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Quand l’utopie des résistants devint réalité, le film les Jours heureux, de Gilles Perret, retrace la véritable histoire de la création du modèle social français.

Quand l’utopie des résistants devint réalité
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HISTOIRE
GUILLAUME CHÉREL

… le film les Jours heureux, de Gilles Perret, retrace la véritable histoire de la création du modèle social français.

« Si les conditions de travail ne sont pas modifiées, il faudra des siècles pour humaniser ce monde rendu animal par les forces impérialistes. » FRANTZ FANON.

… un film au titre prometteur : les Jours heureux. On pourra voir (1), ce documentaire d’une rare intelligence, car fidèle aux acteurs d’une histoire qui n’avait jamais été racontée… Rappel des faits : en pleine occupation nazie, le Conseil national de la Résistance (CNR), créé le 27 mai 1943, adopte, le 15 mars 1944 (dans la clandestinité, donc) un programme « révolutionnaire ». Il fut décidé un plan d’action immédiat (armé), afin de libérer la France du joug nazi, puis un programme politique qui suivrait la libération du pays (Sécurité sociale, liberté de la presse, etc.) Le film relate comment la réalisation de ce projet relevait quasiment du miracle (outre le ralliement du PCF et de la CGT à de Gaulle, les divergences étaient nombreuses entre les différentes composantes politiques et syndicales) ; sans oublier le danger quotidien de l’époque. Mais il y avait urgence. Il fallait résister.

Cinquante ans après la création de ce modèle social, novateur et unique au monde, les tenants de l’ultralibéralisme remettent en cause, point par point, ces acquis sociaux. Un patron du Medef est allé jusqu’à le claironner dans les médias, ce qui provoque l’ironie du regretté Raymond Aubrac : « C’est trop beau pour être vrai, ce Denis Kessler doit être un infiltré… »

Lors du débat, animé par Charles Silvestre, Gilles Perret, le réalisateur, a regretté qu’aucune chaîne de télévision du service public (excepté France 3 Rhône-Alpes) n’ait voulu produire ce film. L’historien Laurent Douzou a clairement expliqué les tenants et les aboutissants du programme du CNR. Mais aussi pourquoi il ne comprenait pas le vote des femmes ni de « vraie » décolonisation. Et Léon Landini, acteur de la Résistance à Lyon (FTPMOI), a rendu hommage à ses camarades, tués sous la torture, sans parler : « Ils se sont sublimés parce qu’ils pensaient à ceux qui viendraient après… » Tout est dans cette phrase. Comme la question qu’il pose à Stéphane Hessel, disparu lui aussi pendant la réalisation du film : « Peut-on rester libre et indépendant dans une Europe et un monde globalisés par la spéculation financière ? » Ce n’est pas le président François Hollande qui répondra, si l’on en croit sa réplique surréaliste en conclusion du film.

(1)Dés la semaine prochaine Au Concorde à Nantes

Mardi 12 novembre à 18h et 20h45

Projection du film « Les jours heureux » en partenariat avec le Parti de gauche (membre du Front de gauche), les semaines de la solidarité internationale (Maison des Citoyens de monde) et le CE des Cheminots.

Les deux séances seront suivies d’un débat en présence du réalisateur Gilles Perret.

Avec Pascal Convert

Questions à Pascal Convert

Vous avez déclaré que l’artiste propose des oeuvres qui sont des interventions symboliques et politiques ?
L’artiste, dans la société libérale néoconservatrice et consumériste, est le plus souvent un nouveau modèle du « self made man ». Mais, il incarne aussi
la possibilité de la liberté par delà les technologies dites interactives. Protégé par son « aura », il peut paradoxalement exercer sa capacité critique.
Quand sur Joseph Epstein, Résistant FTP fusillé au Mont Valérien, je propose une sculpture (Le temps scellé), un film et une biographie, je travaille dans trois directions :
la sculpture en rentrant dans les collections du Centre Pompidou donne une dimension symbolique à la résurrection d’une figure injustement oubliée, à l’entrée
d’Esptein dans les collections nationales, le film s’adresse à nos perceptions, vers un savoir émotionnel qui interroge la mémoire et l’oubli, le livre permet d’endosser
les habits de l’historien.
L’artiste doit prendre position. ce n’est pas prendre parti. C’est regarder notre histoire singulière et collective : ici la période troublée de l’Occupation, et tenter d’ouvrir des
portes fermées depuis longtemps

Dans les vitraux de l’abbatiale de Saint Gildas des Bois, près de Nantes, que vous avez réalisés, ces fantômes d’enfants que vous paraissez 
avoir cristallisés dans le verre appartiennent à quelle histoire ?
A la nôtre. Je ne suis pas croyant, mais la question de ce lieu, de cet espace, c’est la révélation.
Et aussi pour moi de l’enfermement de chacun.
La manière dont, par exemple, le Front National tente aujourd’hui d’effacer sa filiation avec l’extrême droite d’avant et d’après guerre, montre que sans une transmission à la jeune génération de la réalité de notre histoire, il sera impossible d’arrêter le mouvement qui condamne nos sociétés à revivre le passé. D’une certaine manière, en réalisant les vitraux de l’abbatiale de Saint Gildas des Bois, j’ai voulu exprimer cela: nos enfants que nous enfermons dans une société de fiction, dans une « mondialisation de l’indifférence » pour reprendre l’expression du Pape François nous jugerons. Et il est à craindre qu’ils aient honte de nous.

Vous allez continuer à articuler des travaux aux confins de l’art, de l’archéologie, des créations plastiques, du film documentaire, du récit historique et
depuis peu du roman?
C’est une nécessité; l’équilibre très instable dans le quelle je suis fait. Je n’appartiens plus à aucune société.

Ni à la celle des artistes ou des cinéastes, ni à celle des historiens ? Et un peu à toutes?
Oui

Ce n’est pas un problème ?
Non. Pas pour une démarche artistique.

Le plasticien Pascal Convert présente les 12 et 13 octobre au Cinématographe son travail de cinéaste

Dans le cadre de l’exposition En Geurre(s) et de sa programmation actuelle sur les deux guerres mondiales, le Cinématographe associé au Musée d’histoire de Nantes invite Pascal Convert à présenter l’ensemble de ses films sur la Résistance, la transmission mémorielle et l’engagement politique.

Ancien pensionnaire de la Villa Médicis à Rome, artiste lui-même engagé, Pascal Convert a d’abord gagné une reconnaissance hexagonale et internationale pour son travail sculptural et de plasticien utilisant des matériaux aussi divers que le verre, le cristal ou la cire. Au travers de commandes publiques, comme celle du Monument des résistants fusillés au mont Valérien, à Paris entre 1941 et 1944 ou, en 2008, celle de vitraux pour l’Abbatiale de Saint-Gildas-des-Bois en Loire-Atlantique. Mais aussi pour des œuvres sur support, commandes du Fond National d’Art Contemporain, du Musée d’Art Moderne du Luxembourg, inspirées d’icônes de presse, comme la Piéta du Kosovo, la mort de Mohammed Al Dura à Gaza, de photographies d’enfants ou de corps souffrants. Elles se présentent sérigraphiées sur verre et tain ou sous forme d’empreintes gelées dans le cristal et ont été exposées au Grand Palais dans le cadre de la Force de l’art, à la Galerie Dupont à Paris, à l’étranger, en particulier à l’ONU et à Montréal. Actuellement P. Convert finalise l’installation pérenne, en très grand format, pour la gare de Bègles, d’une phrase de Roland Barthes « Commence alors la grande lumière du Sud-Ouest ». Et il vient d’être choisi lauréat du 1% artistique du nouveau bâtiment des Archives Nationales.

Rien d’étonnant à ce choix ! Depuis une dizaine d’années, son travail est aussi orienté vers l’historiographie, l’archive et le cinéma documentaire. Il réalise, en 2002, en même temps qu’une imposante cloche sur laquelle sont gravés les noms des fusillés, un film : « Mont-Valérien, au nom des fusillés » qui sort de l’anonymat ces résistants et rend publique leur histoire. 80% était communistes, juifs ou étrangers, parfois les trois à la fois. Une manière « d’ouvrir le silence » de son mystérieux grand-père, Léon, fondateur dès 1940 du maquis des Landes.
Ce faisant, il découvre parmi les fusillés, Joseph Epstein, juif polonais, communiste, responsable Francs-Tireurs et Partisans d’Île de France, de la MOI, héros escamoté par l’histoire officielle, tombé avec Missak Manouchian. La vie douloureuse de son fils confronté à la mémoire de son père, inspire à Pascal Convert deux statues, l’une de cire, l’autre, acquise par le Musée national d’art moderne, faite d’un bloc de verre enfermant leurs images, un film, en 2007, « Joseph Epstein, Bon pour la légende », dont le titre est emprunté à une séquence des Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard et un livre. 
Pendant trois années, Pascal Convert va alors recueillir les souvenirs de Raymond Aubrac. D’une centaine d’heures d’entretiens sont nés deux films dans lesquels le grand résistant revient sur ses engagements pendant et après la seconde guerre mondiale, « autoportraits d’un voyageur immobile dans les remous d’un passé tourmenté ». Le premier, Les années de Guerre, sur son action, le procès de Klaus Barbie, l’utopie dont il rêvait avec sa compagne Lucie et avec ses amis Emmanuel D’Astier, Serge Ravanel, Jean-Pierre Vernant, son travail d’unification de la résistance autour de Jean Moulin et du Général de Gaulle, la tragédie de Caluire. Le second a pour titre Reconstuire, car la résistance de Raymond Aubrac ne s’arrête pas en 1945. Elle prend la forme de la reconstruction, du développement des rapports est/ouest, de la décolonisation du monde. Il va servir de passeur en devenant un homme clé des négociations sur le Vietnam entre Hô-Chi-Minh, l’oncle Hô son ami, et les présidents américains Johnson et Nixon.

Comment oublie-t-on et quand on se souvient, comment se souvient-on ? Ces questions de l’oubli, des territoires mémoriels et archéologiques, sont au cœur du travail plastique, cinématographique, historique mais aussi maintenant littéraire de P. Convert. Après avoir publié deux récits historiques : Joseph Epstein, Bon pour la légende (Séguier, 2007) et Raymond Aubrac : Résister, reconstruire, transmettre (Seuil, 2011), il franchit ces jours-ci le pas de l’écriture romanesque avec La Constellation du Lion (chez Grasset).De quelle histoire est-on le dépositaire, de quels choix l’héritier ? Une mère, écrasée par l’ombre de son père, grand résistant, le Lion des Landes qui ressemble beaucoup au grand-père de Pascal Convert.

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Hommage à Robert CRUAU et aux résistants inhumés au cimetière de la Chauvinière à Nantes

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A la mémoire de Robert Cruau
(12/3/21-6/10/43)

Robert Cruau est né à Fégréac (Loire-Atlantique) le 12 mars 1921. Il rentre aux PTT, d’abord aux Chèques postaux puis à la Recette Principale de Nantes. Il adhère alors à la fédération postale de la CGT. Rober Cruau est également membre des auberges de jeunesse, organismes en plein essor dans les années 30. Les auberges de jeunesse ont été un lieu de politisation de la jeunesse au moment du Front populaire et un vivier de la Résistance.
Pour tous les ajistes de l’époque, le camping était un loisir accessible et un espace de liberté. Robert Cruau allait souvent camper, notamment dans les marais de Couëron. A Couëron justement, un groupe du PSOP (Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert) s’était constitué en 1939 avec d’anciens membres des Jeunesses socialistes. De nombreux militants se réclamant de la 4ème internationale fréquentaient les auberges de jeunesse et militaient également au PSOP. Est-ce de là que date l’engagement politique de Robert Cruau ? C’est vraisemblable.
Robert Cruau anime une cellule des Comités pour la 4ème internationale jusqu’en 1942 et participe activement à la rédaction d’un journal ronéoté. Début 1943, avec une ronéo apporté par les militants parisiens du Parti Ouvrier Internationaliste (POI) est publié un journal clandestin « Front ouvrier, organe clandestin des ouvriers de la région nantaise » dont le numéro 1 affirme « Il faut que la défaite d’Hitler soit une victoire ouvrière et non la victoire des banquiers anglo-américains ». Ce journal clandestin, imprimé à Couëron, paraîtra jusqu’à la libération. « Nous avions mis des matelas aux portes de la pièce dans laquelle on tirait pour camoufler les bruits » rapporte un témoin de l’époque.
En mars 1943, Robert Cruau quitte Nantes, à la fois semble-t-il pour échapper au Service du travail obligatoire (STO) mais aussi pour des raisons de sécurité. Il passe à Quimper, puis part pour Brest, accompagné notamment de deux militants rezéens d’une vingtaine d’années, les frères Georges et Henri Berthomé. Tous trois s’installent dans un même appartement et reprennent leurs activités militantes avec leurs camarades du Parti Ouvrier Internationaliste.
Henri Berthomé, ajusteur aux Chantiers Dubigeon, et son frère Georges se font embaucher dans les chantiers de construction du mur de l’Atlantique situés au-dessus de la base sous-marine de Brest. Cette situation permet au groupe de transmettre à Londres des renseignements topographiques concernant l’emplacement des sas d’accès et de sortie des sous-marins. Selon la sœur des frères Berthomé (citée dans l’ouvrage « Les rezéens dans la résistance »), ces renseignements transmis par le groupe « Front ouvrier » ont permis un bombardement de la Royal Air Force en juin 1943 qui a rendue inopérante pendant deux ou trois mois cette base sous-marine.
Pour ces jeunes militants se réclamant d’un communisme internationaliste, le combat contre les nazis devait unir travailleurs français et travailleurs allemands. Aussi le groupe engage-t-il une action audacieuse par la diffusion de tracts en direction des soldats allemands. Leur objectif est de recruter des soldats allemands anti-nazis à la 4° Internationale. Savoir que de nombreux soldats allemands de Brest ont originaires de la ville portuaire et ouvrière d’Hambourg est considéré comme un atout pour les jeunes trostskystes brestois. Robert Cruau, qui a appris l’allemand, est un des piliers de ce travail de recrutement de soldats, dont certains fournirent des « Ausweiss », pièces d’identité précieuses pour les militants français. Le groupe trotskyste de Brest, essentiellement composé de jeunes de 19 à 25 ans, diffuse en juillet 1943 un journal en langue allemande «Arbeiter und Soldat » (Travailleur et soldat) édité à Paris par le Parti ouvrier internationaliste (POI), et rédigé notamment par des trotskistes allemands clandestins qui avaient fui le régime hitlérien et résidaient à Paris. Une édition locale ronéotée est également publiée à Brest.
Démoraliser l’armée allemande de l’intérieur, amener des soldats allemands à s’opposer à Hitler et préparer une révolution sociale, tels étaient les objectifs de Robert Cruau et de ces jeunes camarades. Plusieurs soldats allemands furent ainsi recrutés, 27 selon André Calves l’un des survivants du groupe. Mais l’un de ces soldats, informateur ou retourné sous la menace, trahit. Début octobre, une rafle décime tout le groupe. Robert Cruau est arrêté le 6 octobre. Il est abattu par la Feldgendarmerie. Sans doute en essayant de s’enfuir. Il avait 22 ans.
Les jeunes soldats allemands anti-nazis recrutés par Cruau auraient eux aussi été arrêtés et exécutés. Le groupe trotskiste de Brest est démantelé, de même qu’une grande partie du groupe parisien. «Faire de la propagande à des soldats allemands est le plus grand crime ! » telle aurait été une phrase d’un officier de la Gestapo prononcée au cours des interrogatoires et rapportée par une sympathisante libérée de la prison de Rennes.
Le 22 janvier 1944, Georges et Henri Berthomé, immatriculés respectivement 42401 et 42421, quittent Compiègne pour Buchenwald dans un premier temps, puis Henri à Dora et Georges à Albertstadt où il disparaît vraisemblablement abattu en tentant de s’évader lors de la débâcle en 1945. Seul Henri reviendra.
On retrouve la famille de Robert Cruau dans la liste des secours versés, après la Libération, par la CGT aux familles de résistants tués par l’occupant. Les noms de Robert Cruau et de son camarade Georges Berthomé figurent sur la plaque mémorielle de la maison des syndicats dans la liste des martyrs victimes de la barbarie nazie. Une rue de Rezé porte le nom de Georges Berthomé.
Pendant trop longtemps, la place de ces militants dans la lutte contre le nazisme a été tue. Nous rendons hommage aujourd’hui hommage à Robert Cruau et à ses camarades comme à tous les résistants anti-fascistes et à toutes les victimes du nazisme.
Pour conclure, laissons la parole à Eliane Rönel, mariée à Henri Berthomé en 1947. Eliane a été arrêtée le 7 octobre 43, et déportée à 23 ans à Ravensvrück. «Résister ne devrait pas être un choix, c’est un devoir. C’est une dette que nous avons envers tous ceux qui ont lutté pour conquérir leur liberté ».

Bulletin septembre 2013

Dès 1940, après l’armistice signé entre
le maréchal félon et Hitler, la volonté de
résister à pris corps chez des hommes et des
femmes dont certains ont été les dirigeants
des grands mouvements sociaux de 1936
de lutte contre le fascisme, de solidarité à
l’Espagne Républicaine.

La Résistance vient de loin, c’est la volonté de s’opposer à
l’abandon et au renoncement, c’est aussi l’exigence de démocratie et
de progrès social. C’est l’héritage de la Révolution, de la Commune,
des luttes sociales et politiques.

Aujourd’hui Résister se conjugue au présent.

Hommage à Jean de Neyman. Samedi 7 Septembre 2013

Avant la guerre, étudiant à Strasbourg, Jean de Neyman adhère au PCF. Dans l’Allemagne toute proche, le fascisme règne en maître. C’est « le temps du mépris » de Hitler et des Krupp. Jean connaît le hideux visage du fascisme : l’incendie du Reischtag, les autodafés de livres, les pogromes contre les juifs, les assassinats de communistes, les premiers camps de concentration où sont jetés les militants ouvriers.

Aussi, quand en 1940, les armées nazies campent sur notre sol, Jean, sans hésitation, entre dans la résistance, participe pleinement à « ce combat inégal et périlleux » dont il a mesuré tous les risques. Avec courage et audace, il multiplie les actions contre l’occupant.

Arrêté, alors qu’il s’élance au secours d’un déserteur allemand qu’il héberge et qui est pris par une patrouille, il est interné à Heinlex (Saint-Nazaire). Jugé, il est condamné à mort.

Pendant quelques jours qu’il lui reste à vivre, il rédige un mémoire de 55 pages de réflexions scientifiques et pédagogiques ainsi que la dernière lettre si noble et émouvante à ses parents.

Il va mourir. Les raisins mûrissent à l’approche des vendanges.
Il va mourir. Le nazisme agonise sous les coups des alliés. La victoire est proche ; cette victoire dont il a été un des artisans et que, ironie du sort, il ne connaîtra pas.

Le dos au mur du jeu de boules, à Heinlex, le 2 septembre 1944, il regarde, lui le dernier fusillé de la poche, calme, avec le sourire du vainqueur, les vaincus qui, inutilement, vont le fusiller.

Redonner au 8 Mai sa signification !

Le 8 Mai, célèbre la victoire des peuples et des forces alliées sur la barbarie nazie et la capitulation sans conditions des armées fascistes . Il n’est pas inutile de le rappeler aujourd’hui.

Tout d’abord parce que la capitulation sans conditions de l’Allemagne nazie le 8 mai 1945 a marqué la victoire des valeurs fondamentales de la civilisation dans son sens universel. C’est-à-dire, notamment, celles de la liberté, du respect des droits de l’homme et en particulier de la dignité, ainsi que le respect du droit et de la justice.

Cette victoire qui a conduit à la forte réaffirmation de ces valeurs fondamentales, concrétisées par des traités et des institutions, dont la plupart furent conçus, créés et adoptés à la lumière des tragédies générées par la barbarie nazie .

Mais, au fur et à mesure que le conflit s’éloigne dans le passé, l’accent est mis en général sur la commémoration, c’est-à-dire sur les victimes. Ira-t-on jusqu’à ce que le conflit soit complètement absorbé par l’Histoire et ne fasse l’objet que d’évocations occasionnelles, ira-t-on jusqu’à l’effacement de sa signification ?

La contribution de la France à cette victoire a un aspect particulier qui – là encore – souligne la spécificité du 8 mai. En effet, cette contribution a été en grande partie celle de tous ceux qui, refusant d’accepter la défaite de juin 1940, l’occupation nazie et la collaboration du gouvernement de Vichy, ont été des combattants volontaires, soit dans les Forces françaises libres, soit dans la Résistance intérieure.

Il faut aussi souligner la capacité d’espérance de ces combattants volontaires et leur confiance dans l’avenir alors que tout était sombre autour d’eux. Un espoir, une détermination et une solidarité qui ont abouti à l’accord unanime sur le programme du Conseil national de la Résistance qui a marqué la reconstruction de la France.

Le « 8 mai » célèbre la victoire de tout ce que le régime nazi a nié et a cherché à détruire, les cérémonies officielles l’oublient de plus en plus souvent et sont l’occasion de remises de décorations multiples qui n’ont rien à voir avec l’objet du 8 mai.

Pour les organisations signataires, le 8 mai célèbre la victoire militaire des pays alliés* contre le nazisme et commémore de façon générale les sacrifices et les souffrances de leurs populations, en particulier dans les pays sous occupation nazie, ainsi que celles des résistants dans ces pays.

*France, USA, Angleterre et Union Soviétique.

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Cérémonie du 70e anniversaire des fusillades de 1943

20130216_CommemorationBeleNantes_3647_OkW_PhotoPatriceMorel.jpg Photos Patrice Morel

L’ Allocution J. Busson

Monsieur le Maire,
Monsieur le Préfet,
Chères familles de fusillés,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les représentants des associations patriotiques,
Mesdames Messieurs,

Ici même, plongés dans la semi-obscurité de ce sinistre champ de tir du Bêle, plus de 80 résistants sont tombés sous les balles nazies.

Souvent jeunes, comme ceux du procès des 42 avec une moyenne d’âge de 30 ans, très jeunes comme André Rouault, aîné de Guy Moquet d’un mois à peine. Nous rendons particulièrement hommage aujourd’hui aux FTP des procès des 42 et des 16, pour le 70e anniversaire de leur sacrifice. Cette cérémonie, avec l’appel aux morts, des 82 noms, marque notre volonté de n’oublier aucun d’eux dans l’indissociable souvenir et la reconnaissance qui leur sont dus.

Commémorer leur engagement, leur combat, pour la liberté constitue un devoir contre l’oubli, un devoir envers les générations nouvelles afin qu’elles sachent que résister dans les pires conditions est toujours possible, indispensable lorsqu’il s’agit de défendre les droits essentiels de l’homme, les valeurs de liberté, de démocratie, de paix.

Enseigner l’histoire de ces résistants est le but de notre travail de mémoire, cette histoire si absente des programmes scolaires et des productions des grands médias. De plus pour certains, il faudrait aujourd’hui la dissoudre, l’amalgamer, avec celle d’autres conflits, y compris coloniaux, l’uniformiser dans un mémorial Day à la française. Nous ne pouvons aucunement souscrire à une telle perspective qui conduirait à brouiller les valeurs, à accentuer la perte des repères indispensables à la formation de citoyens conscients, capables d’êtres autonomes, solidaires et libres.

L’oubli, disait Eluard, est le second linceul des morts. Que serait, sans les différentes associations mémorielles présentes aujourd’hui, la mémoire de la résistance et de la déportation. La remise en cause régulière des grandes commémorations nationales patriotiques a pour but de les banaliser, de les vider de leur sens historique et des valeurs qu’elles portent.

C’est dans des moments comme ceux que nous vivons ce matin, lors des hommages rendus à ces hommes à ces femmes, qui bien que minoritaires résistèrent à la force bestiale qui semblait tout submerger, que nous mesurons mieux la nécessité d’une approche historique qui fait réflexion par l’analyse des causes et de l’enchaînement des faits.

Comment comprendre le sacrifice de Louis le Paih, de Claude Millot, dont les rues qui entourent ce lieu porteront désormais les noms ? Comment le comprendre en occultant le vécu de chacun d’entre eux: le contexte dans lequel se sont construite leur personnalité, avec les bonheurs des luttes de 1936, mais aussi les inquiétudes lors de l’écrasement de la République espagnole, leur colère face à la non intervention, la mobilisation contre la montée du fascisme en Europe avec son cortège de violences racistes et antisémites? Comment comprendre le sacrifice en occultant la honte et la révolte face à la débâcle, l’effondrement de la France, l’assassinat de la République voulue par une bande d’affairistes préférant Hitler plutôt que le Front populaire.

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Oui, il est important d’inaugurer encore aujourd’hui des plaques de rues qui incitent à la réflexion et fassent appel à la mémoire. Nous souhaitons que d’autres noms de rues viennent enrichir ce travail de mémoire. Pendant longtemps oubliés des commémorations officielles, ces Résistants ne le furent jamais des milieux populaires d’où ils étaient issus. Probablement leur appartenance politique gênait, contredisait certains dogmes et rappelait à certains notables leur passé pendant l’occupation.

Oui, il aura fallu attendre le 60e anniversaire de leur exécution pour que chaque année, un hommage officiel leur soit rendu. Nous le devons à notre action et à notre travail mémoriel, à l’écoute et à l’engagement voici 10 ans devant les familles et les derniers compagnons de ces Résistants, du Député-Maire de Nantes Jean Marc Ayrault aujourd’hui Premier Ministre. Nous lui renouvelons notre reconnaissance.

Monsieur le Maire, il nous faut aujourd’hui poursuivre ensemble ce nécessaire travail de mémoire. Le Bêle change, votre travail de bâtisseur du Nantes du 21è siècle,sort ce lieu de son isolement. Il n’est plus un terrain aux marges de la ville. Il devient un quartier jeune et agréable. Ce lieu de mémoire, au coeur d’habitations nouvelles, évoque,avec l’oeuvre de Jules Paressant et le totem mémoriel, les 50 otages mais nous la référence, mis à part cette plaque, aux autres Résistants ici martyrisés reste des plus discrète

L’appel des noms de tous les fusillés, avec le talent et l’humanité de Claudine Merceron et Martine Ritz à l’instant, soulève notre émotion. Mais au-delà de celle-ci, l’approche historique est nécessaire afin d’analyser, de comprendre le courage de chacun de ses hommes et femmes et leur détermination face aux sbires de Vichy, face à la Gestapo.

C’est cette approche historique, avec la prise en compte des engagements respectifs de ces militants politiques ou syndicaux dans un contexte de chasse aux communistes conduite sous le prétexte du pacte germano-soviétique, ce sont les enseignements tirés de ce chemin parcouru, avec ses souffrances et sacrifices, qui nous aident à cerner comment la Résistance a pu grandir année après année, jusqu’à la réalisation de son unité.

La création du Conseil National de La Résistance sous l’autorité de Jean Moulin et dont nous célébrons cette année le 70è anniversaire , fait encore référence.
Le CNR permit au pays de préparer sa libération avec le concours des Alliés, de redonner à la France sa place dans le concert des nations, en se dotant en 1944 d’un programme novateur de progrès social et d’avancées démocratiques, économiques et politiques, s’émancipant des forces de la finance qui avaient sombré dans la collaboration. Un programme ambitieux de reconstruction du pays et de conquêtes sociales, comme la sécurité sociale dont nous bénéficions aujourd’hui ou le droit de vote pour les femmes…

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Expliquer ce qu’un pays a été capable de réaliser alors qu’il devait se relever d’un champ de ruine, n’est-ce-pas démontrer que répondre aux attentes sociales des citoyens, organiser leur participation aux décisions ne constituent pas un handicap, mais au contraire une solution pour surmonter les problèmes avec plus d’efficacité qu’une gestion dont la finalité est le profit d’une minorité et l’austérité pour les autres.

Quelles leçon aussi pour aujourd’hui, cet espoir qui jamais ne les avait abandonné ! Et jusqu’à l’aube de leur exécution, la certitude de la victoire, si forte dans leur ultime lettre d’adieu. Conviction renforcée par les nouvelles de la défaite des nazis à Stalingrad, qui malgré tout leur parvenaient au fond des cachots.

Enseigner les pages d’histoire écrites de leur sang, les raisons de la montée du fascisme et du nazisme, c’est interpeller les consciences devant la banalisation des idées nauséabondes, des populistes et néo-fascistes, nationalistes, racistes, xénophobes alimentés en période de crise par les frustrations, la paupérisation, les peurs entretenues. Ces entreprises de banalisation de l’extrême droite n’épargne pas La France.

Oui, le ventre de la bête immonde est encore fécond. En Europe, l’extrême droite détient une quarantaine de sièges au parlement à Strasbourg et est présente dans seize assemblées nationales avec des scores frisant les 30% en Pologne . Ses idées sont au pouvoir en Hongrie, où paradent ses groupes para-militaires. La liberté de la presse y est ouvertement remise en cause. Des communautés y sont discriminées pour leur appartenance ethnique. Des statues au dictateur Horthy, allié d’Hitler et de Mussolini y sont érigées. Hélas nous pourrions multiplier les faits qui constituent autant d’alertes et n’épargne pas La France

Rendre hommage aux combattants de la liberté, n’a donc rien de passéiste . C’est là, oeuvre nécessaire pour éveiller, mettre en garde. Aujourd’hui plus personne ne devrait dire: «je ne savais pas». C’est l’Histoire, la connaissance des faits qui enseignent comment «Cela a commencé» dans les années 30 et comment cela s’est terminé sur notre continent dans des pays pourtant civilisés.

Rappeler le parcours de Paolo Rossi, de Gerson Kramnitzki, d’Armand Feldmann, de Simon Bronstein, de Jacques Jorissen de Victor Ruiz de Siefried Holzmann, celui de Benedicto Blanco Dobarro, de Basilio Blasco Martin, d’Alfredo Gomez Olléro, d’Ernesto Priéto Hidalgo, de Miguel Sanchez Tolosa, unis à leurs camarades français jusqu’à leur dernier souffle, c’est enseigner la grandeur humaine du refus d’un repli communautaire mutilant. Ces étrangers, nos frères pourtant, chantait justement le poète, n’étaient un danger que pour l’envahisseur, mais un apport enrichissant pour la France combattante et son peuple.
Se souvenir, lutter contre l’oubli, contre l’abandon de l’enseignement de l’histoire à l’école, démontrer que l’identité d’un être humain est bien autre chose que son appartenance à tel où tel groupe, c’est s’élever face à l’obscurantisme, c’est oeuvrer afin que l’humanité ne revive plus les catastrophes humanitaires des guerres engendrées par les forces fascistes de l’axe et les affairistes qui les financèrent en attendant le retour sur investissement sur le dos des peuples.

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L’Allocution de Patrick RIMBERT; Maire de Nantes

Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis ce matin pour commémorer ensemble le 70ème anniversaire de l’exécution, par les Nazis, des résistants condamnés lors du procès des 42 et du procès des 16 et, à cette occasion, inaugurer la rue Louis et Louise LE PAIH.

Vous êtes nombreux à connaître ces évènements tragiques. Je crois pourtant nécessaire d’en rappeler les grandes lignes, car ils donnent sens à notre rassemblement d’aujourd’hui.

Très rapidement après la défaite, la Résistance s’est organisée à Nantes. Peu de villes ont connu une activité si intense contre l’occupant: sabotages, attentats, constitution de réseaux de renseignements, très précieux pour les Alliés, fabrication de faux papiers, distribution de tracts….. C’est naturellement un motif de fierté pour nous tous. La Nation nous a d’ailleurs exprimé sa reconnaissance en faisant de Nantes une des cinq communes françaises à qui a été attribué le titre de Compagnon de la Libération. Mais que de souffrances pour cela parmi la population, que d’actes d’abnégation, de courage et même d’héroïsme aussi. Car c’est bien d’abnégation, de courage et d’héroïsme qu’il faut parler à propos de ceux dont nous honorons
ce matin la mémoire.

Les deux procès n’ont pas tout à fait la même histoire, mais ils révèlent la même chose: que le courage et l’idéalisme, un instant broyés par la tyrannie et la force brutale, peuvent triompher grâce à des hommes et des femmes d’exception.

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Le procès des 42 fait suite à l’arrestation, durant l’été 1942, d’un important et très actif réseau FTP, opération organisée conjointement par les Allemands et, hélas, la police de Vichy. Cette participation de Français rend encore plus douloureux cet épisode de notre histoire, mais elle ne doit pas être occultée car, comme l’a rappelé François Hollande dans son discours du 22 juillet dernier, à propos de la rafle du Vel d’Hiv, si «la vérité est dure, cruelle», l’implication de Français ne doit pas faire oublier que de tels actes furent « aussi un crime contre la France, une trahison de ses valeurs. Ces mêmes valeurs que la Résistance, la France libre, les Justes surent incarner dans l’honneur ».
L’occupant choisit alors de faire du procès de ces Résistants, qui étaient en fait 45, tous communistes, un instrument de terreur à l’égard de la population. Rien ne fut négligé: salle d’audience tendue de drapeaux à croix gammée, presse aux ordres largement conviée et bien sûr iniquité du procès, au cours duquel tout fut fait non seulement pour faire condamner, mais aussi pour salir les accusés, présentés comme des criminels de droit commun, rejetés de la masse des Français. Face à cela, les prévenus ont conservé une attitude très digne, chantant même La Marseillaise, devant leurs juges éberlués, juste après le verdict qui condamnait la plupart d’entre eux à la mort. Dès le lendemain, avant même que le délai de dépôt du recours en grâce ait expiré, 9 d’entre eux étaient fusillés au Bêle. Les autres suivront, les 13 février et 7 mai.

Je tiens à souligner la présence, parmi les condamnés, de cinq Espagnols, Républicains arrivés en France suite à la victoire du Franquisme et qui se sont engagés dans la Résistance sur notre sol. Ils s’appelaient: Alfredo GOMEZ-OLLERO, Benedetto BLANCO, Basilio BLASCO MARTIN, Miguel SANCHEZ et Hidalgo PRIETO. Il me semble important de le rappeler, car
leur engagement est particulièrement exemplaire. Chassés de leur pays, pas toujours, hélas, bien accueillis en France, où nombre d’entre eux ont été installés dans des camps sommaires et la plupart souvent tenus en suspicion, ils ont dépassé tout ceci pour reprendre leur combat contre le fascisme et son abjection, comprenant bien que c’était le même combat pour les valeurs de liberté et d’humanité qui se poursuivait. Leur contribution à la lutte sur notre territoire fut loin d’être négligeable: on estime qu’il y avait environ 60 000 maquisards espagnols dans le Sud-Ouest en 1944, où ils libérèrent seuls la ville de Foix. Au total, 12 000 républicains espagnols seront acheminés vers des camps de concentration ou de travail entre le 6 août 1940, qui marque le premier départ vers Mauthausen, et mai 1945

Le procès des 16 s’est tenu pour sa part en août 1943. Toujours intenté à des résistants communistes, il sera aussi discret que celui des 42 avait été retentissant. Mais sur le fond, rien ne change: l’instruction et les audiences sont une mascarade, la mort sanctionne pour la plupart le passage devant ces juges si éloignés de la justice.

Bien sûr, l’un comme l’autre de ces procès ont échoué. Non que les inculpés aient pu échapper à un sort funeste: 37 exécutions à l’issue du premier procès, 13 lors du second. Mais loin de briser la volonté de résistance de la population, ils ne feront qu’attiser sa haine des Allemands. D’autres hommes et femmes prendront le relais des morts glorieux, illustrant les
paroles du champ des partisans: « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre, à ta place ». D’ailleurs, tout y poussait: le régime de Vichy montrait de plus en plus clairement son visage d’odieux vassal du nazisme, notamment à travers l’instauration du STO, tandis qu’après Stalingrad et le débarquement allié en Afrique du Nord, l’espoir changeait de camp.

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On pourrait imaginer que ces deux procès aient fortement marqué les consciences et fait l’objet, dès l’après-guerre, de larges commémorations. En fait, il n’en fut rien. Sans doute à cause du retentissement de l’exécution des 50 otages, qui a occulté tous les autres crimes de guerre dans notre région, peut-être aussi, en cette période de guerre froide, du fait de
l’appartenance exclusive des condamnés au PCF, il faudra attendre 2003 pour qu’un véritable hommage officiel leur soit rendu, même si, dès 1993, la Ville de Rezé, qui honorait déjà régulièrement, ses 13 victimes avait entrepris de sortir leur mémoire de l’oubli. Nous n’avons bien sûr pas à juger de cette trop longue occultation, mais nous pouvons que la regretter, car
l’héroïsme ne se graduant pas, la reconnaissance et l’hommage qui lui sont dus ne peuvent être comptés. Il faut donc remercier tous ceux, en particulier le collectif « Procès des 42 », qui ont lutté pour que cesse cette injustice.

Notre rassemblement de ce matin vise à poursuivre la réparation de cet oubli, désormais bien entamée, par la cérémonie elle-même et l’inauguration de la rue Louis et Louise LE PAIH. A travers ces deux personnalités exceptionnelles, c’est en effet à tous leurs camarades, morts
avec eux, pour la même cause et pour les mêmes idéaux, morts ensemble parce qu’ils refusaient la même abjection, que nous rendons hommage. Ce que je sais d’eux me rend certain que c’est ce qu’ils auraient désiré. Ce sont en effet des gens dont l’engagement n’est pas le fruit du hasard, mais bien d’une histoire personnelle au service de l’amélioration de la condition humaine, en particulier des travailleurs. Louis Le Paih était, avant-guerre, l’un des responsables nantais du syndicat CGT du bâtiment. A ce titre, il a été l’un des dirigeants de la grève nantaise du bâtiment en 1938. A partir de 1939, il a travaillé à l’entreprise des Batignolles qui fabrique des locomotives. Cette entreprise où les militants communistes sont nombreux et très actifs est passée sous contrôle allemand à partir de l’été 1940.

Dès 1941, la police nantaise est chargée d’arrêter Louis LE PAIH en tant que militant communiste. Il passe alors dans l’illégalité et devient rapidement l’adjoint de Jean Vignau-Balous, interrégional militaire de « l’Organisation Spéciale » (OS) pour tout l’Ouest de la France. Avec ses camarades des Batignolles (Auguste Chauvin, Raymond Hervé, Gaston
Turpin), il participe directement à de multiples sabotages.
Après les arrestations de l’été 1942 qui ont totalement décapité la résistance communiste tant du point de vue militaire que politique, il joue un rôle essentiel dans sa réorganisation. Dès novembre, un groupe est opérationnel et sa première action est un coup d’éclat. En effet, le 14 novembre 1942, ce groupe FTP attaque les Allemands devant le cinéma Apollo, faisant un mort et plusieurs blessés graves. D’autres actions suivront, comme le sabotage en janvier 1943 du pont tournant du Grand Blottereau, mis hors d’usage pour plus d’une semaine. En deux mois, le bilan est impressionnant. Mais ce nouveau groupe est, lui aussi, très vite identifié et démantelé.

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Le 12 janvier 1943, Louis LE PAIH est appréhendé et les Allemands essaient de le faire parler afin de compléter l’instruction du « Procès des 42 ». Il ne dit rien à la police, guère plus aux juges, à qui il lance simplement: « Au tribunal allemand, je n’ai aucune déclaration à faire ». Évadé lors d’un transfert en gare de Nantes le 3 mai 1943, il est repris le 5 et fusillé. Il n’avait que 31 ans et était père de trois enfants.

Durant toutes ces luttes, il a pu compter sur le soutien indéfectible de son épouse, Louise, qui partageait ses convictions et n’a pas plus que lui hésité à mettre sa vie en danger pour les défendre. Elle a par exemple joué un rôle actif dans l’évasion de son mari, en établissant le contact entre celui-ci et les FTP.

On est toujours profondément ému lorsque l’on évoque ces figures, car leur vie est une leçon. Rien ne les préparait plus que d’autres à ce qu’ils ont accompli. Mais ils avaient des convictions, une fois en l’homme, l’espoir de voir s’améliorer sa condition et peut-être son esprit. Ils y croyaient si fort qu’ils y ont consacré leur vie et qu’ils l’ont mise en danger pour cela. C’est finalement, je crois, ce qu’il faut retenir de leur exemple: il est donné à chacun , il faut simplement avoir le courage de l’engagement. Puissions-nous, en ces temps heureusement moins troublés et dramatiques que ceux qu’ont vécus Louis et Louise LE PAIH, ne pas l’oublier et nous efforcer d’y être fidèles.

Je vous remercie.