RENELLE Victor, Louis, Eugène
RENELLE Victor, Louis, Eugène

Victor Renelle naquit dans un milieu catholique conservateur et artiste. Son père, auteur-compositeur et violoniste, poussa ses enfants à apprendre le solfège, l’harmonie et les instruments : une sœur fut violoniste. La famille lisait Maurras et Drumont.
Devenu ingénieur de l’École de physique et chimie de Paris – école qui sera un vivier de savants et de syndicalistes engagés à l’extrême gauche –, Victor Renelle fut affecté d’office, pendant la Première Guerre mondiale, dans les usines chimiques de la vallée du Rhône. C’est dans cette région qu’il rencontra Henriette, sa femme. Le couple eut une fille en 1919, Suzanne.
Rhône-Poulenc l’engagea en 1920 et l’employa en France et en Italie. Après une période de chômage pendant la crise économique, il travailla pour les usines Duco à Stains (Seine, Seine-Saint-Denis).
Membre de la loge Jean-Jaurès de la Grande loge de France, Victor Renelle fut, avec deux autres chimistes, Roger Pascré et Adolphe Bourrand, un des fondateurs du syndicat CGT des ingénieurs des industries chimiques, où il côtoya Georges Beyer. Il appartint à la direction de la Fédération CGT des industries chimiques avant la Seconde Guerre mondiale, mais ne fut jamais membre du Parti communiste. Pendant les grèves de juin 1936, il participa à l’occupation de l’usine avec les ouvriers ; sa fille, qui l’accompagnait parfois, se souvient qu’on y dansait souvent.
Pendant l’exode, on lui confia la direction de son usine repliée à Castres (Tarn). Le syndicat des produits chimiques fut reconstitué clandestinement. Arrêté par la police française le 5 octobre 1940 en même temps que Gisèle Pascré (épouse de Roger Pascré, prisonnier) et Roger Houët, lors d’une réunion syndicale qui se tenait à son domicile, 97 boulevard Magenta, à Paris (Xe arr.), il fut condamné à six mois de prison pour propagation « de mots d’ordre de la Troisième Internationale ». Il rencontra Fernand Grenier à la prison centrale de Clairvaux (Aube), avant leur transfert commun à Châteaubriant. On lui proposa une libération conditionnelle, qu’il refusa car il fallait signer une déclaration d’allégeance à Pétain. Le 22 octobre 1941, il a été fusillé comme otage à Châteaubriant, en représailles à l’exécution du commandant Karl Hotz à Nantes (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). parmi vingt-sept autres internés, dont vingt-quatre communistes. Il laissait une femme et une fille. Son état civil porte la mention « Mort pour la France ». Une salle de l’immeuble de la CGT à Montreuil (Seine-Saint-Denis) prit son nom.
Après la mort de Victor Renelle, sa femme, Henriette Renelle, aida plusieurs familles juives amies à passer la ligne de démarcation. Elle s’installa dans son village de Provence et y ravitailla le maquis local en farine, car elle avait trouvé un travail au moulin du village. La fille de Victor Renelle, Suzanne Renelle, fut arrêtée vers juin-juillet 1944 avec tout son réseau du Bureau central de renseignement et d’action (BCRA). Elle était à Fresnes (Seine, Val-de-Marne) quand le consul Raoul Nordling négocia la mise en liberté de résistants emprisonnés. Elle sortit de prison le 19 août 1944, premier jour de la libération de Paris.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article128571, notice RENELLE Victor, Louis, Eugène par Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 24 février 2017.

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII, dossier 2 (Notes Thomas Pouy). – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant, 1954 [Icon.]. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, Éd. Sociales, 1967. – Roger Faligot, Rémi Kauffer, Service B, Fayard, p. 18-19. – Le Monde, 24 janvier 1981. – Renseignements communiqués par Catherine Faure, petite-fille de Victor Renelle.
logo_maitron-11.jpg

Lalet
LALET Claude

lalet_claude.jpgFils d’un rédacteur au ministère des Finances, Claude Lalet se destinait au journalisme et aimait la poésie. Élève au lycée Rollin (Jacques Decour) depuis 1930, il fut en 1935-1936 aux lycéens antifascistes, dit-il lors de son interrogatoire par la police. Il était, en 1937, membre de l’Union des étudiants communistes (UEC) et aurait été responsable, avec Olivier Souef, des étudiants communistes de la Sorbonne vers 1940. Selon son épouse, Eugénie Lalet-Lory, il n’était plus lié au Parti communiste lorsqu’il fut arrêté le 25 novembre avec elle et Maurice Delon, ce qui semble étonnant. Il n’est pas exclu qu’il ait eu des réserves par rapport à l’orientation refus de « guerre impérialiste » de l’Internationale communiste.
Claude Lalet s’était marié le 26 octobre 1940 à Paris (XIIIe arr.) avec Eugénie Lory, née en février 1923 à Lambezellec (Finistère).
Pierre Daix dit qu’il a toujours connu Lalet communiste, que c’est lui qui lui apprit l’exclusion du PCF de maître Foissin et lui donna consigne de militer au Centre laïque des auberges de la jeunesse (CLAJ). Il ajoute que Lalet était un des organisateurs de la manifestation pour Paul Langevin le 8 novembre. Mais rien ne dit qu’il participa à la manifestation du 11 novembre, même s’il est probable qu’il comptait au nombre les étudiants communistes qui y étaient favorables. Nous ne disposons d’aucun appel de l’UEC au 11 novembre, à la différence du 8 novembre pour Langevin, et il semble que peu y allèrent effectivement selon Alain Monchablon. Les arrestations s’échelonnèrent du 20 au 28 novembre, par remontée de filières : le 20 : arrestations en flagrant délit à la Mazarine puis, au total, dix-neuf arrestations dont Claude Lalet, Pierre Daix). Informée par la préfecture de police, la presse (l’Œuvre, Le Petit Parisien) annonça le 29 novembre, fièrement, le démantèlement de l’action communiste chez les étudiants et fit de Claude Lalet le rédacteur et répartiteur des tracts communistes, en même temps qu’un des trois « chefs de secteur ». Ni cette presse, ni les rapports de police ne relient ces arrestations au 11 novembre.
Incarcéré à la prison de la Santé puis à Fresnes le 1er mars 1941, il fut condamné à huit mois de prison mais ne fut pas libéré ensuite et fut transféré, le 29 juillet, au camp de Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) comme interné administratif. Sa jeune femme, Eugénie, qui avait fait de nombreuses démarches pour obtenir sa libération, reçut du ministère de l’Intérieur une lettre l’informant de la sortie prochaine de son mari le 23 octobre 1941 ; elle se présenta ce jour-là au camp de Châteaubriant où elle apprit que son mari avait été fusillé la veille. Eugénie Lalet, arrêtée aussi le 25 novembre 1940, eut une condamnation légère et fut libérée comme pupille de la Nation, mais resta communiste.
Selon son témoignage, Claude Lalet ne figurait pas sur la liste initiale : « Il a été rajouté en surnombre : alors que le convoi des fusillés était déjà en marche vers la carrière, ordre a été donné de stopper le convoi et de rajouter l’étudiant de vingt et un ans Claude Lalet » (Le Monde, 3 novembre 1971). Pierre Daix précise qu’il est le seul des otages fusillés à avoir subi une condamnation judiciaire.
Eugénie Lalet fut à nouveau arrêtée, sous le nom de Fartière, le 2 mars 1942 (une autre source dit 4 avril 1942) dans l’affaire dite des « services publics » avec son nouveau compagnon Robert-Henri Fournier (né le 12 octobre 1917) et déportée le 22 mai 1944. Fournier mourut à Güsen (Autriche) le 5 mai 1945. Elle eut de Fournier un enfant prénommé Claude, élevé à la prison centrale de Rennes puis extrait clandestinement et confié à sa grand-mère.
Le dossier Châteaubriant de la commission de contrôle politique du Parti communiste français ne contient pas d’informations qui permettaient de conclure, avec sa femme, que Claude Lalet se serait éloigné du Parti communiste avant son arrestation.
Aragon le cita dans Le Crime contre l’Esprit (1942, rééd 1945).
Il fut inhumé à Sion (Gers) puis transféré au Père-Lachaise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article89682, notice LALET Claude par Jean-Pierre Besse, Alain Monchablon, Claude Pennetier, version mise en ligne le 10 octobre 2010, dernière modification le 24 février 2017.

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII, dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Arch. PPo GB52 BS1, en particulier no 4, 26 novembre 1940. – Arch. CCCP du PCF, Notes Jean-Pierre Ravery. – Alfred Gernoux, Châteaubriant et ses martyrs, Nantes, Éd. du Fleuve, 1946. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954. – Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, préface de Jean Marcenac, 3e éd., Paris, Éd. Sociales, 1967. – Témoignage. Le crime contre l’esprit (les martyrs) par le Témoin de martyrs (Aragon), Paris, Éd. de Minuit, 1945. – A. Monchablon, « La manifestation à l’Étoile du 11 novembre 1940. Histoire et mémoire », Vingtième siècle, no 110, avril 2011. – Le Monde, 3 novembre 1971, 24 janvier 1981.

ICONOGRAPHIE : Lettres des fusillés de Châteaubriant, op. cit. — Fernand Grenier, Ceux de Châteaubriant, op. cit.
logo_maitron-11.jpg

GAUTIER Henri, Jean, écrit aussi GAUTHIER Henri

Fils de Ferdinand Henri Paul Gautier, mécanicien et de Marcelline Anna Blanchard domiciliés à Le Clion.Henri Gautier était marié à Marguerite Joséphine Protheau le couple habitait 21 rue Petite Biesse à Nantes où il exerçait la profession de pompier.
En 1943, sous le pseudonyme Marcellin, il fit partie du groupe des Francs-tireurs et partisans de Jean Fraix.
Arrêté le 26 janvier 1943 par la police française et le Service de police anticommuniste (SPAC) d’Angers pour « actes de franc-tireur et attentats contre les troupes d’occupation », il fut jugé par le tribunal allemand de Nantes (FK 518) le 13 août 1943 (« Procès des 16 ») et fusillé au Bêle (Nantes) le 25 août 1943.
Il a été reconnu Mort pour la France le 19 février 1945.
Une cellule du Parti communiste français (PCF) de Loire-Atlantique porte son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159978, notice GAUTIER Henri, Jean, écrit aussi GAUTHIER Henri par Guy Haudebourg, version mise en ligne le 18 juin 2014, dernière modification le 26 février 2019.

SOURCES : AVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép 44,305 J 3 . — Jean Bourgeon (sous la dir.), Journal d’un honnête homme pendant l’Occupation, Thonon-les-Bains, L’Albaron, 1990.
logo_maitron-9.jpg

LACAZETTE Maurice [LACAZETTE Camille dit Maurice]

camille_cazette.jpgLes parents de Maurice Lacazette, Jean Émile Lacazette et Marie Dalas d’abord paysans à Riscle (Gers), s’installèrent à Bordeaux puis à Paris où ils tenaient en 1937 un café-restaurant, rue de Wattignies, dans le XIIe arrondissement. Il fréquenta l’école primaire de Riscle, puis à Paris l’école Violette (mécanique électricité) et l’école industrielle d’Auteuil. Il commença à travailler à l’âge de quinze ans comme apprenti tourneur, puis, de dix-huit à dix-neuf ans, il fut porteur de journaux. Il fit son service militaire comme 2e classe et, à son retour, fut garçon plombier et enfin tourneur professionnel sur métaux. Chômeur de janvier à août 1936, il devint à cette dernière date permanent rémunéré au Syndicat des métaux. Il avait épousé, le 22 février 1930, Pauline Delille, comptable à la Fédération du Bois (en 1937) dont les parents tenaient un commerce de chiffons d’essuyage en difficulté financière. Ils eurent deux enfants. Au syndicat des métaux, Lacazette rencontra Régine Gurfinkiel (voir Régine Lacazette-Leriche) qui devint sa compagne après son divorce, le 19 juin 1942. Dans un témoignage celle-ci le décrit comme un homme « gai, spirituel, facilement ironique, grand, svelte, beau (d’une beauté basque) ».
D’abord aux Jeunesses communistes, il adhéra au Parti communiste en octobre 1935 après le congrès de l’ICJ et milita dans la section du XIXe arrondissement où il habitait, rue Georges-Lardennois. Il était membre du comité de section et secrétaire du rayon des Jeunesses du XIXe. À la fin de 1937, il fut affecté à la cellule Crane de la Courneuve et il fut membre du comité de la section locale. Délégué au congrès de la Région parisienne en 1935, il suivit deux écoles de section du XIXe et une école régionale de Paris-ville. Très actif pendant le mouvement de 1936, il recruta pour le parti, formant, déclarait-il dans son autobiographie du 6 décembre 1937, sept cellules d’entreprise dans le XIXe arrondissement. Militant au syndicat des métaux, secrétaire de la section locale du XIXe arrondissement et de la CE de l’Union syndicale des métallurgistes de la région parisienne, il devint permanent rétribué en août 1936, s’occupant du secteur Nord-Est. Il entra au bureau de l’USTM et au CE de la Fédération des travailleurs de la métallurgie. Il était par ailleurs vice-président de l’orphelinat l’Avenir social et membre du Secours populaire.
Mobilisé au début de la Seconde Guerre mondiale, il fut envoyé dans la forêt de Warndt avant d’être, en janvier 1940, affecté spécial à l’usine des métaux Allinquant dans le XVe arrondissement de Paris. Son usine partit à Nay (Basses-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques) en juin 1940. Le parti lui demanda de rejoindre la capitale en septembre 1940 et il prit contact avec les syndicalistes des métaux. Recherché par la police, il dut, dès l’automne 1940, passer dans la clandestinité avec Régine. Ses activités intenses, dans le cadre du Parti communiste clandestin et des Comités populaires d’entreprises, entraînèrent son arrestation le 16 mai 1942. Frappé pendant son interrogatoire, il contracta la gale lors de sa détention à la préfecture de police de Paris et fut transféré à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, d’où, avec l’aide de Régine, il réussit à s’évader le 2 août 1942.
Malgré son mauvais état de santé, il reprit l’action clandestine dans la région parisienne puis à Nantes où il assura la réorganisation de l’interrégion Bretagne des Francs-tireurs et partisans. La police l’arrêta le 19 janvier 1943. Comme en témoignent des lettres émouvantes qu’il réussit à faire parvenir à Régine, Maurice Lacazette n’ignorait pas le sort qui sera le sien. Dans une missive du 21 août 1943, il annonça la sentence : « quinze condamnés à mort et un acquitté et, bien entendu, j’ai le numéro 1 ; grand honneur comme tu vois, mais la certitude du poteau ».(procès des 16).
Les Allemands le fusillèrent le 25 août 1943 au champ de tir du Bêle, à la porte de Nantes, et enterrèrent son corps à Saint-Mars-du-Désert.
Après la Libération son corps fut transféré au Père-Lachaise avec les restes de son meilleur ami, Jean-Pierre Timbaud.
Il a été reconnu Mort pour la France le 12 février 1945.

……………………………………………….

Dernières lettres

| [Extraits des lettres adressées à sa femme, Régine]

20 février 1943
Grâce au brave gars qui te remettra ce mot, j’ai la chance unique de pouvoir te faire parvenir de mes nouvelles. Quand les recevras-tu ?… Je ne sais. Peut-être aurai-je – fini de vivre ? Enfin, tu auras eu une lettre. C’est une chance inespérée.. Certes, j’aurais préféré t’écrire librement au moment de mourir, mais il ne faut pas y compter, et pourtant, j’aurai des sentiments que je voudrais pouvoir te communiquer à ce moment-là…
Dans ma première lettre, je t’indiquais que j’étais gardé par les gendarmes français et que je pouvais, alors recevoir lettres, colis et livres en commun avec les autres détenus politiques ; c’était vraiment la belle vie, mais ça n’a pas duré et, rentré en prison le 2 février, je suis passé aux Allemands le 8 à neuf heures du soir ; alors, changement de décor : cellule et au secret le plus absolu, ni lettres, ni colis,
ni tabac, ni linge, ni promenade, rien, rien. Pas de liaison possible avec l’extérieur. Je suis passé d’abord seul aux Allemands, mais depuis quelques jours j’ai appris que d’autres m’avaient rejoint…
Le copain pourra te parler de cette vie. D’abord, nous avons faim, toujours faim, ensuite nous avons froid et moi je ne puis me guérir de mon besoin de fumer, la mort accrochée sur la tête tous les matins au réveil. Ce n’est pas nouveau pour moi, ça fait deux fois déjà, mais, cette fois, « chef des terroristes », je n’y coupe pas, ou ce serait alors un miracle auquel je pense de moins en moins ; je veux à tout prix m’habituer à l’idée de disparaître.
Si encore nous avions des nouvelles pour échafauder nos espérances ! Mais rien ; si, la plus récente ce jour, c’est la prise de Kharkov ; ça a dû bouger plus que ça, mais nous ignorons tout.
Un peu de joie ici rompant la monotonie, c’est le balayage, le coiffeur, la douche, trois fois la soupe tous les jours et les alertes qui sont très fréquentes ces,
jours-ci, et puis les divers bruits de bottes dans les couloirs provoquent diverses réactions. Par exemple : samedi 13 février, les bottes sont venues chercher vingt-trois camarades pour les fusiller, ils ont accueilli leurs bourreaux en chantant la Marseillaise. Le camarade pourra te dire les minutes d’intense émotion que nous avons vécues.
Voilà ma vie matérielle, pas brillante comme tu le vois, aussi je vis intensément par la pensée, par les souvenirs. D’abord j’ai deux gars, dont celui que tu vas voir, à convaincre à notre cause, et je suis sûr, d’y parvenir. Je leur fais des causeries sur ce que nous sommes, ce que nous poursuivons comme but, la société idéale que nous voulons construire. Je vis de tout mon être ce que j’inculque et je suis fier de ma vie et de ma mort si proche, parce que je suis certain que nous triompherons, que les hommes seront heureux. Certes, j’ai souvent des regrets au fond de moi de penser que je ne serai plus là pour le voir, mais il reste une consolation, c’est que l’on ne nous oubliera pas, nous qui aurons tout donné pour atteindre ce but.
Vois-tu, mon amour, je n’aurai pas de mal à te convaincre, toi qui me connais bien, que ces causeries, ces polémiques m’auront fait beaucoup de bien, et les heures s’écoulent ainsi moins monotones.
Une autre chose qui me fait beaucoup de bien et souvent beaucoup de mal, ce sont les heures de solitude où je me trouve avec ma L… chérie, c’est vers toi que vont mes pensées les plus tendres, les plus, aimantes.
J’ai avec moi cette photo de 38 où nous ressemblons à deux jeunes fiancés et c’est toujours la gorge un peu serrée que je regarde cette image de notre bonheur passé. Que de regrets souvent de ne pas avoir été plus jaloux de ce bonheur ! Vois-tu, j’y pense souvent, nous étions faits l’un pour l’autre, nous devions avoir une vie heureuse tous les deux, mais pour bien s’aimer je crois qu’il faut être égoïste, penser plus à sa propre vie, ne pas être captivé par cette immense tâche qui me prenait tout, le corps comme l’esprit. Oh ! surtout ne crois pas que je regrette mon activité, ma lutte ; non, je n’aurais pas pu vivre sans cela et s’il y a quelque chose
dont je suis fier aujourd’hui, à la veille de disparaître, c’est de ma droiture de militant, de ma fidélité au Parti et à sa cause.
Mon regret, mon affreux regret, c’est de ne pas t’avoir rendue plus heureuse. J’ai peur que tu ne gardes de moi qu’un souvenir qui s’effacera vite devant la vie et ses besoins. Mon cher petit, pense à moi, il y a beaucoup de bon chez le L… ; tu le verrais, tu serais fière de lui, et puis je suis certain que si j’avais conservé la vie, je t’aurais rendue heureuse.
Partir tous les deux sac au dos ; comme quand nous étions jeunes !… Alpes, Pyrénées, Bretagne, c’est fou ce que l’on peut aspirer à la vie quand on va mourir…
Tu sais, nous avions souvent parlé de la petite fille. Quelle torture pour moi, aujourd’hui ! II me semble qu’avec un enfant je t’aurais gardée pour toujours…
Tu vois, avant la mort, c’est la vie avec toi qui me torture le plus. ((La vie »,tu te rappelles, ce sont les premiers mots que « La Mère »* [le roman de Maxime Gorki] a déchiffrés.
Je crois que tous les copains qui sont morts avant moi ont dû se trouver devant les mêmes réactions, avoir foi dans la victoire finale, en être convaincus inébranlablement, prêcher notre vérité jusqu’au dernier souffle, mais éprouver des regrets d’enfants, de ne pas vivre pour voir se réaliser ce grand rêve.
Je sors de toutes ces pensées qui me font du bien et du mal. Parlons de toi. Que deviens-tu ? Fais très attention à toi…
J’espère que tu as trouvé du travail, que ton temps est très pris et que tu n’as aucun souci matériel.
Si un jour, tu as l’occasion de rencontrer des amis tu pourras leur dire que le Grand a bien tenu le coup. Oh ! si je pouvais avoir un mot de toi, quel bonheur. Mais hélas ! il ne faut pas y compter…
Et maintenant, mon amour, ma vie, il faut se quitter, se dire adieu pour toujours. Si mes calculs sont exacts, en tenant compte que nous sommes peu nombreux dans l’affaire, ça ira vite et en comptant largement, un peu pour se faire plaisir, à fin
avril, je serai rayé des vivants. Tu le sauras par le porteur qui t’en avisera là où tu te trouveras, et peut-être te dira-t-il où je serai enterré, et un jour, tu viendras où je reposerai verser des larmes, parce que je ne doute pas de ton amour, mon cher petit, cela me soulage et me fait du bien. .
Adieu, ma femme chérie, je t’aime beaucoup, beaucoup, et mes dernières pensées seront pour toi, dans la dernière minute c’est toi que je verrai et je demanderai-ton pardon, pour toutes, les misères que j’aurai pu te faire, le bonheur dont j’aurai pu te frustrer.
Adieu, petite… adieu tous les petits coins où nous nous sommes aimés. Je n’ai pas la force de te donner à un autre, mais si un jour tu as un ’enfant, appelle-le de mon nom, si tu veux, mon petit. Oh ! mais, tu sais, je ne te lie pas par une exigence, c’est si tu veux et si ça ne doit choquer personne. Adieu, mon aimée.
Je penserai encore beaucoup à toi et je ne doute pas que tu penses à moi. Je sais trop ton amour, ton grand amour pour moi. ’
De toutes mes forces, je t’embrasse bien tendrement.
Adieu tous les copains, adieu, ouvriers mes frères !
La vie sera belle, il n’y aura plus de haine, plus de misère, le droit du peuple sera sacré ! Mais il faut se battre avec abnégation, savoir tout sacrifier à la victoire, à l’exemple de ceux qui sont morts.

Maurice Lacazette

[Sans date]

L… chérie,
Tu me demandes des détails sur ma vie ici. A trois, dans une cellule, mais pas des copains, je suis soigneusement isolé des autres communistes ; beaucoup de brimades, pas de promenades, pas de lecture, pas de colis, pas de tabac, bien reclus et à manger au compte-gouttes. J’ai l’impression qu’ils veulent nous tuer deux fois ; d’ailleurs ici cela ressemble à de la vengeance. Quant au procès voilà deux mois que j’ai été interrogé par les SS aussi je m’attends à un dénouement rapide, mais n’ai pas peur et, fort de notre conviction, je l’affronterai en communiste. J’ai un peu peur que tu retravailles là-bas, je ne te cache pas que j’étais heureux et fier, mais attention… Arrête tout envoi de colis, parce que je n’en touche aucun ; ces messieurs se régalent avec ; ce que je demandais était à mettre dans le linge, c’est là que j’ai le plus chance.
Parle-moi beaucoup de toi, mon amour, et fais bien attention. Je t’embrasse partout…
M.L.

[Sans date]
Ma femme chérie,
Toujours là et rien de nouveau, pourtant je suis toujours convaincu qu’il n’y en a pas pour longtemps, des bruits de bottes me mettent toujours en éveil. Tu as dû avoir des nouvelles du colis de mercredi, ils sont forts, mais pas assez pour moi, et je crois que cette semaine, je mangerai du pain et surtout je vais fumer.
A ce propos, envoie du tabac et des tickets. Je compte sur l’ami Geo pour le tabac Depuis le temps que je me débrouille pour pouvoir faire de la fumée, j’espère pouvoir réussir cette fois, et si tu apprends que j’en ai eu, dis-toi que ton Grand aura eu un grand plaisir cette semaine.
A part ça, toujours pareil, même vie creuse, vide de nouvelles, et ma santé pas brillante, souvent de la fièvre et ma gale qui prend des proportions inquiétantes. Il est grand temps qu’ils me tuent, ou c’est la pourriture qui m’emportera.
Je me demande quelquefois si le plus dur n’est pas ces longs mois d’attente plutôt que le moment où il faudra disparaître. Enfin passons sur les détails le moral est toujours bon, la foi collée aux tripes, et c’est le principal. Notre idéal et toi, voilà à quoi je veux penser continuellement, j’y arrive, et ainsi le restant de la vie est supportable
M. L|

[Sans date]
[ L… chérie,

J’ai bien peur que ce soit le dernier petit mot j’attends le procès pour ces jours-ci, le dénouement approche, la vie se termine, j’ai du courage, beaucoup de courage, ma foi dans un avenir de bonheur pour toi et mes compagnons me rend costaud. Je l’imagine, cet avenir, dans mes heures de rêveries. Sans l’ombre d’un doute notre cause triomphera, et c’est d’un grand réconfort, cette cause si chère et toi, toute ma vie, voilà mes pensées, mes dernières pensées.
Si tu peux m’écrire encore mercredi, donne-des nouvelles sur la situation et dis-moi franchement ce que pense la famille. Ici, c’est la nuit totale. Que se passe-t-il ?
A part ça, moi je tiens le coup ; un peu de fièvre mais surtout la fièvre du tabac, je voudrais tant en avoir pour le procès, les autres bonnes choses, bien, je les oublierai, quoique la rage me ronge quand je vois tout repartir, comme mercredi, même pas un petit gâteau quand la faim ronge les tripes, en tout cela c’est dans l’ordre.
Adieu, ma femme adorée, courage et prudence faut que tu tiennes ; je t’adore et t’embrasse partout de toutes mes forces.

21 août 1943
Mon cher petit,
Troisième tentative pour que tu aies de mes nouvelles, mais les recevras-tu avant que tu repartes ?
Tu dois connaître le verdict : quinze condamnés à mort et un acquitté et, bien entendu, j’ai le numéro 1 ; grand honneur, comme tu vois, mais certitude du poteau. Commencé mercredi, le procès s’est terminé vendredi soir ; ça a été mené à toute vitesse, et c’était particulièrement pénible. Tout le monde s’est bien comporté et tous les gars ont été très dignes au verdict.
Dès vendredi soir, j’ai été changé de cellule et mis avec d’autres camarades, condamnés comme moi, solidement enchaînés et gardés ; nous avons passé de dures heures ; le temps de s’habituer à l’idée de, disparaître, et tous les bruits de bottes dans le couloir serrent un peu le cœur : le moment est-il venu ? Les visages se crispent, mais tous sont prêts et, tu pourras le dire, armés de beaucoup de courage.
Pour le moment, j’ai les mains déchaînées et suis accouplé par une chaîne aux chevilles à l’ami Fernand [Fernand Mougenot ]qui t’envoie le bonjour. Ainsi, nous ne faisons pas un pas l’un sans l’autre et nous dormons liés l’un à l’autre ; tu vas trouver cela ignoble, c’est que tu n’es pas comme moi habituée depuis sept mois aux raffinements de la civilisation européenne.
De quoi est faite notre vie maintenant ? Nous causons du passé, mais aussi de cet avenir certain que nous savons radieux, et ce sont les éternels « Si nous avions vécu pour voir cela… . » Mais tous nous nous consolons un peu à l’idée que nous ne serons pas oubliés parce que nous aurons participé à la construction de ce bel avenir.
Mercredi, contre toute attente, nous avons eu droit au colis sans restrictions, vivres et tabac ont littéralement déferlé dans la cellule, c’était la joie pour tous, et nous oublions même le sort qui nous attend ; maintenant nous espérons vivre encore
mercredi pour en profiter encore une fois. Depuis le temps que nous n’avions vu toutes ces richesses, vous imaginez notre joie (Pourriez-vous mercredi prochain me mettre une culotte dans mon colis, ils laisseront passer.)
Ça y est, mon tout petit, la page est tourné. Adieu l’avenir, ce bel avenir que j’avais imaginé dans ces longs mois de captivité. J’avais juré de te rendre heureuse et d’avoir près de toi une vie de labeur, mais aussi de te consacrer beaucoup de temps de sentir près de moi une chaude affection, de fonder un foyer dont nous avions tant besoin l’un et l’autre d’avoir un petit enfant, de vivre comme deux êtres qui s’aiment Nous avions tellement souffert, tellement payé que nous aurions construit un bonheur
indestructible.
Adieu, mon tout petit, adieu toute ma vie, sois courageuse, refoule tes larmes et ton chagrin, travaille de toutes tes forces et un jour proche quand tu verras briller les jours de bonheur, tu diras que tu as tout donné pour le triomphe de notre cause, y compris un être qui était ton mari, et viendras dans un petit cimetière breton verser quelques larmes sur ton L… .
Adieu, sois heureuse,- et plus tard, quand tu sera guérie de ta peine, je te souhaite de trouver un prolo digne de toi. C’est dur de dire cela parce je suis jaloux, même devant la mort, mais tu mérites tant d’être heureuse que je te le souhaite de tout cœur.
Adieu à tous les copains, dis-leur que je suis resté digne de leur confiance et que je suis fier de mourir pour mon pays et pour ma classe.
Adieu à tous nos amis, à cette brave amie qui a tant fait pour moi pendant ma captivité, dis-leur merci et, ne l’oublie jamais, c’est pour deux que tu exprimeras notre reconnaissance.,.
Adieu, femme chérie, adieu toute ma vie, relis les beaux livres que tu m’as choisis et qui m’enthousiasmaient tant ; quand tu te promèneras dans ce vieux Paris, dis-lui bonjour pour moi, je le regrette tant, lui aussi. Je te serre de toutes mes forces. Ma dernière pensée pour toi.
Mets-moi un mot mercredi, et tout ce que tu possèderas comme vivres et tabac pour moi.
M. L.|

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114991, notice LACAZETTE Maurice [LACAZETTE Camille dit Maurice] par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 18 octobre 2021.

SOURCES : Archives du Komintern, RGASPI, Moscou, 495 270 2662 : autobiographie du 6 décembre 1937 établie à Aubervilliers. – Arch Dép 44, 305 J 3 . — L’Humanité, novembre 1973. – Henri Jourdain, Comprendre pour accomplir, Éd. Sociales, 1982, p. 59. – Lettres de fusillés, Éd. Sociales, Paris, 1958. – Souvenirs écrits de Régine Lacazette-Leriche communiqués par Fernand Leriche. – Documents déposés au Musée de la Résistance, Ivry. – Témoignage de Fernand Leriche, ancien maire adjoint, président de la Commission d’histoire d’Ivry. – État civil, Bordeaux.

JAMET Guy, Yvon

guy_jamet.jpgFils d’Anita Jamet, Guy Jamet fut marié à Francine Durigneux ; ils avaient un enfant. Il habitait Bouguenais (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique).
Membre du Front national dès le mois de janvier 1942, groupe Château-Bougon SNCASO, il participa à la distribution de tracts. Il participa ensuite au vol de dynamite et à plusieurs attentats à la bombe. À la fin de l’année 1942, il entra dans le groupe des Francs-tireurs et partisans (FTP) nantais de Jean Fraix. Est-ce lui qui, sous le pseudonyme de Guy, fut responsable de la jeunesse de l’interrégion communiste Ouest (huit départements) ?
Arrêté le 26 janvier 1943 par la police française et le Service de police anticommuniste (SPAC) d’Angers pour « actes de franc-tireur et attentats contre les troupes d’occupation », il fut jugé par le tribunal allemand de Nantes (FK 518) le 13 août 1943 (« Procès des 16 ») et fusillé au terrain militaire du Bêle le 25 août.
Il a été reconnu Mort pour la France 19 février 1945.
Une place de Bouguenais porte le nom de Louis-Bâle-et-Guy-Jamet.
Une cellule du PCF de Loire-Atlantique a pris son nom.

Guy Jamet fait partie des 90 syndicalistes CGT de Nantes figurant à la Maison des syndicats de Nantes sur une plaque : « Les syndicats confédérés de Nantes en Hommage à ses Martyrs, victimes de la barbarie nazie. »

|Dernière lettre
« Nantes le 25 août
Ma petite femme adorée.
C’est fini, quand tu recevras cette lettre je ne serai plus en vie.
Je vais mourir assassiné par les allemands, car j’ai été condamné
injustement.
Dans le verdict du procès, il n’y avait rien de nos déclarations faîtes à la
police. Au cours du procès, nous avons tous été braves, pas un n’a flanché et
nous sommes quinze condamnés à mort sur seize.
Ils ont soif de sang, mais notre mort aura servi à quelque chose car bientôt
ils ne seront plus là et les français seront heureux à nouveau.
Tu n’auras pas à rougir de moi, ainsi que ma fille, mais au contraire soyez
fières et vengez moi si vous pouvez.. Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pas
pouvoir te rendre heureuse plus que tu ne l’as été jusqu’à ces jours.
Adieu les beaux projets d’avenir, je n’aurai jamais pensé que ma vie serai
si brève mais c’était la destiné, j’étais orphelin ma fille le sera.
Quand tu penseras à moi, pense bien que je t’ai aimé comme un fou
malgré mes aspects rudes parfois, et pardonnes moi si quelque fois je t’ai
rendu malheureuse. C’était inconsciemment, car je n’étais pas méchant, tu
t’en es aperçu.
Souvent dans ma cellule j’ai rêvé d’une vie tranquille avec les deux êtres
que j’ai aimé le plus au monde, mais ç’aurait été trop beau, par conséquent
irréalisable.
Avec petit Louis, on a décidé que si vous voulez, avec ma soeur, vous vous
mettrez ensemble, la vie serai moins dure pour vous.
Mais tu es jeune et tu peux refaire ta vie. Je te le conseille, mais prends un
brave garçon qui ne rendra pas ma fille malheureuse, et à rendre heureuse toi
aussi, car je te souhaite une vie hèureuse et tranquille.
Ils vont assassiner toute la famille, car les photos que tu m’as envoyées
seront traversées par les balles sur mon cœur.
C’est petit Louis qui a parlé de moi à la police, mais malheureusement
pour lui il n’a pas sauvé sa tête. Je ne lui en veux pas il ne savait pas ce qu’il
faisait.
Je n’en veux pas surtout aux allemands, quoique ce sont des assassins,
mais j’en veux surtout aux policiers français qui m’ont remis entre leurs mains.
Dis aux copains que je vais mourir en brave et qu’ils continueront à lutter
pour /e bonheur du prolétariat.
Si tu sais où l’on est enterré tu (Illisible) grâce à mon dentier
et si tu peux le faire, fais moi revenir dans la fosse.
Après la guerre tu auras droit à une pension de veuve de guerre, tu feras
les démarches pour l’avoir.
Je ne veux pas que ma petite Ginette soit baptisée, elle le fera plus tard
si elle veut.
Dès que tu sauras officiellement que j’ai été fusillé, viens rechercher mes
affaires à la prison.
Peut-être qu’avant d’y aller, je pourrai écrire une lettre d’adieu, mais tu la
recevras que dans plusieurs mois, et l’on ne peut pas mettre grand chose
dessus.
J’ai été très heureux de te voir lors (du procès s’a m’a …(Illisible)
très fugitive), mais elle est gravé dans ma mémoire et je n’ai qu’un regret
c’est que tu n’es pas amenée ma petite Ginette, j’aurai été content de la voir
pour la dernière fois, et surtout de pouvoir vous embrasser avant de mourir
, si jeune, mais je tâcherai d’être aussi brave devant les fusils que je l’ai été au
procès.
Ma petite nénette chérie, la place me manque, je suis forcé d’abréger,
mais sache bien que ma dernière pensée en mourant ira vers toi et ma fille
adorée.
Adieu mes deux amours, dis aussi adieu à Petit Pierre pour moi ainsi que
Jojo et aux amis.
J’aurai voulu pouvoir te rendre heureuse, mais je ne pouvais pas penser
souvent à m04 et fais aimer ma mémoire à ma fille.
Je vous envoie mes derniers baisers. Ton petit mari qui t’a toujours aimé
et qui regrette de ne pas avoir pensé assez à vous et avoir fait votre malheur.
Vive la France.
Mes derniers baisers à mes deux amours pensez souvent à moi.
Je t’envoie mon alliance car ils me la voleraient ».|

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159980, notice JAMET Guy, Yvon par Guy Haudebourg, version mise en ligne le 18 juin 2014, dernière modification le 12 octobre 2021.

DAVIAIS Jean-Baptiste

Après ses études à l’école professionnelle de Rézé, Jean Baptiste Daviais créa la Martenelle, société d’entraide pour les pupilles de l’Etat. Militant communiste, il était un partisan acharné de l’école laïque et créa la Fédération des amicales laïques dans son département.

Résistant au sein de Libé-Nord à partir de 1942, il fut à l’automne 1943 à l’origine de la création du CDL clandestin.

Arrêté le 17 avril 1944, il fut déporté le 18 juin 1944 et mourut au camp de Dachau.

Un square de Nantes porte son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21574, notice DAVIAIS Jean-Baptiste par Jean-Pierre Besse, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 29 novembre 2010.

SOURCES : Clarté, 1946. — Jean-Pierre Sauvage, Xavier Trochu, Mémorial des victimes de la persécution allemande en Loire-Inférieure 1940-1945, tome déportés politiques, déportés résistants, 2002.— Presse locale.
logo_maitron-11.jpg

Maurice ALLANO

Fils de Pierre Allano, chauffeur, et de Alice Juliette Houchocca, ménagère, Maurice Allano, célibataire, chaudronnier, fut arrêté le 22 septembre 1941 à Nantes par les autorités allemandes pour « violence contre des soldats allemands ». Il semblerait que Maurice Allano soit intervenu lorsque, sur son lieu de travail, des soldats allemands maltraitaient un vieillard.
Il fut condamné le 6 octobre 1941 à cinq années de prison par le tribunal militaire de Nantes (FK 518). Emprisonné à la prison Lafayette de Nantes, il a été fusillé comme otage le 22 octobre 1941, au terrain du Bêle à Nantes, en représailles à l’exécution du Feld-kommandant Karl Hotz deux jours plus tôt.
Il est inhumé au cimetière Sainte-Anne à Nantes.
Son nom est gravé à Nantes sur la plaque commémorative des fusillés 1939-1945 – et sur le Monument commémoratif des 50 otages et à Saint-Julien-de-Concelles – sur une Stèle aux fusillés.
SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty).— MemorialGenweb. — Jean-Pierre Sauvage, Xavier Trochu, Mémorial des victimes de la persécution allemande en Loire-Inférieure 1940-1945, 2001. — État civil.
Delphine Leneveu
maitron-5.jpg

Les 50

Ils nous enterrés
mais nous sommes des graines

Entretien avec Claudine Merceron.
Pourquoi cette nouvelle pièce ? C’est une suggestion du Comité départemental du souvenir pour ce 80e anniversaire. La troupe a une riche expérience des évocations historiques à Nantes et à Châteaubriant. Ce spectacle bénéficie du soutien de la Ville de Nantes.

Vous en avez conçu l’écriture. Quel parti avez-vous pris ? J’ai d’abord beaucoup lu d’ouvrages sur le sujet. J’ai procédé à l’écriture avec la complicité de Martine Ritz et Elodie Retière. La pièce montre et dit qui étaient ces 48 fusillés aux conditions sociales multiples, pourquoi ils ont été désignés pour les poteaux d’exécution et pourquoi il ne faut pas oublier. C’était des résistants, des ouvriers, des syndicalistes qui se sont formés dans les luttes du Front populaire. Nous lirons aussi certaines de leurs lettres si émouvantes. Le parti pris est joyeux malgré le propos sérieux. L’humour est un vecteur de communication chez les personnages, ce qui n’empêche pas des scènes dramatiques. On pleure et on rit. Jouant dans la pièce, je signe la mise en scène avec Elodie Retière et la complicité des autres comédiennes.

C’est un tableau historique, une leçon d’histoire ? La pièce alterne histoire et actualité, elle est en totale résonance avec l’actualité. C’est le chemin entre hier et aujourd’hui qui nous intéresse et qui nous touche. Nous voulons faire un spectacle vivant alliant théâtre, chansons, musique contemporaine et d’époque, au son de l’accordéon et de l’harmonica, dont jouait Guy Môquet. C’est un voyage humain poétique.

Où en êtes-vous du montage de la pièce, quel sera la distribution ? Nous l’avons répétée ce printemps en résidence dans plusieurs espaces culturels à Saint-Lyphard, Haute-Goulaine, La Haie-Fouassière et Vertou. La distribution comprend : Antonin Auger, Cédric Cartier, Michel Hermouet, Martine Ritz, Elodie Retière et moi-même. La musique est conçue par Cédric Cartier qui est aussi musicien, et la lumière par Jean-Marc Pinault. La production du spectacle est assurée par Sabine Montlahuc. Nous continuons à répéter au CIT de St Sébastien/Loire. Nous cherchons une résidence fin septembre pour la création lumière. Nous serons prêts pour octobre !
theatre.jpg

Les otages étaient 48. Vous êtes 6 en scène. Comment avez-vous résolu ce problème du nombre ? La pièce est conçue pour évoluer dans l’espace temps et lieu. Nous avons très peu de décor, quelques accessoires mais beaucoup de costumes, créés par Martine Ritz. Les comédiens.nes incarnent tous.toutes entre trois à cinq personnages, le rythme est très soutenu et le spectateur voyage de manière surprenante. La musique et la lumière sont partie prenante de cette mise en scène poétique, très vivante.

Comment organisez-vous la diffusion ? La première aura lieu salle Paul Fort à Nantes le vendredi 15 octobre à 20h30 suivie d’une autre représentation à 20h30 le samedi 16 octobre. Puis elle sera donnée au Théâtre de Verre, à Châteaubriant, le 21 octobre à 20h 30. D’autres dates sont d’ores et déjà programmées à Saint-Julien-de-Concelles le 26 novembre à la Quintaine à 20h avec la participation des trois classes de CM2, d’autres suivront jusqu’en 2022 à St Fiacre les 1er et 2 juillet dans un théâtre de verdure suivi d’un bal populaire et d’une participation de troupes amateurs (Balivernes de Château-Thébaud et le Théâtre du Marais de Haute-Goulaine).
Vous avez une bonne expérience du travail mêlant professionnels et amateurs. Avez-vous envisagé d’y associer des jeunes par exemple ? Absolument, c’est dans notre ADN. Un atelier-théâtre de scolaires ou d’adultes peuvent y être associés. Déjà une programmation en milieu scolaire est en cours. La pièce est de nature à intéresser des centres culturels de quartier, des comités d’entreprises ou des centres de vacances.
affiche_les50.jpg
 » Tu connais Guy Môquet? Il avait 17 ans.
Ne va pas croire petit qu’en réveillant le passé tu oublies l’avenir, bien au contraire. »

Cette pièce de théâtre nous replonge dans la vie des 50 otages, tout en voyageant joyeusement dans le temps et les lieux.
Le chant et la musique s’invitent librement au voyage dans un parti pris poétique très vivant.
L’histoire de ces résistants hommes et femmes nous émeut, nous bouleverse.
Subissant la période très noire du nazisme, ces 48 fusillés n’ont pas baissé les bras.
Ils aimaient la VIE.

Distribution : Antonin Auger, Cédric Cartier, Michel Hermouet, Kristine Maerel ou Martine Ritz, Elodie Retière, Claudine Merceron
Lumière : Jean-Marc Pinault et Benjamin Trottier
Musique : Cédric Cartier
Costumes : Martine Ritz
Production : Sabine Montlahuc / tel: 06 34 37 43 75 / [http://www.theatreiciouailleurs.com]

Mise en scène : Claudine Merceron et Elodie Retière avec la complicité de l’équipe.

Projet théâtral sur une initiative du Comité départemental du Souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure.
Remerciements: Théâtre Messidor, Florence Dupeu de la Cie La Jetée, Olopuf pour le rap Nymphe,
Chantal David de la Cie Bel Viaggio, Jacques Pinault, Alice Luneau.

Représentations les 15 et 16 oct à 20h30 salle Paul Fort à Nantes, le 21 octobre à 20h30 Théâtre de Verre à Châteaubriant, 26 nov à 20h salle de la Quintaine à St julien de Concelles, le 8 mai 2022 salle Phénix à Mésanger (en matinée), les 1er et 2 juillet 2022 à 20h30 St Fiacre sur Maine.

BILLETTERIE en ligne
[http://www.billetweb.fr/les-50]
Tarif : 12,50€
Tarif réduit : 8,50€ (chômeurs, bénéficiaires RSA, étudiants, moins de 18 ans, bénéficiaires de la carte blanche)
Monique Arradon expose une sculpture

Monique Arradon a toujours été guidée par deux choses: la lumière et le mouvement et son envie de rapprocher l’art des habitants. Elle en est convaincue: l’art peut avoir une fonction dans la ville.

Ses centres d’intérêt sont variés : des cristaux à l’art de la tapisserie, de la peinture à la calligraphie chinoise et à l’art urbain. « Mon idée, dit-elle, était d’apporter de la lumière, de l’animation et des points de repère, tout en ayant une démarche sociale: puisque les gens ne vpnt pas dans les galeries, il fallait amener l’art à eux en lui donnant une fonction sociale dans la ville. »
Elle crée des oeuvres de grandes dimensions, parfois une vingtaine de mètres de haut, s’entoure de techniciens et d’ingénieurs. Elle choisit l’acier inoxydable pour réaliser des structures aériennes, toujours conçues pour être traversées par la lumière, projeter des ombres ou s’animer grâce au son. Elle crée des fontaines dans la ville. Un autre volet de son travail est de donner un aspect esthétique à de grands ouvrages techniques qui en sont généralement dépourvus (tours hertziennes, cheminées industriel-les). »Là où la laideur se croyait bien assurée de régner », écrit André Stil.
« L’artiste de grand air » (A. Stil toujours) est dans les années 1970 la première femme à réaliser de telles oeuvres cinétiques monumentales qui embellissent une quinzaine de villes de France: oeuvres qui s’admirent de loin, de Choisy-le-Roi à Amiens, Trébeurden, Bourges, Saint-Ouen, Valence, Châlons-sur-Marne, L’Ile-Saint-Denis, Kaysersberg, Vieu- d’Izenave, Sainte-Geneviève-des Bois, Garges-les-Gonesses etc.

« Châteaubriant fut le fil – rouge sang – qui parcourut ma vie »

Monique Arradon est née à Nantes en 1931, elle y a grandi, connu le guerre, les événements tragiques d’octobre 1941, les bombardements de 1943.
Après avoir peint une toile sur ce drame de la Résistance, elle qui a vécu un temps à Châteaubriant et a fréquenté la ferme de la famille Robert, qui abrite aujourd’hui le musée, Monique Arradon a créé une sculpture en acier inox avec un programme lumineux à l’occasion du 50e anniversaire en 1991, puis une réplique en plomb patiné pour le 55e anniversaire en 1996. Son projet – de grande dimension – était pensé pour prendre place dans la carrière de la Sablière. Le socle en arc de cercle suggère la courbe
de la carrière, tandis que sur chacun des neuf poteaux est suggéré le mouvement des corps en métal qui s’affaissent sous les balles ennemies autour de la figure dressée de la Résistance, défiant debout la barbarie.

C’est le prototype de l’oeuvre de 1996 que l’artiste a accepté d’exposer dans le musée, les 16 et 17 octobre prochains, exposition éphémère à l’occasion des cérémonies 80e anniversaire.

Le 20 octobre 1941, la ville de Nantes est en état de choc : le commandant nazi de la place a été abattu par deux jeunes résistants.
Ce colonel Hotz connaissait bien la ville : ingénieur, il avait participé à la construction du tunnel qui enfouit la Loire et l’Erdre pour créer plus tard un boulevard (le futur boulevard des 50 Otages). Ce Hotz faisait partie de « la 5ème colonne » et était introduit dans de grandes familles nantaises (personnage très « utile » à l’ennemi ).

Le commandement nazi décréta que 50 otages seraient fusillés. Il s’agissait de terroriser la population dans laquelle la Résistance se développait en France.
Des affiches rouge et noir sont placardées partout : si les auteurs de l’attentat ne se dénonçaient pas, 50 otages seraient fusillés le 22 octobre.
Les nantais retiennent leur souffle.

Je me trouvais avec ma mère rue Crébillon, l’après-midi du 21 octobre, rue très animée habituellement. Qu’allait-il arriver ? Régnait un exceptionnel silence.
Je n’ai ressenti un tel silence que, lorsqu’eut lieu une éclipse de soleil (il y a plus de 20 ans), toute vie suspendue.

J’avais 10 ans. Alors, la rentrée des classes avait lieu le 1er octobre. Il faisait beau, un arrière goût des vacances.
Tous attendaient une catastrophe imminente : les jeunes résistants allaient-ils se dénoncer ? Le prix était trop lourd à payer, pensaient certains. Je sus de longues années plus tard qu’ils y avaient pensé, mais cela leur fut interdit par leurs chefs résistants. C’était céder à l’occupant et renier ceux qui, déjà, avaient été assassinés par lui.

Le 22 octobre, l’horrible nouvelle tombe : « Ils » ont fusillé les 27 otages à Châteaubriant et les 23 autres au terrain du Bêle à Nantes.
Consternation, rage, douleur, sidération. Et, pour les plus forts et conscients, désir de poursuivre « à leur place ».
J’appris alors ce qu’était la guerre et ses horreurs !

« Châteaubriant » fut le fil – rouge sang – qui parcourut ma vie.

Les nouvelles circulaient, les détails de cet assassinat collectif : le plus jeune avait 17 ans. La femme d’un autre fusillé avait proposé de donner sa vie « à la place de ce gosse », cela lui fut refusé.
Il faut dire que les otages avaient été sélectionnés par un Français (mieux renseigné que la Wehrmacht) : le ministre de l’intérieur de Pétain – Pierre Pucheu – qui donna les noms des plus dangereux résistants : militants syndicaux, dirigeants politiques, cégétistes, communistes,…
On ne dit plus ensuite que les soldats allemands étaient « corrects ».

On apprit le 23 octobre que la « Carrière des fusillés » avait été fleurie dans la nuit par la population, alors que son accès était interdit et les fermiers consignés chez eux.
On apprit que la route était marquée d’un ruban de sang de 2 kms, depuis « la Sablière » jusqu’au château où furent entreposés les corps, dans de sommaires cercueils identiques. L’un des fusillés, trop grand, eut les deux jambes cassées pour rentrer dans le cercueil.

Ces 27 fusillés furent les premiers d’une très longue liste de résistants abattus par les nazis, la première flamme qui aboutit, quatre ans plus tard, au brasier de la Libération.

Bien des années plus tard, j’avais 22 ans, je vécus un an à Châteaubriant et fréquentais la famille Robert, les fermiers.
Je fis des croquis de la Carrière pour une peinture ultérieure. Je peignis le Château qui figure dans une grande peinture sur la guerre et Oradour – sur – Glane.

Plus tard pour le 50ème anniversaire, je créais une sculpture en acier inox, avec un programme lumineux.

Puis, pour le 55ème anniversaire, je créais une sculpture en plomb patiné, avec aussi un programme lumineux : blanc, la fusillade – rouge, le sang et bleu, blanc, rouge, la victoire de la France.

Monique Arradon

Sources: Bulletin municipal de Séné. 56. octobre 2016
Faites entrer l’infini, revue de la Société des amis de Louis Aragon et Elsa Triolet, n° 38, décembre 2004

Sculpture exposée au musé de Châteaubriant
Inauguration de la plaque aux noms de Auffret-Jules, Bourhis-Marc , Guy Môquet au cimetiére du Petit-Auverné le 16 octobre 2021

img_4920.jpg
Discourt de Madame Anne-Marie SAFFRAY-MOQUET

Je suis adoptée en 1960 par Prosper Môquet père de Guy Môquet , j’avais 7 ans
Aujourd’hui au Petit-Auverné nous rendons hommage à 3 des 27 camarades fusillés à Châteaubriant le 22 octobre 1941 en représaille de l’exécution d’un officier allemand à Nantes, Auffret-Jules, Bourhis-Marc , Guy Môquet.
Guy est né en 1924, la famille Môquet habite Paris
En 1931 nait son frére Serge, Guy a 12 ans en 1936 quand son père est élu député communiste du Front populaire dans le 17eme arrondissement.
En 1939, pour les raisons que l’on sait des députés communistes dont Prosper Môquet sont envoyés fers aux pieds à la prison de Maison Carrée à Alger
Guy a 15 ans il adhére à l’engagement politique de ses parents et décide de poursuivre le combat mené par son père.
Dénoncé, il sera arrêté à la gare de l’EST pour avoir distribué des tracts;
Le juge du tribunal dans sa décision prononce la libération de Guy, laquelle ne sera pas suivie d’effet , il sera interné au Camp de Chateaubriant en mai 1941.
Fusillé le 22 octobre 41 son message nous interpellant restera marqué sur les planches de la baraque 19 :

“ Vous qui restez soyez dignes de nous les 27 qui allons mourir”

Serge son petite frére traumatisé par la mort de son Grand frére Guy comme il l’appelait pourchassé par la gestapo décédera en 1944 à l’âge de 13 ans

Leur mère Juliette Môquet qui fut membre du Comité parisien de la Libération trouva la mort dans un accident de la route en 1956.

Depuis 1960 ,j’accompagnais Prosper aux Cérémonies rue Baron à Paris et à Châteaubriant. Ma mére Hélène, sa seconde épouse, décéde en 1976 et chaque année avec mon mari nous avons été à ses côtés lors de ces commémorations très éprouvantes pour lui, sur le plan émotionnel.

Prosper vivra douloureusement la disparition des siens et particuliérement chaque mois d’octobre. Toute sa vie il restera fidèle à son idéal et à ses convictions politiques
Prosper décéde à Bréhal (Manche) en 1986 à 89 ans où il s’était retiré
Je remercie les habitants du Petit-Auverné et particuliérement la famille de l’institutrice qui a accueilli Juliette Môquet lors de ses visites au cimétiére.
Je remercie les personnes présentes à cette cérémonie et à celles et ceux qui oeuvrent et entretiennent le souvenir et la mémoire de ces combattants de la Liberté et de la paix.

Merci de votre attention
Anne-Marie SAFFRAY
img_4921.jpg

L’affaire de la tombe

Annick, 73 ans aujourd’hui, est la fille de l’institutrice du village dans lequel a été enterré le jeune militant. Elle raconte.
Après l’exécution, spontanément, les tombes furent fleuries, chaque communes voulant faire mieux que l’autre ». Les cercueils n’étaient désignés que par des numéros, mais la liste des noms fut rapidement colportée par les rumeurs.

A 17 km de Châteaubriant, le Petit-Auverné compte en 1941 quelques centaines d’habitants, répartis dans de grosses fermes, autour d’une épicerie et deux écoles : celle des Bonnes-Sœurs et celle de la République. L’institutrice de l’enseignement publique vit seule avec sa fille Annick: son mari a été fait prisonnier en Allemagne.
Annick a 73 ans aujourd’hui. C’est elle qui raconte aujourd’hui pour la première fois l’histoire de la tombe de Guy Môquet.

« Ces jours-là, toute la région ne parlait que des 27 otages fusillés à La Sablière. Le 24 octobre au matin, on apprend que trois d’entre eux allaient être enterrés dans le cimetière du village, dont Guy Môquet. Parmi nous, son nom était le seul à circuler, parce qu’il était si jeune. A l’époque, être communiste, c’était faire partie des bannis, en plein dans le collimateur, comme si on était juif. Pour Guy Môquet, la population n’était pas allée chercher si loin que ça : c’était un enfant qu’on avait fusillé, et voilà. Il était un héros.
Au Petit-Auverné, le jour de l’inhumation, l’ordre a été donné que personne ne sorte des maisons, ni ne s’approche du cimetière à partir du début de l’après-midi. Un recoin le long du mur avait été choisi pour y creuser les tombes.
Le jour de la Toussaint, une fermière vient chez nous avec son beurre. Elle est très émue. « Si vous voyez les tombes ! » dit-elle. « Elles sont couvertes de fleurs, bleues pour l’une, blanches pour l’autre, rouges pour la troisième ».
Un cordon empêchait d’accéder directement aux trois tombes. Il n’y avait pas de plaque, seulement des numéros, mais tout le monde savait que celle de Guy Môquet était au milieu.
A cause de la guerre, nous vivions en vase clos et chaque chose prenait une proportion incroyable. Les trois tombes étaient devenues la grande affaire de la commune. Tout le monde en parlait sous le manteau, en faisant attention, car nul ne savait qui étaient ses amis et ses ennemis. Il n’y avait pas d’Allemands au village, mais nous vivions dans la peur de la délation, sans oser lever le petit doigt. C’était une époque où on vendait les autres pour pas grand-chose. Des fleurs continuaient d’apparaître sur les trois tombes, de simples bouquets de jardins, mais sans cesse renouvelés.
Au Petit-Auverné, le car de Nantes passe deux fois par semaine. Regarder ceux qui montent et ceux qui descendent est alors une occupation prisée. Un soir, la rumeur s’est mise courir que Madame Môquet était dans le car. Au village, elle s’était installée dans une des chambres que louait Madame Salmon, au-dessus de son bistrot. Il y avait un cabinet de toilette et je crois même des WC, ce qui était alors considéré à la campagne comme un grand raffinement. C’était courageux de la part de madame Salmon de recevoir cette dame. Ce genre de chose pouvait avoir un impact à l’époque, on risquait gros. De tels bruits courraient sur Madame Môquet, qu’elle sortait seulement pour aller au cimetière et à la nuit tombante, dans le village sans lumière, à l’heure où tout le monde était barricadé chez soi.
Un soir, quelqu’un frappe à la porte de notre maison. Avec maman, on meurt de peur. On se regarde, on ne sait pas. On entend une petite voix. Elle dit : « C’est madame Môquet ». Cette femme-là chez nous ! C’était inattendu, totalement ! En arrivant dans notre bourg, Madame Môquet n’avait aucune idée de l’endroit où elle mettait les pieds. Tout était périlleux en ce temps-là, elle ne connaissait personne et elle était d’une famille communiste. Ma mère ne faisait partie de rien, ni de la résistance, ni d’aucun parti, mais même sans faire de politique, on pouvait être sûr qu’elle était quelqu’un de laïc. A l’époque, c’était quelque chose qui comptait beaucoup. On disait encore « l’école du diable » pour désigner l’école publique et, au Petit-Auverné, toutes les filles -sauf moi- étaient inscrites chez les Sœurs. Ma mère, comme plupart des instituteurs laïques, était d’ailleurs suspectée d’être communiste et à la fin de la guerre, au moment où on fusillait les gens pour un Oui ou pour un Non, elle a même failli être exécutée.
Au Petit-Auverné, Madame Môquet avait réfléchi et s’était dit, qu’au fond, la seule personne, à pouvoir la recevoir, à qui elle pourrait parler, était l’institutrice de l’école publique.
Avec maman, nous étions blotties de l’autre côté de la porte, terrifiées, surtout qu’en face de chez nous, habitait le maire, un collaborateur. C’était compliqué, dangereux de recevoir quelqu’un comme Madame Môquet. Mais comment ne pas le faire ? On ouvre. Je n’oublierai jamais cette image tant elle était saisissante. Se dressait devant nous en pleine nuit une grande dame brune, tout en noir, les cheveux noués en catogan, beaucoup d’allure, une élégance incroyable, figée dans la dignité et la douleur. Elle entre. De son sac à main, elle sort son portefeuille et de son portefeuille une lettre. Elle nous la tend. C’est celle de son fils Guy. On la lit et on la relit. On reste debout, sans savoir quoi faire.
Maman lui a dit qu’elle pouvait revenir à son prochain voyage, en toute discrétion bien sûr. La fois suivante, Madame Môquet tenait une couronne mortuaire, en petite perles tressées comme on faisait à l’époque. Elle nous dit : « Cela fait trois semaines que je dors avec cette couronne contre moi, parce que je veux lui transmettre tout mon amour avant de la déposer sur la tombe de mon fils ». Elle l’avait cachée dans ses bagages pour le voyage.
Elle est venue cinq ou six fois, toujours avec son second fils, Serge, qui avait deux ou trois ans de plus que moi. Quand elle était avec lui, elle avait un air très doux, n’affichait rien, jouait beaucoup. Je ne l’ai jamais vue pleurer. Avec une amie, nous avions adopté Serge, nous partions des heures en vélo ensemble. Ensuite, les voyages sont devenus trop périlleux et ils ne sont plus revenus.
Dans le village, personne ne nous a jamais parlé de ces visites, sauf l’épicière, qui était devenue une grande amie de ma mère. Elle nous donnait de la laine pour que je tricote des gants à ses fils prisonniers. Plus tard, on a appris qu’elle était de ceux qui déposaient entre autre les fleurs sur la tombe ».

Florence Aubenas

Hommages de Yves et Michel QUINIOU à Jules Auffret

JULES,
Aujourd’hui un hommage est rendu à Guy MOQUET, Marc BOURHIS et Jules AUFFRET.

Jules est notre grand-père. Sa vie a été fauchée à Châteaubriant à l’âge de 39 ans le 22 Octobre 1941.
Son épouse, Laure est décédée à Savenay le 7 Mars 1943 , terrassée par un cancer et minée par le chagrin.
Ils laissaient 4 enfants : Jean 16 ans, Jeanne 14 ans, Michelle 12 ans et Denise 9 ans.
La courte vie de notre grand-père a toujours répondu à un constant engagement pour la justice sociale, la paix et la liberté.
Permettez nous d’évoquer quelques moments de cette volonté ancrée chez Jules.
Né le 7 Septembre1902 dans la région nazairienne, à Montoir, il est major au certificat d’études en 1914.
L’année suivante, à l’âge de 13 ans, il entre dans la vie professionnelle, comme « mousse », aux forges de Trignac.
Jules montre une rapide prise de conscience de classe face aux dures conditions de travail des ouvriers, jeunes et vieux , l’amenant à un engagement syndical et puis, logiquement, à celui politique, à 18 ans, auprès des socialistes.
Rapidement, Il participe à la création de la section du parti communiste français.
Engagé dans la lutte des classes il doit, au retour du service militaire, en 1922, quitter la région nazairienne, face à un patronat revanchard lui interdisant toute possibilité d’emploi .
Il gagne la région parisienne et entre à La Compagnie du Gaz..

Le 23 Juin 1924 ,il épouse Laure Pichon.
Autodidacte, Jules n’aura cesse de parfaire ses connaissances par la lecture, la participation à des stages de formations politiques ou syndicales, par des voyages.
C’est ainsi qu’il séjournera en URSS, Pologne, Espagne pendant la guerre.
Notre grand-père poursuit son engagement politique qui lui vaudra une première arrestation en 1927 pour une distribution de tracts.
En 1935 à Bondy, Il est élu maire adjoint puis conseiller général. Il dirige la section du grand Est de Paris du parti communiste français.
Il est arrêté le 18 Décembre 1939 et déchu de ses mandats le 1er Février 1940 par le gouvernement français.
Jules connaîtra plusieurs lieux d ‘internement avant d’arriver à Choisel.
Il est très actif dans l’animation du camp.
il préconise que les évadés soient choisis parmi les responsables de son parti, afin qu’ils puissent organiser la lutte contre l’occupant nazi. L’un d’eux, Fernand Grenier,rejoint le Général De Gaulle à Londres avec cet objectif.
Sa haute conscience patriotique s’affirme par de nombreux actes.
Ainsi, un mois avant l’appel du 18 juin du Général De Gaulle , 2 mois avant l’appel de Jacques Duclos pour le PCF , il s’adresse au Préfet, le 13 Mai 1940 pour contester son arrestation et appeler à la résistance armée.

Il y écrit notamment :
«Dès la première heure, j’ai manifesté mes sentiments anti-hitlériens et
dénoncé les desseins criminels de l’hitlérisme.
J’affirme au moment où l’agression s’étend sur le pays voisin de la France
( l’Angleterre) et menace son territoire, que le peuple français, pour maintenir
son indépendance et ses libertés doit être uni devant le danger et les devoirs
qu’il impose(…). C’est la raison pour laquelle, je suis décidé, si on me le
permet, de servir cette unité nationale, dans la mesure de mes moyens.»
Nous aurions tant aimé la présence d’un grand-père comme le fut Jules avec son esprit libre, patriote, sensible aux difficultés des personnes qu’il côtoyait.

Nous sommes fiers de notre grand-père .
Mais la vérité c’est l’exécution des 27 à la Blisière le 22 octobre 1941

Il nous a laissé ses dernières réactions dignes, militantes, résistantes et courageuses:
Ainsi au matin du 22, lavant son maigre vestiaire pour soulager sa femme malade, à un camarade en sanglots, « Ne pleure pas, l’essentiel pour ceux qui restent, c’est de ne pas oublier. »
Dans la baraque, prenant la parole, il dit : « il faut que nous prenions nos dispositions pour mourir, nous refuserons tous de nous faire bander les yeux, nous crierons tous « Vive la France ».
Sur une planche de bois de la cabane, avec sa dernière lettre à sa famille, il laisse ce message:
« ADIEU ! ADIEU ! CAMARADES, PRENEZ COURAGE, NOUS SERONS VAINQUEURS ! ».

80 ANS APRÈS NOUS NOUS EFFORÇONS D’ÊTRE DIGNES DES 27, DE LEUR COMBAT POUR LA JUSTICE, LA FRATERNITÉ, LA LIBERTÉ.
SOUVENONS NOUS , EN CES PÉRIODES QUI VOIENT LA MONTÉE DE L’ EXTRÊME DROITE DANS DE NOMBREUX PAYS, DONT LE NÔTRE, SOUVENONS NOUS DES ESPOIRS DE CEUX QUI ONT DONNÉ LEUR VIE POUR QUE S’ÉPANOUISSE LEUR IDÉAL.
NOTRE FAMILLE REMERCIE :
MONSIEUR LE SOUS PRÉFET,
MESDAMES ET MESSIEURS LES MAIRES QUI ONT PERMIS DE PRESENTER CES PLAQUES AUX ENTRÉES DES CIMETIÈRES DU CASTELBRIANTAIS,
MESDAMES ET MESSIEURS LES ÉLUS
L’AMICALE ET LE COMITÉ DE CHÂTEAUBRIANT POUR CE CHEMIN DE LA MÉMOIRE .
NOUS SALUONS AMICALEMENT TOUTE LES FAMILLES DES FUSILLÉS, POUR QUI CE TEXTE A ÉTÉ ÉCRIT.
NOUS ADRESSONS UNE PENSÉE AFFECTUEUSES POUR LES 3 ENFANTS TOUJOURS PRÉSENTS PARMI NOUS : DENISE MICHELS, ANDRÉ LE PANSE ET CLAUDE POURCHASSE.
MERCI