. —MAHE (Pierre), Raconte Pierre, Saint-Nazaire, AREMORS, 1994, 135 p. — Presse locale (quartier de Kerlédé). — Dominique Loizeau, Femmes et militantismes, Paris, L’Harmattan, Logiques sociales, 1996. — Camélia Zegache, Les femmes dans la Résistance en banlieue Nord, 2000, Mémoire de maîtrise, 178 p. (Université de Paris 13). — Julian Mischi, Traditions politiques locales et communismes ouvriers. L’implantation du PCF dans la région de Saint-Nazaire, Saint-Nazaire, AREMORS, 1998, 201 p. — Notes de Jacques Girault, d’Alain Prigent et de Guy Texier. — RGASPI, pas de dossier au Komintern.

Les fusillés de 1943 Les « procès » des 42 et des 16

Il s’agit d’un « procès » à grand spectacle. Le décor est conçu pour impressionner : les murs sont recouverts de tentures rouges agrémentées de croix gammée. Le public est limité : seuls quelques officiels et surtout des journalistes de la presse collaborationniste car l’objectif est d’impressionner l’opinion. Les avocats – le bâtonnier Guinaudeau et ses confrères ont été commis d’office, le traducteur officiel E. Duméril les assiste. Les entretiens se déroulent en allemand, le réquisitoire n’est pas traduit aux accusés. Il s’agit d’une parodie de procès.
Les inculpés sont des membres de l’Organisation spéciale, organisation dédiée à l’action directe, créée par le PCF dès octobre 1940. Ils doivent répondre de 49 chefs d’accusation : attentats contre l’occupant ou contre des collaborationnistes notoires, sabotages, vols de tickets d’alimentation, aide aux résistants, propagande communiste. Le contexte n’est guère favorable à la mansuétude des autorités allemandes. Contrairement à ce qu’elles espéraient à la suite de l’exécution de 48 otages le 22 octobre 1941 : faire peur pour dissuader le développement d’actes de ré-sistance, c’est en effet l’inverse qui s’est produit. De l’automne 1941 à l’année 1942 les actes de sabotage se sont multipliés. Par ailleurs le contexte international préoccupe le Reich confronté à la combativité de l’Armée rouge à Stalingrad où la Wehrmacht conduite par von Paulus devra capituler le 2 mars.
A l’évidence, les Allemands veulent faire un exemple. Ils considèrent les accusés comme des « assassins » ou des francs-tireurs, des « terroristes » criminalisant ainsi leur action. Trois inculpés sont condamnés à des peines de prison, trois sont acquittés faute de preuve mais deux d’entre eux seront déportés. Les deux femmes sont renvoyées à un complément d’enquête, mais également déportées. En dépit du délai de grâce fixé au 2 février, dès lendemain 29 janvier, 9 condamnés sont fusillés au terrain militaire du Bêle à Nantes. 25 autres le seront le 13 février 1943, parmi lesquels 5 Républicains espagnols. Les trois derniers seront exécutés le 7 mai 1943.
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Au moment où se déroule ce « procès », de nouvelles arrestations surviennent. Des FTP – Francs tireurs et partisans – qui ont pris la relève en novembre 1942 des premiers résistants de l’OS, tombent à leur tour. Mais contrairement au procès très médiatisé de janvier, celui dit « des 16 » qui se déroule les 12 et 13 août passe quasiment inaperçu. Les autorités françaises vichystes n’ont même pas été informées, des « avocats » allemands sont désignés pour « défendre » les accusés, mais ils abondent dans le sens de l’accusation. 15 accusés sur 16 sont condamnés à mort dont deux seront graciés mais déportés (Denise Ginollin et Armand Loyen). Roger Astic est acquitté mais déporté. Le 25 août, 11 FTP sont fusillés au Bêle. Deux sont transférés en Allemagne et seront exécutés le 20 novembre 1943 à Tübingen.
Pour en savoir plus :
www.resistance-44.fr
*Dossier Les procès des 42 et des 16
*Liste des fusillés
Guy HAUDEBOURG, Nantes 1943. Fusillés pour l’exemple. Geste Editions.
Jean CHAUVIN, Lettres d’un héros ordinaire. Auguste Chauvin, résistant FTP (1910-1943), L’Oribus n°58
Marc GRANGIENS, Les procès des 42, film documentaire réalisé avec les étudiants du BTS audio-visuel du Lycée Léonard de Vinci, Montaigu-85.

Qui sommes-nous ?

Comité Départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

  • Christian Retailleau: Président du Comité du Souvenir
  • Serge Adry et Bruno Gourdon : Vices-Présidents
  • Christophe André : Trésorier
  • Jacqueline Durigneux : Trésorière Adjointe
  • Loïc Le Gac : Communication
  • Christine Fernandez : Secrétaire Générale
  • Joël Busson : Presse / mémoire

-Adresse: comitesouvenir@orange.fr
ou

  • Maison des Syndicats,
  • 1 place de la Gare de l’état. Case 1
  • 44276 Nantes Cedex 2

Le Comité est dirigé par un Conseil d’Administration de 36 membres et par un bureau de 16 membres. Une commission de contrôle financier de 4 membres qui participent aux réunions du CA . Ceux-ci sont élus par l’Assemblée Générale réunie annuellement.

Association reconnue d’intérêt général est habilitée à recevoir des dons et à délivrer des certificats fiscaux en application des dispositions de l’article 200 du Code Général des Impôts.

Déclaration en Préfecture de Nantes: Dossier 12034 – le 27/01/1977 ( JO du 03/02/1977 – Siret:502 320 492 000 15 )
N° d’enregistrement en préfecture : 0442042034

Statuts :

Voir document : Statuts_Comite_.pdf