Manifestations et cérémonies à l’occasion du Congrès National de l’Amicale Oranienburg – Sachsenhausen

AMICALE D’ORANIENBURG-SACHSENHAUSEN

Par l’un de ces paradoxes dont l’Histoire est coutumière, le camp d’Oranienburg – Sachsenhausen est sans doute moins connu en France que d’autres bagnes hitlériens, alors qu’il était au cœur du système concentrationnaire nazi. A trente kilomètres de Berlin, Himmler en avait fait le quartier général de l’inspection centrale SS qui dirigeait, administrait et surveillait tous les camps. Les nazis y expérimentaient les méthodes d’extermination massive avant de les appliquer dans les autres camps ; ils y entassaient le fruit des rapines de la SS dans toute l’Europe occupée ; ils se servaient odieusement des Déportés – cobayes pour des études pseudo–médicales ; ils y camouflaient les ateliers de fabrication de fausse-monnaie et de faux-papiers pour les agents secrets d’Hitler, etc.
Les quelques 9 350 Français déportés à Oranienburg – Sachsenhausen, camp dans lequel 200 000 détenus de vingt nationalités différentes ont été soumis à la barbarie nazie et dont 60 000 ne sont pas revenus, ne constituent pas le contingent de déportés le plus important de notre pays. Ceci explique peut-être la discrétion observée à leur égard.

A l’occasion du CONGRES NATIONAL DE L’AMICALE qui aura lieu à Nantes
du 21 au 23 septembre 2018

Mireille CADIOU Présidente de l’Amicale, Fille de Déporté ,
André LASSAGUE Secrétaire général, Fils de Déporté
Marie-Claude MÉLAT Organisatrice du Congrès, Fille de Déporté

Vous prient de bien vouloir honorer de votre présence les évènements suivants :

Vendredi 21 Septembre à 16 h
La Cérémonie devant le Monument Résistance-Fer de la gare SNCF

Vendredi 21 Septembre à 18 h 30
La Cérémonie devant le Monument des 50 Otages

Samedi 22 septembre à 9h30 Recueillement au champ de BELE
à 10h30 Cimetière de la CHAUVINIERE devant la Stèle des Déportés

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Un homme, Roger PUYBOUFFAT qui joua un grand…

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Roger Puybouffat (1909-1983) : un homme qui a dit « Non ! »
par Xavier Riaud
Roger Puybouffat est né le 18 février 1909. A 11 ans, Roger passe son certificat d’études. Mais, sa famille est désargentée. Il doit travailler très jeune et multiplie à ce titre les petits métiers. Un oncle lui permet de suivre un apprentissage chez un mécanicien dentiste. Il montre très vite des dispositions pour cette profession. Son oncle le persuade de suivre les cours du soir. Après avoir obtenu son brevet élémentaire et supérieur, il entame des études de chirurgie dentaire à Garancière. Danielle Casanova fait ses études en même temps que Roger. En 1933, il est officiellement diplômé, mais épuisé. En effet, pour réussir, il a travaillé pour gagner sa vie en même temps que ses études et milité au parti communiste dont il fait partie depuis l’âge de 14 ans, suivant son père qui y a adhéré dès sa création en 1920. Pendant ses deux dernières années d’études, Adèle, sa compagne, renonce aux siennes pour subvenir aux besoins du couple (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 30 octobre 1934, il effectue son service militaire, mais est réformé pour maladie. C’est en octobre 1935 qu’il est incorporé. Il quitte l’armée sous-lieutenant de réserve des services de santé (Puybouffat- Merrien, 2008).
Lorsque la guerre éclate, Roger Puybouffat est mobilisé le 25 août 1939. Il rejoint son unité le 2 septembre. Il est présent à Dunkerque et parvient à sortir ses hommes de la nasse, et à les ramener sains et saufs à Pontivy déjà sous la coupe allemande. Cet exploit, d’avoir sauvé tous ses hommes, sera un de ses plus grands motifs de fierté pour le reste de ses jours (Puybouffat-Merrien, 2008).
De retour à Pontivy, il est arrêté par les Allemands, alors qu’il n’a pas été encore démobilisé. Considéré comme un prisonnier de guerre, il doit exercer ses talents à l’hôpital civil qui a été dressé dans l’enceinte du lycée. Il n’est libéré que le 19 février 1941. Le 1er mars, Roger rejoint Châteaubriant où il a trouvé un confrère, Pierre Bernou, qui l’accueille et lui offre la possibilité d’exercer son art (Puybouffat-Merrien, 2008).
Dans le même temps, le camp de Choisel ouvre de nouveau ses portes en mai 1941. Il a une vocation : celle de recevoir en détention des internés politiques comme les communistes notamment. En effet, depuis le 26 septembre 1939, le parti communiste est interdit. Tous ses membres sont fichés au carnet B. C’est le cas de Roger Puybouffat (Puybouffat-Merrien, 2008).
A peine arrivé à Châteaubriant, le couple Puybouffat se met en contact avec les communistes locaux qui ne cachent pas leur volonté de faire évader les internés du camp de Choisel. Et Roger va les y aider (Puybouffat-Merrien, 2008)…
A la réouverture du camp, Roger est aussitôt sollicité pour venir y soigner les détenus. Ainsi, a-t-il essayé de convaincre notamment Guy Môquet de se faire enlever une dent alors qu’il souffrait terriblement, ce que le jeune homme a refusé sans l’autorisation de sa mère (Puybouffat-Merrien, 2008).
Les patients prisonniers avec des problèmes majeurs peuvent, moyennant escorte, être soignés au cabinet dentaire personnel de Puybouffat. Ce local présente deux sorties, dont une méconnue qui permet toutes sortes de rencontres furtives, d’échanges de renseignements et de consignes. Roger a de plus des cabinets également dans plusieurs villages voisins, qui facilitent aussi tous ces échanges (Puybouffat-Merrien, 2008).
Notable de la ville, il a aussi ses entrées au club de bridge où il rencontre, en quête d’informations, les représentants de l’administration du gouvernement de Vichy (Puybouffat-Merrien, 2008).
Au camp de Choisel, les évasions se multiplient. Son nouveau responsable, Touya, a décidé de renforcer les mesures de surveillance. Par exemple, le dentiste ne peut plus soigner les internés politiques. Il n’a le droit de traiter que des droits communs (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 20 octobre 1941, le lieutenant-colonel Hotz est tué à Nantes. En représailles, les Allemands veulent exécuter des otages. Ce sont les fameux 50 otages, dont Guy Môquet. Avant de mourir, ces hommes ont écrit leur dernier message d’adieu sur les planches du baraquement au camp. Roger Puybouffat les récupère, les évacue, les dissimule un temps dans son cabinet, puis un temps à son domicile, dans une pièce consacrée à ses activités de résistant où il reçoit aussi avec sa femme, les évadés en attente d’une prise en charge, et les remet à qui de droit pour qu’elles soient cachées (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 25 novembre 1941, notre dentiste participe à l’évasion de trois hommes internés dans le camp de Choisel. Touya fouille le cabinet dentaire en personne. Il n’y trouve rien (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 13 décembre, Roger Puybouffat est arrêté par Touya, le sous-lieutenant du camp en question, qui le rend responsable des évasions du 25-26 novembre. Il est interrogé, reçoit des coups, mais ne parle pas. Subissant de nombreuses brimades, Roger ne cède pas. Il n’y a pas de preuve contre lui (Puybouffat- Merrien, 2008).
Son incarcération est officialisée le 15 décembre, par le préfet de Loire-Atlantique (Puybouffat- Merrien, 2008).
Le 7 mai 1942, le dentiste passe devant le Tribunal Correctionnel de Châteaubriant. L’appartenance au carnet B de Roger Puybouffat, convaincu de militantisme communiste, est révélée au cours de la procédure. Pourtant, faute de preuve, il est acquitté, mais pas libéré. Sa femme est arrêtée deux jours avant avec son associé. Ils sont tous deux relâchés à la fin 1942.
Le 7 mai 1942, Roger est transféré à Voves en Eure-et-Loir. Il est enchaîné à deux autres co-détenus et à un gendarme. Alors que son père a tout organisé, Roger refuse de s’évader (Puybouffat-Merrien, 2008).
En juin 1943, le dentiste doit être présenté à la Cour d’Appel de Rennes pour y être rejugé. Son deuxième procès n’a pas lieu. Le 12 octobre 1943, il est transféré vers Romainville. Le 25 octobre, Roger Puybouffat, résistant communiste, est déporté vers Sarrebruck, Neuengamme, puis Mauthausen et enfin Loibl-Pass, un des commandos du camp autrichien (Puybouffat-Merrien, 2008).
Lorsqu’il arrive à Mauthausen, cela fait 22 mois que Roger est en détention, qu’il ne mange pas correctement, qu’il est ballotté de wagons à bestiaux en wagons à bestiaux. Dans ce camp, avec fermeté et ténacité, Roger résiste à la faim, au froid hivernal, au chaud estival, aux sévices de toutes sortes, au travail épuisant dans la célèbre carrière, aux appels interminables quelque soit le temps, etc (Puybouffat-Merrien, 2008).
A l’hiver 1943, Roger contracte une broncho-pneumonie aux deux poumons. Le médecin de l’infirmerie tente l’impossible pour le guérir, mais sa convalescence est de courte durée. Pour éviter les sélections, Roger doit retourner au travail harassant de la carrière. Ses camarades le cachent, lui donnent des rations supplémentaires, protègent ses affaires et n’hésitent pas à voler pour qu’il reçoive davantage de nourriture (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 6 mai 1944, notre dentiste est transféré à Loibl-Pass, kommando de Mauthausen. C’ est vraisemblablement dans le tunnel qu’il se brise le tibia gauche et se fait écrasé le pied gauche. Si le médecin lui fabrique des attelles, la durée de son séjour à l’hôpital s’en trouve raccourci, le risque de sélection étant grand (Puybouffat-Merrien, 2008).
Pendant l’hiver 1944-1945, il fait une 2ème bronchopneumonie, consécutive, semble-t-il, à deux nuits de station debout devant le baraquement des gardes, sous la pluie, après sa journée de travail, parce que Roger aurait perdu, d’après eux, une pince dentaire. En effet, démuni de tout, le dentiste français n’a pour seul recours, face au scorbut qui sévit depuis le printemps 1944, que d’enlever les dents malades de ses camarades afin de leur éviter toutes les complications liées à leur désagrégation. Après avoir donné sa contribution en cigarettes à la collectivité, le scientifique échange ce qui lui reste contre une gousse d’ail ou un petit oignon, ceci afin de se prémunir contre le scorbut (Puybouffat-Merrien, 2008).
Roger Puybouffat est présent lorsqu’une commission itinérante de dentistes s’est arrêtée au camp pour extraire les dents cariées, ou en or surtout. L’organisation clandestine du camp protège les infortunés qui sont concernés, moyennant cigarettes. Il témoigne aussi de la célèbre opération oignons qui a eu lieu un dimanche matin, à Loibl-Pass, où les Allemands ont fait manger un oignon aux détenus pour lutter contre le scorbut, après qu’ils soient restés debout très longtemps dans un froid très marqué. Cette opération coûte la vie à deux jeunes hommes.
Le 7 mai 1945, les nazis entament l’évacuation de leurs prisonniers. Roger décide de rester avec le médecin de l’infirmerie pour s’occuper des malades qui n’ont pas été évacués. Les deux hommes se barricadent et partent en excursion à la recherche de nourriture, ce qu’ils finissent par découvrir dans les cuisines. Dans les jours qui suivent, les combats font rage autour du camp. Malgré tout, le dentiste et le médecin décident de rester près des malades intransportables (Puybouffat-Merrien, 2008).
Ce n’est que le 21 mai que Roger Puybouffat rejoint la brigade Liberté stationnée à Rodovljica. Son pied gauche est toujours dans un sale état. Là, ces Français associés aux troupes yougoslaves défendent un pont et empêchent sa destruction. Le 3 juin, la brigade Liberté est à Trzic. Elle souhaite remercier ses habitants de leur accueil. Le 5 juin, elle arrive à Ljubljana. Le 6, les hommes qui la

composent prennent le train pour Trieste. Ils arrivent à Paris, le 20 juin 1945. Roger y retrouve son Adèle (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le dentiste arrive à Paris, dans un état médicalement catastrophique : un tympan a éclaté sous les coups ; il ne supporte plus aucune nourriture solide sans vomissement ; ses poumons sont perclus de nodules, conséquences de deux bronchopneumonies ; sa fracture au tibia n’est pas consolidée et est fistulisée, rendant tout espoir de guérison vain ; ses vertèbres cervicales ont été fragilisées par les coups. Cet homme, ne l’oublions pas, a pris les armes pour combattre les nazis, aussitôt libre, dans cet état (Puybouffat-Merrien, 2008).
Si le pronostic des médecins est réservé, sa femme, elle, ne s’en laisse pas compter et décide de se battre pour son mari. Elle se procure les aliments requis à son état et commence une lente, et progressive réalimentation. Petit à petit, Roger parvient à recouvrer des forces et à se nourrir de mieux en mieux. Si bien qu’un beau jour, il peut reprendre sa profession d’avant-guerre. Toutefois, les séquelles sont présentes et il le fait dans une souffrance constante (Puybouffat-Merrien, 2008).
En 1954, le couple trouve enfin un appartement susceptible d’accueillir un cabinet dentaire.
En 1963, blessé par une vertèbre cervicale, Roger est quadriplégique en position fœtale. Personne ne veut prendre le risque d’opérer. Par le truchement des associations, un neurologue dont la famille a été exterminée pendant la guerre accepte d’intervenir. Il fait le voyage à ses frais. L’opération est un succès. Après des mois de rééducation, le cabinet dentaire rouvre ses portes (Puybouffat-Merrien, 2008).
Toutefois, ses blessures, surtout celles du côté gauche, rendent son exercice difficile et de moins en moins précis. La mort dans l’âme, Roger Puybouffat doit renoncer à sa profession.
En 1980, il est amputé à gauche, à mi-cuisse, mais sa jambe droite menace de suivre le même chemin. Ses journées se résument à la lecture du journal et à la télévision, ne pouvant plus se déplacer seul. Aussi, sa femme décide-t-elle d’inviter des amis, de la famille, organise des réunions, l’entraîne au restaurant, veille à sa bonne présentation en demandant à son coiffeur et à son tailleur de venir au domicile. Les nuits sont horribles. Dans son sommeil, Roger retourne constamment à Mauthausen et à Loibl-Pass (Puybouffat-Merrien, 2008).
Sa lésion au niveau cervical n’étant qu’en rémission voit sa luette et son arrière-gorge se paralyser, rendant tout repas extrêmement douloureux. Adèle le soigne jusqu’à l’épuisement et meurt en mars 1983, renversée par une voiture (Puybouffat-Merrien, 2008).
Roger sombre dans le coma et décède à son tour, en décembre 1983. Avec le soutien de son épouse, Roger considérait que les 38 ans de vie après les camps étaient des « années volées aux nazis (Puybouffat-Merrien, 2008). »
Roger Puybouffat a reçu la Croix de guerre avec palmes et la Légion d’honneur. Le 25 novembre 1948, un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (n° 7 983) lui a été délivré pour des services rendus de mai 1941 au 19 juin 1945, date de son rapatriement. Il était membre de l’organisation de Résistance : « Front national ». Sa femme, Adèle, a reçu également un certificat similaire (Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, sans date ; Puybouffat-Merrien Rose, 2008).
Adèle et Roger Puybouffat, et leur fille Rose en 1936 (Puybouffat-Merrien, 2010).

Références bibliographiques :
Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, « Puybouffat Roger », in http://www.amicale-chateaubriant.fr, sans date, pp. 1-2. Jamin Sophie, Le chirurgien-dentiste français pendant la Seconde Guerre mondiale, Thèse Doct. Chir. Dent., Rennes, 2011. Puybouffat-Merrien Rose, communication personnelle, Paris, 2010.
Puybouffat-Merrien Rose, « Roger Puybouffat, dentiste au camp de Choisel en 1941 », in Journal La Mée, Châteaubriant, 2008.

Voir aussi: http://www.chateaubriant.org/579-roger-puybouffat

Accueil > La Résistance à Châteaubriant > Roger Puybouffat, dentiste au Camp de Choisel en 1941

A propos du contenu de l’exposition présentée par l’article de JP Le Maguet dans le Patriote Résistant de février

L’article du Patriote Résistant n° 849 de janvier 2011 « Une réévaluation complète de l’Histoire de l’Europe ? » alerte particulièrement dans sa deuxième partie sur une certaine réécriture de l’histoire, l’auteur Günter Morsch attirait l’attention sur la résolution du Parlement européen du 2 avril 2009, qui amalgame stalinisme et nazisme. Certains « spécialistes » comme Stéphane Courtois ou Franck Liaigre, ne manquent jamais une occasion de faire ce genre d’amalgame, dans leur crédo anticommuniste, en déformant au besoin la réalité.
Cette falsification de l’histoire est aussi le fil conducteur de la droite et l’extrême droite en France et en Europe. La FNDIRP et son journal Le Résistant Patriote ont dénoncé depuis longtemps ce type d’amalgame.
Günter Morsch, directeur de la Fondation des mémoriaux du Brandebourg et Président du mémorial de Sachsenhausen, se livre à une analyse sérieuse et sans complaisance du fascisme et du nazisme de 1933 à 1945, mais aussi du stalinisme, en citant notamment le film de Andrezj Wajda, Katyn, et en rappelant ce que fut le goulag.
Le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 est le prétexte invoqué pour faire cet amalgame sans analyser les raisons qui ont conduit à ce pacte, certes contre nature, le refus des puissances européennes, Angleterre et France, d’engager avec l’URSS les négociations pour renforcer, notamment après les accords de Munich de 1938, la construction d’une opposition à l’Allemagne nazie, c’est donc en ignorant volontairement les causalités historiques que l’amalgame est fait. Il ne s’agit pas pour autant d’ignorer ni de sous-estimer le stalinisme et ses crimes.
Pour autant nous refusons l’amalgame entre fascisme, hitlérisme et stalinisme. À plus forte raison nous condamnons l’amalgame fascisme, hitlérisme et communisme, entre une idéologie criminelle et une idéologie humaniste.
Or quelle n’a pas été notre stupéfaction de lire dans la plaquette « S’engager pour la Liberté de la France » diffusée par le Musée de Châteaubriant:
« Lorsque la guerre éclate en septembre 1939, l’Europe connait de vives tensions géopolitiques depuis les années 1920 avec la montée de régimes dictatoriaux en Italie (le fascisme de Mussolini), en Allemagne (le nazisme de Hitler), et en URSS (le communisme stalinien) »
Ne s’agit-il pas là d’une réécriture de l’histoire, de l’effacement de ce qu’a été la montée du fascisme dès 1920 en Italie, puis en Europe, du nazisme dont il faut le rappeler, les militants communistes ont été les premières victimes, les premiers internés dans les camps de concentration nazis ou les geôles de Mussolini ?
Comment ne pas comprendre que les familles, les enfants des Résistants communistes, cégétistes, les communistes eux-mêmes, réagissent vivement devant un tel amalgame et une falsification de l’histoire ? C o m m e n t écrire que les membres du PCF sont pourchassés par Vichy, alors que dès le 26 septembre 1939, le PCF est interdit, ses députés arrêtés le 8 octobre 1939, condamnés, internés et déportés à Maison Carrée en Algérie sur ordre de Daladier, puis la clique Pétain, Laval, Pucheu, Darnand, prendra le relais pour les livrer aux nazis, fusillés à Châteaubriant, Nantes et au mont Valérien dès 1941.
Il s’agit bien là d’une réécriture de l’histoire dans une plaquette largement diffusée et sur le site des amis du musée de Châteaubriant, dans l’exposition temporaire devant circuler. Que retiendront les publics qui visitent le Musée et qui lisent cette plaquette et particulièrement la jeunesse, les scolaires qui n’ont pas la connaissance et les éléments pour comprendre cette période de notre histoire ?
Notre Comité poursuit depuis de nombreuses années son travail pour la transmission de la mémoire, inlassablement, pour faire connaitre le combat des Résistants, qu’ils soient communistes, socialistes, gaullistes, croyants ou non croyants, immigrés comme les républicains espagnols en Loire Inférieure, dont cinq d’entre eux furent fusillés en 1943, à la suite des plus grands « procès » contre les résistants communistes, procès dits des 42 et des 16, qui conduisirent à l’exécution de 50 d’entre eux.
Si le travail des historiens est important pour écrire et transmettre la mémoire et l’histoire, la vigilance militante des témoins, de plus en plus rare, de leurs enfants, de leurs familles, des militants de la classe ouvrière ne l’est pas moins. Cette vigilance ne doit pas faiblir, ne doit pas s’effacer, elle est un garant pour que l’histoire ne soit pas réécrite, ne disparaisse sous la pression de politiques formatées en France et en Europe.

Le Comité du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et de Nantes et de la Résistance en Loire Inférieure. Nantes, Le 19 Février 2018

Le 75ème anniversaire des « procès » des 42 et des 16

: https://youtu.be/dwnivNxQWLo

Le 75e anniversaire des fusillades et déportations suite aux parodies de procès orchestrés par les nazis, qui voulaient criminaliser la Résistance des groupes FTP nantais a été marqué, du 8 au 25 février, par plusieurs cérémonies à Nantes et dans sa région.

La première des manifestations fut l’hommage rendu devant les plaques mémorielles de la maison des syndicats comportant 118 noms de syndicalistes victimes de la répression de l’occupant et du régime de Vichy.

Au terrain du Bêle à Nantes en présence des autorités civiles et militaires et de représentants de nombreuses associations de la résistance, un émouvant hommage marqué par l’appel aux morts égrenées magistralement par nos amies Claudine Merceron et Martine Ritz qui par de courts textes, chants, poèmes rappelèrent aussi que ces hommes étaient pour l’essentiel de jeunes ouvriers. La chorale Jean-Baptiste Daviais interpréta le chant des partisans et le chant des marais.

Puis l’assistance se porta à quelques centaines de mètres afin de dévoiler la plaque de l’Allée des frères Hervé tous deux fusillés, l’un à Nantes, l’autre à Rennes*. À cette occasion Madame, Meyer représentant le maire de Nantes Johanna Rolland s’adressa à l’assistance après Jean Chauvin, fils de fusillé pour le comité du souvenir.

Les cérémonies se poursuivent l’après-midi à Sainte-Luce-sur-Loire où devant la statue érigée en mémoire de René Losq, place Jean Losq , Christian Retailleau, nouveau président du comité du souvenir, puis Monsieur Alix, maire de la commune s’adressèrent

à l’assistance. Le lendemain, c’est à Divatte sur Loire que ce clôturaient avec l’allocution de Loïc Le Gac,* membre du bureau du comité, ce 75e anniversaire en hommage aux résistants des procès des 42 et des 16.

Enfin, le dernier week-end de février une ultime cérémonie se déroula au cimetière Saint-Paul de Rezé où sont inhumés 16 de ces résistants. Gilbert Boissard, fils de fusillé puis Monsieur Gérard Allard*, maire de la commune prononcèrent les allocutions.

Depuis le 60e anniversaire, les cérémonies initiées et organisées depuis par le comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la résistance en Loire inférieure se déroulent chaque année. Depuis 2003, le travail du comité a permis de retrouver et de réunir les familles y compris celles des républicains espagnols après des années parfois de recherches.

Un colloque, des conférences, des publications, un livre, un film… ont été réalisés. Des voies principalement à Nantes, ont reçu le nom de Résistants. Un monument, œuvre d’un artiste allemand décédé depuis, a été élevé en 2006, grâce à une souscription, sur le carré des républicains espagnols dans le cimetière de la Chapelle basse-mer, où ils reposent depuis 1943. Cette commune dénommée depuis l’an dernier, Divatte sur Loire.
À l’occasion du 60e anniversaire, le comité avait créé, afin d’élargir la mobilisation, un collectif rassemblant des historiens, des militants de la mémoire, l’ADIRP, l’ANACR, l’ARAC, le PCF, la CGT… Le comité départemental a depuis 15 ans beaucoup œuvré afin de pérenniser cette mémoire, pourtant aujourd’hui certains s’auto-proclament dans la presse, comme les auteurs du renouvellement de cette mémoire prétendant que celle-ci avait été oubliée pendant 50 ans !

La réalité est toute autre, jusque dans les années 70, le site du Bêle était un terrain militaire et les organisations qui rendaient hommage aux fusillés la veille des cérémonies de Châteaubriant, devaient obtenir l’autorisation des autorités militaires pour pénétrer sur les lieux, ce qui ne fut pas toujours accordé sous prétexte de discours en hommage aux fusillés n’agréant pas l’accord desdites autorités. Il semble que ceux qui prétendent réécrire l’histoire n’est pas participé à l’époque aux hommages rendus aux fusillés nantais.

Avec le 60e anniversaire en 2003, le comité reçut le soutien de la ville de Nantes et de son maire afin de pérenniser au fil des années les cérémonies en mémoire des FTP des procès des 42 et des 16. Depuis 1945 et jusqu’à la fin des années 1970, les autorités de la République ne participaient pas à cet hommage. La municipalité de droite élue de 1983 à 1989 décida même de détruire le champ de tir, une fois les terrains rétrocédés à la collectivité territoriale. C’est l’action des élus communistes et des associations qui permit de conserver ce qui constitue aujourd’hui le monument du terrain du Bêle.

Cette année, à nouveau, une nouvelle voie, l’Allée des frères Hervé, a été inaugurée dans ce quartier en plein développement. Elle succède aux rues portant le nom de couples de Résistants dont le mari fut fusillé au terrain du Bêle. Elles portent les noms de Claude et Simone Millot, Louis et Louise le Paih, Maurice et Marie Michel et Jean René Losq, à Sainte Luce.

Le monument du Bêle est aujourd’hui de plus en plus entouré de logements dans ce nouveau quartier de nouvelles voies porteront les noms de Gomez Olliero, d’Auguste et Marie Chauvin, des voies privées portent depuis cette année le nom de René Losq et Marcelle Baron.

Le comité s’attache à rendre plus solennelle et populaire chaque année ces cérémonies avec les contributions d’amis intermittents du spectacle, de chorales d’amateurs, de scolaires. Nous envisageons déjà pour les années suivantes d’inviter la population de ce quartier à y participer.

Avec la mise en valeur de ce lieu, la ville de Nantes en coordination étroite avec le comité démontre son attachement à la mémoire de la Résistance. À l’occasion des cérémonies en hommage aux fusillés de Châteaubriant et Nantes et du Mont-Valérien du 22 octobre 1941, une nouvelle plaque comportant les noms de tous les fusillés tombés en ce lieu pendant l’occupation allemande sera apposée. Résultat d’un nécessaire travail de recherche, il est mené avec le concours des services du protocole, du patrimoine et des archives municipales de la ville de Nantes. Avec nos amis du Maitron, de militants, d’historiens, dont Thomas Fontaine directeur scientifique du Musée de la Résistance Nationale.

* voir le site resistance-44.fr pour plus d’informations

Inauguration de l’Allée des Frères Hervé

Allocution de Jean Chauvin ,Le Bèle, le 10 février 2018 pour le comité

Mesdames les Députées, Madame le Maire, Messieurs les Élus,
Mesdames, messieurs,

Merci à la municipalité de poursuivre par la dénomination de rues son hommage à la Résistance populaire. En effet la quasi totalité des 80 fusillés du Bèle étaient des ouvriers ou des employés.
Oubliés pendant 50 ans, le mérite revient à J.M. Ayrault d’avoir instauré cette commémoration à laquelle nous venons d’assister,
Les frères Hervé sont une illustration de cette Résistance populaire.
Fils d’un manœuvre et d’une ouvrière à la manufacture des tabacs, actifs dans l’aide aux réfugiés espagnols fuyant le franquisme, Édouard et Raymond faisaient partie de l’Organisation Spéciale, ancêtre des FTPF dont un des plus beaux faits d’armes fut de recueillir en 1944 la capitulation de la Wehrmacht à Paris.
Édouard était l’aîné, né le 23 mars 1908 à Nantes, il était chaudronnier à la Compagnie du gaz où il créa , avec son frère Raymond, le syndicat GGT. Adhérent du PCF depuis 1934, il participa aux activités de l’O.S. dès 1941.
Vers mars 1942, recherché par le sinistre SPAC ( Service de Police Anti- Communiste) il partit à Rennes où il eut d’importantes responsabilités. Son acte d’accusation au procès des résistants rennais en décembre 1942 est éloquent :
– « Chef terroriste pour Rennes et les environs, il possédait au moins 5 pistolets et a fourni des explosifs à ses coaccusés. Il a organisé et a pris part aux attentats suivants :
– attentat contre le bureau d’embauche pour le S.T.O.
– attentat contre un lieu de rassemblement de la Wehrmacht
– vol d’explosifs dans le magasin d’une carrière,
– attentat contre les pompes des chemins de fer
– attentat contre une ligne de haute tension,
– attentat contre le bureau de « la Légion des Volontaires Français »
Arrêté le 3 août par le Sipo-SD ( service de sécurité de la SS), il fut incarcéré à Rennes et jugé par le même tribunal militaire allemand que les résistants du procès des 42 à Nantes un mois plus tard.
Ce procès de 30 accusés se solde le 22 décembre par 25 condamnations à mort. Ils sont fusillés par la Wehrmacht le 30 décembre à Saint-Jacques la Lande.
Édouard était marié et père d’un enfant, Bernard, aujourd’hui décédé.
Il a été homologué au grade de capitaine FTPF et la légion d’honneur, la croix de guerre et la médaille de la Résistance lui ont été attribuées à titre posthume.

Raymond, dit « Petite Tête » était né le 11 mars 1916 et travaillait aussi à la Compagnie du Gaz jusqu’à ce qu’il en soit renvoyé pour avoir distribué du coke à des nécessiteux. Il entra alors aux Batignolles qui était un repaire de futurs « terroristes de l’Organisation Spéciale »,
Membre du cercle Doulon, il y fit du théâtre et des courses cyclistes. C’était un gai luron pas toujours contrôlable. C’est ainsi qu’un PV lui fut dressé en 1931 pour avoir, avec un camarade, lancé des pétards dans un office religieux.
Le 19 juin 1941 , 5 prisonniers de Choisel s’évadaient. C’est Raymond qui convoya à vélo de Châteaubriant à Nantes Fernand Grenier, futur commissaire de l’air de De Gaulle à Alger.
Parmi les 5 évadés se trouvait aussi Léon Mauvais, qui ne savait pas faire de vélo et pris le train jusqu’à la gare de St.Joseph où ma mère l’attendait.
Son parcours est en effet lié à celui de mon père, Auguste Chauvin, un de ses nombreux copains.
Tous deux faisaient de la propagande et distribuaient des tracts aux Batignolles. Ils durent quitter l’usine lorsque la police vint pour les y arrêter. Ils entrèrent alors dans l’illégalité et participèrent à de nombreux attentats.
Arrêtés ensemble le 13 août 1942 par le SPAC dans une cabane de jardin, à Beauséjour, route de Vannes, où ils se cachaient avec tout un arsenal (revolvers, mitrailleuses, explosifs).Ils furent « interrogés » c’est à dire torturés au Commissariat de police de la rue Garde Dieu puis incarcérés à la prison « La Fayette ».
Raymond réussit à s’évader du bureau du juge d’instruction au Palais de Justice avec l’aide de trois camarades. Au cours de cette évasion, le juge fut tué. Suite aux coups de nerf de bœuf qu’il avait reçu, Raymond ne pouvait pas s’asseoir sur la selle de son vélo. Renée Losq l’accueillit cité Halvêque tandis que ma mère accueillait Eugène Lebris blessé au cours de l’évasion. Réfugié à Trégunc, dans le Finistère, il fut repris le 26 septembre 1942.
Son acte d’accusation au procès des 42 n’est pas moins éloquent que celui de son frère. Il comporte cinq pages :
– Destruction de la machinerie du pont roulant de 150 tonnes aux Batignolles.
– Exécution d’un indicateur de la police qui dénonçait les Résistants.
– Attentat contre l’Hôtel de la Duchesse Anne, fréquenté par des officiers allemands.
– Attentat contre le local du PPF, parti collaborationniste.
– Cambriolage de la mairie de St.Sébastien pour récupérer des cartes d’alimentation.
– Cambriolage du bureau de poste de Lanester pour récupérer de l’argent.
– Attentat contre le mess des officiers allemands.
– Assassinat du juge lors de son évasion. Il a toujours dit que c’était une « bavure ».

Condamné à mort le 28 janvier 1943 lors du « Procès des 42 » dans le groupe des neuf « assassins », Il fut fusillé ici, au terrain du Bèle avec huit de ses camarades dès le 29 janvier au matin, sans attendre le délais de grâce qui courait jusqu’au 2 février. Ils furent inhumés anonymement au cimetière de Sautron. Le 25 juillet 1945, lors d’obsèques solennelles il fut inhumé avec 30 autres résistants au cimetière de « La Chauvinière » dans le carré des « Fusillés » où il repose, à coté de son frère.

Il a écrit une dernière lettre, qui n’a pas été remise à sa famille, mais retrouvée sur un soldat allemand. Ce n’est qu’en 1950 qu’elle fut renvoyée à la Mairie de Nantes et remise à ses parents.
Je souhaite vous en donner lecture :

Dernière lettre de Raymond Hervé :
Lettre écrite le 29 janvier avant son exécution. Elle n’a pas été transmise à la famille.
Retrouvée en Allemagne, elle a été renvoyée à la mairie de Nantes qui l’a transmise à ses parents vers 1950.

Chers parents,

Lorsque vous recevrez cette lettre, je ne ferai plus partie des humains car mon exécution a lieu dans quelques heures ainsi que 6 de mes camarades, aussi je vous écris ces quelques mots pour vous dire à vous deux ainsi qu’à Yvette, Adélaïde et mon cher petit neveu et à Édouard, si vous avez le bonheur de le revoir, ainsi qu’à tous les amis et camarades à qui vous direz que je meurs en Français pour mon pays et pour mon Parti et j’espère que mon Parti saura faire réhabiliter notre nom que le presse a dû salir.
Ma dernière pensée jusqu’à ma mort sera pour vous tous que j’aime et que j’ai toujours aimés.
Toi chère maman que j’aurai tant voulu revoir avant de mourir malgré que je t’aie fait quelques fois de la peine, je t’aimais de tout mon cœur, ainsi que toi cher vieux petit papa que j’ai fait rouspéter bien des fois, je pense que vous deux arriverez à oublier et que vous aurez quand même une heureuse vieillesse.
Toi ma chère Yvette, j’espère que tu te marieras et que tu seras heureuse en ménage et que tu conserveras un bon petit souvenir de ton frère Raymond qui t’a aimé jusqu’à sa mort et si tu as des enfants, tu leur parleras de moi de temps en temps.
Toi chère Adélaïde que je tutoie dans mes derniers moments, je pense que tu seras heureuse mère et si tu as le bonheur de revoir mon frère Édouard, tu l’embrasseras bien de ma part ainsi que ton petit gars, qui, je l’espère, sera élevé pour venger son oncle.
Je vous quitte en vous serrant encore une fois sur mon cœur.
Votre fils qui vous aime et pensera à vous jusqu’au dernier moment.
Mille baisers à tous
Raymond

Vive la France et Vive le Parti communiste.

Il n’a jamais su que son frère Édouard avait été fusillé à Rennes un mois plus tôt.