Huynh-Kuhong-An
HUYNH Khuong An. Pseudonyme LUISNE

huynh_khuong_an.jpgLe père de Khuong An Huynh dirigeait une école à Saïgon. Son fils se rendit en France à l’âge de douze ans, fut interne au lycée du Parc de Lyon et sortit ensuite de la faculté de Toulouse licencié ès lettres.

En 1936, Khuong An Huynh devint à Lyon secrétaire des étudiants communistes qui, la même année pendant les grèves, organisèrent la solidarité avec les travailleurs, en particulier aux usines Berliet. Ce fut, sans doute, à cette époque qu’il fit connaissance et se lia avec Germaine Barjon née Ferrazzini qui militait alors dans l’organisation des Amis de l’Union soviétique et y occupait des responsabilités nationales. Ils vécurent maritalement et eurent un enfant en 1936.

À la fin de l’année 1938, Khuong An Huynh poursuivait ses études et préparait l’agrégation à Paris. À la déclaration de guerre, il participa à la vie clandestine du Parti communiste. De son côté, pour les Amis de l’Union soviétique, Germaine Barjon rétablit les liens entre Paris et la province. Huynh Khuong An, qui écoutait Radio-Moscou, fournissait à Germaine Barjon des éléments permettant la parution illégale de Russie d’aujourd’hui, l’organe des Amis de l’Union soviétique.

En 1940, il obtint un poste de professeur stagiaire de latin au lycée de Versailles où il fut arrêté le 18 juin 1941 par la police française. Lors de la perquisition qui avait précédé, il déclara vivre de leçons particulières et de ses économies. La police découvrit du matériel de propagande, de l’argent et des habits appartenant à un certain « Michel » qui selon la police était Karl Becker, ancien député communiste au landtag de Prusse, vivant avec une communiste allemande qui fut arrêtée sur place. Lors de son interrogatoire, Huynh Khuong An déclara : « Je n’ai jamais appartenu au Parti communiste ni à aucun organisme s’y rattachant. » Emprisonné à la Santé, il fut interné, le 13 juillet, au camp de Choisel. Livré aux Allemands à Châteaubriant, il fut fusillé le 22 octobre 1941 comme otage, en représailles à l’attentat de Nantes contre l’officier Hotz.

Germaine Barjon, également arrêtée, fit un séjour à la prison de Fresnes, puis à la prison centrale de Rennes, avant d’être condamnée à vingt ans de travaux forcés. Elle fut déportée à Ravensbrück puis à Zwodau.

Un hommage fut rendu à Huynh Khuong An le 24 octobre 2014 par la Ville de Paris, avec la pose d’une plaque au 6 avenue de la Porte-de-Brancion (XVe arr.), immeuble où il a habité.

Selon un chercheur travaillant sur le mouvement communiste en Suisse romande, le « beau-père » de Huynch-Kuong An, Edouard Ferrazzini. était un militant communiste à Genève. Une campagne de solidarité avait eu lieu en Suisse, après la mort de Huynch-Kuong An.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88742, notice HUYNH Khuong An. Pseudonyme LUISNE par Jean-Pierre Besse, Michel Dreyfus, version mise en ligne le 16 août 2010, dernière modification le 31 juillet 2021.

SOURCES : Arch. PPo, 77W 24. – DAVCC, Caen, BVIII dossier 2. – RGASPI, 517 2 27. – Alfred Gernoux, Châteaubriant et ses martyrs, Nantes, Éd. du Fleuve, 1946. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, éditées par l’Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, préface de Jean Marcenac, 3e éd., 1967. – Francis Lasnier, « La gloire tardive du résistant vietnamien Huynh Khuong An », Mémoires vives. Revue de l’Institut d’histoire sociale CGT Île-de-France, oct.-déc. 2014. – Notes Jacques Girault et de Klementz Fontannaz

ICONOGRAPHIE : Lettres des fusillés de Châteaubriant…, op. cit.— Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant…, op. cit.
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BARTOLI Titus

bartoli_titus.jpgFils de Constantin Bartoli et d’Angélique Santoni, Titus Bartoli adhéra au Parti communiste après le congrès de Tours.
Militant du syndicat de l’Enseignement, secrétaire du rayon communiste de Digoin, c’est lui qui présida la réunion de fusion des syndicats enseignants le 10 octobre 1935. Isolé dans l’ouest du département, il s’attacha à étendre l’influence des idées communistes.
Arrêté le 21 juillet 1941 à Digoin, par la police française, pour distribution de tracts dénonçant l’attaque allemande contre l’URSS, ce retraité de l’enseignement fut détenu à la prison de Chalon-sur-Saône le 21 juillet 1941, puis interné au camp de Châteaubriant, camp de Choisel. Les Allemands le fusillèrent à Châteaubriant le 22 octobre 1941 comme otage, en représailles à l’exécution de l’officier allemand Hotz à Nantes. Il était médaillé militaire et Croix de guerre 1914-1918.
Il était marié et père d’un enfant.
Une école de Digoin porte son nom. Son nom figure sur le monument aux morts de la ville de Bastia. Une rue du village de Palleca porte son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15829, notice BARTOLI Titus par Claude Pennetier, version mise en ligne le 13 octobre 2014, dernière modification le 28 juin 2021.

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII, dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Arch. A. Marty, E 1. – RGASPI, 517 2 27. – Notes H. Louis. – André Jeannet, Mémorial de la Résistance en Saône-et-Loire, 2005, JPM. – État civil. 2014 — Site Internet : Les Corses morts pendant la deuxième guerre mondiale.
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BARTHÉLÉMY Henri, Joseph, Célestin
BARTHÉLÉMY Henri, Joseph, Célestin

barthelemy_henri.jpgPetit-fils d’un cultivateur et fils d’un garde-barrière, Henri Barthélemy participa à des réunions socialistes et syndicalistes avant la Première Guerre mondiale. Au congrès constitutif de l’Union départementale CGT, tenue à Niort (Deux-Sèvres) le 13 juillet 1913, il fut élu trésorier adjoint. Après la scission de Tours en 1920, il passa au Parti communiste dont il demeura adhérent jusqu’à sa mort.
En 1918, Henri Barthélemy était ajusteur au dépôt du réseau État à Niort. Il militait à la Fédération nationale des Travailleurs des chemins de fer, section de Niort, et fut révoqué après la grève de 1920. Parallèlement, en 1919, il fut candidat socialiste aux élections législatives et obtint 4 915 voix sur 76 089 suffrages exprimés. En mai 1935, Henri Barthélemy, sous-chef de brigade au dépôt de Thouars, fut élu conseiller municipal de cette ville. Aux élections législatives de mai 1936, il fut candidat du Parti communiste dans la circonscription de Bressuire (Deux-Sèvres).
Le conseil municipal de Thouars fut dissous en octobre 1939. Henri Barthélémy fut arrêté une première fois le 7 mars 1940 pour diffusion de l’Humanité clandestine et incarcéré à Poitiers d’où il fut libéré au début de l’occupation allemande, le 18 juillet. Arrêté à nouveau le 20 avril 1941 suite à une décision d’internement administratif prise à son encontre par le préfet, il fut interné à Châteaubriant.
Dans Ceux de Châteaubriant, Fernand Grenier dit de lui : « C’est un géant qui les dépasse tous. Une sorte d’hercule aux cheveux blancs, estimé de tous pour son bon sourire, son naturel très doux, sa gentillesse de chaque instant. » Au responsable du camp, Touya, lui proposant la libération sous condition d’une déclaration favorable à Pétain, il aurait répondu : « Je suis entré ici la tête haute, j’en ressortirai de même. » Henri Barthélémy fut l’un des 27 otages fusillés du 22 octobre 1941. Une rue de Thouars porte son nom.
Il s’était marié en juillet 1907 à Prahecq (Deux-Sèvres) avec Adeline Ayraud. Veuf, père d’un enfant il refit sa vie avec Yvonne Chedemail de Niort.
Sous l’Occupation, son fils Henri faisait l’intermédiaire dans le recrutement de résistants pour le Front national régional en Normandie. Il participa à la Résistance aux côtés d’Henri Neveu, en organisant l’hébergement de responsables clandestins régionaux et interrégionaux, en prêtant sa carte SNCF et en participant à la reconstitution de la CGT clandestine des cheminots de Caen (Calvados) en 1943. Il fut membre de la Commission départementale de reconstitution des organisations syndicales de travailleurs en 1945, au titre de la CGT. Surveillant au service électrique à Caen, il fut élu délégué du 4e degré en avril 1951 au titre de l’Union Ouest, puis réélu en mai 1955.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article540, notice BARTHÉLÉMY Henri, Joseph, Célestin par Jacques Blanchard, Marie-Louise Goergen, Maurice Rouzier, version mise en ligne le 27 janvier 2013, dernière modification le 11 août 2020.

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII, dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Nat. F7/13130 et 13621. – Arch. Dép. Deux-Sèvres, E M. 11/36 et 11/41, 4 m 11 mars et 11 avril. – Arch. Fédération CGT des cheminots. – Les cahiers de l’Institut (IHS-CGT Cheminots), no 13 3e trimestre 2001, p. 5. – Notes Jean-Pierre Bonnet, Gilles Morin et Maurice Rouzier. – Renseignements communiqués par Évelyne Maine-Opezzo. – Maurice Rouzier, Jeunes résistants en Nord Deux-Sèvres. Au cœur de l’OS 680, 1941-1942, La Crèche, Geste éditions, 2012. – État civil.

ICONOGRAPHIE : Portrait (salle des délibérations du conseil municipal de Thouars).
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KÉRIVEL Eugène

kerivel_eugene.jpgFils de Henri Kérivel, marin, et de Marie Anne Quéau, ménagère, Eugène Kérivel, capitaine côtier dans le service des Ponts et Chaussées, s’était marié le 6 avril 1920 dans sa ville natale avec Léoncie Le Doaré. Il militait, dès 1930, au Parti communiste et à la CGTU dans sa ville natale. Peu avant la guerre il fut muté à Basse-Indre, près de Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), où il était domicilié 8 quai Jeanne d’Arc. Il participa avec sa femme à la constitution du Parti communiste clandestin et organisa la résistance locale. Il fut arrêté le 24 juillet 1941 à Saint-Nazaire, pour propagande antinazie et diffusion de tracts. Il fut un des premiers internés politiques du camp de Châteaubriant (camp de Choisel) et fit partie, le 22 octobre 1941, des « vingt-sept fusillés » comme otage, en représailles à l’exécution du commandant Karl Hotz à Nantes, du 22 octobre 1942.
Sa femme, qui avait été arrêtée quatre jours avant lui, le vit partir pour le poteau d’exécution et proposa aux Allemands de mourir aux côtés de son mari à la place de Guy Môquet. On le lui refusa et elle fut déportée en Allemagne. En 1945, elle revint à Douarnenez, fut désignée comme membre du comité local de Libération et devint adjointe au maire après les élections de mars 1945. Elle mourut le 24 septembre 1976 à Nantes.

Le nom d’ Eugène Kérivel figure à Châteaubriant sur le Mémorial de la « Carrière des Fusillés » , à Indre sur le monument aux morts, à Nantes sur le monument commémoratif des 50 otages, à Bagneux sur la stèle « aux 27 héros fusillés le 22 octobre 1941 à Châteaubriant » et à Montreuil sur le Monument des Martyrs -.

|Léoncie,
Un dernier mot. C’est à toi que je pense. J’espère que tu sauras te débrouiller.
J’ai vu que tu étais courageuse. Je m’en vais avec moins de regret…|

La lettre a été censurée par ses geôliers allemands qui ont coupé la feuille.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114759, notice KÉRIVEL Eugène par Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 avril 2016, dernière modification le 18 février 2019.

SOURCES : Lettres des fusillés de Châteaubriant, éditées par l’Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954, 80 p. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, préface de Jean Marcenac, 3e éd., Paris, Éd. Sociales, 1967, 238 p. – Eugène Kerbaul, Militants du Finistère, op. cit..— MemorialGenweb.

ICONOGRAPHIE : Fernand Grenier*, Ceux de Châteaubriant, op. cit., p. 92-93. — Lettres des fusillés de Châteaubriant, op. cit. — Alain Guérin, La Résistance, chronique illustrée, 1930-1950, Paris, 1972-1976, t. 3, p. 297.
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RENELLE Victor, Louis, Eugène
RENELLE Victor, Louis, Eugène

Victor Renelle naquit dans un milieu catholique conservateur et artiste. Son père, auteur-compositeur et violoniste, poussa ses enfants à apprendre le solfège, l’harmonie et les instruments : une sœur fut violoniste. La famille lisait Maurras et Drumont.
Devenu ingénieur de l’École de physique et chimie de Paris – école qui sera un vivier de savants et de syndicalistes engagés à l’extrême gauche –, Victor Renelle fut affecté d’office, pendant la Première Guerre mondiale, dans les usines chimiques de la vallée du Rhône. C’est dans cette région qu’il rencontra Henriette, sa femme. Le couple eut une fille en 1919, Suzanne.
Rhône-Poulenc l’engagea en 1920 et l’employa en France et en Italie. Après une période de chômage pendant la crise économique, il travailla pour les usines Duco à Stains (Seine, Seine-Saint-Denis).
Membre de la loge Jean-Jaurès de la Grande loge de France, Victor Renelle fut, avec deux autres chimistes, Roger Pascré et Adolphe Bourrand, un des fondateurs du syndicat CGT des ingénieurs des industries chimiques, où il côtoya Georges Beyer. Il appartint à la direction de la Fédération CGT des industries chimiques avant la Seconde Guerre mondiale, mais ne fut jamais membre du Parti communiste. Pendant les grèves de juin 1936, il participa à l’occupation de l’usine avec les ouvriers ; sa fille, qui l’accompagnait parfois, se souvient qu’on y dansait souvent.
Pendant l’exode, on lui confia la direction de son usine repliée à Castres (Tarn). Le syndicat des produits chimiques fut reconstitué clandestinement. Arrêté par la police française le 5 octobre 1940 en même temps que Gisèle Pascré (épouse de Roger Pascré, prisonnier) et Roger Houët, lors d’une réunion syndicale qui se tenait à son domicile, 97 boulevard Magenta, à Paris (Xe arr.), il fut condamné à six mois de prison pour propagation « de mots d’ordre de la Troisième Internationale ». Il rencontra Fernand Grenier à la prison centrale de Clairvaux (Aube), avant leur transfert commun à Châteaubriant. On lui proposa une libération conditionnelle, qu’il refusa car il fallait signer une déclaration d’allégeance à Pétain. Le 22 octobre 1941, il a été fusillé comme otage à Châteaubriant, en représailles à l’exécution du commandant Karl Hotz à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). parmi vingt-sept autres internés, dont vingt-quatre communistes. Il laissait une femme et une fille. Son état civil porte la mention « Mort pour la France ». Une salle de l’immeuble de la CGT à Montreuil (Seine-Saint-Denis) prit son nom.
Après la mort de Victor Renelle, sa femme, Henriette Renelle, aida plusieurs familles juives amies à passer la ligne de démarcation. Elle s’installa dans son village de Provence et y ravitailla le maquis local en farine, car elle avait trouvé un travail au moulin du village. La fille de Victor Renelle, Suzanne Renelle, fut arrêtée vers juin-juillet 1944 avec tout son réseau du Bureau central de renseignement et d’action (BCRA). Elle était à Fresnes (Seine, Val-de-Marne) quand le consul Raoul Nordling négocia la mise en liberté de résistants emprisonnés. Elle sortit de prison le 19 août 1944, premier jour de la libération de Paris.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article128571, notice RENELLE Victor, Louis, Eugène par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 24 février 2017.

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII, dossier 2 (Notes Thomas Pouy). – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant, 1954 [Icon.]. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, Éd. Sociales, 1967. – Roger Faligot, Rémi Kauffer, Service B, Fayard, p. 18-19. – Le Monde, 24 janvier 1981. – Renseignements communiqués par Catherine Faure, petite-fille de Victor Renelle.
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Lalet
LALET Claude

lalet_claude.jpgFils d’un rédacteur au ministère des Finances, Claude Lalet se destinait au journalisme et aimait la poésie. Élève au lycée Rollin (Jacques Decour) depuis 1930, il fut en 1935-1936 aux lycéens antifascistes, dit-il lors de son interrogatoire par la police. Il était, en 1937, membre de l’Union des étudiants communistes (UEC) et aurait été responsable, avec Olivier Souef, des étudiants communistes de la Sorbonne vers 1940. Selon son épouse, Eugénie Lalet-Lory, il n’était plus lié au Parti communiste lorsqu’il fut arrêté le 25 novembre avec elle et Maurice Delon, ce qui semble étonnant. Il n’est pas exclu qu’il ait eu des réserves par rapport à l’orientation refus de « guerre impérialiste » de l’Internationale communiste.
Claude Lalet s’était marié le 26 octobre 1940 à Paris (XIIIe arr.) avec Eugénie Lory, née en février 1923 à Lambezellec (Finistère).
Pierre Daix dit qu’il a toujours connu Lalet communiste, que c’est lui qui lui apprit l’exclusion du PCF de maître Foissin et lui donna consigne de militer au Centre laïque des auberges de la jeunesse (CLAJ). Il ajoute que Lalet était un des organisateurs de la manifestation pour Paul Langevin le 8 novembre. Mais rien ne dit qu’il participa à la manifestation du 11 novembre, même s’il est probable qu’il comptait au nombre les étudiants communistes qui y étaient favorables. Nous ne disposons d’aucun appel de l’UEC au 11 novembre, à la différence du 8 novembre pour Langevin, et il semble que peu y allèrent effectivement selon Alain Monchablon. Les arrestations s’échelonnèrent du 20 au 28 novembre, par remontée de filières : le 20 : arrestations en flagrant délit à la Mazarine puis, au total, dix-neuf arrestations dont Claude Lalet, Pierre Daix). Informée par la préfecture de police, la presse (l’Œuvre, Le Petit Parisien) annonça le 29 novembre, fièrement, le démantèlement de l’action communiste chez les étudiants et fit de Claude Lalet le rédacteur et répartiteur des tracts communistes, en même temps qu’un des trois « chefs de secteur ». Ni cette presse, ni les rapports de police ne relient ces arrestations au 11 novembre.
Incarcéré à la prison de la Santé puis à Fresnes le 1er mars 1941, il fut condamné à huit mois de prison mais ne fut pas libéré ensuite et fut transféré, le 29 juillet, au camp de Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) comme interné administratif. Sa jeune femme, Eugénie, qui avait fait de nombreuses démarches pour obtenir sa libération, reçut du ministère de l’Intérieur une lettre l’informant de la sortie prochaine de son mari le 23 octobre 1941 ; elle se présenta ce jour-là au camp de Châteaubriant où elle apprit que son mari avait été fusillé la veille. Eugénie Lalet, arrêtée aussi le 25 novembre 1940, eut une condamnation légère et fut libérée comme pupille de la Nation, mais resta communiste.
Selon son témoignage, Claude Lalet ne figurait pas sur la liste initiale : « Il a été rajouté en surnombre : alors que le convoi des fusillés était déjà en marche vers la carrière, ordre a été donné de stopper le convoi et de rajouter l’étudiant de vingt et un ans Claude Lalet » (Le Monde, 3 novembre 1971). Pierre Daix précise qu’il est le seul des otages fusillés à avoir subi une condamnation judiciaire.
Eugénie Lalet fut à nouveau arrêtée, sous le nom de Fartière, le 2 mars 1942 (une autre source dit 4 avril 1942) dans l’affaire dite des « services publics » avec son nouveau compagnon Robert-Henri Fournier (né le 12 octobre 1917) et déportée le 22 mai 1944. Fournier mourut à Güsen (Autriche) le 5 mai 1945. Elle eut de Fournier un enfant prénommé Claude, élevé à la prison centrale de Rennes puis extrait clandestinement et confié à sa grand-mère.
Le dossier Châteaubriant de la commission de contrôle politique du Parti communiste français ne contient pas d’informations qui permettaient de conclure, avec sa femme, que Claude Lalet se serait éloigné du Parti communiste avant son arrestation.
Aragon le cita dans Le Crime contre l’Esprit (1942, rééd 1945).
Il fut inhumé à Sion (Gers) puis transféré au Père-Lachaise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89682, notice LALET Claude par Jean-Pierre Besse, Alain Monchablon, Claude Pennetier, version mise en ligne le 10 octobre 2010, dernière modification le 24 février 2017.

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII, dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Arch. PPo GB52 BS1, en particulier no 4, 26 novembre 1940. – Arch. CCCP du PCF, Notes Jean-Pierre Ravery. – Alfred Gernoux, Châteaubriant et ses martyrs, Nantes, Éd. du Fleuve, 1946. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, préface de Jean Marcenac, 3e éd., Paris, Éd. Sociales, 1967. – Témoignage. Le crime contre l’esprit (les martyrs) par le Témoin de martyrs (Aragon), Paris, Éd. de Minuit, 1945. – A. Monchablon, « La manifestation à l’Étoile du 11 novembre 1940. Histoire et mémoire », Vingtième siècle, no 110, avril 2011. – Le Monde, 3 novembre 1971, 24 janvier 1981.

ICONOGRAPHIE : Lettres des fusillés de Châteaubriant, op. cit. — Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, op. cit.
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GAUTIER Henri, Jean, écrit aussi GAUTHIER Henri

Fils de Ferdinand Henri Paul Gautier, mécanicien et de Marcelline Anna Blanchard domiciliés à Le Clion.Henri Gautier était marié à Marguerite Joséphine Protheau le couple habitait 21 rue Petite Biesse à Nantes où il exerçait la profession de pompier.
En 1943, sous le pseudonyme Marcellin, il fit partie du groupe des Francs-tireurs et partisans de Jean Fraix.
Arrêté le 26 janvier 1943 par la police française et le Service de police anticommuniste (SPAC) d’Angers pour « actes de franc-tireur et attentats contre les troupes d’occupation », il fut jugé par le tribunal allemand de Nantes (FK 518) le 13 août 1943 (« Procès des 16 ») et fusillé au Bêle (Nantes) le 25 août 1943.
Il a été reconnu Mort pour la France le 19 février 1945.
Une cellule du Parti communiste français (PCF) de Loire-Atlantique porte son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159978, notice GAUTIER Henri, Jean, écrit aussi GAUTHIER Henri par Guy Haudebourg, version mise en ligne le 18 juin 2014, dernière modification le 26 février 2019.

SOURCES : AVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép 44,305 J 3 . — Jean Bourgeon (sous la dir.), Journal d’un honnête homme pendant l’Occupation, Thonon-les-Bains, L’Albaron, 1990.
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LACAZETTE Maurice [LACAZETTE Camille dit Maurice]

camille_cazette.jpgLes parents de Maurice Lacazette, Jean Émile Lacazette et Marie Dalas d’abord paysans à Riscle (Gers), s’installèrent à Bordeaux puis à Paris où ils tenaient en 1937 un café-restaurant, rue de Wattignies, dans le XIIe arrondissement. Il fréquenta l’école primaire de Riscle, puis à Paris l’école Violette (mécanique électricité) et l’école industrielle d’Auteuil. Il commença à travailler à l’âge de quinze ans comme apprenti tourneur, puis, de dix-huit à dix-neuf ans, il fut porteur de journaux. Il fit son service militaire comme 2e classe et, à son retour, fut garçon plombier et enfin tourneur professionnel sur métaux. Chômeur de janvier à août 1936, il devint à cette dernière date permanent rémunéré au Syndicat des métaux. Il avait épousé, le 22 février 1930, Pauline Delille, comptable à la Fédération du Bois (en 1937) dont les parents tenaient un commerce de chiffons d’essuyage en difficulté financière. Ils eurent deux enfants. Au syndicat des métaux, Lacazette rencontra Régine Gurfinkiel (voir Régine Lacazette-Leriche) qui devint sa compagne après son divorce, le 19 juin 1942. Dans un témoignage celle-ci le décrit comme un homme « gai, spirituel, facilement ironique, grand, svelte, beau (d’une beauté basque) ».
D’abord aux Jeunesses communistes, il adhéra au Parti communiste en octobre 1935 après le congrès de l’ICJ et milita dans la section du XIXe arrondissement où il habitait, rue Georges-Lardennois. Il était membre du comité de section et secrétaire du rayon des Jeunesses du XIXe. À la fin de 1937, il fut affecté à la cellule Crane de la Courneuve et il fut membre du comité de la section locale. Délégué au congrès de la Région parisienne en 1935, il suivit deux écoles de section du XIXe et une école régionale de Paris-ville. Très actif pendant le mouvement de 1936, il recruta pour le parti, formant, déclarait-il dans son autobiographie du 6 décembre 1937, sept cellules d’entreprise dans le XIXe arrondissement. Militant au syndicat des métaux, secrétaire de la section locale du XIXe arrondissement et de la CE de l’Union syndicale des métallurgistes de la région parisienne, il devint permanent rétribué en août 1936, s’occupant du secteur Nord-Est. Il entra au bureau de l’USTM et au CE de la Fédération des travailleurs de la métallurgie. Il était par ailleurs vice-président de l’orphelinat l’Avenir social et membre du Secours populaire.
Mobilisé au début de la Seconde Guerre mondiale, il fut envoyé dans la forêt de Warndt avant d’être, en janvier 1940, affecté spécial à l’usine des métaux Allinquant dans le XVe arrondissement de Paris. Son usine partit à Nay (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques) en juin 1940. Le parti lui demanda de rejoindre la capitale en septembre 1940 et il prit contact avec les syndicalistes des métaux. Recherché par la police, il dut, dès l’automne 1940, passer dans la clandestinité avec Régine. Ses activités intenses, dans le cadre du Parti communiste clandestin et des Comités populaires d’entreprises, entraînèrent son arrestation le 16 mai 1942. Frappé pendant son interrogatoire, il contracta la gale lors de sa détention à la préfecture de police de Paris et fut transféré à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, d’où, avec l’aide de Régine, il réussit à s’évader le 2 août 1942.
Malgré son mauvais état de santé, il reprit l’action clandestine dans la région parisienne puis à Nantes où il assura la réorganisation de l’interrégion Bretagne des Francs-tireurs et partisans. La police l’arrêta le 19 janvier 1943. Comme en témoignent des lettres émouvantes qu’il réussit à faire parvenir à Régine, Maurice Lacazette n’ignorait pas le sort qui sera le sien. Dans une missive du 21 août 1943, il annonça la sentence : « quinze condamnés à mort et un acquitté et, bien entendu, j’ai le numéro 1 ; grand honneur comme tu vois, mais la certitude du poteau ».(procès des 16).
Les Allemands le fusillèrent le 25 août 1943 au champ de tir du Bêle, à la porte de Nantes, et enterrèrent son corps à Saint-Mars-du-Désert.
Après la Libération son corps fut transféré au Père-Lachaise avec les restes de son meilleur ami, Jean-Pierre Timbaud.
Il a été reconnu Mort pour la France le 12 février 1945.

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Dernières lettres

| [Extraits des lettres adressées à sa femme, Régine]

20 février 1943
Grâce au brave gars qui te remettra ce mot, j’ai la chance unique de pouvoir te faire parvenir de mes nouvelles. Quand les recevras-tu ?… Je ne sais. Peut-être aurai-je – fini de vivre ? Enfin, tu auras eu une lettre. C’est une chance inespérée.. Certes, j’aurais préféré t’écrire librement au moment de mourir, mais il ne faut pas y compter, et pourtant, j’aurai des sentiments que je voudrais pouvoir te communiquer à ce moment-là…
Dans ma première lettre, je t’indiquais que j’étais gardé par les gendarmes français et que je pouvais, alors recevoir lettres, colis et livres en commun avec les autres détenus politiques ; c’était vraiment la belle vie, mais ça n’a pas duré et, rentré en prison le 2 février, je suis passé aux Allemands le 8 à neuf heures du soir ; alors, changement de décor : cellule et au secret le plus absolu, ni lettres, ni colis,
ni tabac, ni linge, ni promenade, rien, rien. Pas de liaison possible avec l’extérieur. Je suis passé d’abord seul aux Allemands, mais depuis quelques jours j’ai appris que d’autres m’avaient rejoint…
Le copain pourra te parler de cette vie. D’abord, nous avons faim, toujours faim, ensuite nous avons froid et moi je ne puis me guérir de mon besoin de fumer, la mort accrochée sur la tête tous les matins au réveil. Ce n’est pas nouveau pour moi, ça fait deux fois déjà, mais, cette fois, « chef des terroristes », je n’y coupe pas, ou ce serait alors un miracle auquel je pense de moins en moins ; je veux à tout prix m’habituer à l’idée de disparaître.
Si encore nous avions des nouvelles pour échafauder nos espérances ! Mais rien ; si, la plus récente ce jour, c’est la prise de Kharkov ; ça a dû bouger plus que ça, mais nous ignorons tout.
Un peu de joie ici rompant la monotonie, c’est le balayage, le coiffeur, la douche, trois fois la soupe tous les jours et les alertes qui sont très fréquentes ces,
jours-ci, et puis les divers bruits de bottes dans les couloirs provoquent diverses réactions. Par exemple : samedi 13 février, les bottes sont venues chercher vingt-trois camarades pour les fusiller, ils ont accueilli leurs bourreaux en chantant la Marseillaise. Le camarade pourra te dire les minutes d’intense émotion que nous avons vécues.
Voilà ma vie matérielle, pas brillante comme tu le vois, aussi je vis intensément par la pensée, par les souvenirs. D’abord j’ai deux gars, dont celui que tu vas voir, à convaincre à notre cause, et je suis sûr, d’y parvenir. Je leur fais des causeries sur ce que nous sommes, ce que nous poursuivons comme but, la société idéale que nous voulons construire. Je vis de tout mon être ce que j’inculque et je suis fier de ma vie et de ma mort si proche, parce que je suis certain que nous triompherons, que les hommes seront heureux. Certes, j’ai souvent des regrets au fond de moi de penser que je ne serai plus là pour le voir, mais il reste une consolation, c’est que l’on ne nous oubliera pas, nous qui aurons tout donné pour atteindre ce but.
Vois-tu, mon amour, je n’aurai pas de mal à te convaincre, toi qui me connais bien, que ces causeries, ces polémiques m’auront fait beaucoup de bien, et les heures s’écoulent ainsi moins monotones.
Une autre chose qui me fait beaucoup de bien et souvent beaucoup de mal, ce sont les heures de solitude où je me trouve avec ma L… chérie, c’est vers toi que vont mes pensées les plus tendres, les plus, aimantes.
J’ai avec moi cette photo de 38 où nous ressemblons à deux jeunes fiancés et c’est toujours la gorge un peu serrée que je regarde cette image de notre bonheur passé. Que de regrets souvent de ne pas avoir été plus jaloux de ce bonheur ! Vois-tu, j’y pense souvent, nous étions faits l’un pour l’autre, nous devions avoir une vie heureuse tous les deux, mais pour bien s’aimer je crois qu’il faut être égoïste, penser plus à sa propre vie, ne pas être captivé par cette immense tâche qui me prenait tout, le corps comme l’esprit. Oh ! surtout ne crois pas que je regrette mon activité, ma lutte ; non, je n’aurais pas pu vivre sans cela et s’il y a quelque chose
dont je suis fier aujourd’hui, à la veille de disparaître, c’est de ma droiture de militant, de ma fidélité au Parti et à sa cause.
Mon regret, mon affreux regret, c’est de ne pas t’avoir rendue plus heureuse. J’ai peur que tu ne gardes de moi qu’un souvenir qui s’effacera vite devant la vie et ses besoins. Mon cher petit, pense à moi, il y a beaucoup de bon chez le L… ; tu le verrais, tu serais fière de lui, et puis je suis certain que si j’avais conservé la vie, je t’aurais rendue heureuse.
Partir tous les deux sac au dos ; comme quand nous étions jeunes !… Alpes, Pyrénées, Bretagne, c’est fou ce que l’on peut aspirer à la vie quand on va mourir…
Tu sais, nous avions souvent parlé de la petite fille. Quelle torture pour moi, aujourd’hui ! II me semble qu’avec un enfant je t’aurais gardée pour toujours…
Tu vois, avant la mort, c’est la vie avec toi qui me torture le plus. ((La vie »,tu te rappelles, ce sont les premiers mots que « La Mère »* [le roman de Maxime Gorki] a déchiffrés.
Je crois que tous les copains qui sont morts avant moi ont dû se trouver devant les mêmes réactions, avoir foi dans la victoire finale, en être convaincus inébranlablement, prêcher notre vérité jusqu’au dernier souffle, mais éprouver des regrets d’enfants, de ne pas vivre pour voir se réaliser ce grand rêve.
Je sors de toutes ces pensées qui me font du bien et du mal. Parlons de toi. Que deviens-tu ? Fais très attention à toi…
J’espère que tu as trouvé du travail, que ton temps est très pris et que tu n’as aucun souci matériel.
Si un jour, tu as l’occasion de rencontrer des amis tu pourras leur dire que le Grand a bien tenu le coup. Oh ! si je pouvais avoir un mot de toi, quel bonheur. Mais hélas ! il ne faut pas y compter…
Et maintenant, mon amour, ma vie, il faut se quitter, se dire adieu pour toujours. Si mes calculs sont exacts, en tenant compte que nous sommes peu nombreux dans l’affaire, ça ira vite et en comptant largement, un peu pour se faire plaisir, à fin
avril, je serai rayé des vivants. Tu le sauras par le porteur qui t’en avisera là où tu te trouveras, et peut-être te dira-t-il où je serai enterré, et un jour, tu viendras où je reposerai verser des larmes, parce que je ne doute pas de ton amour, mon cher petit, cela me soulage et me fait du bien. .
Adieu, ma femme chérie, je t’aime beaucoup, beaucoup, et mes dernières pensées seront pour toi, dans la dernière minute c’est toi que je verrai et je demanderai-ton pardon, pour toutes, les misères que j’aurai pu te faire, le bonheur dont j’aurai pu te frustrer.
Adieu, petite… adieu tous les petits coins où nous nous sommes aimés. Je n’ai pas la force de te donner à un autre, mais si un jour tu as un ’enfant, appelle-le de mon nom, si tu veux, mon petit. Oh ! mais, tu sais, je ne te lie pas par une exigence, c’est si tu veux et si ça ne doit choquer personne. Adieu, mon aimée.
Je penserai encore beaucoup à toi et je ne doute pas que tu penses à moi. Je sais trop ton amour, ton grand amour pour moi. ’
De toutes mes forces, je t’embrasse bien tendrement.
Adieu tous les copains, adieu, ouvriers mes frères !
La vie sera belle, il n’y aura plus de haine, plus de misère, le droit du peuple sera sacré ! Mais il faut se battre avec abnégation, savoir tout sacrifier à la victoire, à l’exemple de ceux qui sont morts.

Maurice Lacazette

[Sans date]

L… chérie,
Tu me demandes des détails sur ma vie ici. A trois, dans une cellule, mais pas des copains, je suis soigneusement isolé des autres communistes ; beaucoup de brimades, pas de promenades, pas de lecture, pas de colis, pas de tabac, bien reclus et à manger au compte-gouttes. J’ai l’impression qu’ils veulent nous tuer deux fois ; d’ailleurs ici cela ressemble à de la vengeance. Quant au procès voilà deux mois que j’ai été interrogé par les SS aussi je m’attends à un dénouement rapide, mais n’ai pas peur et, fort de notre conviction, je l’affronterai en communiste. J’ai un peu peur que tu retravailles là-bas, je ne te cache pas que j’étais heureux et fier, mais attention… Arrête tout envoi de colis, parce que je n’en touche aucun ; ces messieurs se régalent avec ; ce que je demandais était à mettre dans le linge, c’est là que j’ai le plus chance.
Parle-moi beaucoup de toi, mon amour, et fais bien attention. Je t’embrasse partout…
M.L.

[Sans date]
Ma femme chérie,
Toujours là et rien de nouveau, pourtant je suis toujours convaincu qu’il n’y en a pas pour longtemps, des bruits de bottes me mettent toujours en éveil. Tu as dû avoir des nouvelles du colis de mercredi, ils sont forts, mais pas assez pour moi, et je crois que cette semaine, je mangerai du pain et surtout je vais fumer.
A ce propos, envoie du tabac et des tickets. Je compte sur l’ami Geo pour le tabac Depuis le temps que je me débrouille pour pouvoir faire de la fumée, j’espère pouvoir réussir cette fois, et si tu apprends que j’en ai eu, dis-toi que ton Grand aura eu un grand plaisir cette semaine.
A part ça, toujours pareil, même vie creuse, vide de nouvelles, et ma santé pas brillante, souvent de la fièvre et ma gale qui prend des proportions inquiétantes. Il est grand temps qu’ils me tuent, ou c’est la pourriture qui m’emportera.
Je me demande quelquefois si le plus dur n’est pas ces longs mois d’attente plutôt que le moment où il faudra disparaître. Enfin passons sur les détails le moral est toujours bon, la foi collée aux tripes, et c’est le principal. Notre idéal et toi, voilà à quoi je veux penser continuellement, j’y arrive, et ainsi le restant de la vie est supportable
M. L|

[Sans date]
[ L… chérie,

J’ai bien peur que ce soit le dernier petit mot j’attends le procès pour ces jours-ci, le dénouement approche, la vie se termine, j’ai du courage, beaucoup de courage, ma foi dans un avenir de bonheur pour toi et mes compagnons me rend costaud. Je l’imagine, cet avenir, dans mes heures de rêveries. Sans l’ombre d’un doute notre cause triomphera, et c’est d’un grand réconfort, cette cause si chère et toi, toute ma vie, voilà mes pensées, mes dernières pensées.
Si tu peux m’écrire encore mercredi, donne-des nouvelles sur la situation et dis-moi franchement ce que pense la famille. Ici, c’est la nuit totale. Que se passe-t-il ?
A part ça, moi je tiens le coup ; un peu de fièvre mais surtout la fièvre du tabac, je voudrais tant en avoir pour le procès, les autres bonnes choses, bien, je les oublierai, quoique la rage me ronge quand je vois tout repartir, comme mercredi, même pas un petit gâteau quand la faim ronge les tripes, en tout cela c’est dans l’ordre.
Adieu, ma femme adorée, courage et prudence faut que tu tiennes ; je t’adore et t’embrasse partout de toutes mes forces.

21 août 1943
Mon cher petit,
Troisième tentative pour que tu aies de mes nouvelles, mais les recevras-tu avant que tu repartes ?
Tu dois connaître le verdict : quinze condamnés à mort et un acquitté et, bien entendu, j’ai le numéro 1 ; grand honneur, comme tu vois, mais certitude du poteau. Commencé mercredi, le procès s’est terminé vendredi soir ; ça a été mené à toute vitesse, et c’était particulièrement pénible. Tout le monde s’est bien comporté et tous les gars ont été très dignes au verdict.
Dès vendredi soir, j’ai été changé de cellule et mis avec d’autres camarades, condamnés comme moi, solidement enchaînés et gardés ; nous avons passé de dures heures ; le temps de s’habituer à l’idée de, disparaître, et tous les bruits de bottes dans le couloir serrent un peu le cœur : le moment est-il venu ? Les visages se crispent, mais tous sont prêts et, tu pourras le dire, armés de beaucoup de courage.
Pour le moment, j’ai les mains déchaînées et suis accouplé par une chaîne aux chevilles à l’ami Fernand [Fernand Mougenot ]qui t’envoie le bonjour. Ainsi, nous ne faisons pas un pas l’un sans l’autre et nous dormons liés l’un à l’autre ; tu vas trouver cela ignoble, c’est que tu n’es pas comme moi habituée depuis sept mois aux raffinements de la civilisation européenne.
De quoi est faite notre vie maintenant ? Nous causons du passé, mais aussi de cet avenir certain que nous savons radieux, et ce sont les éternels « Si nous avions vécu pour voir cela… . » Mais tous nous nous consolons un peu à l’idée que nous ne serons pas oubliés parce que nous aurons participé à la construction de ce bel avenir.
Mercredi, contre toute attente, nous avons eu droit au colis sans restrictions, vivres et tabac ont littéralement déferlé dans la cellule, c’était la joie pour tous, et nous oublions même le sort qui nous attend ; maintenant nous espérons vivre encore
mercredi pour en profiter encore une fois. Depuis le temps que nous n’avions vu toutes ces richesses, vous imaginez notre joie (Pourriez-vous mercredi prochain me mettre une culotte dans mon colis, ils laisseront passer.)
Ça y est, mon tout petit, la page est tourné. Adieu l’avenir, ce bel avenir que j’avais imaginé dans ces longs mois de captivité. J’avais juré de te rendre heureuse et d’avoir près de toi une vie de labeur, mais aussi de te consacrer beaucoup de temps de sentir près de moi une chaude affection, de fonder un foyer dont nous avions tant besoin l’un et l’autre d’avoir un petit enfant, de vivre comme deux êtres qui s’aiment Nous avions tellement souffert, tellement payé que nous aurions construit un bonheur
indestructible.
Adieu, mon tout petit, adieu toute ma vie, sois courageuse, refoule tes larmes et ton chagrin, travaille de toutes tes forces et un jour proche quand tu verras briller les jours de bonheur, tu diras que tu as tout donné pour le triomphe de notre cause, y compris un être qui était ton mari, et viendras dans un petit cimetière breton verser quelques larmes sur ton L… .
Adieu, sois heureuse,- et plus tard, quand tu sera guérie de ta peine, je te souhaite de trouver un prolo digne de toi. C’est dur de dire cela parce je suis jaloux, même devant la mort, mais tu mérites tant d’être heureuse que je te le souhaite de tout cœur.
Adieu à tous les copains, dis-leur que je suis resté digne de leur confiance et que je suis fier de mourir pour mon pays et pour ma classe.
Adieu à tous nos amis, à cette brave amie qui a tant fait pour moi pendant ma captivité, dis-leur merci et, ne l’oublie jamais, c’est pour deux que tu exprimeras notre reconnaissance.,.
Adieu, femme chérie, adieu toute ma vie, relis les beaux livres que tu m’as choisis et qui m’enthousiasmaient tant ; quand tu te promèneras dans ce vieux Paris, dis-lui bonjour pour moi, je le regrette tant, lui aussi. Je te serre de toutes mes forces. Ma dernière pensée pour toi.
Mets-moi un mot mercredi, et tout ce que tu possèderas comme vivres et tabac pour moi.
M. L.|

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114991, notice LACAZETTE Maurice [LACAZETTE Camille dit Maurice] par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 18 octobre 2021.

SOURCES : Archives du Komintern, RGASPI, Moscou, 495 270 2662 : autobiographie du 6 décembre 1937 établie à Aubervilliers. – Arch Dép 44, 305 J 3 . — L’Humanité, novembre 1973. – Henri Jourdain, Comprendre pour accomplir, Éd. Sociales, 1982, p. 59. – Lettres de fusillés, Éd. Sociales, Paris, 1958. – Souvenirs écrits de Régine Lacazette-Leriche communiqués par Fernand Leriche. – Documents déposés au Musée de la Résistance, Ivry. – Témoignage de Fernand Leriche, ancien maire adjoint, président de la Commission d’histoire d’Ivry. – État civil, Bordeaux.

JAMET Guy, Yvon

guy_jamet.jpgFils d’Anita Jamet, Guy Jamet fut marié à Francine Durigneux ; ils avaient un enfant. Il habitait Bouguenais (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique).
Membre du Front national dès le mois de janvier 1942, groupe Château-Bougon SNCASO, il participa à la distribution de tracts. Il participa ensuite au vol de dynamite et à plusieurs attentats à la bombe. À la fin de l’année 1942, il entra dans le groupe des Francs-tireurs et partisans (FTP) nantais de Jean Fraix. Est-ce lui qui, sous le pseudonyme de Guy, fut responsable de la jeunesse de l’interrégion communiste Ouest (huit départements) ?
Arrêté le 26 janvier 1943 par la police française et le Service de police anticommuniste (SPAC) d’Angers pour « actes de franc-tireur et attentats contre les troupes d’occupation », il fut jugé par le tribunal allemand de Nantes (FK 518) le 13 août 1943 (« Procès des 16 ») et fusillé au terrain militaire du Bêle le 25 août.
Il a été reconnu Mort pour la France 19 février 1945.
Une place de Bouguenais porte le nom de Louis-Bâle-et-Guy-Jamet.
Une cellule du PCF de Loire-Atlantique a pris son nom.

Guy Jamet fait partie des 90 syndicalistes CGT de Nantes figurant à la Maison des syndicats de Nantes sur une plaque : « Les syndicats confédérés de Nantes en Hommage à ses Martyrs, victimes de la barbarie nazie. »

|Dernière lettre
« Nantes le 25 août
Ma petite femme adorée.
C’est fini, quand tu recevras cette lettre je ne serai plus en vie.
Je vais mourir assassiné par les allemands, car j’ai été condamné
injustement.
Dans le verdict du procès, il n’y avait rien de nos déclarations faîtes à la
police. Au cours du procès, nous avons tous été braves, pas un n’a flanché et
nous sommes quinze condamnés à mort sur seize.
Ils ont soif de sang, mais notre mort aura servi à quelque chose car bientôt
ils ne seront plus là et les français seront heureux à nouveau.
Tu n’auras pas à rougir de moi, ainsi que ma fille, mais au contraire soyez
fières et vengez moi si vous pouvez.. Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas
pouvoir te rendre heureuse plus que tu ne l’as été jusqu’à ces jours.
Adieu les beaux projets d’avenir, je n’aurai jamais pensé que ma vie serai
si brève mais c’était la destiné, j’étais orphelin ma fille le sera.
Quand tu penseras à moi, pense bien que je t’ai aimé comme un fou
malgré mes aspects rudes parfois, et pardonnes moi si quelque fois je t’ai
rendu malheureuse. C’était inconsciemment, car je n’étais pas méchant, tu
t’en es aperçu.
Souvent dans ma cellule j’ai rêvé d’une vie tranquille avec les deux êtres
que j’ai aimé le plus au monde, mais ç’aurait été trop beau, par conséquent
irréalisable.
Avec petit Louis, on a décidé que si vous voulez, avec ma soeur, vous vous
mettrez ensemble, la vie serai moins dure pour vous.
Mais tu es jeune et tu peux refaire ta vie. Je te le conseille, mais prends un
brave garçon qui ne rendra pas ma fille malheureuse, et à rendre heureuse toi
aussi, car je te souhaite une vie hèureuse et tranquille.
Ils vont assassiner toute la famille, car les photos que tu m’as envoyées
seront traversées par les balles sur mon cœur.
C’est petit Louis qui a parlé de moi à la police, mais malheureusement
pour lui il n’a pas sauvé sa tête. Je ne lui en veux pas il ne savait pas ce qu’il
faisait.
Je n’en veux pas surtout aux allemands, quoique ce sont des assassins,
mais j’en veux surtout aux policiers français qui m’ont remis entre leurs mains.
Dis aux copains que je vais mourir en brave et qu’ils continueront à lutter
pour /e bonheur du prolétariat.
Si tu sais où l’on est enterré tu (Illisible) grâce à mon dentier
et si tu peux le faire, fais moi revenir dans la fosse.
Après la guerre tu auras droit à une pension de veuve de guerre, tu feras
les démarches pour l’avoir.
Je ne veux pas que ma petite Ginette soit baptisée, elle le fera plus tard
si elle veut.
Dès que tu sauras officiellement que j’ai été fusillé, viens rechercher mes
affaires à la prison.
Peut-être qu’avant d’y aller, je pourrai écrire une lettre d’adieu, mais tu la
recevras que dans plusieurs mois, et l’on ne peut pas mettre grand chose
dessus.
J’ai été très heureux de te voir lors (du procès s’a m’a …(Illisible)
très fugitive), mais elle est gravé dans ma mémoire et je n’ai qu’un regret
c’est que tu n’es pas amenée ma petite Ginette, j’aurai été content de la voir
pour la dernière fois, et surtout de pouvoir vous embrasser avant de mourir
, si jeune, mais je tâcherai d’être aussi brave devant les fusils que je l’ai été au
procès.
Ma petite nénette chérie, la place me manque, je suis forcé d’abréger,
mais sache bien que ma dernière pensée en mourant ira vers toi et ma fille
adorée.
Adieu mes deux amours, dis aussi adieu à Petit Pierre pour moi ainsi que
Jojo et aux amis.
J’aurai voulu pouvoir te rendre heureuse, mais je ne pouvais pas penser
souvent à m04 et fais aimer ma mémoire à ma fille.
Je vous envoie mes derniers baisers. Ton petit mari qui t’a toujours aimé
et qui regrette de ne pas avoir pensé assez à vous et avoir fait votre malheur.
Vive la France.
Mes derniers baisers à mes deux amours pensez souvent à moi.
Je t’envoie mon alliance car ils me la voleraient ».|

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159980, notice JAMET Guy, Yvon par Guy Haudebourg, version mise en ligne le 18 juin 2014, dernière modification le 12 octobre 2021.

DAVIAIS Jean-Baptiste

Après ses études à l’école professionnelle de Rézé, Jean Baptiste Daviais créa la Martenelle, société d’entraide pour les pupilles de l’Etat. Militant communiste, il était un partisan acharné de l’école laïque et créa la Fédération des amicales laïques dans son département.

Résistant au sein de Libé-Nord à partir de 1942, il fut à l’automne 1943 à l’origine de la création du CDL clandestin.

Arrêté le 17 avril 1944, il fut déporté le 18 juin 1944 et mourut au camp de Dachau.

Un square de Nantes porte son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21574, notice DAVIAIS Jean-Baptiste par Jean-Pierre Besse, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 29 novembre 2010.

SOURCES : Clarté, 1946. — Jean-Pierre Sauvage, Xavier Trochu, Mémorial des victimes de la persécution allemande en Loire-Inférieure 1940-1945, tome déportés politiques, déportés résistants, 2002.— Presse locale.
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