Roger Puybouffat (1909-1983) : un homme qui a dit « Non ! »
par Xavier Riaud
Roger Puybouffat est né le 18 février 1909. A 11 ans, Roger passe son certificat d’études. Mais, sa famille est désargentée. Il doit travailler très jeune et multiplie à ce titre les petits métiers. Un oncle lui permet de suivre un apprentissage chez un mécanicien dentiste. Il montre très vite des dispositions pour cette profession. Son oncle le persuade de suivre les cours du soir. Après avoir obtenu son brevet élémentaire et supérieur, il entame des études de chirurgie dentaire à Garancière. Danielle Casanova fait ses études en même temps que Roger. En 1933, il est officiellement diplômé, mais épuisé. En effet, pour réussir, il a travaillé pour gagner sa vie en même temps que ses études et milité au parti communiste dont il fait partie depuis l’âge de 14 ans, suivant son père qui y a adhéré dès sa création en 1920. Pendant ses deux dernières années d’études, Adèle, sa compagne, renonce aux siennes pour subvenir aux besoins du couple (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 30 octobre 1934, il effectue son service militaire, mais est réformé pour maladie. C’est en octobre 1935 qu’il est incorporé. Il quitte l’armée sous-lieutenant de réserve des services de santé (Puybouffat- Merrien, 2008).
Lorsque la guerre éclate, Roger Puybouffat est mobilisé le 25 août 1939. Il rejoint son unité le 2 septembre. Il est présent à Dunkerque et parvient à sortir ses hommes de la nasse, et à les ramener sains et saufs à Pontivy déjà sous la coupe allemande. Cet exploit, d’avoir sauvé tous ses hommes, sera un de ses plus grands motifs de fierté pour le reste de ses jours (Puybouffat-Merrien, 2008).
De retour à Pontivy, il est arrêté par les Allemands, alors qu’il n’a pas été encore démobilisé. Considéré comme un prisonnier de guerre, il doit exercer ses talents à l’hôpital civil qui a été dressé dans l’enceinte du lycée. Il n’est libéré que le 19 février 1941. Le 1er mars, Roger rejoint Châteaubriant où il a trouvé un confrère, Pierre Bernou, qui l’accueille et lui offre la possibilité d’exercer son art (Puybouffat-Merrien, 2008).
Dans le même temps, le camp de Choisel ouvre de nouveau ses portes en mai 1941. Il a une vocation : celle de recevoir en détention des internés politiques comme les communistes notamment. En effet, depuis le 26 septembre 1939, le parti communiste est interdit. Tous ses membres sont fichés au carnet B. C’est le cas de Roger Puybouffat (Puybouffat-Merrien, 2008).
A peine arrivé à Châteaubriant, le couple Puybouffat se met en contact avec les communistes locaux qui ne cachent pas leur volonté de faire évader les internés du camp de Choisel. Et Roger va les y aider (Puybouffat-Merrien, 2008)…
A la réouverture du camp, Roger est aussitôt sollicité pour venir y soigner les détenus. Ainsi, a-t-il essayé de convaincre notamment Guy Môquet de se faire enlever une dent alors qu’il souffrait terriblement, ce que le jeune homme a refusé sans l’autorisation de sa mère (Puybouffat-Merrien, 2008).
Les patients prisonniers avec des problèmes majeurs peuvent, moyennant escorte, être soignés au cabinet dentaire personnel de Puybouffat. Ce local présente deux sorties, dont une méconnue qui permet toutes sortes de rencontres furtives, d’échanges de renseignements et de consignes. Roger a de plus des cabinets également dans plusieurs villages voisins, qui facilitent aussi tous ces échanges (Puybouffat-Merrien, 2008).
Notable de la ville, il a aussi ses entrées au club de bridge où il rencontre, en quête d’informations, les représentants de l’administration du gouvernement de Vichy (Puybouffat-Merrien, 2008).
Au camp de Choisel, les évasions se multiplient. Son nouveau responsable, Touya, a décidé de renforcer les mesures de surveillance. Par exemple, le dentiste ne peut plus soigner les internés politiques. Il n’a le droit de traiter que des droits communs (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 20 octobre 1941, le lieutenant-colonel Hotz est tué à Nantes. En représailles, les Allemands veulent exécuter des otages. Ce sont les fameux 50 otages, dont Guy Môquet. Avant de mourir, ces hommes ont écrit leur dernier message d’adieu sur les planches du baraquement au camp. Roger Puybouffat les récupère, les évacue, les dissimule un temps dans son cabinet, puis un temps à son domicile, dans une pièce consacrée à ses activités de résistant où il reçoit aussi avec sa femme, les évadés en attente d’une prise en charge, et les remet à qui de droit pour qu’elles soient cachées (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 25 novembre 1941, notre dentiste participe à l’évasion de trois hommes internés dans le camp de Choisel. Touya fouille le cabinet dentaire en personne. Il n’y trouve rien (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 13 décembre, Roger Puybouffat est arrêté par Touya, le sous-lieutenant du camp en question, qui le rend responsable des évasions du 25-26 novembre. Il est interrogé, reçoit des coups, mais ne parle pas. Subissant de nombreuses brimades, Roger ne cède pas. Il n’y a pas de preuve contre lui (Puybouffat- Merrien, 2008).
Son incarcération est officialisée le 15 décembre, par le préfet de Loire-Atlantique (Puybouffat- Merrien, 2008).
Le 7 mai 1942, le dentiste passe devant le Tribunal Correctionnel de Châteaubriant. L’appartenance au carnet B de Roger Puybouffat, convaincu de militantisme communiste, est révélée au cours de la procédure. Pourtant, faute de preuve, il est acquitté, mais pas libéré. Sa femme est arrêtée deux jours avant avec son associé. Ils sont tous deux relâchés à la fin 1942.
Le 7 mai 1942, Roger est transféré à Voves en Eure-et-Loir. Il est enchaîné à deux autres co-détenus et à un gendarme. Alors que son père a tout organisé, Roger refuse de s’évader (Puybouffat-Merrien, 2008).
En juin 1943, le dentiste doit être présenté à la Cour d’Appel de Rennes pour y être rejugé. Son deuxième procès n’a pas lieu. Le 12 octobre 1943, il est transféré vers Romainville. Le 25 octobre, Roger Puybouffat, résistant communiste, est déporté vers Sarrebruck, Neuengamme, puis Mauthausen et enfin Loibl-Pass, un des commandos du camp autrichien (Puybouffat-Merrien, 2008).
Lorsqu’il arrive à Mauthausen, cela fait 22 mois que Roger est en détention, qu’il ne mange pas correctement, qu’il est ballotté de wagons à bestiaux en wagons à bestiaux. Dans ce camp, avec fermeté et ténacité, Roger résiste à la faim, au froid hivernal, au chaud estival, aux sévices de toutes sortes, au travail épuisant dans la célèbre carrière, aux appels interminables quelque soit le temps, etc (Puybouffat-Merrien, 2008).
A l’hiver 1943, Roger contracte une broncho-pneumonie aux deux poumons. Le médecin de l’infirmerie tente l’impossible pour le guérir, mais sa convalescence est de courte durée. Pour éviter les sélections, Roger doit retourner au travail harassant de la carrière. Ses camarades le cachent, lui donnent des rations supplémentaires, protègent ses affaires et n’hésitent pas à voler pour qu’il reçoive davantage de nourriture (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le 6 mai 1944, notre dentiste est transféré à Loibl-Pass, kommando de Mauthausen. C’ est vraisemblablement dans le tunnel qu’il se brise le tibia gauche et se fait écrasé le pied gauche. Si le médecin lui fabrique des attelles, la durée de son séjour à l’hôpital s’en trouve raccourci, le risque de sélection étant grand (Puybouffat-Merrien, 2008).
Pendant l’hiver 1944-1945, il fait une 2ème bronchopneumonie, consécutive, semble-t-il, à deux nuits de station debout devant le baraquement des gardes, sous la pluie, après sa journée de travail, parce que Roger aurait perdu, d’après eux, une pince dentaire. En effet, démuni de tout, le dentiste français n’a pour seul recours, face au scorbut qui sévit depuis le printemps 1944, que d’enlever les dents malades de ses camarades afin de leur éviter toutes les complications liées à leur désagrégation. Après avoir donné sa contribution en cigarettes à la collectivité, le scientifique échange ce qui lui reste contre une gousse d’ail ou un petit oignon, ceci afin de se prémunir contre le scorbut (Puybouffat-Merrien, 2008).
Roger Puybouffat est présent lorsqu’une commission itinérante de dentistes s’est arrêtée au camp pour extraire les dents cariées, ou en or surtout. L’organisation clandestine du camp protège les infortunés qui sont concernés, moyennant cigarettes. Il témoigne aussi de la célèbre opération oignons qui a eu lieu un dimanche matin, à Loibl-Pass, où les Allemands ont fait manger un oignon aux détenus pour lutter contre le scorbut, après qu’ils soient restés debout très longtemps dans un froid très marqué. Cette opération coûte la vie à deux jeunes hommes.
Le 7 mai 1945, les nazis entament l’évacuation de leurs prisonniers. Roger décide de rester avec le médecin de l’infirmerie pour s’occuper des malades qui n’ont pas été évacués. Les deux hommes se barricadent et partent en excursion à la recherche de nourriture, ce qu’ils finissent par découvrir dans les cuisines. Dans les jours qui suivent, les combats font rage autour du camp. Malgré tout, le dentiste et le médecin décident de rester près des malades intransportables (Puybouffat-Merrien, 2008).
Ce n’est que le 21 mai que Roger Puybouffat rejoint la brigade Liberté stationnée à Rodovljica. Son pied gauche est toujours dans un sale état. Là, ces Français associés aux troupes yougoslaves défendent un pont et empêchent sa destruction. Le 3 juin, la brigade Liberté est à Trzic. Elle souhaite remercier ses habitants de leur accueil. Le 5 juin, elle arrive à Ljubljana. Le 6, les hommes qui la
composent prennent le train pour Trieste. Ils arrivent à Paris, le 20 juin 1945. Roger y retrouve son Adèle (Puybouffat-Merrien, 2008).
Le dentiste arrive à Paris, dans un état médicalement catastrophique : un tympan a éclaté sous les coups ; il ne supporte plus aucune nourriture solide sans vomissement ; ses poumons sont perclus de nodules, conséquences de deux bronchopneumonies ; sa fracture au tibia n’est pas consolidée et est fistulisée, rendant tout espoir de guérison vain ; ses vertèbres cervicales ont été fragilisées par les coups. Cet homme, ne l’oublions pas, a pris les armes pour combattre les nazis, aussitôt libre, dans cet état (Puybouffat-Merrien, 2008).
Si le pronostic des médecins est réservé, sa femme, elle, ne s’en laisse pas compter et décide de se battre pour son mari. Elle se procure les aliments requis à son état et commence une lente, et progressive réalimentation. Petit à petit, Roger parvient à recouvrer des forces et à se nourrir de mieux en mieux. Si bien qu’un beau jour, il peut reprendre sa profession d’avant-guerre. Toutefois, les séquelles sont présentes et il le fait dans une souffrance constante (Puybouffat-Merrien, 2008).
En 1954, le couple trouve enfin un appartement susceptible d’accueillir un cabinet dentaire.
En 1963, blessé par une vertèbre cervicale, Roger est quadriplégique en position fœtale. Personne ne veut prendre le risque d’opérer. Par le truchement des associations, un neurologue dont la famille a été exterminée pendant la guerre accepte d’intervenir. Il fait le voyage à ses frais. L’opération est un succès. Après des mois de rééducation, le cabinet dentaire rouvre ses portes (Puybouffat-Merrien, 2008).
Toutefois, ses blessures, surtout celles du côté gauche, rendent son exercice difficile et de moins en moins précis. La mort dans l’âme, Roger Puybouffat doit renoncer à sa profession.
En 1980, il est amputé à gauche, à mi-cuisse, mais sa jambe droite menace de suivre le même chemin. Ses journées se résument à la lecture du journal et à la télévision, ne pouvant plus se déplacer seul. Aussi, sa femme décide-t-elle d’inviter des amis, de la famille, organise des réunions, l’entraîne au restaurant, veille à sa bonne présentation en demandant à son coiffeur et à son tailleur de venir au domicile. Les nuits sont horribles. Dans son sommeil, Roger retourne constamment à Mauthausen et à Loibl-Pass (Puybouffat-Merrien, 2008).
Sa lésion au niveau cervical n’étant qu’en rémission voit sa luette et son arrière-gorge se paralyser, rendant tout repas extrêmement douloureux. Adèle le soigne jusqu’à l’épuisement et meurt en mars 1983, renversée par une voiture (Puybouffat-Merrien, 2008).
Roger sombre dans le coma et décède à son tour, en décembre 1983. Avec le soutien de son épouse, Roger considérait que les 38 ans de vie après les camps étaient des « années volées aux nazis (Puybouffat-Merrien, 2008). »
Roger Puybouffat a reçu la Croix de guerre avec palmes et la Légion d’honneur. Le 25 novembre 1948, un certificat d’appartenance à la Résistance intérieure française (n° 7 983) lui a été délivré pour des services rendus de mai 1941 au 19 juin 1945, date de son rapatriement. Il était membre de l’organisation de Résistance : « Front national ». Sa femme, Adèle, a reçu également un certificat similaire (Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, sans date ; Puybouffat-Merrien Rose, 2008).
Adèle et Roger Puybouffat, et leur fille Rose en 1936 (Puybouffat-Merrien, 2010).
Références bibliographiques :
Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé, « Puybouffat Roger », in http://www.amicale-chateaubriant.fr, sans date, pp. 1-2. Jamin Sophie, Le chirurgien-dentiste français pendant la Seconde Guerre mondiale, Thèse Doct. Chir. Dent., Rennes, 2011. Puybouffat-Merrien Rose, communication personnelle, Paris, 2010.
Puybouffat-Merrien Rose, « Roger Puybouffat, dentiste au camp de Choisel en 1941 », in Journal La Mée, Châteaubriant, 2008.
Voir aussi: http://www.chateaubriant.org/579-roger-puybouffat
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L’article du Patriote Résistant n° 849 de janvier 2011 « Une réévaluation complète de l’Histoire de l’Europe ? » alerte particulièrement dans sa deuxième partie sur une certaine réécriture de l’histoire, l’auteur Günter Morsch attirait l’attention sur la résolution du Parlement européen du 2 avril 2009, qui amalgame stalinisme et nazisme. Certains « spécialistes » comme Stéphane Courtois ou Franck Liaigre, ne manquent jamais une occasion de faire ce genre d’amalgame, dans leur crédo anticommuniste, en déformant au besoin la réalité.
Cette falsification de l’histoire est aussi le fil conducteur de la droite et l’extrême droite en France et en Europe. La FNDIRP et son journal Le Résistant Patriote ont dénoncé depuis longtemps ce type d’amalgame.
Günter Morsch, directeur de la Fondation des mémoriaux du Brandebourg et Président du mémorial de Sachsenhausen, se livre à une analyse sérieuse et sans complaisance du fascisme et du nazisme de 1933 à 1945, mais aussi du stalinisme, en citant notamment le film de Andrezj Wajda, Katyn, et en rappelant ce que fut le goulag.
Le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 est le prétexte invoqué pour faire cet amalgame sans analyser les raisons qui ont conduit à ce pacte, certes contre nature, le refus des puissances européennes, Angleterre et France, d’engager avec l’URSS les négociations pour renforcer, notamment après les accords de Munich de 1938, la construction d’une opposition à l’Allemagne nazie, c’est donc en ignorant volontairement les causalités historiques que l’amalgame est fait. Il ne s’agit pas pour autant d’ignorer ni de sous-estimer le stalinisme et ses crimes.
Pour autant nous refusons l’amalgame entre fascisme, hitlérisme et stalinisme. À plus forte raison nous condamnons l’amalgame fascisme, hitlérisme et communisme, entre une idéologie criminelle et une idéologie humaniste.
Or quelle n’a pas été notre stupéfaction de lire dans la plaquette « S’engager pour la Liberté de la France » diffusée par le Musée de Châteaubriant:
« Lorsque la guerre éclate en septembre 1939, l’Europe connait de vives tensions géopolitiques depuis les années 1920 avec la montée de régimes dictatoriaux en Italie (le fascisme de Mussolini), en Allemagne (le nazisme de Hitler), et en URSS (le communisme stalinien) »
Ne s’agit-il pas là d’une réécriture de l’histoire, de l’effacement de ce qu’a été la montée du fascisme dès 1920 en Italie, puis en Europe, du nazisme dont il faut le rappeler, les militants communistes ont été les premières victimes, les premiers internés dans les camps de concentration nazis ou les geôles de Mussolini ?
Comment ne pas comprendre que les familles, les enfants des Résistants communistes, cégétistes, les communistes eux-mêmes, réagissent vivement devant un tel amalgame et une falsification de l’histoire ? C o m m e n t écrire que les membres du PCF sont pourchassés par Vichy, alors que dès le 26 septembre 1939, le PCF est interdit, ses députés arrêtés le 8 octobre 1939, condamnés, internés et déportés à Maison Carrée en Algérie sur ordre de Daladier, puis la clique Pétain, Laval, Pucheu, Darnand, prendra le relais pour les livrer aux nazis, fusillés à Châteaubriant, Nantes et au mont Valérien dès 1941.
Il s’agit bien là d’une réécriture de l’histoire dans une plaquette largement diffusée et sur le site des amis du musée de Châteaubriant, dans l’exposition temporaire devant circuler. Que retiendront les publics qui visitent le Musée et qui lisent cette plaquette et particulièrement la jeunesse, les scolaires qui n’ont pas la connaissance et les éléments pour comprendre cette période de notre histoire ?
Notre Comité poursuit depuis de nombreuses années son travail pour la transmission de la mémoire, inlassablement, pour faire connaitre le combat des Résistants, qu’ils soient communistes, socialistes, gaullistes, croyants ou non croyants, immigrés comme les républicains espagnols en Loire Inférieure, dont cinq d’entre eux furent fusillés en 1943, à la suite des plus grands « procès » contre les résistants communistes, procès dits des 42 et des 16, qui conduisirent à l’exécution de 50 d’entre eux.
Si le travail des historiens est important pour écrire et transmettre la mémoire et l’histoire, la vigilance militante des témoins, de plus en plus rare, de leurs enfants, de leurs familles, des militants de la classe ouvrière ne l’est pas moins. Cette vigilance ne doit pas faiblir, ne doit pas s’effacer, elle est un garant pour que l’histoire ne soit pas réécrite, ne disparaisse sous la pression de politiques formatées en France et en Europe.
Le Comité du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et de Nantes et de la Résistance en Loire Inférieure. Nantes, Le 19 Février 2018
: https://youtu.be/dwnivNxQWLo
Le 75e anniversaire des fusillades et déportations suite aux parodies de procès orchestrés par les nazis, qui voulaient criminaliser la Résistance des groupes FTP nantais a été marqué, du 8 au 25 février, par plusieurs cérémonies à Nantes et dans sa région.
La première des manifestations fut l’hommage rendu devant les plaques mémorielles de la maison des syndicats comportant 118 noms de syndicalistes victimes de la répression de l’occupant et du régime de Vichy.
Au terrain du Bêle à Nantes en présence des autorités civiles et militaires et de représentants de nombreuses associations de la résistance, un émouvant hommage marqué par l’appel aux morts égrenées magistralement par nos amies Claudine Merceron et Martine Ritz qui par de courts textes, chants, poèmes rappelèrent aussi que ces hommes étaient pour l’essentiel de jeunes ouvriers. La chorale Jean-Baptiste Daviais interpréta le chant des partisans et le chant des marais.
Puis l’assistance se porta à quelques centaines de mètres afin de dévoiler la plaque de l’Allée des frères Hervé tous deux fusillés, l’un à Nantes, l’autre à Rennes*. À cette occasion Madame, Meyer représentant le maire de Nantes Johanna Rolland s’adressa à l’assistance après Jean Chauvin, fils de fusillé pour le comité du souvenir.
Les cérémonies se poursuivent l’après-midi à Sainte-Luce-sur-Loire où devant la statue érigée en mémoire de René Losq, place Jean Losq , Christian Retailleau, nouveau président du comité du souvenir, puis Monsieur Alix, maire de la commune s’adressèrent
à l’assistance. Le lendemain, c’est à Divatte sur Loire que ce clôturaient avec l’allocution de Loïc Le Gac,* membre du bureau du comité, ce 75e anniversaire en hommage aux résistants des procès des 42 et des 16.
Enfin, le dernier week-end de février une ultime cérémonie se déroula au cimetière Saint-Paul de Rezé où sont inhumés 16 de ces résistants. Gilbert Boissard, fils de fusillé puis Monsieur Gérard Allard*, maire de la commune prononcèrent les allocutions.
Depuis le 60e anniversaire, les cérémonies initiées et organisées depuis par le comité départemental du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la résistance en Loire inférieure se déroulent chaque année. Depuis 2003, le travail du comité a permis de retrouver et de réunir les familles y compris celles des républicains espagnols après des années parfois de recherches.
Un colloque, des conférences, des publications, un livre, un film… ont été réalisés. Des voies principalement à Nantes, ont reçu le nom de Résistants. Un monument, œuvre d’un artiste allemand décédé depuis, a été élevé en 2006, grâce à une souscription, sur le carré des républicains espagnols dans le cimetière de la Chapelle basse-mer, où ils reposent depuis 1943. Cette commune dénommée depuis l’an dernier, Divatte sur Loire.
À l’occasion du 60e anniversaire, le comité avait créé, afin d’élargir la mobilisation, un collectif rassemblant des historiens, des militants de la mémoire, l’ADIRP, l’ANACR, l’ARAC, le PCF, la CGT… Le comité départemental a depuis 15 ans beaucoup œuvré afin de pérenniser cette mémoire, pourtant aujourd’hui certains s’auto-proclament dans la presse, comme les auteurs du renouvellement de cette mémoire prétendant que celle-ci avait été oubliée pendant 50 ans !
La réalité est toute autre, jusque dans les années 70, le site du Bêle était un terrain militaire et les organisations qui rendaient hommage aux fusillés la veille des cérémonies de Châteaubriant, devaient obtenir l’autorisation des autorités militaires pour pénétrer sur les lieux, ce qui ne fut pas toujours accordé sous prétexte de discours en hommage aux fusillés n’agréant pas l’accord desdites autorités. Il semble que ceux qui prétendent réécrire l’histoire n’est pas participé à l’époque aux hommages rendus aux fusillés nantais.
Avec le 60e anniversaire en 2003, le comité reçut le soutien de la ville de Nantes et de son maire afin de pérenniser au fil des années les cérémonies en mémoire des FTP des procès des 42 et des 16. Depuis 1945 et jusqu’à la fin des années 1970, les autorités de la République ne participaient pas à cet hommage. La municipalité de droite élue de 1983 à 1989 décida même de détruire le champ de tir, une fois les terrains rétrocédés à la collectivité territoriale. C’est l’action des élus communistes et des associations qui permit de conserver ce qui constitue aujourd’hui le monument du terrain du Bêle.
Cette année, à nouveau, une nouvelle voie, l’Allée des frères Hervé, a été inaugurée dans ce quartier en plein développement. Elle succède aux rues portant le nom de couples de Résistants dont le mari fut fusillé au terrain du Bêle. Elles portent les noms de Claude et Simone Millot, Louis et Louise le Paih, Maurice et Marie Michel et Jean René Losq, à Sainte Luce.
Le monument du Bêle est aujourd’hui de plus en plus entouré de logements dans ce nouveau quartier de nouvelles voies porteront les noms de Gomez Olliero, d’Auguste et Marie Chauvin, des voies privées portent depuis cette année le nom de René Losq et Marcelle Baron.
Le comité s’attache à rendre plus solennelle et populaire chaque année ces cérémonies avec les contributions d’amis intermittents du spectacle, de chorales d’amateurs, de scolaires. Nous envisageons déjà pour les années suivantes d’inviter la population de ce quartier à y participer.
Avec la mise en valeur de ce lieu, la ville de Nantes en coordination étroite avec le comité démontre son attachement à la mémoire de la Résistance. À l’occasion des cérémonies en hommage aux fusillés de Châteaubriant et Nantes et du Mont-Valérien du 22 octobre 1941, une nouvelle plaque comportant les noms de tous les fusillés tombés en ce lieu pendant l’occupation allemande sera apposée. Résultat d’un nécessaire travail de recherche, il est mené avec le concours des services du protocole, du patrimoine et des archives municipales de la ville de Nantes. Avec nos amis du Maitron, de militants, d’historiens, dont Thomas Fontaine directeur scientifique du Musée de la Résistance Nationale.
* voir le site resistance-44.fr pour plus d’informations
Inauguration de l’Allée des Frères Hervé
Allocution de Jean Chauvin ,Le Bèle, le 10 février 2018 pour le comité
Mesdames les Députées, Madame le Maire, Messieurs les Élus,
Mesdames, messieurs,
Merci à la municipalité de poursuivre par la dénomination de rues son hommage à la Résistance populaire. En effet la quasi totalité des 80 fusillés du Bèle étaient des ouvriers ou des employés.
Oubliés pendant 50 ans, le mérite revient à J.M. Ayrault d’avoir instauré cette commémoration à laquelle nous venons d’assister,
Les frères Hervé sont une illustration de cette Résistance populaire.
Fils d’un manœuvre et d’une ouvrière à la manufacture des tabacs, actifs dans l’aide aux réfugiés espagnols fuyant le franquisme, Édouard et Raymond faisaient partie de l’Organisation Spéciale, ancêtre des FTPF dont un des plus beaux faits d’armes fut de recueillir en 1944 la capitulation de la Wehrmacht à Paris.
Édouard était l’aîné, né le 23 mars 1908 à Nantes, il était chaudronnier à la Compagnie du gaz où il créa , avec son frère Raymond, le syndicat GGT. Adhérent du PCF depuis 1934, il participa aux activités de l’O.S. dès 1941.
Vers mars 1942, recherché par le sinistre SPAC ( Service de Police Anti- Communiste) il partit à Rennes où il eut d’importantes responsabilités. Son acte d’accusation au procès des résistants rennais en décembre 1942 est éloquent :
– « Chef terroriste pour Rennes et les environs, il possédait au moins 5 pistolets et a fourni des explosifs à ses coaccusés. Il a organisé et a pris part aux attentats suivants :
– attentat contre le bureau d’embauche pour le S.T.O.
– attentat contre un lieu de rassemblement de la Wehrmacht
– vol d’explosifs dans le magasin d’une carrière,
– attentat contre les pompes des chemins de fer
– attentat contre une ligne de haute tension,
– attentat contre le bureau de « la Légion des Volontaires Français »
Arrêté le 3 août par le Sipo-SD ( service de sécurité de la SS), il fut incarcéré à Rennes et jugé par le même tribunal militaire allemand que les résistants du procès des 42 à Nantes un mois plus tard.
Ce procès de 30 accusés se solde le 22 décembre par 25 condamnations à mort. Ils sont fusillés par la Wehrmacht le 30 décembre à Saint-Jacques la Lande.
Édouard était marié et père d’un enfant, Bernard, aujourd’hui décédé.
Il a été homologué au grade de capitaine FTPF et la légion d’honneur, la croix de guerre et la médaille de la Résistance lui ont été attribuées à titre posthume.
Raymond, dit « Petite Tête » était né le 11 mars 1916 et travaillait aussi à la Compagnie du Gaz jusqu’à ce qu’il en soit renvoyé pour avoir distribué du coke à des nécessiteux. Il entra alors aux Batignolles qui était un repaire de futurs « terroristes de l’Organisation Spéciale »,
Membre du cercle Doulon, il y fit du théâtre et des courses cyclistes. C’était un gai luron pas toujours contrôlable. C’est ainsi qu’un PV lui fut dressé en 1931 pour avoir, avec un camarade, lancé des pétards dans un office religieux.
Le 19 juin 1941 , 5 prisonniers de Choisel s’évadaient. C’est Raymond qui convoya à vélo de Châteaubriant à Nantes Fernand Grenier, futur commissaire de l’air de De Gaulle à Alger.
Parmi les 5 évadés se trouvait aussi Léon Mauvais, qui ne savait pas faire de vélo et pris le train jusqu’à la gare de St.Joseph où ma mère l’attendait.
Son parcours est en effet lié à celui de mon père, Auguste Chauvin, un de ses nombreux copains.
Tous deux faisaient de la propagande et distribuaient des tracts aux Batignolles. Ils durent quitter l’usine lorsque la police vint pour les y arrêter. Ils entrèrent alors dans l’illégalité et participèrent à de nombreux attentats.
Arrêtés ensemble le 13 août 1942 par le SPAC dans une cabane de jardin, à Beauséjour, route de Vannes, où ils se cachaient avec tout un arsenal (revolvers, mitrailleuses, explosifs).Ils furent « interrogés » c’est à dire torturés au Commissariat de police de la rue Garde Dieu puis incarcérés à la prison « La Fayette ».
Raymond réussit à s’évader du bureau du juge d’instruction au Palais de Justice avec l’aide de trois camarades. Au cours de cette évasion, le juge fut tué. Suite aux coups de nerf de bœuf qu’il avait reçu, Raymond ne pouvait pas s’asseoir sur la selle de son vélo. Renée Losq l’accueillit cité Halvêque tandis que ma mère accueillait Eugène Lebris blessé au cours de l’évasion. Réfugié à Trégunc, dans le Finistère, il fut repris le 26 septembre 1942.
Son acte d’accusation au procès des 42 n’est pas moins éloquent que celui de son frère. Il comporte cinq pages :
– Destruction de la machinerie du pont roulant de 150 tonnes aux Batignolles.
– Exécution d’un indicateur de la police qui dénonçait les Résistants.
– Attentat contre l’Hôtel de la Duchesse Anne, fréquenté par des officiers allemands.
– Attentat contre le local du PPF, parti collaborationniste.
– Cambriolage de la mairie de St.Sébastien pour récupérer des cartes d’alimentation.
– Cambriolage du bureau de poste de Lanester pour récupérer de l’argent.
– Attentat contre le mess des officiers allemands.
– Assassinat du juge lors de son évasion. Il a toujours dit que c’était une « bavure ».
Condamné à mort le 28 janvier 1943 lors du « Procès des 42 » dans le groupe des neuf « assassins », Il fut fusillé ici, au terrain du Bèle avec huit de ses camarades dès le 29 janvier au matin, sans attendre le délais de grâce qui courait jusqu’au 2 février. Ils furent inhumés anonymement au cimetière de Sautron. Le 25 juillet 1945, lors d’obsèques solennelles il fut inhumé avec 30 autres résistants au cimetière de « La Chauvinière » dans le carré des « Fusillés » où il repose, à coté de son frère.
Il a écrit une dernière lettre, qui n’a pas été remise à sa famille, mais retrouvée sur un soldat allemand. Ce n’est qu’en 1950 qu’elle fut renvoyée à la Mairie de Nantes et remise à ses parents.
Je souhaite vous en donner lecture :
Dernière lettre de Raymond Hervé :
Lettre écrite le 29 janvier avant son exécution. Elle n’a pas été transmise à la famille.
Retrouvée en Allemagne, elle a été renvoyée à la mairie de Nantes qui l’a transmise à ses parents vers 1950.
Chers parents,
Lorsque vous recevrez cette lettre, je ne ferai plus partie des humains car mon exécution a lieu dans quelques heures ainsi que 6 de mes camarades, aussi je vous écris ces quelques mots pour vous dire à vous deux ainsi qu’à Yvette, Adélaïde et mon cher petit neveu et à Édouard, si vous avez le bonheur de le revoir, ainsi qu’à tous les amis et camarades à qui vous direz que je meurs en Français pour mon pays et pour mon Parti et j’espère que mon Parti saura faire réhabiliter notre nom que le presse a dû salir.
Ma dernière pensée jusqu’à ma mort sera pour vous tous que j’aime et que j’ai toujours aimés.
Toi chère maman que j’aurai tant voulu revoir avant de mourir malgré que je t’aie fait quelques fois de la peine, je t’aimais de tout mon cœur, ainsi que toi cher vieux petit papa que j’ai fait rouspéter bien des fois, je pense que vous deux arriverez à oublier et que vous aurez quand même une heureuse vieillesse.
Toi ma chère Yvette, j’espère que tu te marieras et que tu seras heureuse en ménage et que tu conserveras un bon petit souvenir de ton frère Raymond qui t’a aimé jusqu’à sa mort et si tu as des enfants, tu leur parleras de moi de temps en temps.
Toi chère Adélaïde que je tutoie dans mes derniers moments, je pense que tu seras heureuse mère et si tu as le bonheur de revoir mon frère Édouard, tu l’embrasseras bien de ma part ainsi que ton petit gars, qui, je l’espère, sera élevé pour venger son oncle.
Je vous quitte en vous serrant encore une fois sur mon cœur.
Votre fils qui vous aime et pensera à vous jusqu’au dernier moment.
Mille baisers à tous
Raymond
Vive la France et Vive le Parti communiste.
Il n’a jamais su que son frère Édouard avait été fusillé à Rennes un mois plus tôt.
Christian Retailleau a été élu Président à l’issue de cette assemblée, c’est un changement qui s’inscrit dans la continuité.
L’Amicale de Châteaubriant, Voves, Rouillé, Aincourt était représentée par Carine PICARD-NILES, Présidente et Jeanine MAREST, Vice Présidente.
Un hommage a été rendu aux disparus, dont Henri DUGUY et Giselle GIRAUDEAU.
Le rapport d’ouverture a été présenté par Christian RETAILLEAU sur l’activité et les objectifs du Comité, après une brève analyse de la situation économique et sociale en France et les menaces sur la paix dans le monde. La politique économique et sociale est marquée par la poursuite et l’intensification de la casse des conquêtes sociales issues du programme du CNR: la sécurité sociale, les retraites, le statut de la fonction publique, les privatisations, avec une politique d’austérité et migratoire qui favorise la montée de l’idéologie de l’extrême droite. Sur le plan international, les extrémismes politiques et religieux constituent de graves menaces sur la paix et en Europe c’est la progression de l’extrême droite dans nombre de pays comme en Pologne, Hongrie, Ukraine, Slovaquie… Le travail de mémoire du Comité est important pour rappeler les dangers de cette situation, il doit renforcer son action et faire apparaitre le rôle irremplaçable de la classe ouvrière dans la Résistance et l’apport de celle-ci dans les luttes d’aujourd’hui pour reconquérir les droits des salariés. Le Comité poursuit son action année après année pour le succès des cérémonies d’octobre. La Veillée du souvenir à Nantes, les cérémonies à Indre et à Châteaubriant… montrent combien la mémoire est vivace.
Le concours des élèves et des enseignants du Lycée CARCOUET à la réalisation du film « Ils étaient 48 » a été très apprécié tout comme la restauration de la Carrière de Châteaubriant. Le travail des Comités locaux est important, ils participent aux résultats.
Au cours du mois de février, les commémorations des procès de 1943, des 42 et des 16 auront lieu le 8 à la Maison des syndicats, le 10 au Bèle, le 11 au cimetière de la Divatte, en hommage aux cinq républicains espagnols, seront des moments d’hommages que le comité a initiés et poursuit depuis 15 ans.
Au cours de la cérémonie au Bèle sera inaugurée l’Allée des frères Raymond et Edouard HERVE, et les prochaines années seront inaugurées les rues ; Gomez Olliero puis celle des époux CHAUVIN et nous l’espérons de nouvelles voies portant les noms de jeunes Résistants.
Des cérémonies le 25 février à Rezé également puis le dimanche 29 avril pour la journée de la déportation et le dimanche 27 mai, journée nationale de la Résistance… L’activité du Comité peut être renforcée par la création de groupes de travail notamment sur la mémoire ouvrière, le rôle et la place de son engagement dans la Résistance. Le Comité doit également veiller à renforcer ses liens avec les organisations fondatrices pour la transmission de la mémoire ouvrière dans la Résistance. L’adhésion au Comité doit être perçue comme un lien entre les combats dans la Résistance, les conquêtes sociales du CNR et les luttes de reconquêtes d’aujourd’hui.
Le débat a souligné la nécessité de renforcer la transmission de la mémoire, mission essentielle du Comité, d’autant plus d’actualité en cette période de casse des conquêtes sociales et de volonté d’effacement du rôle de la classe ouvrière dans la Résistance et ses combats pour chasser l’occupant nazi, ses complices de Vichy et donner à la France une constitution laïque, démocratique et sociale. Cette mission est indispensable pour rétablir la vérité historique face aux véhémentes volontés d’une réécriture de l’histoire avec des amalgames mensongers dont le but est à la fois d’effacer les responsabilités des démocraties bourgeoises d’Europe qui n’ont rien entrepris pour s’opposer à la montée du fascisme et du nazisme et ont collaboré y compris en livrant du matériel de guerre, comme en France. Le travail en direction de la jeunesse et des scolaires est toujours encourageant. Les actions menées sont positives et la jeunesse demande à connaitre cette histoire de la Résistance, qu’elle ne trouve pas dans les manuels scolaires. Les contacts avec les municipalités sont bons à l’occasion des différentes commémorations, nous devons veiller à leur pérennisation et à renforcer ces liens. Les Comités locaux jouent dans ce domaine un rôle important, comme à Indre et Châteaubriant.
Il apparait nécessaire de constituer des groupes de travail du Comité pour enrichir l’histoire et le travail de mémoire….
La bande dessinée sur les « les 50 otages » sortira avec un an de retard sur nos prévisions en raison de la défaillance du dessinateur qui n’a pas rempli son contrat, le Comité à pris des dispositions avec un autre dessinateur pour que fin 2018 nous disposions de cette BD.
Le nombre de commandes de la BD est très insuffisant et l’avance financière pour sa réalisation peut poser des soucis. Il est indispensable de relancer avec ce nouveau départ la souscription.
Le trésorier a donné lecture du bilan financier qui fait apparaitre une baisse des subventions et des retards dans le versement de celles-ci, comme notamment de la part du Conseil Départemental.
La situation financière est saine du fait de notre anticipation et de la remise à plus tard d’actions prévues, ce qui est regrettable, mais indispensable à une gestion saine de nos finances.
La commission de contrôle des finances a donné quitus au trésorier après l’examen des comptes et l’Assemblée Générale a voté le bilan financier à l’unanimité.
L’Assemblée Générale a procédé à l’élection du Conseil d’Administration de 32 membres, il a été élu à l’unanimité, comme le nouveau Président : Christian RETAILLEAU élu aussi à l’unanimité. Le C. Ad s’est réuni et à élu un bureau de 16 membres et un secrétariat de 6 membres dont deux Vice-Présidents : Serge ADRY secrétaire du Comité Local de Châteaubriant et Bruno GOURDON du Comité Local d’Indre.
Carine PICARD-NILES a souligné que les enseignants sont demandeurs de contacts avec nos organisations et a souhaité un travail partenarial avec l’ensemble des structures : Amicale, Comité, Musée pour plus d’efficacité dans nos actions.
Jeanine MAREST a tenu à remercier chaleureusement Joel BUSSON pour ces 25 années de Président du Comité et de Vice-Président de l’Amicale en soulignant que Joël a toujours défendu ses convictions avec passion, qu’il a été en permanence un ardent défenseur de la mémoire, de la transmission de la mémoire ouvrière dans la Résistance et son attachement à combattre toutes tentatives de réécriture de cette histoire, qu’il a beaucoup apporté à l’Amicale et au Comité.
Les applaudissements de l’Assemblée Générale ont confirmé les propos de Jeanine MAREST.
Christian RETAILLEAU à lui aussi remercié Joël pour son activité au Comité, qu’il l’a fait grandir et respecter et la transmission de la responsabilité de Président a été réaliser dans les meilleures conditions. Il a ensuite fait part de sa volonté de poursuivre l’action passée avec la participation des élu-e-s au C. Ad et au bureau, de renforcer le Comité en direction des individuels et des organisations fondatrices, en soulignant que la présence des militants dans les différentes commémorations était importante.
L’Assemblée Générale s’est terminée à 13 h. avec le verre de l’amitié.
De la maison des syndicats, au terrain du Bêle, lors de l’inauguration de l’Allée des frères Hervé, à Saint Luce puis sur le carré des républicains espagnols à Divatte sur Loire des centaines de participants se sont mobilisés pour entretenir la mémoire des Résistants.
L’allocution de Loïc Legac devant le carré des républicains espagnols à Divatte sur Loire
Madame le Maire,
Je vous remercie de nous accueillir de nouveau à La Chapelle Basse-Mer,
Mesdames et Messieurs les élu-e-s, les représentants des associations patriotiques, des associations locales, des organisations syndicales et politiques,
Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames, Messieurs,
Cher-e-s ami-e-s,
Je vous remercie, au nom du Comité départemental du Souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-inférieure, de votre présence à cette cérémonie.
Ce matin, en pensée avec leurs familles qui n’ont pu se déplacer, nous rendons hommage à Benedicto Blanco Dobarro, 25 ans, Basilio Blasco Martin, 22 ans, Alfredo Gomez Ollero, 37 ans, Ernesto Prieto Hidalgo, 24 ans Miguel Sanchez Tolosa, 22 ans, ces Républicains espagnols qui s’engagèrent dans la Résistance à l’occupation allemande sur le sol de France.
Rien ne prédestinait ces hommes à se retrouver devant un peloton d’exécution le 13 février 1943. Ils ont vécu la Retirada, chassés de leur pays au lendemain du renversement de la République espagnole pour mettre fin à l’expérience du Front populaire par le coup d’Etat fasciste fomenté par Franco et un quarteron de généraux félons. Ce coup d’Etat ne fut victorieux que grâce à l’intervention des quelques 75 000 hommes envoyés par Mussolini et Hitler et aux pilotes de la légion Condor qui en 1937 ont pilonné la ville de Guernica que Picasso immortalisera. La France et la Grande Bretagne au nom de la « non-intervention », refusèrent de venir en aide au gouvernement républicain, démo-cratiquement élu.
Heureusement, des Français – 8500 – et parmi eux 29 de notre département sauvèrent l’honneur de la France en s’engageant dans les Brigades internationales. 3 000 dont 6 de Loire-Inférieure reposent en terre d’Espagne. René Carrel, brigadiste qui s’était engagé dès août 1936 est du nombre des fusillés du 22 octobre 1941.
Et puis, le temps des solidarités est venu: meetings pour le soutien aux républicains espagnols, collectes matérielles, convois de vivres conduits par des syndicalistes de la CGT et de la CGTU: Gaston Jacquet et Gabriel Goudy en 1937, Gilles Gravoille et Pierre Gaudin en 1938 qui avaient l’Espagne au coeur et qui plus tard seront tous des résistants.
Ces exilés qui avaient entendu le mot d’ordre de La Pasionaria » Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux » se sont engagés dans la Résistance avec le sentiment de poursuivre le même combat que sur les fronts de l’Ebre, de Teruel ou de Madrid. En effet, la chute de la République espagnole a été le prélude de la Seconde guerre mondiale. La guerre d’Espagne a été une répétition générale, un banc d’essai, un laboratoire d’expérimentation militaire pour les puissances fascistes qui les ont utilisées ensuite contre les Alliés et plus tard sur les fronts de l’Est.
Chers amis,
Dans leur exil Benedicto, Basilio, Alfredo, Ernesto et Miguel se sont retrouvés au-delà des Pyrénées, parqués dans des camps indignes de notre République à Argelès ou Bacarès, enrôlés dans les Compagnies de Travailleurs Etrangers qui ont construit le Mur de l’Atlantique dans le cadre de l’opération Todt ou comme Alfredo embauché à la construction de la gare de triage du Grand Blottereau à Nantes. L’essentiel de leur activité à Blain ou à Doulon a consisté à diffuser des tracts ou journaux clandestins du PCE en catalan ou en espagnol. Puis Alfredo Gomez Ollero a constitué des Groupo especiale avec l’objectif de commettre des sabotages, en lien avec la Résistance française et dans lesquels il a recruté jusqu’à 80 membres. Arrêtés en septembre 1942, ils ont été torturés dans les locaux du commissariat de police, rue Garde Dieu pendant deux semaines puis incarcérés à la prison Lafayette début octobre. Ils ont été condamnés à mort pour distribution de tracts et transport d’arme, exécutés et inhumés dans ce cimetière avec 12 de leurs camarades français lesquels ont ensuite rejoints le carré des fusillés de la Chauvinière à Nantes, à la demande de leurs familles. Les familles espagnoles ignorant leur passé de résistants et jusqu’au lieu de leur sépulture, ils demeurent ici.
Au nom de notre Comité, je veux remercier Madame Giraudet ainsi que les membres de l’UNC qui ont pris soin de leurs tombes pendant toutes ces années. Nos remerciements s’adressent également à Monsieur Roger Jamin, maire de la commune et Monsieur Jean-Paul Leroux, son adjoint à l’époque des premières rencontres avec notre Comité. Notre gratitude va également à Madame Annie Buraud et Messieurs Carlos Fernandez et Gérard Roulic: grâce à leurs recherches les familles de nos cinq amis ont pu être retrouvées.
Nous nous souvenons avec beaucoup d’émotion de leur venue en février 2006 autour de ce carré du cimetière où est érigé le superbe monument dû à l’artiste d’origine allemande Ekkehart Rautenstrauch.
Le travail d’histoire et le travail de mémoire réalisés de ce côté-ci des Pyrénées a trouvé un écho de l’autre côté: si la génération précédente, étouffée par la chape de plomb du franquisme, a sans doute souhaité l’oubli, aujourd’hui les petits enfants veulent savoir et comprendre et ils ont pris des initiatives pour cela.
L’engagement dans la Résistance des Républicains espagnols constitua un apport important à celle-ci car ils ont pu faire bénéficier leurs camarades FTPF de leur expérience dans le combat pour sauver la République en Espagne et des compétences militaires qu’ils y ont acquises. Alfredo Gomez Ollero avait le grade de capitaine dans l’Armée républicaine. Le grade de capitaine FFI lui a ensuite été conféré.
Notre Comité du Souvenir poursuit inlassablement son travail de mémoire en hommage aux martyrs des « procès » des 42 et des 16. Nous le faisons sur le lieu où ils ont été fusillés, au Terrain du Bêle à Nantes et depuis 2003 nous nous rassemblons également ici, dans ce cimetière de La Chapelle Basse-Mer autour des tombes de cinq d’entre eux, dans les pas des quelques 200 à 300 personnes qui avaient participé le 17 février 1946 à une première cérémonie.
C’est vrai, ces « procès » des 42 et des 16 ont longtemps été occultés par les fusillades de Châteaubriant et Nantes.
Pour autant les deux événements sont liés. Avec les 50 otages, les nazis voulaient terroriser la population, briser toute résistance. ET c’est l’inverse qui s’est produit. Ils voulaient marquer les esprits. Et effectivement le mythe de l’allemand correct en a pris un coup. Et le mythe du vainqueur de Verdun aussi. L’action des 3 jeunes FTP Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco a incontestablement eu un effet déclencheur. Elle a donné l’image d’une résistance debout!
De sorte que l’année 1942 a été marquée par une recrudescence des actes de sabotage, dont fait état l’acte d’accusation du « procès ». Les auteurs en sont des résistants aguerris, membre de l’OS – l’Organisation spéciale créée par le PCF, puis des FTP (Francs Tireurs et Partisans). Beaucoup étaient des jeunes et la plupart étaient des ouvriers. Parmi eux se trouvaient ce groupe de 5 espagnols de Doulon et de Blain autour desquels nous sommes rassemblés.
Nous sommes fiers d’avoir entrepris un travail de mémoire spécifique sur ces procès et leurs victimes. Mais le travail de mémoire doit s’appuyer sur un véritable travail d’histoire.
Avec notre « collectif du procès des 42 « , nous avons mis en lumière cet événement sous-estimé. Or, savez-vous qu’il s’agit du procès le plus important en zone occupée, par le nombre d’inculpés, le nombre de condamnations à mort et par la tenue même de ce simulacre de procès à grand spectacle, au lendemain duquel le journal collaborationniste Le Phare titrait en Une « La civilisation occidentale épure ».
Les travaux de l’historien Guy Haudebourg , ceux de Carlos Fernandez et le documentaire produit par notre Comité du souvenir avec le concours des étudiants du Lycée Léonard de Vinci de Montaigu et réalisé par Marc Grangiens sont des outils précieux pour les jeunes générations.
Ainsi est perpétuée la mémoire de ces hommes qui ont trouvé la force de se battre pour la France après avoir affronté l’horreur de leur propre guerre en Espagne.
Nous ne sommes pas partisans d’amalgamer les mémoires, notamment parce que les jeunes générations ont besoin de repères et, hélas, l’enseignement de l’histoire régresse. C’est pourquoi nous avons voulu mettre en lumière leur apport spécifique à la lutte. D’autant que les étrangers – « Etrangers et nos frères pourtant »- de toutes nationalités et les immigrés ont occupé une place décisive dans la Résistance. Le bouleversant poème d’Aragon inspiré par l’Affiche rouge a immortalisé leur combat. Beaucoup fuyaient le fascisme. Ils se sont battus pour le pays qui les avait accueillis. Ce fut aussi le cas de nombreux combattants africains et maghrébins issus des colonies, simples sujets de l’Empire français. Qui sait que la première compagnie entrée dans Paris, le 24 août 1944, veille de l’entrée de la 2ème DB est la 9ème compagnie du régiment de marche du Tchad, la Nueve composée notamment de nombreux républicains espagnols ?
Ce que révèle ces deux « procès » des 42 et des 16, c’est aussi l’étroitesse de la collaboration entre les autorités françaises, Préfet, maire, SPAC – le redoutable service de police anti-communiste et l’occupant. En leur qualité d’étrangers les espagnols ont été particulièrement traqués par la police française. Sur les quelques 300 arrestations de résistants opérées dans le département de juin à décembre 1942, 88 concernent des espagnols dont ceux que nous honorons ce matin.
Dès le 17 juillet 1940 le Préfet, qui ne perd pas une minute, transmet à ses services l’ordre allemand « de surveiller particulièrement les communistes et les extrémistes espagnols ». Le maire nommé par Vichy, Gaëtan Rondeau se vante « d’avoir organisé l’épuration de la ville, et s’inquiète de la présence de dynamiteros ». Des pages et des pages de rapports de police sont remises à l’occupant qui n’a plus d’un claquement de bottes qu’à se faire livrer les accusés, les condamner à mort et les exécuter.
Chers amis,
Alors que les rescapés des camps proclamaient « Plus jamais ça », c’est leur serment à la libération des camps! Nous constatons hélas que la période que nous vivons est lourde de dangers. « Le ventre est toujours fécond d’où est sortie la bête immonde », disait Brecht. La crise engendre des replis. La résurgence des pestes brunes, le racisme et l’antisémitisme gangrènent nos sociétés. Certains dans ce climat délétère ne trouvent rien de mieux que d’imaginer rééditer les pamphlets antisémites de Céline et de célébrer officiellement Maurras condamné à l’indignité nationale. Ailleurs leurs héritiers siègent au parlement ou au gouvernement.
Les sphères du pouvoir et de l’argent ont fusionné. On voit grandir le spectre des injustices dans ce monde où les dix premiers de cordée possèdent autant de richesses que la moitié de ses habitants, soit 3,5 milliards d’humains.
La prolifération de l’arsenal nucléaire menace d’une Troisième guerre mondiale, les conflits qui se multiplient, la misère et maintenant les dérèglements climatiques engendrent des exils et les réfugiés ne sont pas mieux accueillis aujourd’hui à Calais qu’hier à Argelès.
Chers amis,
Ne l’oublions jamais: les résistants ne combattaient pas seulement le nazisme, ils préparaient aussi la société future, celle des « Jours heureux ». Et à la Libération l’application de mesures tirées du programme du Conseil National de la Résistance a donné naissance au modèle social français. Cette avancée nous la devons aux femmes et aux hommes de courage qui au péril de leur vie, dans la période la plus sombre de notre histoire, ont combattu l’ignoble et rendu possible cette révolution sociale. A l’heure où les conquis de la Libération sont un à un méthodiquement remis en cause, selon les injonctions de M. Denis Kessler, dirigeant du MEDEF, il est important de se souvenir de ce que disait Lucie Aubrac: « Le verbe Résister doit toujours se conjuguer au présent ». Il est plus que jamais nécessaire de se lever pour affronter les nouveaux défis, traduire en actes l’idéal d’émancipation qui animait les résistants. Nous le devons à ceux qui ont versé leur sang pour la liberté, nous le devons à nos enfants et petits enfants. Et nous devons en particulier leur passer le témoin comme l’ont fait les vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre, dans la diversité de leurs sensibilités, Lucie et Raymond Aubrac, Daniel Cordier, Stéphane Hessel, Georges Séguy, Philippe Dechartre et d’autres le 8 mars 2004, dans leur appel adressé aux jeunes générations à faire vivre et transmettre l’héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale, politique et culturelle.
Je vous remercie de votre attention.
Le Site de la ville de Nantes reprend des documents à l’occasion du 75 °anniversaire
du « procès des 42 »
voir https://www.nantes.fr/home/actualites/ville-de-nantes/culture/2018/long-format-il-y-a-75-ans-le-pro.html#content
Radio France Bleu Loire Océan à consacré un reportage Nous remercions Monsieur Dénéchère pour son aimable autorisation de publier ce reportage
voir
https://www.francebleu.fr/infos/societe/il-y-a-75-ans-s-ouvrait-le-proces-des-42-au-palais-de-justice-de-nantes-1516006527 https://www.francebleu.fr/infos/societe/il-y-a-75-ans-s-ouvrait-le-proces-des-42-au-palais-de-justice-de-nantes-1516006527>