L’allocution de Loïc Le Gac lors de la veillée du souvenir vendredi 19 octobre 2018

Allocution de Loïc LE GAC
Madame Meyer, conseillère municipale, représentant Madame le Maire, Madame et Monsieur les député-e-s Valérie Oppelt et Mounir Belhamiti, Mesdames et Messieurs les élus,
Chères familles des Otages,
Mesdames et Messieurs les représentants d’associations et organisations patriotiques, politiques et syndicales,
Madame et Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
77 années nous séparent des événements tragiques d’octobre 1941. L’attentat, le 20 octobre, contre le Feldkommandant Hotz par un groupe de trois jeunes résistants communistes des Bataillons de la jeunesse : Marcel Bourdarias, Gilbert Brustlein et Spartaco Guisco – « trois courageux garçons » a dit le général De Gaulle – est l’un des premiers faits d’armes de la Résistance contre l’occupant nazi. C’est le plus haut gradé allemand tué en France depuis l’armistice. Des représailles s’ensuivirent : le 22 octobre, 48 otages tombaient sous les balles de la Wehrmacht, 27 à Châteaubriant, 16 au Bêle et 5 au Mont Valérien.
Et n’oublions pas ceux – ils étaient 9 – qui ont été fusillés le 15 décembre suivant à la Blisière, au fond de la forêt de Juigné, 2 encore le 7 mars au Bêle, puis de nouveau 2 autres le 29 avril, 61 au total.
En leur rendant hommage, c’est à toutes celles et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, formèrent la Résistance que nous rendons hommage, quelles que soient leurs convictions philosophiques, politiques ou religieuses, leurs modes d’actions, leur nationalité et qui trop souvent donnèrent leur vie pour que nous vivions dans un monde meilleur.
Qui étaient-ils ces 48 hommes ?
Les plus nombreux étaient des communistes, et notamment des dirigeants, car en choisissant des responsables connus, l’Occupant et Vichy voulaient dissuader d’autres militants de s’engager dans l’action directe et la lutte armée naissante.
Plusieurs étaient des élus du peuple comme le député Charles Michels, le maire de Gennevilliers Jean Grandel, d’autres étaient conseillers généraux ou élus municipaux. Tous déchus de leur mandat. On comptait parmi eux des dirigeants de Fédérations syndicales de la CGT comme Jean-Pierre Timbaud. Les deux-tiers étaient des ouvriers, mais il y avait aussi parmi eux des enseignants, des médecins et des jeunes dont le plus connu est Guy Môquet.

Pour la plupart ils ont été arrêtés lors des grandes rafles d’octobre 1940, organisées par la police de Vichy et ont été internés administrativement, souvent sans jugement dans le camp de Choisel après avoir fait le circuit des prisons : Fresnes, Clairvaux, Fontevrault et d’autres.
Le groupe des Nantais fusillés au Bêle et au Mont Valérien comprend comme Alexandre Fourny, par ailleurs élu municipal SFIO, des animateurs du Comité d’entente des anciens combattants qui combinaient l’action légale d’entraide, soutenue par les autorités, envers les prisonniers de guerre et l’organisation d’une filière d’évasions vers la zone Sud et l’Angleterre. Ils appartenaient aux groupes Bouvron, Georges-France 31 ou Hévin. S’étaient joints à eux des jeunes catholiques investis dans des activités de renseignement dont Michel Dabat, qui avait hissé le drapeau tricolore sur la cathédrale dans la nuit du 10 au 11 novembre 1940.
Une singularité qui ne peut pas nous échapper en cette année du centenaire de 1918, c’est que plusieurs des otages fusillés étaient des combattants de la Première Guerre Mondiale, sortis meurtris de cette boucherie, dont ils espéraient qu’elle serait la « der des ders ». Certains y ont été distingués de la Croix de guerre, plusieurs comme Jules Vercruysse et Léon Jost étaient de grands blessés.
Qui les a choisis ? L’ordre est venu de Hitler lui-même, qui avait exigé la promulgation d’un « Code des otages ». Et il est établi que la constitution de la liste est le fruit d’une étroite collaboration entre le commandant militaire en France Otto von Stülpnagel et le ministre de l’intérieur de Vichy Pucheu, qui avait missionné à Châteaubriant Georges Chassagne, un jaune, ancien adhérent de la CGT, retourné par Vichy, pour préparer préventivement une liste de communistes et les isoler dès le 13 octobre dans une baraque spéciale.
Granet, Poulmarc’h, Chassagne les connaissait bien, et Pucheu aussi. Il faut revenir cinq années en arrière, le Front populaire avec ses élus comme Charles Michels, ses syndicalistes comme Timbaud, les usines occupées, les 40 heures, les congés payés, les hausses de salaires. En face Pucheu, Croix de feu puis doriotiste, banque Worms, Comité des Forges.  » Plutôt Hitler que le Front populaire ». C’est la revanche du Comité des Forges. Les fusils de la Wehrmacht ont rayé du monde des vivants ces leaders cégétistes qui ont fait reculer le patronat en 1936. C’est un crime de classe.
Pucheu souhaitait que seuls des communistes soient fusillés. Stülpnagel voulait y mêler d’autres tendances et des jeunes pour accroître l’effet de terreur, intimider d’autres mouvements et les dissuader de rejoindre les communistes.
Mais l’assassinat des otages n’a pas eu l’effet dissuasif recherché. Certes, dans l’immédiat, les attentats n’ont pas été populaires. Mais l’horreur de ce massacre de masse a provoqué un effet de sidération. Le mythe de « l’allemand correct » et celui de Pétain, vainqueur de Verdun en ont pris un coup. Les fusillades du 22 octobre ont eu un impact considérable, non seulement dans notre région, mais dans tout le pays et dans le monde. Les jours suivants, des milliers de personnes se sont recueillies dans la carrière de la Sablière. Le 31 octobre, un
garde-à-vous national auquel a appelé le général De Gaulle, a été accompagné de débrayages dans les usines, par exemple à l’arsenal de Brest ou chez Peugeot à Sochaux et ailleurs. Des tracts reproduisant les prises de position de Roosevelt et Churchill ont été largués sur la France par les avions de la R.A.F., le grand écrivain Thomas Mann dans une célèbre intervention à la BBC a qualifié les auteurs de l’exécution de Hotz de « jeunes et ardents patriotes qui font entrer la Résistance intérieure dans la guerre ». A partir de documents qui lui ont été transmis dans la clandestinité, Aragon a écrit un texte sobre mais percutant: Les Martyrs et dont le retentissement a été très important : recopié, édité en tracts, il a fait « boule de neige ». Lu à Radio-Londres, Radio-Moscou, Radio-Brazzaville, à Boston et à New York, le texte touche au coeur un vaste public. Les fusillades d’octobre 1941 contribuent au tournant politique de la fin de 1941.
Ainsi, l’année 1942 a connu un développement de l’action, pas seulement dans notre département et marque le passage de la période de refus, de la résistance avec un petit r à la Résistance, R majuscule, mieux organisée, plus structurée.
Les otages fusillés, ceux qui croyaient au ciel , ceux qui n’y croyaient pas – La rose et le réséda – leurs lettres en témoignent, étaient tous animés d’une foi, que ce soit dans la récompense d’un paradis ou dans l’avènement sur terre d’une société heureuse. Comme l’a dit le philosophe Georges Politzer, « Les barbares voulaient les tuer. Ils les ont rendu immortels ». Parce que leur mort a été un moment dans un combat universel.
Et contrairement au voeu de Stülpnagel, qui voulait les diviser, ils ont préfiguré l’unité de la Résistance, laquelle s’est consolidée plus tard avec les Accords du Perreux de réunification syndicale, puis la constitution du Conseil National de la Résistance autour de Jean Moulin et les combats de la Libération.
Les résistants ne cherchaient ni la gloire, ni les larmes. Ils nous ont donné la liberté en héritage. Et cela nous oblige.
Pour maintenir en vie le souvenir des combats des résistants contre les assauts du temps, il faut sans cesse transmettre leurs valeurs, en particulier aux jeunes générations. Notre Comité du Souvenir s’y emploie, car nous ne voulons pas que nos enfants soient des « enfants du vide ». Le devoir de mémoire, tel que nous le concevons, repose nécessairement sur un travail d’histoire sans tabous, sans masquer les zones d’ombre, un travail d’histoire sereine.
Mais il ne s’agit pas seulement de se souvenir.
« Le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent » disait Lucie Aubrac dans l’appel de plusieurs personnalités marquantes de la Résistance en 2004. Appel adressé aux jeunes générations afin qu’elles réagissent face à la destruction du « socle de conquêtes sociales de la Libération « , et dans lequel ces grands résistants dénonçaient « dans une société pourtant si riche, le repli sur soi, la peur et le mépris de l’autre, le déni de l’intérêt général au bénéfice de quelques particuliers, bref le recul de la démocratie »
Cet appel, lancé à l’occasion du 60ème anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance, résonne aujourd’hui avec une acuité qui n’a pas faiblit.
Destruction du modèle social issu du CNR, prise de pouvoir de la finance, atteintes au pluralisme de la presse quand 9 milliardaires possèdent la quasi-totalité des médias, explosion des inégalités, montée des populismes : cela, ce n’est pas la société qu’ont voulue les résistants.
Cette situation offre un terreau fertile aux forces d’extrême-droite. Elles ont le vent en poupe, partout en Europe, aux Etats-Unis et les bruits de bottes se font de nouveau entendre au Brésil. Si elles continuaient de renforcer leurs positions de pouvoir, mesurons le désastre possible pour l’humanité. Nous devons nous prémunir d’un retour du fascisme.
Le désordre du monde est tel que la déstabilisation touche de nombreuses régions du globe, le Yemen connait les bombes, la famine et le choléra, notre pays étant impliqué dans les ventes d’armes, la Méditerranée se transforme en cimetière, et la menace que représente l’arme nucléaire est plus inquiétante que jamais.
Oui, il y matière à s’indigner, mais s’indigner ne suffit pas. Face aux grands défis économiques et sociaux, démocratiques, climatiques, il faut agir, s’engager!
« On ne fera pas un monde différent avec des gens indifférents » a dit l’écrivaine indienne Arundhati ROY.
Aujourd’hui comme hier, il faut une insurrection des consciences pour conjurer les périls. Je vous remercie de votre attention.
Je vous invite à visiter le site www.resistance-44.fr

Notre ami Marc Grangens écrit à Ouest France

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> Bonjour,
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> Je vous propose pour la rubrique Nantes-Forum le texte joint. Il concerne votre couverture des commémorations des fusillades des 50 otages à Châteaubriant, Nantes et Paris le 22 octobre 1941.
> J’ai déjà envoyé plusieurs contributions à votre Forum sur ce sujet. La dernière été refusée car écrite trop tardivement. Le texte que je vous envoie ici colle exactement à l’actualité locale.
> Depuis ce matin, je reçois de nombreux appels téléphoniques de membres de l’ Association du Musée de la Résistance de Châteaubriant et du Comité départemental du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant de Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure. Ils sont choqués
> de la rédaction de plusieurs de vos articles depuis le 18 août.
>
> J’attire votre attention sur le fait que, depuis ce mois d’Août, l’utilisation, par trois fois par Ouest-France, du verbe assassiner ou du substantif assassinat pour qualifier l’exécution du lieutenant-colonel Hotz, le 20 octobre 41, par de jeunes résistants, apparait aujourd’hui totalement inadapté, pour ne pas en dire davantage, aux yeux des historiens professionnels, enseignants aux universités. Quelque soit leur position sur l’exécution de Hotz, tous considèrent qu’il s’agit d’un acte de guerre contre l’occupant allemand et d’une exécution. Ce matin même, Madame Le Maire de Nantes a déclaré au mémorial du Bêle que Karl Hotz avait été abattu par la Résistance. Elle s’est bien gardée de parler d’assassinat.
>
> Il ne d’agit pas d’une question de sémantique ou d’une maladresse de rédaction mais bien d’un problème d’écriture de l’Histoire et d’analyse des constructions mémorielles portant sur la Résistance nantaise, qui fut une des plus importantes résistance urbaine de France avec Paris et Lyon : Nantes étant par ailleurs et en même temps une ville phare de la collaboration. 800 personnes sont à jour de leur cotisation au groupe « Collaboration » en janvier 42 (à Rennes moins de 50).
> L’analyse de la construction mémorielle de la Résistance y est donc un sujet majeur et citoyen que la presse ne peut ignorer.
> Je ne veux pas dans votre journal faire un cours d’histoire, mais donner à vos lecteurs, les éléments d’analyse que le choix d’un verbe et d’un substantif , qu’on pourrait seulement qualifier à tort de maladroit, masque ou oblitère.
>
> J’espère qu’en ces jours d’anniversaire de l’affaire des 50 otages, vous comprendrez ma demande de participation à Nantes-Forum.
> Bien à vous.
> Marc Grangiens

1939-1945. Espaces et histoire

1939 — printemps 1941
La politique d’agression de l’Allemagne nazie aboutit en septembre 1939 au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en Europe. La Pologne est le premier pays à subir l’occupation nazie, à l’ouest, et l’invasion son territoire par l’URSS, à l’est. L’offensive allemande à l’Ouest se traduit par des exactions contre des civils et des militaires prisonniers, notamment coloniaux. Le régime d’occupation varie selon les territoires conquis : à l’Est, la brutalité est de rigueur, notamment contre tous ceux qui sont considérés comme des ennemis potentiels par les nazis (en particulier l’enfermement des juifs dans des ghettos) ; à l’Ouest, la priorité est au maintien de l’ordre nazi, mais la répression peut sanctionner durement ceux qui le refusent.
Été 1941 — fin 1943
L’extension du conflit avec l’attaque contre l’URSS puis l’entrée en guerre des Etats-Unis engage l’Allemagne nazie dans une guerre totale. La répression s’intensifie dans les anciens et les nouveaux territoires occupés. De nouvelles procédures et de nouvelles formes sont mises en place pour tenter de contenir les mouvements de résistance qui se renforcent en Europe occupée. Les déportations à finalité répressive vers les camps de concentration du Reich permettent de fournir un complément de main-d’œuvre pour l’effort de guerre allemand. Parallèlement, les nazis déclenchent et étendent l’extermination de la population juive d’Europe. Ils substituent aux tueries perpétrées par les Einsatzgruppen en Europe de l’Est et du Sud des déportations massives depuis l’ensemble du continent vers les centres de mise à mort construits en Pologne occupée ou annexée.
1944 — printemps 1945
En 1944, le conflit tourne à l’avantage des adversaires de l’Allemagne nazie. Pour tenter de changer la donne, l’effort de guerre allemand atteint son maximum et mobilise toute la main-d’œuvre disponible, y compris dans les camps de concentration. Les nazis multiplient les opérations de répression contre toutes les formes de résistance et appliquent une politique de terreur contre les habitants accusés de les soutenir. Ils continuent à déporter les juifs européens vers Auschwitz jusqu’au démantèlement des chambres à gaz.
La violence nazie s’exacerbe encore lorsque les forces alliées approchent puis atteignent le territoire du Reich. Les évacuations de camps, ou marches de la mort, déciment les déportés qui ont réussi à survivre. Partout en Europe, dans les territoires libérés, on découvre les traces des crimes commis par les nazis, sans en comprendre immédiatement ni la nature ni l’ampleur exactes. Les enquêtes dans la perspective des procès amorcent le travail à venir des historiens.

HISTOIRE POPULAIRE DE NANTES

Le Comité du souvenir local d’Indre sera heureux de vous accueillir à une rencontre avec les auteurs du livre
HISTOIRE POPULAIRE DE NANTES
Organisé par la Bibliothèque d’Indre en partenariat avec le collectif Plus jamais ça
Le Mardi 9 octobre 2018
A 18 heures 30
Bibliothèque municipale d’INDRE
2, rue du stade 44610 Indre

De Nantes à Châteaubriant un autocar gratuit

Cérémonie de Châteaubriant – 21 octobre 2018

Transport par car gratuit au départ de Nantes
Arrêts et horaires
11h00 Départ place du Vieux Doulon – arrêt bus TAN
11h10 Bd de Sarrebruck – arrêt Haubans
11h20 Place Pirmil – station tram/bus
11h30 Chantiers Navals – station tram/bus
11h35 Place Zola – arrêt côté Renardières
11h40 Place des Châtaigniers (Abel Durand) – arrêt face Carrefour
11h55 Eglise du Pont du Cens – arrêt bus TAN
12h00 Le Cardo – station bus/tram

le retour se fera par l’itinéraire inverse départ de la sablière vers 16 h 45

Manifestations et cérémonies à l’occasion du Congrès National de l’Amicale Oranienburg – Sachsenhausen

AMICALE D’ORANIENBURG-SACHSENHAUSEN

Par l’un de ces paradoxes dont l’Histoire est coutumière, le camp d’Oranienburg – Sachsenhausen est sans doute moins connu en France que d’autres bagnes hitlériens, alors qu’il était au cœur du système concentrationnaire nazi. A trente kilomètres de Berlin, Himmler en avait fait le quartier général de l’inspection centrale SS qui dirigeait, administrait et surveillait tous les camps. Les nazis y expérimentaient les méthodes d’extermination massive avant de les appliquer dans les autres camps ; ils y entassaient le fruit des rapines de la SS dans toute l’Europe occupée ; ils se servaient odieusement des Déportés – cobayes pour des études pseudo–médicales ; ils y camouflaient les ateliers de fabrication de fausse-monnaie et de faux-papiers pour les agents secrets d’Hitler, etc.
Les quelques 9 350 Français déportés à Oranienburg – Sachsenhausen, camp dans lequel 200 000 détenus de vingt nationalités différentes ont été soumis à la barbarie nazie et dont 60 000 ne sont pas revenus, ne constituent pas le contingent de déportés le plus important de notre pays. Ceci explique peut-être la discrétion observée à leur égard.

A l’occasion du CONGRES NATIONAL DE L’AMICALE qui aura lieu à Nantes
du 21 au 23 septembre 2018

Mireille CADIOU Présidente de l’Amicale, Fille de Déporté ,
André LASSAGUE Secrétaire général, Fils de Déporté
Marie-Claude MÉLAT Organisatrice du Congrès, Fille de Déporté

Vous prient de bien vouloir honorer de votre présence les évènements suivants :

Vendredi 21 Septembre à 16 h
La Cérémonie devant le Monument Résistance-Fer de la gare SNCF

Vendredi 21 Septembre à 18 h 30
La Cérémonie devant le Monument des 50 Otages

Samedi 22 septembre à 9h30 Recueillement au champ de BELE
à 10h30 Cimetière de la CHAUVINIERE devant la Stèle des Déportés

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Un homme, Roger PUYBOUFFAT qui joua un grand…

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Roger Puybouffat (1909-1983) : un homme qui a dit « Non ! »
par Xavier Riaud
Roger Puybouffat est né le 18 février 1909. A 11 ans, Roger passe son certificat d’études. Mais, sa famille est désargentée. Il doit travailler très jeune et multiplie à ce titre les petits métiers. Un oncle lui permet de suivre un apprentissage chez un mécanicien dentiste. Il montre très vite des dispositions pour cette profession. Son oncle le persuade de suivre les cours du soir. Après avoir obtenu son brevet élémentaire et supérieur, il entame des études de chirurgie dentaire à Garancière. Danielle Casanova fait ses études en même temps que Roger. En 1933, il est officiellement diplômé, mais épuisé. En effet, pour réussir, il a travaillé pour gagner sa vie en même temps que ses études et milité au parti communiste dont il fait partie depuis l’âge de 14 ans, suivant son père qui y a adhéré dès sa création en 1920. Pendant ses deux dernières années d’études, Adèle, sa compagne, renonce aux siennes pour subvenir aux besoins du couple (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 30 octobre 1934, il effectue son service militaire, mais est réformé pour maladie. C’est en octobre 1935 qu’il est incorporé. Il quitte l’armée sous-lieutenant de réserve des services de santé (Puybouffat- Merrien, 2008).
Lorsque la guerre éclate, Roger Puybouffat est mobilisé le 25 août 1939. Il rejoint son unité le 2 septembre. Il est présent à Dunkerque et parvient à sortir ses hommes de la nasse, et à les ramener sains et saufs à Pontivy déjà sous la coupe allemande. Cet exploit, d’avoir sauvé tous ses hommes, sera un de ses plus grands motifs de fierté pour le reste de ses jours (Puybouffat-Merrien, 2008).
De retour à Pontivy, il est arrêté par les Allemands, alors qu’il n’a pas été encore démobilisé. Considéré comme un prisonnier de guerre, il doit exercer ses talents à l’hôpital civil qui a été dressé dans l’enceinte du lycée. Il n’est libéré que le 19 février 1941. Le 1er mars, Roger rejoint Châteaubriant où il a trouvé un confrère, Pierre Bernou, qui l’accueille et lui offre la possibilité d’exercer son art (Puybouffat-Merrien, 2008).
Dans le même temps, le camp de Choisel ouvre de nouveau ses portes en mai 1941. Il a une vocation : celle de recevoir en détention des internés politiques comme les communistes notamment. En effet, depuis le 26 septembre 1939, le parti communiste est interdit. Tous ses membres sont fichés au carnet B. C’est le cas de Roger Puybouffat (Puybouffat-Merrien, 2008).
A peine arrivé à Châteaubriant, le couple Puybouffat se met en contact avec les communistes locaux qui ne cachent pas leur volonté de faire évader les internés du camp de Choisel. Et Roger va les y aider (Puybouffat-Merrien, 2008)…
A la réouverture du camp, Roger est aussitôt sollicité pour venir y soigner les détenus. Ainsi, a-t-il essayé de convaincre notamment Guy Môquet de se faire enlever une dent alors qu’il souffrait terriblement, ce que le jeune homme a refusé sans l’autorisation de sa mère (Puybouffat-Merrien, 2008).
Les patients prisonniers avec des problèmes majeurs peuvent, moyennant escorte, être soignés au cabinet dentaire personnel de Puybouffat. Ce local présente deux sorties, dont une méconnue qui permet toutes sortes de rencontres furtives, d’échanges de renseignements et de consignes. Roger a de plus des cabinets également dans plusieurs villages voisins, qui facilitent aussi tous ces échanges (Puybouffat-Merrien, 2008).
Notable de la ville, il a aussi ses entrées au club de bridge où il rencontre, en quête d’informations, les représentants de l’administration du gouvernement de Vichy (Puybouffat-Merrien, 2008).
Au camp de Choisel, les évasions se multiplient. Son nouveau responsable, Touya, a décidé de renforcer les mesures de surveillance. Par exemple, le dentiste ne peut plus soigner les internés politiques. Il n’a le droit de traiter que des droits communs (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 20 octobre 1941, le lieutenant-colonel Hotz est tué à Nantes. En représailles, les Allemands veulent exécuter des otages. Ce sont les fameux 50 otages, dont Guy Môquet. Avant de mourir, ces hommes ont écrit leur dernier message d’adieu sur les planches du baraquement au camp. Roger Puybouffat les récupère, les évacue, les dissimule un temps dans son cabinet, puis un temps à son domicile, dans une pièce consacrée à ses activités de résistant où il reçoit aussi avec sa femme, les évadés en attente d’une prise en charge, et les remet à qui de droit pour qu’elles soient cachées (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 25 novembre 1941, notre dentiste participe à l’évasion de trois hommes internés dans le camp de Choisel. Touya fouille le cabinet dentaire en personne. Il n’y trouve rien (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 13 décembre, Roger Puybouffat est arrêté par Touya, le sous-lieutenant du camp en question, qui le rend responsable des évasions du 25-26 novembre. Il est interrogé, reçoit des coups, mais ne parle pas. Subissant de nombreuses brimades, Roger ne cède pas. Il n’y a pas de preuve contre lui (Puybouffat- Merrien, 2008).
Son incarcération est officialisée le 15 décembre, par le préfet de Loire-Atlantique (Puybouffat- Merrien, 2008).
Le 7 mai 1942, le dentiste passe devant le Tribunal Correctionnel de Châteaubriant. L’appartenance au carnet B de Roger Puybouffat, convaincu de militantisme communiste, est révélée au cours de la procédure. Pourtant, faute de preuve, il est acquitté, mais pas libéré. Sa femme est arrêtée deux jours avant avec son associé. Ils sont tous deux relâchés à la fin 1942.
Le 7 mai 1942, Roger est transféré à Voves en Eure-et-Loir. Il est enchaîné à deux autres co-détenus et à un gendarme. Alors que son père a tout organisé, Roger refuse de s’évader (Puybouffat-Merrien, 2008).
En juin 1943, le dentiste doit être présenté à la Cour d’Appel de Rennes pour y être rejugé. Son deuxième procès n’a pas lieu. Le 12 octobre 1943, il est transféré vers Romainville. Le 25 octobre, Roger Puybouffat, résistant communiste, est déporté vers Sarrebruck, Neuengamme, puis Mauthausen et enfin Loibl-Pass, un des commandos du camp autrichien (Puybouffat-Merrien, 2008).
Lorsqu’il arrive à Mauthausen, cela fait 22 mois que Roger est en détention, qu’il ne mange pas correctement, qu’il est ballotté de wagons à bestiaux en wagons à bestiaux. Dans ce camp, avec fermeté et ténacité, Roger résiste à la faim, au froid hivernal, au chaud estival, aux sévices de toutes sortes, au travail épuisant dans la célèbre carrière, aux appels interminables quelque soit le temps, etc (Puybouffat-Merrien, 2008).
A l’hiver 1943, Roger contracte une broncho-pneumonie aux deux poumons. Le médecin de l’infirmerie tente l’impossible pour le guérir, mais sa convalescence est de courte durée. Pour éviter les sélections, Roger doit retourner au travail harassant de la carrière. Ses camarades le cachent, lui donnent des rations supplémentaires, protègent ses affaires et n’hésitent pas à voler pour qu’il reçoive davantage de nourriture (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 6 mai 1944, notre dentiste est transféré à Loibl-Pass, kommando de Mauthausen. C’ est vraisemblablement dans le tunnel qu’il se brise le tibia gauche et se fait écrasé le pied gauche. Si le médecin lui fabrique des attelles, la durée de son séjour à l’hôpital s’en trouve raccourci, le risque de sélection étant grand (Puybouffat-Merrien, 2008).
Pendant l’hiver 1944-1945, il fait une 2ème bronchopneumonie, consécutive, semble-t-il, à deux nuits de station debout devant le baraquement des gardes, sous la pluie, après sa journée de travail, parce que Roger aurait perdu, d’après eux, une pince dentaire. En effet, démuni de tout, le dentiste français n’a pour seul recours, face au scorbut qui sévit depuis le printemps 1944, que d’enlever les dents malades de ses camarades afin de leur éviter toutes les complications liées à leur désagrégation. Après avoir donné sa contribution en cigarettes à la collectivité, le scientifique échange ce qui lui reste contre une gousse d’ail ou un petit oignon, ceci afin de se prémunir contre le scorbut (Puybouffat-Merrien, 2008).
Roger Puybouffat est présent lorsqu’une commission itinérante de dentistes s’est arrêtée au camp pour extraire les dents cariées, ou en or surtout. L’organisation clandestine du camp protège les infortunés qui sont concernés, moyennant cigarettes. Il témoigne aussi de la célèbre opération oignons qui a eu lieu un dimanche matin, à Loibl-Pass, où les Allemands ont fait manger un oignon aux détenus pour lutter contre le scorbut, après qu’ils soient restés debout très longtemps dans un froid très marqué. Cette opération coûte la vie à deux jeunes hommes.
Le 7 mai 1945, les nazis entament l’évacuation de leurs prisonniers. Roger décide de rester avec le médecin de l’infirmerie pour s’occuper des malades qui n’ont pas été évacués. Les deux hommes se barricadent et partent en excursion à la recherche de nourriture, ce qu’ils finissent par découvrir dans les cuisines. Dans les jours qui suivent, les combats font rage autour du camp. Malgré tout, le dentiste et le médecin décident de rester près des malades intransportables (Puybouffat-Merrien, 2008).
Ce n’est que le 21 mai que Roger Puybouffat rejoint la brigade Liberté stationnée à Rodovljica. Son pied gauche est toujours dans un sale état. Là, ces Français associés aux troupes yougoslaves défendent un pont et empêchent sa destruction. Le 3 juin, la brigade Liberté est à Trzic. Elle souhaite remercier ses habitants de leur accueil. Le 5 juin, elle arrive à Ljubljana. Le 6, les hommes qui la

composent prennent le train pour Trieste. Ils arrivent à Paris, le 20 juin 1945. Roger y retrouve son Adèle (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le dentiste arrive à Paris, dans un état médicalement catastrophique : un tympan a éclaté sous les coups ; il ne supporte plus aucune nourriture solide sans vomissement ; ses poumons sont perclus de nodules, conséquences de deux bronchopneumonies ; sa fracture au tibia n’est pas consolidée et est fistulisée, rendant tout espoir de guérison vain ; ses vertèbres cervicales ont été fragilisées par les coups. Cet homme, ne l’oublions pas, a pris les armes pour combattre les nazis, aussitôt libre, dans cet état (Puybouffat-Merrien, 2008).
Si le pronostic des médecins est réservé, sa femme, elle, ne s’en laisse pas compter et décide de se battre pour son mari. Elle se procure les aliments requis à son état et commence une lente, et progressive réalimentation. Petit à petit, Roger parvient à recouvrer des forces et à se nourrir de mieux en mieux. Si bien qu’un beau jour, il peut reprendre sa profession d’avant-guerre. Toutefois, les séquelles sont présentes et il le fait dans une souffrance constante (Puybouffat-Merrien, 2008).
En 1954, le couple trouve enfin un appartement susceptible d’accueillir un cabinet dentaire.
En 1963, blessé par une vertèbre cervicale, Roger est quadriplégique en position fœtale. Personne ne veut prendre le risque d’opérer. Par le truchement des associations, un neurologue dont la famille a été exterminée pendant la guerre accepte d’intervenir. Il fait le voyage à ses frais. L’opération est un succès. Après des mois de rééducation, le cabinet dentaire rouvre ses portes (Puybouffat-Merrien, 2008).
Toutefois, ses blessures, surtout celles du côté gauche, rendent son exercice difficile et de moins en moins précis. La mort dans l’âme, Roger Puybouffat doit renoncer à sa profession.
En 1980, il est amputé à gauche, à mi-cuisse, mais sa jambe droite menace de suivre le même chemin. Ses journées se résument à la lecture du journal et à la télévision, ne pouvant plus se déplacer seul. Aussi, sa femme décide-t-elle d’inviter des amis, de la famille, organise des réunions, l’entraîne au restaurant, veille à sa bonne présentation en demandant à son coiffeur et à son tailleur de venir au domicile. Les nuits sont horribles. Dans son sommeil, Roger retourne constamment à Mauthausen et à Loibl-Pass (Puybouffat-Merrien, 2008).
Sa lésion au niveau cervical n’étant qu’en rémission voit sa luette et son arrière-gorge se paralyser, rendant tout repas extrêmement douloureux. Adèle le soigne jusqu’à l’épuisement et meurt en mars 1983, renversée par une voiture (Puybouffat-Merrien, 2008).
Roger sombre dans le coma et décède à son tour, en décembre 1983. Avec le soutien de son épouse, Roger considérait que les 38 ans de vie après les camps étaient des « années volées aux nazis (Puybouffat-Merrien, 2008). »
Roger Puybouffat a reçu la Croix de guerre avec palmes et la Légion d’honneur. Le 25 novembre 1948, un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (n° 7 983) lui a été délivré pour des services rendus de mai 1941 au 19 juin 1945, date de son rapatriement. Il était membre de l’organisation de Résistance : « Front national ». Sa femme, Adèle, a reçu également un certificat similaire (Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, sans date ; Puybouffat-Merrien Rose, 2008).
Adèle et Roger Puybouffat, et leur fille Rose en 1936 (Puybouffat-Merrien, 2010).

Références bibliographiques :
Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, « Puybouffat Roger », in http://www.amicale-chateaubriant.fr, sans date, pp. 1-2. Jamin Sophie, Le chirurgien-dentiste français pendant la Seconde Guerre mondiale, Thèse Doct. Chir. Dent., Rennes, 2011. Puybouffat-Merrien Rose, communication personnelle, Paris, 2010.
Puybouffat-Merrien Rose, « Roger Puybouffat, dentiste au camp de Choisel en 1941 », in Journal La Mée, Châteaubriant, 2008.

Voir aussi: http://www.chateaubriant.org/579-roger-puybouffat

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