Rezé n’a pas oublié ses résistants FTP fusillés en 1943

Le dimanche 26 février 2023 se sont déroulées les commémorations des fusillades des résistants FTP fusillés en 1943 à l’issue des procès des 42 et des 16.

Le soleil était au rendez-vous, le vent aussi. Malgré un froid glacial les participants se sont d’abord regroupés dans le square Jean Moulin, en bordure de la place des Martyrs de la Résistance. Une gerbe a été déposée au pied de la stèle rendant hommage au fondateur du Conseil national de la Résistance, puis le cortège s’est porté au long des rues de la IVème République, Jean Jaurès puis Aristide Briand vers le Monument Roger-Salengro où une nouvelle gerbe a été déposée. Le cortège a cheminé vers le cimetière Saint-Paul où se trouve le Mémorial. Une centaine de personnes étaient présentes. L’appel des morts a été confié à Laurent et Nicolas Boissard, petits-fils du fusillé rezéen Marcel Boissard. Des gerbes ont été déposées par le Comité d’entente des anciens combattants, la FNDIRP, le PCF, le Comité du souvenir, le PCF et la maire.

©Photo du site de la Mairie de Rezé

Christian Retailleau a pris la parole* au nom du Comité départemental du souvenir. Il a salué « Rezé, qui depuis la Libération a toujours su commémorer ses fusillés, dont les noms ornent les plaques de nombreuses rues » ; il a rappelé le contexte des événements de 1942-43, l’action des résistants FTP, la répression dont ils furent victimes, les procès des 42 et des 16,  les exécutions avant de dresser le portrait « de ces résistants dont le plus jeune André Rouault a 17 ans, André Guinoiseau et Jean Greleau de Rezé ont 20 ans (…) Ce sont des ouvriers qui symbolisent le rôle irremplaçable du monde du travail dans ce que fut la Résistance, si bien résumé par François Mauriac : « seule la classe ouvrière dans sa masse est restée fidèle à la France profanée. » (…) C’est notre responsabilité collective de faire connaître aux nouvelles générations l’histoire de la Résistance afin que ne soient pas banalisées les idéologies fascisantes, (…) pour refuser les guerres en Ukraine et ailleurs, pour refuser la misère et construire un monde de paix. »

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/03/REZE-Allocution-C.-Retailleau.pdf

Madame Agnès Bourgeais*, maire conclut la cérémonie : «  Nous sommes réunis pour évoquer des faits qui ont marqué l’Histoire. Nous refusons que ces noms gravés sur les plaques de nos rues tombent dans l’oubli.(…) Ce qu’ont vécu ces hommes auxquels nous rendons hommage aujourd’hui est tout sauf abstrait. Derrière ces faits, il y avait des hommes, des femmes et des habitants. Il y avait des Rezéens. (…) Il faut se rendre compte de ce qu’implique d’agir ainsi, de prendre des risques. Il faut prendre la mesure du choix qui est fait par ces hommes, la mesure de leur courage. (…) Ces hommes étaient des résistants (…) Ce mot désigne un engagement : celui d’une lutte pour des valeurs. Ces hommes n’étaient pas des héros, mais ils le sont devenus. »

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Philippe Audubert, adjoint chargé des Anciens combattants a invité les participants à assister dans l’après-midi au deuxième temps de cette journée  au Théâtre municipal.

La déambulation dans Pont-Rousseau a permis de parcourir ou de croiser plusieurs rues portant les noms de résistants rezéens fusillés par les nazis : 12 rues ont ainsi été renommées par délibération du conseil municipal le 28 décembre 1944, sur proposition du Comité local de Libération. Saluons la décision de la municipalité d’habiller chaque plaque d’une courte présentation  avec photo et  d’éditer pour cette journée du 26 février un dépliant très bien conçu : un plan  localise les rues et chaque nom est accompagné d’une brève biographie. Ajoutons que pendant cette période, l’exposition réalisée par les Archives municipales de Nantes a été présentée sur le parvis de l’Hôtel de ville.

Le verre de l’amitié a été partagé à l’invitation de la municipalité salle Jean Jaurès.

Un temps fort a été consacré l’après-midi à une initiative culturelle au Théâtre municipal situé dans la salle qui a servi de chapelle ardente aux fusillés rezéens le jour de leurs obsèques solennelles en 1945. La rue porte aujourd’hui le nom de Guy Le Lan, l’un des jeunes FTP fusillé le 25 août 1943 à l’issue du procès dit des 16, en même temps que Jean Fraix. Plus d’une centaine de personnes ont visionné le documentaire Le procès des 42, réalisé par l’historien-documentariste Marc Grangiens avec ses étudiants de BTS audio-visuel du Lycée Léonard de Vinci de Montaigu(85). Ce film expose clairement le contexte du procès – la guérilla urbaine menée par ces combattants contre l’Occupant nazi,  le déroulement de ce « procès » qui n’était en fait qu’une parodie grâce aux explications d’historiens  et aux témoignages d’inculpés, condamnés à des peines de déportation Renée Losq et Roger Guédon.

C’est ensuite la pièce Paolo qui a été jouée avec beaucoup de sensibilité par l’autrice et comédienne  Anne Rossi, petite-fille de Paolo Rossi, l’un des condamnés du « procès » des 16, déporté à Tübingen en Allemagne où il a été fusillé le 20 novembre 1943, en même temps qu’André Rouesné. L’autrice s’est inspirée de souvenirs familiaux et de La  Montagne de kaolin, récit de son oncle, l’écrivain Pierre-Louis Rossi dont le rôle enfant  est interprété par Timothée Godineau-Leroy.  La mise en scène est sobre, le décor est dépouillé de sorte que les spectatrices et spectateurs peuvent se concentrer sur les paroles/témoignages des artistes. L’ovation et les rappels en fin de séance ont traduit la satisfaction du public.

Débat au théâtre de Rezé

Un temps d’échanges a suivi.  Christian Retailleau, président du Comité départemental du souvenir, Ronan Viaud, responsable des Archives municipales de Rezé et Loïc Le Gac, co-auteur du livre En Vie, En joue, Enjeux ont répondu pendant une heure à un feu roulant de questions sur l’action des résistants, la répression, le rôle de la police française, le poids de la collaboration etc.

80 ans après, nous n’avons pas oublié

Plusieurs commémorations des procès dits des 42 et des 16 se sont tenues en ces mois de janvier et février 2023. Le samedi 28 janvier, 200 personnes se sont rassemblées devant le Monument des fusillés, vestige du stand de tir du Bêle où ont été mis à mort les condamnés à l’issue de ces  procès.

La commémoration organisée par le Comité départemental du souvenir et la ville de Nantes a réuni l’adjoint à la maire Olivier Chateau qui présidait la cérémonie, l’ambassadeur d’Espagne Victorio Redondo Baldrich, le sous-préfet Pascal Otheguy, Andy Kerbrat, député,  le président du Conseil départemental Michel Ménard, le conseiller régional Julien Bainvel, Christelle Braud, maire de Divatte-sur-Loire, Anthony Descloziers, maire de Sainte-Luce. On notait également la présence du capitaine de vaisseau Petitdidier, délégué militaire départemental, du colonel Jean-Philippe Depriester, représentant le général de gendarmerie Zamora, de Benoît Luc, directeur de l’ONAC-VG. De nombreuses  organisations mémorielles, politiques ou syndicales étaient représentées et ont déposé des gerbes : Comité du souvenir, Familles de fusillés, Familles des Républicains espagnols, FNDIRP, UD CGT, UL CGT Carquefou, FSU 44, PCF 44, PCF Nantes et Mouvement de la jeunesse communiste.

Les personnalités pendant le dépôt des gerbes

Dans son allocution, Christian Retailleau, président du Comité du souvenir a salué la municipalité qui depuis vingt ans « permet de donner à cette page d’histoire la place qui lui revient dans la mémoire collective ». Il en a rappelé les grands traits. Après une parodie de procès, le 28 janvier 1943, la cour martiale allemande condamne à mort 37 résistants FTP, 4 autres sont déportés, bilan qui s’alourdit en août, à l’issue du procès des 16, avec 13 condamnations à mort et 3 déportations. «  50 résistants sont fusillés au Bêle à la suite de ces 2 procès, le plus jeune André Rouault avait 17 ans. Depuis l’automne 41 ces résistants ont multiplié les actes de résistance, menant une véritable guérilla urbaine contre l’Occupant et les collaborationnistes jusqu’au vaste coup de filet de l‘été 1942 qui conduit à 143 arrestations». Après avoir rappelé le contexte : capitulation de la Wehrmacht à Stalingrad le 2 février 1943, création du CNR le 27 mai, il conclut : « Ce jour -là les résistances deviennent la Résistance », le président du Comité conclura surle travail de mémoire et d’histoire,raison d’être du Comité « pour que l’engagement des résistants inspire plus que jamais les jeunes générations pour bâtir un monde solidaire, démocratique, écologique et en paix. »

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/04/Allocution-de-Monsieur-Christian-Retialleau-President-du-Comite-du-Souvenir-445.pdf

Olivier Chateau, représentant la municipalité lui succède et rappelle les événements qui se sont produits en ce lieu en janvier, février, mai et août 1943. Il apporte le soutien de la municipalité aux initiatives pour le travail de mémoire indispensable et souligne qu’elle entend bien y contribuer, notamment à travers l’exposition réalisée par les Archives municipales, présentée place Royale pendant un mois, accessible ainsi à un large public.

Christian Retailleau à la tribune tandis qu’à gauche les élèves du collège Simone Veil se préparent

L’appel des morts est confié aux comédiennes Claudine Merceron et Martine Ritz du Théâtre d’ici ou d’ailleurs qui accompagnent la terrible énumération de Fraternité, un poème de  Lily Unden, déportée à Ravensbrück et d’une chanson de Guy Béart  La guerre va chanter. Des extraits des dernières lettres poignantes  d’Auguste Chauvin, Maurice Lacazette, Pierre Greleau,  André Rouault et Maurice Lagathu sont lus par des élèves du collège Simone Veil.

Inauguration de la rue Alfredo Gomez Ollero

Les commémorants se dirigent alors vers la rue Alfredo Gomez Ollero, pour son inauguration et le dévoilement de la plaque au nom de ce Républicain espagnol fusillé en ce lieu. Olivier Chateau, l’ambassadeur d’Espagne accompagné de la consule Françoise Dubosquet et Miguel Gomez, le petit-fils d’Alfredo ont pris la parole avant que collégiennes et comédiennes n’entament le chant de lutte espagnol Ay Carmela. Le verre de l’amitié est ensuite offert par la municipalité dans le hall du gymnase Jean Vincent, rue Marie et Marcel Michel, du nom de deux autres victimes de ces procès iniques.

Les familles espagnoles entourant l’ambassadeur devant la plaque de la rue Alfredo Gomez Ollero

https://resistance-44.fr/wp-content/uploads/2023/04/Miguel-allocution-2023-traduction.pdf

Après une réception des familles des fusillés à la mairie de Nantes, une commémoration s’est déroulée à Sainte-Luce-sur-Loire.

Sainte-Luce-sur-Loire a honoré Renée et Jean Losq

Le rassemblement s’est déroulé devant la stèle à Jean et Renée Losq. Le dépôt des gerbes a été suivi des allocutions de Christian Retailleau, pour le Comité départemental du souvenir et l’ARAC, d’Anthony Descloziers, maire et de Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat. Les élèves du collège de La Reinetière ont lu des extraits de textes avant l’interprétation par l’Harmonie du Chant des partisans et du Chant des marais. Les membres de la famille Losq ont tenu à déposer des fleurs et se recueillir devant la stèle. Marie-France Le Strat a présenté une réédition, par l’association Au bord du fleuve, de la plaquette Mémoire de Résistance en pays nantais qui relate l’engagement des époux Losq.

Cet hommage sera prolongé par la présentation, ultérieurement, de l’exposition réalisée par les Archives municipales de Nantes et la projection du film documentaire de Marc Grangiens Le procès des 42.

©J. Bourbigot

Commémoration à La Chapelle-Basse-Mer

L’hommage aux Républicains espagnols

s’est déroulé en présence des familles espagnoles

L’hommage aux Républicains espagnols s’est déroulé sous un soleil radieux au cimetière de La Chapelle-Basse-Mer (Divatte-sur-Loire 44) le dimanche 29 janvier. Pour ce 80e anniversaire, la foule était plus importante qu’à l’accoutumée. Plus d’une centaine de personnes se sont regroupées autour du Carré des Espagnols ou réparties dans les allées.

© Patrice Morel

Le 13 février 1943, 17 résistants, fusillés le jour même au champ de tir du Bêle à Nantes ont été inhumés dans ce cimetière : 12 Français et 5 Espagnols. Si après la Libération les familles françaises ont pu obtenir le transfert de leur parent dans un autre cimetière, les Espagnols sont restés à La Chapelle-Basse-Mer, leurs familles ignorant tout de leur sort. Une stèle a été élevée, due à l’artiste plasticien d’origine allemande Ekkehart Rautenstrauch. Grâce au travail du Comité du souvenir, les familles espagnoles ont pu être retrouvées. Trois générations étaient présentes ce 29 janvier.

© Patrice Morel – Les familles espagnoles étaient présentes : trois générations et les doudous.

Christian Retailleau dans son allocution (annexe) a retracé l’histoire de ces héros : le contexte de leur exil après la défaite de la République espagnole et la victoire du franquisme, les conditions de leur arrivée en Loire-Inférieure et leur participation à la Résistance française, la répression dont ils ont été victimes à l’été 1942 lors de la rafle de 143 résistants nantais, le procès des 42 et leur condamnation à mort. Madame Christelle Braud, maire de Divatte-sur-Loire a pris la parole (annexe).

Les élèves de CE2 de l’école Robert Doisneau, dirigée par Mme Joint-Lavergne ont dit un poème écrit par leurs devanciers en 2019 Des amis pour la vie avant d’interpréter la chanson d’Anne Sylvestre Le petit grenier. La municipalité et le Comité du Souvenir envisagent de graver le poème sur une plaque disposée dans le Carré des Espagnols.

©Patrice Morel – Face aux drapeaux, dont celui de la République espagnole, les élèves de l’école Robert Doisneau.

A La Marseillaise a suivi l’hymne officiel de la République espagnole puis le Chant des partisans. Des gerbes ont été déposées par Marcel Guillé (CGT), Ghislaine Leloup (FSU), Pedro Maïa (PCF) puis par Christian Retailleau pour le Comité du Souvenir et Madame le Maire pour le conseil municipal. Les familles espagnoles ont passé le relais aux arrière-petites-filles qui ont à leur tour déposé une gerbe de fleurs.

©Patrice Morel

C’est maintenant une tradition, les participants conduits par les porte-drapeaux se sont rendus sur les tombes de Gisèle Giraudet où Joël Busson a déposé un bouquet en reconnaissance de ses travaux d’entretien des tombes espagnoles durant de nombreuses années, puis sur la tombe de Christian de Mondragon, le courageux garçon qui, avec Michel Dabat, a fait flotter le drapeau tricolore sur les tours de la cathédrale de Nantes le 11 novembre 1940. Ses enfants Sabine et Manuel ont déposé un bouquet. Le verre de l’amitié a été offert par la municipalité à l’issue de la cérémonie.

Annexes: Allocution_C.Retailleau

Discours-maire-Divatte-29janv2023.pdf

EXPO – L’exposition sur les procès des 42 et des 16, réalisée par les Archives municipales de Nantes sera présentée du 8 au 21 mars sur le parvis de la mairie.

RENCONTRE – Carlos Fernandez et Loïc Le Gac, pour le Comité du Souvenir ont rencontré les élèves de la classe de CE2 de l’école Robert Doisneau le 24 janvier.

L’École et la Résistance

Des jours sombres aux lendemains de la Libération (1940-1945)

Nous mettons à votre disposition de nombreuses ressources sur le thème du Concours de la Résistance et de la Déportation 2022-2023.

Au début des années 1950, d’anciens résistants et déportés souhaitent  renouveler la manière de transmettre aux jeunes générations l’histoire de la Résistance et de la Déportation. L’idée d’un concours émerge. En 1961, l’Education nationale prend en charge le pilotage de ce CNRD qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Il est naturel que le thème retenu cette année concerne l’Ecole.

RESSOURCES

Notre site wwww.resistance-44.fr présente

  • le dossier réalisé par le Musée de la Résistance nationale par Eric Brossard, agrégé d’histoire, professeur relais du MRn avec le concours de Thomas Fontaine, docteur en histoire, directeur des projets du MRn.

MRN-CNRD-2022-2023-ECOLE-Resistance

  • Le MRn a contribué à la réalisation de l’ensemble documentaire disponible sur le portail national du CNRD :  www.reseau-canope.fr/cnrd

De nombreuses ressources sont également disponibles sur notre site.

Bon courage et rendez-vous en juillet pour récompenser les lauréats !

Châteaubriant : Pas de point d’orgue après le 80ème anniversaire, mais un point d’honneur mis à poursuivre le travail de mémoire

Le 80ème anniversaire, qui avait rassemblé l’an dernier 6 à 8 000 personnes dans la carrière de la Sablière à Châteaubriant (Loire-Atlantique), n’était pas un point final. 2000 personnes y étaient de nouveau présentes le dimanche 23 octobre 2021, lors de la cérémonie commémorative.

Il y a 81 ans, le 22 octobre 1941, 27 hommes étaient exécutés par les nazis en ces lieux. Ils étaient internés dans le camp de Choisel, à quelques kilomètres de là depuis le printemps 1941 et y étaient arrivés après un pénible périple  dans diverses prisons. Syndicalistes de la CGT au plus haut niveau  ou élus communistes, nombre d’entre eux avaient été arrêtés lors de la grande rafle organisée en octobre 1940 par la police de Pétain en accord avec les autorités allemandes d’Occupation.

L’octobre sanglant de 1941, un tournant

Leur exécution, en même temps que celle de 16 otages au stand de tir du Bêle à Nantes et 5 otages originaires du département au Mont-Valérien soit 48 otages au total : « Les 50 Otages », a été décidée au plus haut niveau du régime nazi par Hitler lui-même, à la suite de la mort du Feldkommandant Karl Hotz, abattu le 20 octobre 1941 à Nantes par 3  résistants communistes, « trois jeunes et courageux garçons » (Charles de Gaulle).

Cet acte de résistance, après celui du métro Barbès à Paris le 21 août 1941, quand Pierre Georges, futur colonel Fabien, a abattu un officier de la Kriegsmarine, a donné le signal du passage à la lutte armée et « a fait entrer la résistance intérieure dans la guerre » selon l’écrivain allemand Thomas Mann, prix Nobel de littérature. Les représailles ont constitué la première exécution massive de civils à l’ouest, en application d’un Code des otages récemment décrété.

De nombreuses initiatives mémorielles

En préambule, le 7 octobre l’espace Ambroise Croizat, situé en face de la carrière et nommé à l’initiative de l’UL CGT de Châteaubriant a été inauguré en présence du petit-fils du père de la Sécurité sociale Pierre Caillaud-Croizat qui a pris la parole.

A Indre

A Indre, le weekend suivant, trois représentations de la pièce Les 50, ont été données par le Théâtre d’ici et d’ailleurs avec le concours de comédiens amateurs, dont certains issus du comité local du souvenir, en matinée pour les scolaires et deux séances tous publics en soirée les 14 – avec la participation des élèves de CM2 des écoles d’Indre –  puis le 15 octobre ont réuni un public nombreux. A noter que ce spectacle a été inclus dans la programmation culturelle municipale.

©Comité du souvenir Indre

Le dimanche 16 s’ensuivit la commémoration dédiée à Eugène et Léoncie Kérivel ainsi qu’aux résistants indrais devant le Pâlis, en bord de Loire puis au Monument aux morts. Lecture d’un poème, chanson interprétée par Jean-René Kirion, allocution de Jean-Luc Le Drenn, président du Comité ont rythmé ce moment, en présence d’Anthony Berthelot, maire d’Indre et d’élus des collectivités voisines.

A Nantes

A Nantes, le vendredi 21 octobre, la Veillée du souvenir sur l’esplanade du Monument aux 50 Otages et à la Résistance a rassemblé 200 à 250 personnes. Cette cérémonie s’est déroulée  en présence d’Olivier Chateau, adjoint à la maire, Lucienne Nayet, présidente du Musée de la Résistance nationale, d’une délégation de Haute-Savoie, des porte-drapeaux des organisations patriotiques, accueillis par Christian Retailleau, président de notre Comité départemental et le jeune maître de cérémonie Clément Leparoux. Après les dépôts de gerbes – nombreuses – des associations mémorielles et organisations syndicales de la CGT et de la FSU, le jeune Gabriel Augeat, de l’âge de Guy Môquet, a pris la parole au nom de notre Comité départemental du souvenir. Puis l’évocation artistique menée par les comédiennes et comédiens Claudine Merceron, Pascal Gillet, Michel Hermouet et les jeunes Lili et Manolo Retière-Henry ont évoqué les fusillés, souvent oubliés, de 1942, la Rafle du Vel-d’Hiv et le convoi dit des 45 000 parti de Compiègne le 6 juillet 1942, transportant notamment un groupe de résistants nantais vers Auschwitz. Début des déportations de représailles.

©Michel Charrier  Une vue partielle de la cérémonie aux 50 Otages.

Le samedi 22, date anniversaire la commémoration officielle a conduit les participants du Monument des 50 Otages au mémorial du Bêle puis au cimetière de la Chauvinière.

A Châteaubriant

Le samedi, une cinquantaine de personnes, parmi lesquelles des membres de familles de fusillés se sont recueillis à l’emplacement du camp de Choisel. Le parcours d’Henri Gautier, dirigeant CGT des Métaux a été retracé. Arrêté dans la rafle du 5 octobre, interné à Aincourt, Poissy puis Choisel, évadé en novembre1941 pour rejoindre les FTP, de nouveau arrêté en 1942, torturé, détenu à Fresnes avant d’être déporté à Auschwitz, il est mort sur les routes du retour après la libération du camp en 1945.

Cette cérémonie a été suivie d’un dépôt de gerbe dans la cour du château où les corps des fusillés avaient été déposés après leur exécution. Serge Adry, président du Comité local du souvenir a pris la parole.

L’après midi, la pose d’une plaque à l’entrée du  cimetière de Villepot a clos le parcours mémoriel institué entre les 9 cimetières du Castelbriantais dans lesquels les 27 fusillés avaient été répartis le 23 octobre.

Ensuite, l’exposition temporaire a été inaugurée au musée. Son thème est celui du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD) pour 2022-2023 : L’Ecole et la Résistance. Des jours sombres aux lendemains de la Libération. Cette exposition est visible toute l’année au musée, elle peut être empruntée par les établissements scolaires ou associations. Un  dossier pédagogique a été élaboré par les historiens Thomas Fontaine et Eric Brossard et publié par le Musée de la Résistance nationale.

A la Sablière

La commémoration a débuté par le dépôt d’une gerbe au rond-point Fernand Grenier. Nicolas Bonnefoix a rendu hommage, au nom de l’Amicale à cet ancien interné de Choisel qui présidera ensuite l’Amicale.

©Patrice Morel

La cérémonie officielle s’est déroulée en présence de nombreuses personnalités : Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Armées et du ministre de l’Education nationale et de la jeunesse, Pierre Chauleur, sous-préfet de Châteaubriant-Ancenis, les sénateurs Yannick Vaugrenard et Gérard Lahéllec, le député Jean-Claude Raux, Alain Hunault, maire de Châteaubriant et les maires de l’agglomération castelbriantaise, et de nombreux élus, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, accompagné de Fabrice David, secrétaire de l’UD 44, Aymeric Seassau, représentant l’Exécutif national du PCF, accompagné de Véronique Mahé, de la fédération 44, Christian Retailleau, président du Comité départemental du souvenir, Serge Adry, président du Comité local et les représentants de nombreuses associations patriotiques ou mémorielles et organisations syndicales.

©Patrice Morel

« C’est important de connaître le passé pour regarder l’avenir »

Plusieurs dizaines de porte-drapeaux étaient présents, et plusieurs délégations de jeunes, porteurs de terres prélevées dans des lieux de mémoire et qui ont été déposées dans les alvéoles sous le monument de Rohal, qui représente « ces hommes appuyés contre le ciel » qu’évoque René-Guy Cadou dans son célèbre poème. Ce n’est évidemment pas par hasard que de la terre provenant du camp de Rawa-Ruska, en Ukraine a été déposée, symbole fort de la volonté que se taisent les armes, que prenne fin l’agression de la Russie contre l’Ukraine et que les voies de la paix soient recherchées sur le plan diplomatique.

©Patrice Morel    Le dépôt des terres, dont celles de Rawa-Ruska, destinées à être introduites dans les alvéoles

En fin de matinée, lors de la réception à l’Hôtel de Ville, Christian Retailleau a offert au maire de Châteaubriant le livre En vie, en joue, enjeux, dédicacé par les auteurs, présents, Didier Guyvarc’h et Loïc Le Gac  et dont Catherine Ciron, adjointe à la culture a souligné l’intérêt, rappelant que ce livre est présent dans toutes les bibliothèques de l’agglomération.

Après cette première partie, plusieurs prises de parole se sont succédé. Carine Picard-Nilès, présidente de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt a notamment rappelé le sens de l’engagement des otages fusillés, « à l’heure où l’on assiste à la montée de l’extrême-droite dans plusieurs pays d’Europe et ailleurs ». Lui succédant au micro, Philippe Martinez a rappelé que « Châteaubriant fut une rude épreuve pour la CGT (…) En grande partie syndicalistes et communistes, les 27 étaient porteurs d’une visée de transformation sociale. Ils sont morts pour que nous puissions être des femmes et des hommes libres et égaux. » Il a rappelé le courage des Castelbriantais « qui vinrent fleurir les poteaux d’exécution en bravant l’Occupant »  Il a insisté sur l’importance du travail de mémoire « pour éviter que certains réécrivent une histoire qui n’est pas la réalité (…) C’est important de connaître le passé pour regarder l’avenir. »

Une évocation artistique éblouissante

La cérémonie s’est achevée par la représentation émouvante de larges extraits de la pièce Les 50, écrite et représentée par le Théâtre d’ici ou d’ailleurs avec le concours de troupes invitées : Théâtre Messidor, Théâtre Balivernes et d’enfants de l’école publique de Lusanger. Carine Picard-Nilès a chaleureusement félicité les comédiens auxquels le public a offert une longue ovation debout avant d’entonner en chœur la chanson fétiche de la cérémonie L’Age d’Or (Léo Ferré).

© Patrice Morel       Carine Picard-Nilès félicite les comédiennes et comédiens

A La Blisière

Le matin environ 150 personnes se sont retrouvées à La Blisière, au lieu-dit La Jonchère en forêt de Juigné-des-Moutiers, pour rendre hommage aux 9 fusillés, extraits du camp de Choisel et fusillés près de là, en pleine forêt. Yves Quiniou, pour le Comité départemental du souvenir a prononcé une allocution dans laquelle il a placé cette exécution dans le contexte du massacre de 95 otages le 15 décembre 1941 : 69 au Mont-Valérien (dont Gabriel Péri), 13 à Caen et 4 à Fontevrault en plus des 9 de La Blisière.

© DR
Villepot rend hommage à trois fusillés de l’Octobre sanglant 1941

81 ans après leur exécution, une plaque pour commémorer la mémoire de trois des vingt-sept fusillés du 22 octobre 1941 a été inaugurée le 22 octobre 2022 à Villepot (Loire-Atlantique) dans le cadre des cérémonies du 81e anniversaire du massacre d’octobre 41.

Ils s’appelaient Edmond Lefebvre, Henri Pourchasse et Jean Poulmarc’h.(liens vers leurs biographies) Tous trois syndicalistes et communistes, ils avaient été arrêtés lors de la grande rafle d’octobre 1940 opérée par la police de Pétain, en accord avec les autorités allemandes, puis détenus dans différentes prisons avant d’être internés administrativement  dans le camp de Choisel à Châteaubriant.

©Patrice Morel

Vingt-sept otages avaient été désignés par le Commandant militaire allemand en France Otto von Stülpnagel à la suite de l’une des premières actions armées de la Résistance, lorsque le 20 octobre trois jeunes résistants communistes ont abattu le Feldkommandant Hotz à Nantes.

Choisis sur une liste transmise par le ministre de l’intérieur de Pétain, Pierre Pucheu, les 27 fusillés dans la carrière de La Sablière en Châteaubriant dans l’après-midi du 22 octobre 1941 ont été inhumés le lendemain dans neuf communes du castelbriantais dépourvues de moyens de transport afin d’éviter les « pèlerinages ». Ce 22 octobre 2022, 81 ans jour pour jour après leur exécution, un hommage leur a été rendu en présence d’une foule nombreuses estimée à 150 personnes par Philippe Dugravot, maire de Villepot et conseiller départemental, Pierre Chauleur, sous-préfet, Catherine Ciron, adjointe au maire de Châteaubriant et conseillère départementale, Carine Picard-Nilès, présidente de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, un représentant de la Fédération CGT des industries chimiques, Christian Retailleau, président du Comité départemental du souvenir – Résistance 44, Serge Adry, président du Comité local du souvenir des héros de Châteaubriant et cheville ouvrière du projet, assisté de Denis Fraisse.

©Patrice Morel

Le maire de Villepot, Philippe Dugravot, a d’emblée rappelé ce jour où « l’Histoire a fait une halte sanglante dans notre belle commune ». Cette page d’histoire, les fusillés « l’écrivirent de leur sang » a dit Serge Adry, ajoutant : «  Nous avons un devoir de mémoire envers celles et ceux qui eurent la lucidité de nous léguer, dans les pires conditions, le programme du Conseil national de la Résistance (…) Ils voulaient vivre à en mourir, ils rêvaient de liberté. »   Puis ce fut au tour des petits-enfants de Henri Pourchasse, Brigitte Creton et Pascal Pourchasse, présents pour témoigner : « Nous ne devons pas oublier qu’ils ont sacrifié leur vie pour que nous vivions libres et en paix et parce qu’ils croyaient en un monde sans pauvreté et sans violence ». Il appartenait alors à Pierre Chauleur, sous-préfet de Châteaubriant-Ancenis d’exprimer le sens de cette cérémonie : « Nous sommes réunis aujourd’hui pour crier notre rejet de la barbarie, du terrorisme et de l’intolérance » avant d’appeler à la minute de silence. A noter la présence de 22 porte-drapeaux.

L’émotion était forte lorsque le quatuor de la Compagnie des gars à la remorque a lu les dernières lettres adressées à leurs proches par les trois résistants, écrites dans la baraque 6 quelques instants avant d’être fusillés. Emotion renforcée encore lorsqu’ils ont entonné Le Chant des partisans, de concert avec l’Ensemble vocal du Conservatoire de Châteaubriant-Derval, dirigé par Pierre-Olivier Bigot.

En hommage, le maire a planté trois arbres à l’entrée du cimetière – un noyer, un châtaignier et un chêne – déclarant : « Ceux-là non plus ne plieront pas »  On ne pouvait mieux dire.

Voici un témoignage transmis par Patrick Pérez, ancien adjoint au maire :

Marie Huguette Legobien née Ploteau avait presque 5 ans en 1941, voici son témoignage :

Mon grand-père, François Ploteau, âgé alors de 70 ans, habitait à Villepot. Il s’occupait toujours de l’entretien de l’église, sonnait les cloches, était également fossoyeur. C’est à ce titre qu’il fut réquisitionné pour enterrer trois des fusillés de Châteaubriant.

Mon père, prisonnier en Allemagne, ma mère et moi avions quitté Rennes après les bombardements du 17 juin 1940 pour nous réfugier à Villepot près de la famille. Elle aidait souvent mon grand-père pour l’entretien du cimetière et du haut de mes presque 5 ans, je les accompagnais. Nous étions donc présents tous les trois quand les cercueils sont arrivés.

Ma mère et moi avons alors été conduites dans une baraque à outils comme il y en avait dans les cimetières. Elle était située à proximité des tombes et un soldat armé était posté devant la porte.

J’étais sans cesse derrière la petite fenêtre pour tenter de voir ce qu’il se passait. J’ai toujours la vision de mon grand-père muni de sa pelle, refermant mes tombes.

Ma mère nous a toujours dit qu’il n’avait cessé de maugréer et d’exprimer à haute voix, son horreur, à tel point qu’elle avait craint pour notre vie à tous les trois.

Les cercueils avaient été fabriqués à la hâte et du sang des fusillés avait coulé sur ses sabots. Mon grand-père n’a jamais voulu les remettre et les a brûlés.

Par la suite, mes grands-parents, conservant des liens avec les familles, ont entretenu les tombes jusqu’à ce que les cercueils soient exhumés.

POUR EN SAVOIR PLUS:

Discourt de Mr Dugravot, maire

Serge Adry

Brigitte Creton

P. Chauleur, sous-préfet

Texte des Gars à la remorque

Dernières lettres :

Edmond Lefebvre

Jean Poulmarc’h

Henri Pourchasse

Auguste Chauvin – Résistant FTP  1910 – 1943

Lettres d’un héros ordinaire

Jean Chauvin, le fils d’Auguste, est né à Nantes en 1942. Elevé dans le souvenir de son père, il s’était juré de lui rendre hommage en publiant ses lettres écrites en prison entre son arrestation et son exécution. Ce travail de mémoire, Jean Chauvin y est d’autant plus attaché que la postérité réservée à ces victimes de la répression nazie et vichyste lui paraît quelque peu injuste. Il s’agit cependant de jeunes héros, militants communistes qui ont tout sacrifié en choisissant la lutte armée contre les occupants nazis et les collaborateurs français.

Sollicité, L’Oribus a décidé de reprendre à son compte le projet de Jean Chauvin, de répondre positivement à son souci de mémoire, d’éclairer un aspect souvent mal connu de la Résistance française et de redonner à Auguste Chauvin et à ses compagnons la place qui leur revient dans le souvenir de cette page de l’Histoire de France.

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