Liste des fusillés suite au procès des 16

500AUBERT Charles, 22 ans, cheminot
501BALE Louis, 33 ans, ajusteur
502BOSQUET Marcel, 23 ans, chaudronnier
503COLAS Joseph, 38 ans, métallurgiste
504DRÉAN Jean, 23 ans, électricien
505FRAIX Jean, 31 ans, soudeur
506GAUTIER Henri, 29 ans, mécanicien
507JAMET Guy, 23 ans, ajusteur
508LACAZETTE Camille, 33 ans, ajusteur
509LE LAN Guy, 28 ans, ajusteur
510MOUGENOT Frenand, 36 ans, électricien.

MOUGENOT Fernand, Émile

fernand_mougenot.jpgFils de Émile Ferdinand Mougenot et de Suzanne Catherine Morel, Fernand Mougenot habitait le quartier Barbin (n°16) avant la Seconde Guerre mondiale et travaillait comme électricien à Nantes. Marié avec Marcelline Josèphe Flatrès, sans profession, il était le père de deux enfants. Il fut alors réputé auprès de certaines familles pauvres, pour les lapins qu’il rapportait de ses sorties à la chasse, pas toujours très légales (ce qui lui valut quelques verbalisations).
Militant communiste connu des services de police, il fut arrêté le 18 octobre 1941 à Nantes pour détention et distribution de tracts communistes. Interné le même jour au camp de Choisel à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), il fut transféré à Voves (Eure-et-Loir) le 7 mai 1942 avant d’en être libéré par décision du 21 août 1942. Il reprit aussitôt ses activités politiques et participa à diverses actions de résistance dans la région nazairienne puis à Nantes.
Après l’arrestation du responsable interrégional de l’OS (Organisation spéciale), Louis Le Paih, il participa à la réorganisation d’un groupe FTP sous la direction de Jean Fraix et Camille Lacazette.
Arrêté le 2 février 1943 par la police française et le Service de police anticommuniste (SPAC) d’Angers pour « actes de franc-tireur et attentats contre les troupes d’occupation », alors qu’il tentait de fuir au Mans (Sarthe) avec Guy Lelan, il fut jugé par le tribunal militaire allemand de Nantes (FK 518) le 13 août 1943 (« Procès des 16 ») et fusillé au terrain militaire du Bêle à Nantes le 25 août 1943 avec dix autres résistants dont Jean Dréan et Guy Lelan.
Il a été reconnu Mort pour la France le 19 février 1945.
Une cellule communiste de Loire-Atlantique porte son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159981, notice MOUGENOT Fernand, Émile par Guy Haudebourg, version mise en ligne le 18 juin 2014, dernière modification le 26 février 2019.

SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Loire-Atlantique 43W19, 270W485, 270W488, 1694W58, 305 J 3 . – Maxime, Raconte, camarade, Saint-Nazaire, 1974. – Guy Haudebourg, Le PCF en Loire-Inférieure à la Libération (1944-1947), mémoire de maîtrise d’Histoire, université de Nantes, 1987. – Jean Bourgeon (sous la dir.), Journal d’un honnête homme pendant l’Occupation, Thonon-les-Bains, L’Albaron, 1990.

LELAN Guy , écrit aussi LE LAN Guy

guy_le_lan.jpgFils d’Eugène Le Lan métallurgiste et de Marie Guignard, Guy Lelan habitait Trignac (Loire-Atlantique, Loire-Inférieure) avant la Seconde Guerre mondiale. D’esprit frondeur, en 1933, il fut condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire pour délit de chasse.
Ajusteur à la future Société nationale des constructions aéronautiques de l’Ouest (SNCAO), il adhéra aux Jeunesses communistes en 1934 et devint le meilleur diffuseur de L’Avant-Garde du petit groupe de sept militants, contribuant au développement du mouvement dans la région nazairienne. Pendant son service militaire en Bretagne (1935-1937), il fit de nombreux séjours en prison pour indiscipline, distribution de tracts, propagande communiste avant d’être envoyé dans un bataillon disciplinaire à Oléron (Charente-Inférieure, Charente-Maritime) puis à Giromagny (Territoire-de-Belfort). En 1938, il se maria avec Paule Biron, institutrice, membre du « groupe des jeunes » de l’Enseignement avec André Lermite.
Il fut mobilisé en septembre 1939 mais revint en affectation spéciale à la SNCAO à Saint-Nazaire dès le mois de novembre 1939. À l’arrivée des Allemands, il fut embauché par les Fonderies de Trignac puis à la base sous-marine de Saint-Nazaire (janvier 1941-juin 1942).
Membre du Parti communiste français (PCF) clandestin, Guy Lelan forma un groupe de l’OS avec Georges Girard et Albert Rocheteau, devenant le spécialiste des explosifs. Recherché activement dans la région nazairienne, il s’installa à Rezé (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), sa femme ayant été nommée en septembre 1942 dans une école de Nantes (Prairie d’Aval, logée alors au château Étienne Vorus, prairie d’Amont). Il fut alors embauché à Château-Bougon mais quitta l’usine dès le mois d’octobre, de peur d’être envoyé en Allemagne. Alors sans travail, il fut contacté par Mougenot qui recherchait des militants susceptibles de prendre la relève des membres de l’OS arrêtés à l’été 1942. Il passa dans l’illégalité (sous le pseudonyme Clément) et entra dans le groupe FTP de Jean Fraix. Il participa à divers attentats dans la région nantaise dont l’exécution de deux collaborateurs et la destruction du pont tournant SNCF du Grand-Blottereau à Nantes le 16 janvier 1943.
Dénoncés par le responsable politique régional du PCF, Lelan et Mougenot cambriolèrent un commerçant pour se procurer de l’argent et fuir au Mans (Sarthe). Arrêté le 2 février 1943, Guy Lelan, après un procès où la défense était assurée par un avocat allemand, fut condamné à mort par le tribunal allemand le 13 août 1943 (« Procès des Seize ») et fusillé au terrain militaire du Bêle le 25 août 1943.
Il fut reconnu Mort pour la France le 19 février 1945.
Une rue de Rezé et une cellule communiste de Loire-Atlantique portent son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article142416, notice LELAN Guy , écrit aussi LE LAN Guy par Guy Haudebourg, version mise en ligne le 16 octobre 2012, dernière modification le 26 février 2019.

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII 4 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Ille-et-Vilaine 217W15. – Arch. Dép. Loire-Atlantique, 4M1851, 305 J 3 . – Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse, Paris, Éd. Sociales, 1972. – Maxime, Raconte, camarade, Saint-Nazaire, 1974. – Guy Haudebourg, Le PCF en Loire-Inférieure à la Libération (1944-1947), mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Nantes, 1987. – Jean Bourgeon (sous la dir.), Journal d’un honnête homme pendant l’Occupation, Thonon-les-Bains, L’Albaron, 1990. – Renseignements communiqués par Pierre Mahé. – Comité d’entente des anciens combattants, Les fusillés rezéens. Procès des 42, 15 au 28 janvier 1943, 2003. — État civil.

TELLIER Raymond, André

tellier_rraymond.jpgFils d’Auguste Tellier, cantonnier, et d’Alphonsine Bardou, sans profession, Raymond Tellier, engagé volontaire en 1916, devint ouvrier imprimeur après la Première Guerre mondiale. Il avait fait son apprentissage à Montargis.
Il était syndiqué depuis 1924 (FFTL).
A la fin des années trente, Tellier s’installa à son compte à Amilly, où il fut élu conseiller municipal communiste en mai 1929 et mai 1935. Son imprimerie était alors installée au 19 de la rue du Loing, à Montargis. Il s’était marié le 3 mars 1923 à Montargis avec Germaine Lioret. Le couple n’eut pas d’enfants et, lorsque éclata la Seconde Guerre mondiale, Raymond Tellier était veuf.
Militant communiste, il était membre d’une organisation communiste clandestine de propagande. Arrêté le 8 février 1941 par la police française à Montargis, à la suite de l’apposition de papillons communistes sur les murs de la ville, Raymond Tellier fut interné jusqu’au 12 juin, avec l’instituteur Raymond Laforge.
Les deux hommes arrivèrent ensemble au camp de Châteaubriant (camp de Choisel) le 13 juin 1941 et firent tous deux partie du groupe des « vingt-sept fusillés de Châteaubriant », qui ont été fusillés, le 22 octobre 1941, comme otages en représailles au meurtre de Karl Hotz, à Nantes.
Son nom figure sur des plaques commémoratives à Montreuil (Seine-Saint-Denis) et à Amilly. Raymond Tellier repose au cimetière d’Amilly.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132142, notice TELLIER Raymond, André par Claude Pennetier, Julien Lucchini, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 28 novembre 2020.

SOURCES : DAVCC, Caen, dossier VIII (Notes Thomas Pouty). – P. Chauvet. La Réistance chez les fils de Gutenberg dans la Deuxième Guerre mondiale. Paris : à compte d’auteur, 1979, p. 259. – A. Gernoux, Châteaubriant et ses martyrs, Nantes, Éd. du Fleuve, 1946. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant, 1954 (icon.). – F. Grenier, Ceux de Châteaubriant, Éd. Sociales, 1967 (icon). – Renseignements ministère des Anciens Combattants. – Mémorial GenWeb. – État civil.

ICONOGRAPHIE : Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant, 1954. — F. Grenier, Ceux de Châteaubriant, Éd. sociales, 1967.
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LEFEBVRE Edmond, Désiré. Écrit parfois LEFEVRE Edmond

lefebvre_edmond.jpgFils de Désiré Lefebvre, teinturier, et de Léonie Bouteman, ménagère, Edmond Lefebvre, ouvrier métallurgiste puis employé communal, s’était marié le 1er septembre 1923 à Viry-Châtillon (Seine-et-Oise, Essonne) avec Marcelle Martin et était père de six enfants. Il habitait à Athis-Mons et militait au Parti communiste.
Il fut arrêté dès le 6 octobre 1940 et interné à Aincourt où il fut l’un des organisateurs de la grève de protestation contre l’insuffisance de nourriture et l’absence de visites en avril 1941. En représailles, il fut envoyé un mois à la centrale de Poissy qu’il quitta le 5 mai 1941 pour le camp de Châteaubriant. C’est là qu’il a été fusillé le 22 octobre 1941 parmi les vingt-sept otages de Châteaubriant, en représailles à l’exécution du Feldcommandant allemand, Holz. Il laissait une femme et quatre enfants vivants dont un en bas âge qu’il ne connut jamais.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138200, notice LEFEBVRE Edmond, Désiré. Écrit parfois LEFEVRE Edmond par Claude Pennetier, version mise en ligne le 18 novembre 2014, dernière modification le 10 octobre 2018.

ICONOGRAPHIE : Lettres des fusillés de Châteaubriant…, op. cit. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant…, op. cit.

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII, dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Lettres des fusillés de Châteaubriant, éditées par l’Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, préface de Jean Marcenac, 3e éd., Paris, Éd. Sociales, 1967. – État civil en ligne.
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TÉNINE Maurice [TÉNINE Moïshé, Eidel, dit]

tenine_maurice.jpgFils d’immigrés juifs de Russie, qui avaient quitté leur pays en 1906 et s’installèrent en 1909 en France faute d’avoir obtenu un visa pour les États-Unis, Maurice Ténine fit de brillantes études secondaires d’abord au lycée Lakanal de Toulouse (Haute-Garonne) pendant la Première Guerre mondiale, puis au lycée Voltaire à Paris (XIe arr.). Il fut présenté en 1923 au concours général en mathématiques, français et histoire. Bachelier l’année suivante, il entreprit des études de médecine et obtint le titre de docteur en 1935. Son père, Aaron, qui, dans son pays, était ouvrier sculpteur sur bois, devint à Paris chauffeur de taxi à la compagnie G7 ; il était domicilié 18 rue René-Wurtz dans le XIIIe arrondissement. Sa mère s’appelait Bronia Borenstein.

La famille Ténine était, dès avant 1917, acquise aux idées bolcheviques et, à l’âge de seize ans, Maurice Ténine fut arrêté au cours d’une manifestation en soutien à Sacco et Vanzetti. Ils furent cependant tous naturalisés le 30 juillet 1926. Maurice Ténine adhéra au Parti communiste et milita très activement durant ses études à l’Union fédérale des étudiants. Il fut chargé pendant l’été 1929 d’une mission en Alsace pour y prendre la parole en allemand devant un auditoire de jeunes. Il gagnait sa vie durant ses études en faisant des traductions de l’allemand ou du russe pour le compte des Éditions Payot et des Éditions Sociales internationales (ESI). Il fut ainsi le premier traducteur de Wilhelm Reich, alors communiste allemand (La Crise sexuelle, ESI, 1934). Il se maria le 8 octobre 1929 à Paris, dans le Ve arrondissement, avec Annette (Etléa) Galaburda, née le 30 novembre 1905 à Baltzi (Russie, aujourd’hui Moldavie), qui était venue faire ses études à Paris. Elle fut employée comme traductrice en 1930 par l’Internationale de l’enseignement, puis par la compagnie Radio-Cinéma et de 1932 à 1935 par Lin et Chanvre, représentant en France de la SA Exportlin de Moscou. En 1932, Maurice Ténine travailla à l’encadrement de la colonie de vacances de Villejuif (Seine, Val-de-Marne). Il participa à l’accueil des réfugiés allemands en 1933.

Accomplissant son service militaire d’avril 1934 à avril 1935 au camp d’Orly (Seine, Val-de-Marne), il fut, peu avant sa libération, mis aux arrêts de rigueur pour « avoir introduit des documents qui, s’ils étaient parvenus à la connaissance de la troupe, auraient été de nature à nuire gravement à son moral » et pour « avoir publié, sans l’autorisation de ses chefs, des traductions d’articles à tendance nettement extremiste ». Il s’agissait de sa collaboration à la Correspondance internationale qui lui permettait, disait-il pour se défendre, d’élever sa famille, sa fille Nadia étant née peu avant son incorporation en novembre 1933. Il fut cassé de son grade de médecin auxiliaire.

Installé comme médecin à Fresnes, 2 avenue de la République, Maurice Ténine y fut élu conseiller municipal communiste le 4 juillet 1937 sur la liste dirigée par Maurice Catinat. Il vint exercer en 1938 à Antony (Seine, Hauts-de-Seine), commune voisine, au 119 avenue Aristide-Briant.

Il fut mobilisé de septembre 1939 à juillet 1940 comme infirmier, à l’hôpital militaire Villemain à Paris, puis dans un hôpital d’évacuation secondaire. Le médecin-colonel Dreneau témoigna après guerre de « son dévouement et de son courage » : « il a opéré sous des bombardements violents à Évreux en juin 1940 ». Maurice Ténine n’obtint pas sa réintégration comme médecin auxiliaire. La préfecture de la Seine l’avait déchu de son mandat le 9 février 1940. À sa démobilisation, il fut victime de la loi du 16 août 1940 excluant les naturalisés de la profession médicale et fit tenir son cabinet par des amis. En janvier 1941, il fut, avec le docteur Jean-Claude Bauer, un des deux fondateurs du journal clandestin Le Médecin français. Ses fonctions consistaient également en l’organisation du service médical pour les membres de l’Organisation spéciale (OS).

Arrêté le 17 février 1941 par la police française, il fut interné à Clairvaux (Aube), puis en mai à Châteaubriant. Il évoquait dans ses lettres les difficultés de la période : « Tout est à nouveau clair, il ne peut y avoir de doutes désormais » (23 juin 1941) ou encore : « même sa douleur [il venait de perdre son fils âgé de quatre ans], il faut la situer dans la douleur universelle qui n’a jamais été aussi grande ». Selon des témoignages (Me Rapaport), il aurait bénéficié d’une permission pour les obsèques et serait revenu au camp sur les conseils d’un dirigeant communiste.

Fusillé le 22 octobre 1941 à Châteaubriant, il fut déclaré « Mort pour la France » le 19 mars 1942, comme les 26 autres otages, en raison de l’émotion suscitée par l’événement. Il fut nommé le 29 août 1945 chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume et reçut la Croix de guerre avec palme en tant qu’un des pionniers de la Résistance médicale. Le grade de sous-lieutenant des Forces françaises de l’intérieur (FFI) (1951) et le titre d’Interné Politique (avril 1955) lui ont été attribués, mais celui d’Interné Résistant refusé (1955).
Sa femme, également membre du PCF, fut arrêtée près de Nice (Alpes-Maritime) en octobre 1943, internée à Drancy (Seine, Seine-Saint-Denis) et mourut en déportation à Auschwitz (Pologne). Elle fut reconnue « Morte pour la France » et obtint à titre posthume un certificat d’appartenance aux Forces françaises libres (FFL) mais sa famille se vit refuser l’application de l’accord conclu le 15 juillet 1960 entre la France et la République fédérale d’Allemagne (RFA) car l’administration ne lui reconnaissait pas la nationalité française.

………………………………………………………………………………

|Dernière lettre

Camp de Choisel, Châteaubriant (Loire-Inférieure)

22 octobre 1941

Chérie ; ma fille adorée ; mes chers parents, ma sœur ;

Je vous avais toujours recommandé le courage. Il vous en .faut désormais beaucoup plus qu’il nous en a jamais fallu. Au moment où vous recevrez cette lettre, je ne serai plus, exécuté par les Allemands pour un crime que je n’ai pas commis. J’irai à la mort bravement, sans rien regretter de ma vie ni de mes actes.. Ce n’est pas à moi que je pense en ces derniers instants, c’est à vous tous, les êtres qui me sont chers.

Chérie,

Encore un mot ; puisqu’on nous fait attendre.

Vis ; il faut que tu vives. Je t’ai toujours vue courageuse.

Il faut que tu le sois. Serre les dents comme tu les as serrées après la mort du petit. Et que la vie continue, ardente, pour l’avenir de ma fillette et de tous les enfants du monde.

Au revoir à jamais.

Ton Maurice

Acceptez ma mort avec courage, sans résignation. Je meurs victime de mon idéal, et cela rend ces derniers instants calmes, extraordinairement calmes.

Je sais aussi que l’histoire s’écrit en.ce moment, et le sang de nous autres ajoutera quelques mots, quelques lignes à cette histoire.

Prenez ma mort comme elle doit être prise. A toi, Antoinette chérie, compagne des bons jours, il te-reste notre fille puisqu’il ne nous pas été donné de garder notre fils.

Ne porte pas mon deuil éternellement. La vie est encore longue devant toi. Remarie-toi si tu trouves un jour un compagnon digne de toi et que mon souvenir reste doux dans ta vie, toi que j’ai aimée.

Mes chers parents, je m’en vais pour notre idéal. Il vous reste ma soeur Claude et Nadia [Nadia Ténine, épouse Michel devenue historienne] à aimer jusqu’à la fin de vos jours, que je souhaite longs, le plus long possible pour voir un avenir, meilleur.

Petite soeur, de moi, il te restera le souvenir d’un frère droit dans la vie comme dans la mort.

Et toi, ma fille adorée, il te reste un nom sans tache que tu pourras porter plus tard avec orgueil.

Annette, chérie, encore une fois, sois brave. Je le serai, moi, jusqu’à la dernière minute.

Avant de clore cette lettre, j’accorde une ultime.pensée à tous mes amis dont j’ai pu voir l’affection autour du cercueil de notre enfant.

Tout à l’heure, au moment de la salve, ma dernière pensée sera pour toi.

Mon dernier baiser, tu le recevras plus long, plus ardent que tous ceux du passé.

Je vous embrasse tous, ma femme, ma fille, mes parents, ma sœur, mes amis.

Votre Maurice.|

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article73993, notice TÉNINE Maurice [TÉNINE Moïshé, Eidel, dit] par Nadia Ténine-Michel, Claude Pennetier, version mise en ligne le 13 septembre 2009, dernière modification le 17 novembre 2020.

SOURCES : Arch. PPo., 101. – Arch. Paris, DM3 ; vers. 10451/76/1. – Arch. com. Fresnes. – DAVCC, Caen. – RGASPI, Moscou, 495 270 6988. – Bruno Halioua, Blouses blanches, étoiles jaunes, Paris, Liana Levi, 1999. – Le Médecin français, janvier 1951. – Papiers de la famille Ténine. — Guy Krivopissko La vie à en mourir, Lettres de fusillés (1941-1944) Points Seuil,2006. — Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 564835 (nc).
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Charles Delavacquerie
DELAVAQUERIE Charles, Gabriel

Fils de Maurice, terrassier, et d’Émilie, née Pouilly, ménagère, Charles Delavaquerie demeurait avec son père et ses frères et sœurs au 80 rue Babeuf à Montreuil-sous-Bois. Dans la soirée du 20 octobre 1940, avec dix autres communistes âgés de seize à cinquante-trois ans, dont trois femmes, Charles Delavaquerie collait des papillons et des tracts sur les murs de la ville. Certains militants portaient des pots de peinture et de minium pour tracer des mots d’ordre sur les murs et les chaussées de la ville. Collaient-ils l’Humanité clandestine du 19 octobre qui appelait à l’action « Contre la répression que poursuivent les autorités françaises et les occupants » ?
Trois gardiens de la paix du commissariat de la ville les appréhendèrent, et les conduisirent au commissariat. Charles Delavaquerie, incarcéré à Fresnes, comparut le 18 janvier 1941 devant un tribunal correctionnel qui le condamna à six mois de prison pour infraction au décret du 26 septembre 1939. Le 7 février il fut transféré à la Santé, puis le 7 mai 1941 il fut interné au camp de Choisel à Châteaubriant.
Son père Maurice fit part de son désarroi par lettre le 9 septembre 1941 au préfet de police. Son fils Charles soigné pour une pleurésie devait partir en sanatorium : « Je crains qu’il ne puisse encore tenir et la séparation est bien pénible pour un pauvre père qui reste seul avec 3 enfants – père de 9 enfants, veuf depuis 5 ans. Je voudrais bien avoir mon petit avec moi surtout qu’il n’a agi que par étourderie. […] nous n’avons jamais poussé nos enfants à faire des actes répréhensibles au point de vue de la loi. […] Ma vie est toute de travail et j’ai élevé mes enfants dans un bon moral. Je regrette et lui aussi ce mouvement que l’enfant a fait dans un sens où il ne comprenait pas l’importance. »
Le 20 octobre 1941, à Nantes, trois membres de l’Organisation spéciale, Spartaco Guisco, Marcel Bourdarias et Gilbert Brustlein, exécutèrent le Feldkommandant du département Karl Hotz. L’ampleur de la répression ordonnée par Hitler surprit : quarante-huit otages furent passés par les armes à Nantes et à Châteaubriant dont Charles Delavaquerie. Pétain exhorta les résistants à se livrer et les éventuels témoins à les livrer. Le journal collaborationniste Le Matin du 23 octobre en fit sa manchette en une sur cinq colonnes : « « Aidez la justice !’’ adjure le Maréchal après l’abominable crime de Nantes. » Le commandant militaire Von Stülpnagel annonça cent autres exécutions, puis recula.
L’organisation clandestine ne revendiqua pas l’action, et prit ses distances. L’« officier allemand sortant on ne sait d’où à 2 heures du matin, avait été tué », précisait l’Humanité clandestine du 1er novembre 1941 qui titrait : « 50 otages fusillés à Nantes et 50 à Bordeaux par les Allemands. Devant la colère soulevée en France par cet assassinat, et devant la réprobation du monde civilisée le bandit Von Stülpnagel a différé l’exécution de 50 autres otages à Nantes et de 50 à Bordeaux ».
Charles Delavaquerie était l’un des vingt-sept otages de Châteaubriant ; dans sa dernière lettre, il écrivit qu’il « aurait bien voulu voir les Soviets ».
Après la Libération, le conseil municipal de Montreuil-sous-Bois donna son nom à une rue de la ville. Au cimetière du Père-Lachaise, près du mur des Fédérés, sur le monument commémoratif des fusillés de la Résistance avec en épitaphe : « Gloire à notre France éternelle. Gloire à ceux qui sont morts pour elle… Aux héros de la résistance fusillés par les nazis » figure le nom le Charles Delavaquerie.

Cher père,
Je t’écris mais c’est la dernière lettre. On va venir me chercher pour me fusiller, avec mes amis, nous, pauvres fils d’ouvriers, qui ne demandions qu à vivre et avions l’espérance.
Soyez courageux, toi et mes soeurs, comme je le suis moi-même. On est 27 à y passer, un de chaque région.
Nous ne verrons plus les beaux jours revenir.
On vient, il est 1h30. Finis les derniers beaux jours en famille. Je ne verrai plus mon beau Montreuil. Nous sommes tous courageux, cher père ; c’est ton fils qui a 19 ans et demi et qui aurait voulu voir les Soviets arriver avec nous, qui te dit adieu. Adieu à toute la famille, sans oublier grand-mère. Ton fils qui pense à vous et va mourir pour son devoir.
Vive les Soviets ! Vive l’URSS !

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21971, notice DELAVAQUERIE Charles, Gabriel par Daniel Grason, Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 18 février 2019.

SOURCES : Arch. PPo., 77W 1595, 221W 2. – L’Humanité no 84 du 19 octobre 1940 ; L’Humanité no 136 du 1er novembre 1941. – DAVCC, Caen, otage-B VIII dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Le Matin, 22, 23 et 24 octobre 1941. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, éditées par l’Amicale des anciens internés et patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, préface de Jean Marcenac, 3e édition, Éd. Sociales, 1967. – Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Le sang des communistes. Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée. Automne 1941, Paris, Fayard, 2004. – État civil.
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POULMARCH (ou POULMARC’H) Jean, Marie

jean_poulmarch-2.jpgFils d’un cheminot breton, Guillaume Poulmarch, et de Marie Rucard, fixés à Dreux (Eure-et-Loir), Jean Poulmarch obtint son brevet élémentaire puis entra un temps aux chemins de fer. Il adhéra tout jeune à la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) et aux Jeunesses communistes. À partir de 1933, il fit un séjour de treize mois en Union soviétique. En septembre 1935, il représentait les « jeunes syndiqués » au VIIIe congrès de la CGTU qui se tint à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine) ; lors de ce congrès, il fut élu à la commission exécutive.

Marié à Laurence Harel, il eut un fils, Claude, né en septembre 1935.

En 1936, il devint membre du comité central des Jeunesses communistes. Deux ans plus tard, il accéda aux fonctions de secrétaire général du syndicat CGT des produits chimiques de la région parisienne, puis devint membre de la commission exécutive de la Fédération CGT de la chimie. Il fut membre du Conseil national économique de 1936 à 1940 (13e, devenue 15e section professionnelle – industries chimiques). Il avait été élu membre de la commission exécutive de l’Union des syndicats de la région parisienne en 1937 et entra à la commission administrative de la CGT en 1938. Il fut l’un des délégués de la Fédération des produits chimiques au XXVe congrès national de la CGT, qui se tint du 14 au 17 novembre 1938.

Mobilisé en 1939 à Constantine (Algérie), démobilisé en septembre 1940, il se rendit à Dreux voir sa famille, puis à Paris, où il milita clandestinement pour le Parti communiste. Arrêté par un inspecteur de la police française, le 5 octobre 1940 à son domicile d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) situé 40 rue Marat, il fut interné à Aincourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) d’octobre à décembre 1940, puis emprisonné à Fontevrault-l’Abbaye (Fontevraud, Maine-et-Loire) jusqu’en janvier, à Clairvaux (Aube) jusqu’en mai et enfin à Châteaubriant, où il fut dirigé le 15 mai 1941. Jean Poulmarch a été fusillé comme otage le 22 octobre 1941, à la Sablière, avec 27 autres otages.

La mention « Mort pour la France » fut ajoutée à son acte de décès en janvier 1951. Le titre d’Interné Politique (IP) lui fut attribué, mais celui d’Interné Résistant (IR) fut refusé, en avril 1955 ; sa femme adressa un recours gracieux contre cette décision le 6 juin.

Son nom figure sur neuf plaques ou monuments commémoratifs, à Dreux, Châteaubriant, Nantes « Aux 50 otages », Les Lilas, Bagneux et Montreuil. Une rue du Petit-Ivry, à Ivry-sur-Seine, porte également son nom ainsi qu’une rue de Paris Xe arr. La crêche départementale d’Ivry porte le nom de Jean-Marie Poulmarch

Sa femme, Laurence, poursuivit son action à la Fédération CGT des produits chimiques et présenta le rapport féminin au congrès de mai 1948.

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| Dernière lettre

Jean Poulmarch à son épouse

Châteaubriant, camp de Choisel (Loire-Inférieure)

22 octobre 1941

Châteaubriant, le 22 octobre 1941

Ma petite Lolo chérie,

Je m’excuse de la peine immense que je vais te causer : je vais mourir. Otage des Allemands, dans quelques minutes, dans quelques heures au maximum, je vais être fusillé. Tu verras, hélas, dans la presse, la longue liste des copains qui, innocents comme moi, vont donner bêtement leur vie.

Du courage, j’en ai à revendre ! Mes amis aussi sont admirables devant la mort. C’est surtout à toi que je veux m’adresser pour les tourments, la douleur infinie que cette nouvelle va te causer.

Sois forte, chérie. Tu es jeune encore, ne te laisse pas sombrer dans la tristesse et le découragement. Refais ta vie en gardant au coeur le souvenir impérissable de celui qui t’a aimée jusqu’à son dernier souffle. Élève notre fils chéri dans l’esprit qui fut celui de toute ma vie, qu’il devienne un homme libre, épris de justice, attaché à défense des faibles, ce sera la meilleure vengeance.

Console mes parents chéris, ma maman et mon papa que j’ai aimés de mon mieux. Qu’ils soient forts devant l’adversité. Embrasse-les et : mets tout ton cœur.

Pauvre Marguerite, pauvre Jeanne, je regrette le chagrin que je leur causer. Je les aimais bien et elles me le rendaient au mieux.

À tous, adresse mon salut ; apporte-leur ma confiance inébranlable en la victoire prochaine. L’heure n’est plus aux pleurnicheries et à la passivité ; l’heure est à la lutte impitoyable pour la libération de la France et de son peuple glorieux.

Jusqu’à ma mort, j’ai lutté. Je suis fier de ma vie et je ne doute pas que mon sacrifice, comme celui de mes camarades, ne soit pas vain.

Excuse-moi, j’écris sur mes genoux ; mais ne crois pas que je tremble.

Chérie, encore une fois, si tu trouves un compagnon pour poursuivre ta vie, ton Jean n’hésite pas à te dire : « Prends-le ! » Essuie tes pleurs ; ressaisis-toi et poursuis ta vie courageusement.

Que notre Claude sache comment son père est mort et qu’il poursuive la route que son père a tracée.

Ma petite femme, je t’embrasse une dernière fois. Que mes baisers soient les plus ardents, qu’ils soient le témoignage de mon attachement dernier.
Embrasse encore papa, maman, Marguerite, Jeanne, notre pauvre chéri, ta brave et admirable maman ; embrasse René, Suzanne, Jacqueline, Lise et tous les amis qui nous sont chers.

Adieu, pauvre petite, mais courage, courage. Ton mari tombera. la tête haute, le coeur solide, confiant dans l’avenir de bonheur qui régnera dans le monde.

Vive le communisme ;

Vive la France libre, forte et heureuse.

Jean. |

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article74809, notice POULMARCH (ou POULMARC’H) Jean, Marie par Claude Pennetier, Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 16 octobre 2009, dernière modification le 20 juillet 2021.

SOURCES : AVCC, Caen, B VIII (Notes Thomas Pouty). – Arch. com. Ivry-sur-Seine. – Alfred Gernoux, Châteaubriant et ses martyrs, Nantes, Éd. du Fleuve, 1946. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954 [Iconographie]. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, Éd. Sociales, 1967 [Iconographie]. – Guy Krivopissko, Vivre à en mourir, op. cit. — Témoignage de son fils Claude. – La Vie ouvrière, juin 1948.

Pourchasse
POURCHASSE Henri, Maurice

pourchasse_henri_maurice.jpgFils d’un menuisier et d’une couturière, Henri Pourchasse exerça différents métiers : ébéniste, emballeur et chauffeur. Il habita Paris puis Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), avant de s’installer en 1938 aux HBM Marat à Ivry-sur-Seine. Métallurgiste, secrétaire adjoint du syndicat de la section technique des machines à la Ville de Paris, il était également secrétaire de la cellule communiste de l’usine des Eaux. Il était membre du bureau de section d’Ivry.
Il fut arrêté à la fin août 1939 et condamné à trois mois de prison, puis fut mobilisé jusqu’en juillet 1940. Le 20 juin 1941, il fut à nouveau arrêté pour reconstitution illégale d’un syndicat CGT sur son lieu de travail, la Compagnie des eaux. Il fut incarcéré à la Santé (Paris, XIVe arr.) et envoyé le 21 janvier 1941 à la prison de Clairvaux et le 15 juin 1941, au camp de Châteaubriant. Il fit partie des vingt-sept otages fusillés à Châteaubriant.
Son épouse, née Louise Sommier, fut nommée conseillère municipale d’Ivry le 10 octobre 1944 par le Comité local de Libération. Elle représentait l’Union des femmes françaises.
La municipalité d’Ivry a donné le nom d’Henri Pourchasse à un de ses quais.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article74047, notice POURCHASSE Henri, Maurice par Michèle Rault, version mise en ligne le 15 septembre 2009, dernière modification le 24 février 2017.

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII, dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Arch. com. Ivry-sur-Seine. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954 [Iconographie]. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, Éd. Sociales, 1967 [Iconographie]. – J.-M. Berlière, F. Liaigre, Le Sang des communistes, op. cit.. — Note de Dominique Fey.
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