Dons asso
DONS

Le Comité pérennise le souvenir des victimes du nazisme et du régime de Vichy.
Il transmet la mémoire de la Résistance en Loire-Inférieure et des valeurs qu’elle portait.
Il promeut des manifestations, ou participe aux cérémonies qui y concourent.
Il organise en liaison avec l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, à laquelle le Comité s’affile, les commémorations et manifestations d’hommages et du souvenir.
Il entretient des liens d’amitié et de travail avec les associations, personnalités, collectivités… qui partagent les mêmes valeurs au service de la mémoire.
Il coopère avec les comités locaux existants en particulier ceux de Châteaubriant et Indre adhérents du Comité départemental.

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timbaud
Jean-Pierre TIMBAUD

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Fils d’un représentant en papiers pour viande de boucherie et d’une ouvrière à domicile, tous deux limousins installés à Paris avant sa naissance, Jean-Pierre Timbaud fut élevé jusqu’à l’âge de huit ans par sa grand-mère paternelle en Dordogne, puis grandit à Paris, dans le XIe arrondissement, jusqu’à la Première Guerre mondiale. Son père ayant été mobilisé dans l’infanterie, sa mère emmena les quatre enfants à Payzac, dans la ferme familiale, où, en l’absence des hommes envoyés au front, il fit de menus travaux et garda vaches et moutons au lieu de fréquenter l’école. Deux ans plus tard, il rejoignit à Decazeville (Aveyron) son père qui venait d’être affecté en usine pour la fabrication de matériel de guerre. C’est là qu’il commença son apprentissage de fondeur.

Revenu à Paris avec sa famille, Jean-Pierre Timbaud poursuivit son apprentissage, non loin de chez lui, dans une fonderie, cité Griset dans le XIe arrondissement. Il y resta trois ans puis fut embauché chez Debard, rue Oberkampf, qu’il quitta pour travailler dans des petites fonderies du Marais. Il avait adhéré en 1922 à la Jeunesse communiste. En novembre 1923, il fut appelé au 25e Régiment d’infanterie à Nancy (Meurthe-et-Moselle) pour effectuer son service militaire, durant lequel il participa à la campagne contre la guerre du Maroc.
De retour à la vie civile, Jean-Pierre Timbaud reprit son métier dans le Marais et devint vite un militant syndical. Embauché chez Antoine Rudier, un fondeur d’art du XVe arrondissement qui avait pour clients Maillol, Renoir, Rodin ou Bourdelle, Jean-Pierre Timbaud paracheva sa formation. Là, connu déjà des autres fondeurs pour son activité syndicale, il fut élu délégué de sa section syndicale dont Peyraud était le secrétaire. Il était également secrétaire adjoint de sa cellule, qui était rattachée au sixième rayon du Parti communiste. Il se maria en 1927 avec une mécanicienne en chaussures.

En 1928, il entra au bureau du sous-rayon du XVe arrondissement, qui le chargea de renforcer l’action des militants syndiqués de Citroën. Membre depuis le congrès du 22 mars 1930 de la commission exécutive de l’Union syndicale CGTU des travailleurs de la Métallurgie de la région parisienne (20e Union), Jean-Pierre Timbaud devint en 1931 l’un des secrétaires du syndicat unitaire des métallurgistes parisiens et fut délégué au VIe congrès national, qui se tint à Paris du 8 au 14 novembre 1931. Il avait suivi, cette année-là, les cours d’une école centrale du Parti communiste à Pierrefitte (Seine, Seine-Saint-Denis) avec Lucien Monjauvis et Jeannette Vermeersch, ce qui lui valut d’être présenté aux élections législatives de 1932 dans la troisième circonscription du XVe arrondissement de Paris, où il obtint 21,2 % des voix au premier tour et 34,2 % au second par rapport aux inscrits. Il brigua également un siège, au mois de juin suivant, à des élections municipales partielles dans le quartier de Grenelle, mais en vain.

En mars 1933, Jean-Pierre Timbaud fit preuve de ses talents d’organisateur et d’orateur en dirigeant une grève aux usines Citroën qui allait durer trente-cinq jours. Profitant du mécontentement d’un atelier devant les diminutions de salaire de 18 % à 20 % annoncées par la direction, il impulsa la grève, qui s’étendit bientôt d’atelier en atelier, de chaîne de montage en chaîne de montage, incitant les ouvriers à désigner leurs délégués et à former un comité de grève pour faire face au lock-out. L’enjeu était de taille, puisqu’il s’agissait d’entraîner les 18 000 salariés des différentes usines (XVe, Levallois, Clichy et Saint-Ouen) dans la lutte. Jean-Pierre Timbaud fit en sorte que le comité de grève, composé de cent quatre-vingts membres (confédérés, unitaires, communistes, socialistes ou inorganisés), dirige l’action jusqu’à ce que la direction consente à ne diminuer les salaires que de 9 à 10 % et à lever les sanctions pour fait de grève. Ce fut un succès incontestable pour la dynamique syndicale (de 100 syndiqués, on était passé à 1 400), mais aussi un échec relatif, que Jean-Pierre Timbaud attribua en partie au manque de soutien du Parti communiste.

Faut-il attribuer à d’éventuels désaccords entre le sous-rayon du Parti communiste du XVe arrondissement et le syndicat CGTU des Métaux ou à la manière dont cette grève fut menée, ou encore à la seule difficulté pour le syndicat des Métaux de payer un permanent, le fait que Jean-Pierre Timbaud se retrouve en 1934 cantonnier à Gennevilliers (Seine, Hauts-de-Seine), dont le maire était Jean Grandel ? Sous le couvert de cet emploi municipal, il anima le comité de chômeurs de Gennevilliers, fut même le directeur de sa colonie de vacances à Granville (Manche), mais devint surtout responsable intersyndical de la zone comprenant Asnières, Gennevilliers, Levallois, Clichy et Colombes.

Il fallut attendre le congrès de la Fédération réunifiée des Métaux, en mars 1936, pour que Jean-Pierre Timbaud soit réélu membre de la commission exécutive fédérale. Aux côtés d’Alfred Costes, il mit tout en œuvre pour que son syndicat joue dûment son rôle au moment des occupations d’usines de mai-juin 1936 et des bouleversements du Front populaire. En 1937, il fit partie d’une délégation de métallurgistes parisiens qui se rendit en Espagne républicaine pour porter des fonds recueillis dans les usines. Il était devenu en mai, cette année-là, l’un des secrétaires de la Maison des métallurgistes, inaugurée par Benoît Frachon, rue d’Angoulême dans le XIe arrondissement.

En 1938, lors du congrès fédéral à l’issue duquel il fut réélu, Jean-Pierre Timbaud s’opposa à Léon Chevalme et Marcel Roy, qui repoussaient ses propositions d’une plus forte représentation des syndicats de la région parisienne. Il devint également, à partir de 1938, membre du bureau du conseil d’administration de la Mutuelle du métallurgiste, qui venait d’être créée.

Mobilisé dès le début de la Seconde Guerre mondiale au camp de Mourmelon (Marne), où il fut le chauffeur d’un colonel, puis replié dans la Haute-Vienne, il rentra illégalement à Paris, où il joignit Eugène Hénaff. Il fut alors chargé de la constitution des comités syndicaux clandestins et de la diffusion de La Vie ouvrière. Arrêté le 18 octobre 1940, il fut d’abord interné à Aincourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), puis, en décembre, à la centrale de Fontevraud (Maine-et-Loire) et, en janvier 1941, à celle de Clairvaux (Aube). Transféré le 14 mai suivant à Châteaubriant, Jean-Pierre Timbaud a été fusillé le 22 octobre 1941 avec vingt-six autres détenus. Ses derniers mots, « Vive le Parti communiste allemand ! », qu’il aurait criés avant de tomber, firent de lui l’une des grandes figures de la Résistance communiste.
Jovial, exigeant et doué d’un réel talent d’orateur, Jean-Pierre Timbaud incarna longtemps l’image du métallurgiste parisien qui consacra sa vie à servir un idéal révolutionnaire. Paris honora sa mémoire en donnant son nom à la rue d’Angoulême. De nombreuses villes en France, mais aussi Berlin-Est, du moins jusqu’à la chute du mur, tinrent à lui rendre hommage en dénommant l’une de leurs rues : Jean-Pierre-Timbaud.


Sa dernière lettre ne figurait pas dans Lettres de fusillés, Éditions France d’Abord, 1946 (185 p.). Une version parut en 1958 dans Lettres de fusillés, préface de Jacques Duclos, 1958 (77 p., p. 19) et reprise dans l’édition de 1970 (126 p., p. 33-34)

Le 22 octobre 1941.
Mes deux grands amours,
C’est la dernière lettre que je vous écris.
Je vais être fusillé dans quelques instants. Mais, chéris, ma main ne tremble pas. Je suis un honnête travailleur ; c’est vous deux qui êtes à plaindre.
II vous faudra surmonter ce grand malheur. Soyez courageuses comme je le suis.
Toute ma vie j’ai combattu pour une humanité meilleure. J’ai la grande confiance que vous verrez réalisé mon rêve ; ma mort aura servi à quelque chose.
Ma dernière pensée s’en va vers vous ; tout d’abord à vous deux, mes chères amours de ma vie, et puis au grand idéal de ma vie.
Mes deux chères amours de ma vie, du courage ! Vous me le jurez. Vive la France ! Vive le prolétariat international !
Encore une fois, tant que j’ai la force de le faire des millions de baisers.
Celui qui vous adore.
P. TIMBAUD.
Ci-joint 500 francs que j’avais sur moi ; ils vous serviront.
Un million de baisers.
PIERROT

SOURCES :logo_maitron-2.jpg DAVCC, Caen, dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Nat., F7/13131, 13771. – Arch. PPo., 321. – L’Humanité, 1930-1939 et 5 octobre 1990. – Le Métallo, 1934-1939. – L. Monjauvis, Jean-Pierre Timbaud, Éd. Sociales, 1971. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves-Rouillé. – R. Linet, 1933-1943, La traversée de la tourmente, Messidor, 1990. – 50e Anniversaire de Châteaubriant, « Le guide du militant de la métallurgie », FMT-CGT, février 1992. – Témoignage de sa fille.
Nathalie Viet-Depaule

Jules-Vercruysse
Jules VERCRUYSSE

Fils d’un tisserand et d’une ménagère née en Belgique, Jules Vercruysse travailla toute sa vie dans l’industrie textile. Il combattit pendant la Première Guerre mondiale et en revint blessé avec une large cicatrice sur le côté droit du visage. Sa conduite lui valut la Croix de guerre et la Médaille militaire. Dans les années qui suivirent, Jules Vercruysse milita activement à l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC).
Selon Fernand Grenier qui eut avec lui de longues discussions au camp de Châteaubriant, ce furent « la haine de la guerre pour les capitalistes, la féroce exploitation des ouvriers du textile par l’un des patronats les plus rapaces de France, la flamme prodigieuse de la révolution d’Octobre » qui conduisirent Jules Vercruysse au communisme, et sans doute adhéra-t-il au Parti communiste dès le début des années 1920. Militant à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine), il fut l’un des animateurs de la liste du Bloc ouvrier et paysan lors des élections municipales des 5 et 12 mai 1929. Au second tour, il recueillit 2 303 voix sur 14 462 inscrits.

Secrétaire du syndicat unitaire du textile de la Seine en 1929, il entra à la commission exécutive de la Fédération unitaire du Textile la même année. Jules Vercruysse avait été élu à la commission exécutive de la 20e Union régionale de la CGTU en 1928, sur la liste Nilès. Membre de la commission exécutive de la CGTU de 1931 à 1933, il fut l’un des délégués de la Fédération du Textile au VIe congrès de la CGTU (Paris, 8-14 novembre 1931) et au XXIVe congrès de la CGT (Toulouse, 2-5 mars 1936). Secrétaire de la Fédération CGTU du Textile à partir de 1936, il fut élu secrétaire de la nouvelle fédération au congrès de l’unité du Textile, qui eut lieu à Paris du 18 au 20 juin 1937 au cours duquel il l’emporta sur Roger Paul par 11 313 voix (378 syndicats) contre 2 341 (47 syndicats).
De 1937 à 1939, Jules Vercruysse fut membre de la commission administrative de la Bourse du Travail de Paris. Il fut également conseiller prud’homme de la région parisienne (section tissus) de 1933 à 1939, fonction dont il fut déchu le 13 février 1939, et membre du Conseil national économique de 1938 à 1940. Enfin, il était secrétaire du syndicat général des ouvriers et ouvrières de la teinture et parties similaires de la région parisienne, qui fut dissous le 21 novembre 1939.

Arrêté le 5 octobre 1940, Jules Vercruysse fut interné à Aincourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) puis à Fontevrault-l’Abbaye (Fontevraud, Maine-et-Loire) à partir du 4 décembre 1940 et à Clairvaux (Aube) à partir du 20 janvier 1941. Il arriva au camp de Châteaubriant (camp de Choisel), avec le groupe des « cent », le 15 mai 1941. Il a été fusillé le 22 octobre 1941 avec les « vingt-six » autres otages de Châteaubriant. Il écrivit sur le mur de sa baraque : « Vive le Parti communiste » quelques moments avant de mourir fusillé par les Allemands. Il laissait une femme et un fils.
Lors de son congrès de novembre 1950, la fédération CGT du Textille honora « Ceux du textile qui sont tombés dans la lutte contre le fascisme et pour l’indépendance nationale « . Les noms de Vercruysse et de Levavasseur étaient mit en valeur comme fusillés, puis suivaient 54 autres noms.

Pour citer cet article :

logo_maitron.jpghttps://maitron.fr/spip.php?article134033, notice VERCRUYSSE Jules, Joseph par Nathalie Viet-Depaule, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 29 décembre 2019.
Par Nathalie Viet-Depaule

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SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII dossier 2 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Nat., F7/13584. – Arch. Dép. Seine. – Arch. PPo., 101. – L’Humanité, 28 avril 1929. – Le Républicain de Clichy, 18 mai 1929. – A. Gernoux, Châteaubriant et ses martyrs, Nantes, Éd. du Fleuve, 1946. – Lettres des fusillés de Châteaubriant, Amicale des anciens internés patriotes de Châteaubriant-Voves, 1954 [photo]. – F. Grenier, Ceux de Châteaubriant, Paris, Éd. Sociales, 1967. – Stéphane Courtois, La politique du PCF et ses aspects syndicaux, 1939-1944, Thèse, 3e cycle, Nanterre, 1978. – Comptes rendus des congrès cités. – Agendas BT de Paris. – Secrétariat d’État aux Anciens Combattants. – Notes Michel Dreyfus.

Charles-Michels
MICHELS Charles

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Article issu du dictionnaire biographique https://fusilles-40-44.maitron.fr/ Pour un Maitron des fusillés et exécutés

Charles Michels était le fils de Louise Lecoq, journalière, et de Jean Michels, chaudronnier qui le reconnut et le légitima par mariage, en 1906 à Paris (XXe arr.). Son père malade mourut le 31 décembre 1914, laissant quatre enfants dont Charles était l’aîné. Sa mère, illettrée, devint femme de ménage dans son école, rue du Général-Lassalle (XIIIe arr.). Le dénuement était tel que pour nourrir sa famille, il vola un chou dans un jardin et prétendit qu’on le lui avait donné. Il dut quitter l’école avant le CEP, à onze ans et demi, et chercher du travail pour aider sa mère. Elle déménagea du XIIIe arrondissement pour le XIXe, 20 rue Pradier puis prit, en 1925, une loge au 46 rue des Bois dans le XIXe.

Charles Michels fut embauché chez un grossiste de pommes de terre puis par un marchand de peaux de lapin pour laver les peaux et, à l’âge de treize ans, entra comme apprenti cordonnier chez Dressoir, l’une des plus importantes fabriques de chaussures de la région parisienne. Sportif à la forte carrure, bagarreur, souple, il arrondissait son salaire en disputant des matches de boxe aux « Folies Belleville ». Il en garda des marques physiques qui renforcèrent son côté titi parisien de blond aux cheveux ondulés et à la silhouette athlétique.
Devenu ouvrier spécialisé, sensible peut-être aux souvenirs du meeting du Pré-Saint-Gervais, auquel son père l’avait emmené en mai 1913, manifestation où Jaurès dénonça les menaces de guerre, attentif aux échos de la Révolution russe et aux grèves qui avaient éclaté pendant la Première Guerre mondiale, Charles Michels rallia la lutte syndicale. Délégué de la section syndicale CGT de Dressoir en 1920, il fut bientôt renvoyé mais retrouva du travail aux usines Monteux, autre importante fabrique de chaussures. Il en fut rapidement congédié, toujours en raison de son activité syndicale. Il resta alors quelques mois au chômage puis fut engagé dans une petite usine de chaussures, rue Rébeval (XIXe arr.) où il retrouva une de ses anciennes voisines, Aimée Malagnoux, cordonnière, qu’il épousa peu après, le 24 mars 1923. Ils eurent deux filles, Régine en 1923 et Denise en 1930.

Après son service militaire (1923-1924), Charles Michels, moniteur à la FSGT, adhérent du Parti communiste à partir de 1926 (à l’invitation d’un de ses collègues, Charles Strykman), s’imposa peu à peu comme l’un des responsables syndicaux de la Fédération unitaire des Cuirs et peaux. Il fit la connaissance, en 1927, de Fernand Maurice connu dans le mouvement ouvrier sous le nom de Maurice, de huit ans son aîné, le secrétaire de la fédération avec lequel il se lia d’amitié et qui l’aida à devenir un dirigeant national. Ils devinrent inséparables, passèrent leurs vacances ensemble, étudièrent ensemble. Maurice fit découvrir à « Charlot », le « grand blond », la musique classique des concerts Colonnes.
En 1929, Charles Michels fut élu secrétaire permanent CGTU, à la fois de la Fédération nationale et de l’Union syndicale de la région parisienne des Cuirs et peaux. À ce titre, mais aussi à celui de la FSGT (il appartenait à une équipe de football), Michels participa à une délégation en Union soviétique et fit à son retour des conférences élogieuses. Il s’installa au milieu des années 1930 au 51 rue des Bois (XIXe arr.) dans un appartenant ensoleillé plus adapté à la tuberculose de sa femme.

En 1931, reconduit dans ses fonctions de secrétaire, il devint permanent. Dès lors, il fut délégué à tous les congrès nationaux : à ceux de la CGTU en 1931, 1933 et 1935, à ceux de la CGT en 1936 et 1938 à Nantes. Charles Michels, qui s’était révélé un orateur éloquent, fut présent partout où des ouvriers de sa corporation menaient une grève. En mars 1932, des rapports de police le signalèrent comme dirigeant, avec André Tollet,de la grève des ouvriers en chaussures de Pont-de-l’Arche (Eure). Quelques mois plus tard, en septembre, il fut appréhendé aux abords des usines Monteux pour distribution de tracts. D’autres rapports de police, en mars 1934, l’identifièrent comme propagandiste auprès des grévistes de la manufacture de chaussures Blachon à Romans (Isère) et, en 1935, il fut donné comme l’organisateur de toutes les grèves des Cuirs et peaux, menant notamment celle des chaussures Pillot ou celles de Fougères. Cette année-là, l’unité dans les Cuirs et peaux, dont Michels avait été un des artisans actifs, fut réalisée. Les deux fédérations (CGTU et CGT) fusionnèrent sous le nom de Fédération nationale unifiée dont il devint secrétaire adjoint.

En mai 1935, le Parti communiste demanda à Charles Michels de se présenter aux élections municipales dans le quartier de Javel à Paris (XVe arr.). Il obtint 1 959 voix sur 8 384 votants et 9 319 inscrits. En mai 1936, il brigua un siège aux élections législatives dans le même arrondissement (3e circonscription, Javel-Grenelle) contre le député sortant Boucheron, candidat républicain. Au premier tour, Michels rassembla 3 258 suffrages contre 2 353 au socialiste Marceau Pivert, 1 059 à Louis Duteil (PUP), et 2 883 au radical Alphonse Boucheron sur 11 816 votants et 13 095 inscrits. Il fut élu au second tour avec 6 614 voix contre 3 924 à Boucheron. Membre de deux commissions, celle de l’Hygiène et celle de l’Algérie, des colonies et des pays de protectorat – ce qui lui permit d’effectuer en 1937 une tournée en Afrique du Nord –, Michels profita de la tribune de la Chambre pour faire de nombreuses interventions. Il dénonça ainsi, le 9 décembre 1938, le lock-out de l’aviation, rappela les objectifs de la grève du 30 novembre et réclama, le 20 janvier 1939, l’ouverture de la frontière des Pyrénées.

Réélu secrétaire du syndicat CGT des Cuirs et peaux de la Seine en 1937, Charles Michels présenta au congrès national de la Fédération, qui se tint à Paris les 25-27 mars 1937, un rapport sur le fascisme, la guerre et l’unité internationale et fut désigné comme secrétaire général. Il assuma ces responsabilités jusqu’à la guerre, le congrès des 15-17 avril 1939 l’ayant confirmé dans ses fonctions. Il effectua pour le Parti communiste, en mai 1939, une tournée de propagande dans le Loir-et-Cher en compagnie de Marcel Capron.

Mobilisé en septembre 1939, incorporé au 22e GOA à Vernon (Eure), Charles Michels se rendit le 9 janvier 1940 à la séance d’ouverture de la Chambre des députés où il retrouva, André Mercier, Raymond Guyot et Fernand Grenier. Leur présence provoqua une bagarre et leur expulsion. Ils avaient refusé de se lever pour saluer avec les autres députés « les armées de la République ». Il fut déchu le 21 janvier 1940 de son mandat de député pour appartenance au Parti communiste.

Démobilisé le 20 juillet 1940 à Tarbes, Charles Michels regagna Paris et prit contact avec Jean Catelas qui dirigeait l’activité communiste clandestine dans la région parisienne. Avec Fernand Maurice, il organisa les comités populaires clandestins des Cuirs et peaux. Début octobre, alors qu’il s’apprêtait à passer dans la clandestinité, il fut arrêté. Interné le 5 octobre à Aincourt (Seine-et-Oise), transféré le 5 décembre 1940 à la centrale de Fontevrault-l’Abbaye (Fontevraud, Maine-et-Loire) dont le régime était plus dur, puis le 21 février 1941 à celle de Clairvaux où il fit preuve d’une grande fermeté dans les rapports avec l’administration, il arriva au mois de mai au camp de Choisel à Châteaubriant. Appartenant au comité clandestin du camp, il prépara l’évasion de quatre détenus : Fernand Grenier, Henri Raynaud, Léon Mauvais et Eugène Hénaff, tout en faisant mine dans son courrier d’ignorer cette action. Il organisa tout particulièrement celle de Raynaud le 19 juin 1941. À la suite d’un attentat commis contre la Kommandantur de Nantes, Charles Michels fut le premier prisonnier du camp désigné comme otage et fusillé le 22 octobre 1941 avec vingt-six autres internés presque tous communistes.

Il demeura à ce titre une figure essentielle de cette première exécution en nombre qui en annonçait bien d’autres. Inhumé au Père-Lachaise, Charles Michels est honoré par le nom d’une place du XVe arrondissement de Paris et d’une station de métro. Il obtint la mention « Mort pour la France ».
SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII, dossier 2. – RGASPI, 495 270 959 : autobiographie du 27 septembre 1933. – Arch. familiales détenues par sa fille Denise Bailly : lettres d’interné, original de la dernière lettre, papiers personnels, documents administratifs, photographies. – Arch. Jean Maitron, fiche Batal. – Arch. Dép. Seine-Saint-Denis, Fédération nationale des Cuirs et peaux 1889-1985, 48J. – P. Tillard (préf. d’H. Raynaud), Charles Michels, édité par la Fédération des Cuirs et peaux à l’occasion du 10e anniversaire de la fusillade de Châteaubriant, 22 octobre 1951. –Fernand Grenier, C’était ainsi et Ceux de Châteaubriant. – Notice DBMOF par Nathalie Viet-Depaule. – État civil.
Annie PENNETIER

POULMARCH (ou POULMARC’H) Jean, Marie

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Article issu du dictionnaire biographique Pour un Maitron des fusillés et exécutés
https://maitron.fr/
Fils d’un cheminot breton, Guillaume Poulmarch, et de Marie Rucard, fixés à Dreux (Eure-et-Loir), Jean Poulmarch obtint son brevet élémentaire puis entra un temps aux chemins de fer. Il adhéra tout jeune à la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) et aux Jeunesses communistes. À partir de 1933, il fit un séjour de treize mois en Union soviétique. En septembre 1935, il représentait les « jeunes syndiqués » au VIIIe congrès de la CGTU qui se tint à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine) ; lors de ce congrès, il fut élu à la commission exécutive.
Marié à Laurence Harel, il eut un fils, Claude, né en septembre 1935.
En 1936, il devint membre du comité central des Jeunesses communistes. Deux ans plus tard, il accéda aux fonctions de secrétaire général du syndicat CGT des produits chimiques de la région parisienne, puis devint membre de la commission exécutive de la Fédération CGT de la chimie. Il fut membre du Conseil national économique de 1936 à 1940 (13e, devenue 15e section professionnelle – industries chimiques). Il avait été élu membre de la commission exécutive de l’Union des syndicats de la région parisienne en 1937 et entra à la commission administrative de la CGT en 1938. Il fut l’un des délégués de la Fédération des produits chimiques au XXVe congrès national de la CGT, qui se tint du 14 au 17 novembre 1938.
Mobilisé en 1939 à Constantine (Algérie), démobilisé en septembre 1940, il se rendit à Dreux voir sa famille, puis à Paris, où il milita clandestinement pour le Parti communiste. Arrêté par un inspecteur de la police française, le 5 octobre 1940 à son domicile d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne) situé 40 rue Marat, il fut interné à Aincourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise) d’octobre à décembre 1940, puis emprisonné à Fontevrault-l’Abbaye (Fontevraud, Maine-et-Loire) jusqu’en janvier, à Clairvaux (Aube) jusqu’en mai et enfin à Châteaubriant, où il fut dirigé le 15 mai 1941. Jean Poulmarch a été fusillé comme otage le 22 octobre 1941, à la Sablière, avec 27 autres otages.
La mention « Mort pour la France » fut ajoutée à son acte de décès en janvier 1951. Le titre d’Interné Politique (IP) lui fut attribué, mais celui d’Interné Résistant (IR) fut refusé, en avril 1955 ; sa femme adressa un recours gracieux contre cette décision le 6 juin.
Son nom figure sur neuf plaques ou monuments commémoratifs, à Dreux, Châteaubriant, Nantes « Aux 50 otages », Les Lilas, Bagneux et Montreuil. Une rue du Petit-Ivry, à Ivry-sur-Seine, porte également son nom ainsi qu’une rue de Paris Xe arr. La crêche départementale d’Ivry porte le nom de Jean-Marie Poulmarch
Sa femme, Laurence, poursuivit son action à la Fédération CGT des produits chimiques et présenta le rapport féminin au congrès de mai 1948.
……………………………………………………………………………
Dernière lettre

Jean Poulmarch à son épouse

Châteaubriant, camp de Choisel (Loire-Inférieure)

22 octobre 1941

Châteaubriant, le 22 octobre 1941

Ma petite Lolo chérie,

Je m’excuse de la peine immense que je vais te causer : je vais mourir. Otage des Allemands, dans quelques minutes, dans quelques heures au maximum, je vais être fusillé. Tu verras, hélas, dans la presse, la longue liste des copains qui, innocents comme moi, vont donner bêtement leur vie.

Du courage, j’en ai à revendre ! Mes amis aussi sont admirables devant la mort. C’est surtout à toi que je veux m’adresser pour les tourments, la douleur infinie que cette nouvelle va te causer.

Sois forte, chérie. Tu es jeune encore, ne te laisse pas sombrer dans la tristesse et le découragement. Refais ta vie en gardant au coeur le souvenir impérissable de celui qui t’a aimée jusqu’à son dernier souffle. Élève notre fils chéri dans l’esprit qui fut celui de toute ma vie, qu’il devienne un homme libre, épris de justice, attaché à défense des faibles, ce sera la meilleure vengeance.

Console mes parents chéris, ma maman et mon papa que j’ai aimés de mon mieux. Qu’ils soient forts devant l’adversité. Embrasse-les et : mets tout ton cœur.

Pauvre Marguerite, pauvre Jeanne, je regrette le chagrin que je leur causer. Je les aimais bien et elles me le rendaient au mieux.

Du Prix Goncourt au procès de Nuremberg

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La Valse des Juges (extraits)

par Elsa Triolet

I
Ce sont des ruines modèles, bien ramassées dans l’enceinte ronde d’un mur de forteresse avec tours et portes. C’est un modèle de ruines, on dirait une maquette de cinéma tant cela ressemble à la réalité. Une ville comme une cervelle écrabouillée, rose et grise dans le beurre noir, avec des sillons sinueux de rues, où le Moyen Âge se révèle aux façades triangulaires, aux toits tombant à terre, aux grimaces des statues sur le pan encore vertical d’une église… Une ville joliment en miettes, imaginez-vous un service en porcelaine qu’on aurait laissé tomber dans son panier, de très haut, des débris de ville où, çà et là, on voit une maison, surprenante comme une tasse intacte après pareille aventure, ou un morceau de cathédrale, comme le bec d’une haute cafetière cassée.
Des ruines. Des vraies, pas les ravissantes ruines des châteaux, ou les blanches colonnes sans chapiteaux que l’on voit dans un parc, ou même Pompéi, ces ruines qui parlent d’une vie qui n’est plus que lette morte ou romance, joie de l’imagination. Ceci était une ville encore hier, inutile d’imaginer, on peut encore se rappeler. Peut-on trouver belle la colline, avec la Burg en haut, et les ruines descendant la pente, murs troués, éboulis, toits aux tuiles balayées, laissant à nue la légère cassure de bois ? Tragiques coulisses de théâtre, où les maisons n’ont jamais que la façade, menaçant de leurs briques les passants.
Les passants…Ecrasés comme les murs, incomplets comme ces consignes avec leurs lettres qui pendent de travers, -Fri Sal-n- des déchets de familles, de couples, déchets de convictions, d’opinions, d’affirmations, d’amour, de pouvoir, de métiers…Des passants vivant où, comment ? Ils sont là, ils sont dans la grande ville de Nuremberg, qui s’étend autour de la vieille ville, avec gare, poste, tramway, quartiers d’habitation, parcs, ruines définitivement sans beauté, des maisons debout, quelconques, avec, çà et là, les cubes grandioses des édifices nationaux-socialistes, des rues et des chaussées menant par les faubourgs à l’immense stadium où tonnait jadis la voix d’Hitler, aujourd’hui de cendres, les gradins de pierre claire qui sont maintenant aux soldiers et la pelouse qui n’est qu’un terrain vague. Oubli, désolation, immense cimetière.
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C’est sur la poussière mouvante de ces ruines symboliques de Nuremberg où naquit jadis le nazisme que s’élève aujourd’hui le TRIBUNAL pour le juger. Le Tribunal militaire international, ses services, ses ramifications, coiffe la ville et les environs. Tout ce qui est encore debout, vivable, sert à ses besoins. Les Américains en charge (puisque c’est zone américaine) déblayent, organisent, y rendent possibles l’existence et le travail de milliers de gens en liaison avec le procès monstre. L’immense palais de justice construit par les nazis, l’immense prison construite par les nazis, étaient tout prêts à recevoir les visiteurs, les bombes ayant épargné ces édifices et leurs serrures. Pour le reste, les Américains, souverainement bien organisés et riches, ont tout prévu comme pour le débarquement : les juges, les dactylos, les machines à écrire, le papier, les crayons, les médicaments, la lecture, les vêtements, la nourriture, les forces de sécurité, la police militaire, les M.P. solides, droits et infranchissables comme les barres de fer d’une prison… Ils ont pris sur place les maisons debout, intactes et à réparer, et des chantiers ont poussé un peu partout ; ils ont pris l’eau et l’ont désinfectée ; ils ont pris des femmes et des hommes pour bâtir, laver, conduire les voitures… Les nations alliées sont arrivées avec leur juge, avec leur accusation, les interprètes, les dactylos ; le monde entier a envoyé des journalistes. La prison a reçu les accusés. La défense des Allemands est apparue, nommée d’office ou choisie par l’accusé. Le procès monstre s’est mis en branle.
(…)
Du Grand Hôtel, face à la gare, cars et voitures s’en vont vers le Tribunal et les diverses habitations dans la ville et en dehors de la ville. On y va à travers les ruines et verdures, sillonnées de Jeeps et ponctuées par les chaudrons ripolinés de blanc des M.P.
Zindorf où habite la délégation française, il y a des villas toutes neuves, un club avec mess, orchestre et jus de fruits, une belle forêt, des chevaux à monter si l’on ne craint pas leurs excentricités, le pas espagnol, leur tendance à se coucher ou à se cabrer suivant la corde sensible qu’on aura touchée en eux sans s’en douter, car ce sont des chevaux de cirque.
Le Press Camp, le camp de la presse, est installé dans le château Faber, des crayons Faber. Une imitation d’ancien, avec un grand escalier en marbre blanc, un véritable trône pour le Faber principal, des fresques sur les murs de la salle à manger représentant la dynastie des Faber qui ne se perd pas dans la nuit des temps… Sur un tableau l’on peut voir un combat de deux chevaliers en armure ayant pour lance des crayons, et c’est celui des chevaliers qui, apparemment, porte les armes des Faber qui pourfend l’autre, dont la lance-crayon, brisée en deux, gît par terre. « C’est ça qui est triste » comme chante Bourvil. Impossible de ne pas penser à Bourvil dans ce château de crayons ! Combien a-t-il fallu de crayons pour donner aux Faber la possibilité de construire ce château parfaitement hideux ?
Dans l’immense et magnifique parc, – les arbres restent des arbres, même chez les Faber – dans le parc, il y a un étang vide d’eau et quelques tombes de chiens à Faber, avec pierres et inscriptions moyenâgeuses et touchantes… Dans les très grandes salles du château, il y a un bar, des jus de fruits, du whisky, une triste tentative de musique et une foule de journalistes civils et militaires.
Il y a la « maison des juges», il y a quelque-part en ville la girls-town, il y a les maisons des autres délégations, il y a les villas de ceux-ci et de ceux-là… Tout ce qui est habitable, je l’ai dit, est occupé par ce qui constitue l’armature et le grouillement du procès monstre, du Président du Tribunal, Lord Justice Lawrence, en passant par l’accusation, les interprètes, les dactylos, les journalistes, jusqu’aux M.P., aux G.I.’s, etc… Et l’on continue à déblayer, à reconstruire, on pose des rails, des grues montent et descendent, ce ne sont pas que des ruines, c’est aussi un chantier. (…) L
Le Grand Hôtel grouille : hall, snack-bar, salles à manger, le bar tout court, le Marble Room où l’on danse tous les soirs. C’est la foire. A la porte, des M.P. vous demandent de montrer patte blanche à l’entrée et à la sortie. E.Triolet évoque ici les démarches auxquelles elle a été contrainte avant son départ : « une fois au ministère de l’Information, trois fois à l’hôtel Majestic, chez les Américains, et encore deux fois chez les Américains, boulevard Haussmann.(…) puis au commissariat (de police) … pour une enquête venant des Américains. » … avant-goût de Nuremberg et de « cette enveloppante atmosphère policière et qui me donnait invinciblement l’impression que je frisais la prison ».

II

Tous les matins, une foule sage et affairée s’en va au Tribunal par autocars et voitures. La journée de travail commence.
Le procès du Mal, l’immensité même de la chose, est peut-être la raison qui fait qu’on ne peut en supporter la conscience interrompue et que, quotidiennement, il se réduit à un boulot, on y va comme à l’école, à la banque, au chantier, dans une administration… L’édifice du tribunal, construit par les nazis et où l’on se perd inévitablement dans les hauts et larges couloirs kilométriques, est occupé par les bureaux des diverses délégations de tous les pays d’Europe, et les Etats-Unis. Il y a,les pièces réservées à la presse, aux photographes, il y a le bar, il y a la cafeteria, où tout le tribunal, tous les services déjeunent, et il y a la vaste salle d’audience, le cœur du Tribunal, du procès.(…)
[Et]voici la salle où cela se passe. Une grande salle, haute comme une église, boisée comme une salle à manger de boiseries marrons, les portes encadrées de marbre vert foncé, couronnées de statues et d’armes. L’éclairage est artificiel, puisque les fenêtres d’une hauteur immense sont fermées par des rideaux de velours vert d’eau, mais on dirait que c’est le ciel, que c’est le jour blanc que l’on voit à travers les fentes multiples du plafond. C’est au-dessous de ces hautes fenêtres qu’est assise la Cour. C’est en face d’elles que sont assis les accusés. A l’un des bouts étroits de la salle, interprètes et box de l’accusé ; à l’autre, s’enfonçant profondément sous la galerie des invités, la presse. Tout au milieu, le pupitre de l’accusateur, face au box de l’accusé. A gauche de l’accusateur, les sièges de la défense allemande ; à droite, les sténos ; derrière, les tables de l’accusation des pays alliés.
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Puis E.T. évoque quelques accusés : Göring, Hess, Sauckel « Ils semblent tous très à leur aise, bavardant pendant les suspensions de séance comme dans un foyer de théâtre, mâchant consciencieusement de petits en-cas, c’est tout juste s’ils ne lorgnent pas sur les loges.(…)
« La Cour, Messieurs… » Elle apparaît : des toges, deux uniformes (les Russes). Tout le monde se rassied. Chacun ajuste les écouteurs à sa tête. Les interprètes se penchent sur leur micro. Un avocat allemand s’avance vers le pupitre du milieu. Dans le box des témoins, Baldur von Schirach, le Führer de la Jeunesse hitlérienne, aujourd’hui entendu comme témoin dans le procès de Hoess (à ne pas confondre avec Hess), de Hoess, le bourreau d’Auschwitz. Il prêtera serment, on l’appellera Monsieur le témoin, on recevra comme quelque chose de valable le témoignage d’un homme d’autre part jugé comme criminel ! Ceci est, paraît-il, la procédure anglo-américaine, adoptée par le Tribunal.
L’interrogatoire est réglé comme du papier à musique. Pendant des heures, on écoutera Baldur von Schirach parler de lui-même. Le président Lawrence (…) l’interrompt plusieurs fois, de très mauvaise humeur : la jeunesse du témoin et les influences qu’i a subies n’intéressent pas le Tribunal. N’empêche que Schirach nous parlera de Weimar (…) et donc de Goethe et encore, et encore de Goethe. (…) Schirach semble être l’intellectuel de la bande, il n’est question que de Kultur et de re-Kultur…(…) La jeunesse de son temps se tournait vers l’Amérique, il avait lu le livre de Henry Ford : Le juif international, et il était devenu antisémite. Mais ce n’est pas l’antisémitisme qui l’a amené au national-socialisme, mais le socialisme. « Sans Versailles, dit-il, il n’y aurait pas eu Hitler, c’est le diktat qui a mené à la dictature… » Mais ce n’est pas tout ça : « Avez-vous visité Mauthausen ? » Oui, il a visité Mauthausen. Il y a vu « une station dentaire admirablement bien organisée », « un orchestre symphonique où les internés étaient en train de faire de la musique » Et il a eu « l’occasion d’entendre un ténor… »
Je ne sais pourquoi, mais c’est ce ténor qui me fit voir rouge. (…) Après le ténor, le mot « poète » tomba du box du témoin comme un énorme blasphème… Oui, le poète Hans Carossa a écrit à l’avocat, comme témoin à décharge pour Schirach…
[E.T. reproduit la lettre de Hans Carossa]
Le poète…Le poète Hans Carossa, traduit en français, avant la guerre, par Jacques Decour, fondateur des Lettres françaises clandestines, fusillé par les Allemands en mai 1942, n’a pas été témoin à décharge pour Jacques Decour. Peut-être parce qu’il ne l’avait pas fréquenté, et que Hans Carossa n’avait rien su de sa culture, cette culture qui sembla tant l‘ étonner chez M. von Schirach, de famille pourtant si noble et si aisée, que de sa part c’est bien plutôt le manque de culture qui aurait pu étonner. Ou est-ce que Hans Carossa n’a pas été témoin à décharge pour Jacques Decour, parce que Jacques Decour a été fusillé sans procès ?
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Ou peut-être qu’on parce qu’on l’a fusillé trop tôt, en 1942, et que les bonnes actions de Schirach se placent en 1944 ? Ou peut-être parce que témoigner pour Schirach ne demande aucun courage civique, (…) Jacques Decour a été fusillé, il a accepté d’être ce terreau pour la jeunesse à venir dont il parle dans sa lettre d’adieu ; Hans Carossa, le poète, essaye de sauver la mise à Schirach, l’homme qui, pendant dix ans, a pourri une jeunesse…
Mais la défense continue à interroger M. le témoin von schirach.
Question. – Que signifie pour vous le nom d’Auschwitz ?
Réponse. – C’est là le meurtre le plus monstrueux et le plus massif de l’histoire du monde. Mais il n’a pas été commis par Hoess, celui-ci n’était que le bourreau. Celui qui a commis le crime c’est Hitler. (…)
Maintenant, c’est l’accusation qui interroge, elle parle des livres propagés par Schirach parmi la jeunesse (…) Est-ce donc : « Aujourd’hui nous entend* l’Allemagne et demain le monde entier », ou « Aujourd’hui nous appartient l’Allemagne et demain le monde entier », que les services de propagande de Schirach apprenaient à chanter à la jeunesse hitlérienne ? … Etc…, etc…
C’est le lendemain que j’ai eu la réponse à cette dernière question, bien par hasard. Je l’ai eu au meeting électoral du parti socialiste, sur la place Adolf-Hitler, cette place qui était autrefois le salon de réception de Nuremberg.(…) Toute cette foule est tournée vers l’orateur sur les tréteaux entre les drapeaux rouges.(…) L’orateur dit : « La jeunesse allemande n’est pas responsable » et il me semble que j’entends Schirach, malgré l’absence des M.P. (…)
« Oublions que nous avons chanté : Aujourd’hui l’Allemagne nous appartient, et demain le monde entier ! » (…) Le simple sentiment de justice du public, le mien, se révolte contre l’interminable jugement de ce qui est jugé d’avance par toute l’humanité. On n’a pas besoin de faire la preuve de l’existence d’Auschwitz, de Dachau, etc… Il y a assez de témoins pour confondre une idéologie et un régime. Les lois sont impuissantes dans un cas pareil, le sentiment a mille fois raison sur les lois. Et tant pis si tous les juristes des nations alliées expriment leur contentement au sujet des progrès que ce procès fera faire au droit international ! Les juristes me font penser aux médecins, ravis de trouver un atroce cas de maladie. Ce n’est pas le droit international qui nous intéresse, nous, les citoyens des pays démocratiques, mais la défense de ces démocraties, les mesures prophylactiques contre le microbe nazi. A moins que, d’après les lois, il faille encore apporter la preuve que le nazisme est une idéologie criminelle. Mais si ceci est posé sans discussion préalable, il faudrait lutter contre la propagation de cette idéologie, puisque criminelle. Le procès de Nuremberg aurait pu être l’arme massue contre le nazisme, une aide importante pour la dénazification des esprits. Nous nous sommes enlevés nous-mêmes cette arme, car ce procès est-il utile à la dénazification du monde ? Non, puisqu’il donne à ces hommes rompus à la propagande de disculper leur idéologie ; puisqu’il donne aux nazis l’espoir que tout n’est pas perdu, même si à la fin du procès ces accusés-là sont fusillés ; s’il est possible de traîner en longueur les explications, on aura peut-être le temps de mieux s’organiser, de se cacher et, qui sait, de recommencer… Il se trouvera aussi des âmes charitables pour écouter les explications psychologiques d’un Schirach, et tout comprendre n’est-ce pas tout pardonner ? Si bien que le crime nazi deviendra bientôt un crime occulte et que les juges ne seront plus que d’horribles bourreaux barbares. (…)
En tout cas, j’ai rapporté de Nuremberg la conviction d’avoir plongé un regard dans un abîme sans fond. On n’y fait pas ce qu’il faut ! Pourquoi n’y fait-on pas ce qu’il faut ? Mais je me le suis déjà demandé pendant la guerre d’Espagne, au moment de Munich et des interminables conversations à propos d’un pacte anglo-franco-russe (il vaut mieux se laisser envahir par Hitler que de se laisser défendre par Staline, comme on disait alors…), et au moment de la « pauvre petite Finlande », bastion de l’Allemagne et quand le sanglant maréchal menait la France par le bout du nez… Pourquoi, à Nuremberg, ne fait-on pas ce qu’il faut ? On reconstitue l’Histoire d’hier, c’est bien joli, mais ce faisant, et ne faisant que ça, on écrit aussi l’Histoire d’aujourd’hui.
Mais ce n’était pas du tout mon dessein de faire le procès du procès (…)
Elsa Triolet décrit alors la vie nurembergeoise « après le boulot qu’est la présence au tribunal » On dînera, puis les salles de danse se rempliront… On dansera au club des soldats américains, on dansera au château des Crayons, au Grand Hôtel.
Le « Marble Room » est plein jusqu’aux bords, tous les soirs. (…) on y voit danser les juristes, les dactylos, les interprètes, la presse, l’accusation et, ceci n’est pas une légende, on y voit danser les juges !
(…) Oui, dans ces décombres, on touche parfois le fond de l’abîme. Il s’est trouvé qu’à Nuremberg j’ai vu le spectacle le plus dénué de toute illusion. (…) Je pense au SS que j’ai vu à cette séance à huis clos, dans une petite salle du tribunal. C’était un interrogatoire destiné à alléger le procès monstre. (…) Le SS que voilà est le Sturmführer du détachement costumé en polonais qui, en 1939, a attaqué la station de Gleiwitz sur la frontière germano-polonaise. On le disait bien, à l’époque, que cette attaque était une provocation allemande, mais en avoir ainsi la confirmation par un des provocateurs lui-même, c’est comme la réalisation d’un rêve ! Ce SS est plusieurs fois assassin et, paraît-il, fou. Pourtant, il répond aux questions avec netteté et précision et sa compréhension est exceptionnellement rapide. (…) Nuremberg, le pouls du malade, j’ai le doigt dessus et je n’ai pas besoin d’être médecin pour savoir à quel point le danger est grand…
(…) Et voici le monde, déjà au fond d’un abîme et qui semble faire tout ce qu’il peut pour s’abîmer encore mieux, plus profondément, plus totalement… Je sais avec plus de clarté qu’avant mon voyage à Nuremberg, que nous sommes en pleine guerre. Tâchons donc de reconnaître l’ennemi, aujourd’hui sans uniforme, unissons-nous, oublions encore une fois nos querelles pour défendre une vie qui serait une vie vraiment humaine.
Juin 1946
Esa TRIOLET

*Hört ou gehört ? Hört veut dire entend ; gehört veut dire appartient.
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Un procès pour l’Histoire Il y a 75 ans s’ouvrait le procès de Nuremberg

On décide à la conférence de Moscou, fin octobre 1943 que les criminels de guerre ayant agi à une échelle locale ou nationale seront jugés sur le lieu de leurs crimes. Quant aux « grands criminels de guerre », ayant œuvré à l’échelle du Reich tout entier, leur sort était renvoyé à une décision des 3 puis 4 Grands, prise tardivement, car les Alliés étaient divisés sur la question : exécutions ou procès ? Finalement, on s’accorde sur un procès, et les Etats-Unis jouent un rôle moteur dans la création du Tribunal Militaire International (TMI). Le débat porte ensuite sur les chefs d’inculpation. Les Etats-Unis voulaient une inculpation pour complot et crimes contre la paix, l’Urss et la France une inculpation pour crimes de guerre : ce n’est pas la guerre qui est au cœur du procès, mais la manière dont elle a été conduite.

Finalement, le représentant nommé par Truman, Jackson, impose une nette hiérarchie des crimes reprochés aux dirigeants nazis : la Charte du Tribunal fait du crime contre la paix le crime suprême dont découlent tous les autres. Les crimes de guerre sont ceux qui sont commis par les nazis sur les territoires et les personnes sous leur contrôle. Et au bout de la chaîne, les crimes contre l’humanité sont des crimes qui ne seront jugés que s’ils découlent de la guerre. Cela ne concerne donc que ce qui s’est passé pendant la guerre, pas avant, et cela ne concerne pas non plus ce qui s’est passé en Allemagne, contre les juifs ou les opposants.

Mais la notion de crime contre l’humanité fait une entrée dans le droit international, tout comme la responsabilité des individus dans les crimes contre la paix ou crimes de guerre. Jusque là, seuls les Etats étaient jugés. Les dirigeants peuvent donc désormais être condamnés.

Ce TMI a de gros moyens : 1500 experts, interprètes, juges. Il est filmé, et des journalistes le suivent pendant un an: il s’agit aussi de donner une leçon aux générations suivantes, y compris de dirigeants, pour éviter que cela recommence. Les films et témoignages vont en fait faire évoluer le procès vers la condamnation des crimes et de ce qu’on n’appelle pas encore génocide.marie-claude_vaillant_couturier.jpg

Le témoignage de Marie-Claude Vaillant Couturier, résistante et communiste, le 26 janvier 1946 (photo ci-contre) y contribue fortement : elle est une survivante du convoi de janvier 1943, le seul convoi de femmes résistantes et non –juives déportées au camp d’extermination d’Auschwitz–Birkenau. Elle est donc un témoin oculaire privilégié, et peut donner, au long du plus long témoignage du procès, des informations précises sur l’extermination des Juifs.

Le TMI, avec toutes ses limites, est la base de ce qui deviendra ensuite le droit international pour juger les crimes contre l’humanité et les génocides.

Dominique COMELLI
Historienne

Elsa TRIOLET à Nuremberg sur www.resistance-44.fr

Repères sur le procès de Nuremberg.

La décision de juger les criminels

| Déclaration de Moscou | – Le 30 octobre 1943, les ministres des Affaires étrangères de l’Union soviétique, du Royaume-Uni et des Etats-Unis actent que les grands criminels de guerre seraient punis par la décision commune des Alliés et qu’il conviendrait de les juger et non de les exécuter sans jugement.

| Accords de Londres | – Le 8 août 1945 la déclaration de Moscou est traduite en acte : un tribunal militaire international quadripartite est créé. L’ensemble des règles du tribunal suivent une procédure de type anglo-saxonne. La France est présente. 17 pays se joignent à la Charte.

Les 24 accusés Vingt-et-un hauts dignitaires du régime nazi comparaissent physiquement devant le Tribunal militaire international de Nuremberg. Un prévenu – Martin Bormann, homme de confiance et conseiller de Hitler – figure sur la liste des accusés. Il est absent du box. Porté disparu depuis la bataille de Berlin, le 2 mai 1945, un avocat le représente.

Hermann Göring, le plus haut dignitaire nazi vivant à cette date Rudolf Hess, successeur désigné d’Hitler Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères Robert Ley, dirigeant du Front allemand du travail WilhemKeitel, chef du commandement suprême de la Wehrmacht Julius Streicher, virulent antisémite, acteur de l’extermination des juifs Ernst Kaltenbrunner, chef de la Sécurité du Reich Alfred Rosenberg, théoricien du nazisme, ministre des Territoires occupés de l’Est Hans Franck, Gouverneur général de Pologne, avocat d’Hitler Wilhem Frick, auteur des lois antisémites de Nuremberg, gouverneur de Bohême-Moravie
Hjalmar Schacht, ancien ministre de l’Economie et président de la Banque du Reich Arthur Seyss-Inquart, acteur de l’Anschluss, commissaire du Reich pour les Pays-Bas Karl Dönitz, commandant de la Kriegsmarine Walter Funck, successeur de Schacht à la tête de la Reichsbank et au ministère de l’Economie
Albert Speer, architecte du Reich, ministre de l’Armement Baldur von Schirach, chef des Jeunesses hitlériennes, Gauleiter de Vienne Fritz Sauckel, organisateur du Service du travail obligatoire (STO) Alfred Jodl, chef d’état-major au Haut Commandement de la Wehrmacht Franz von Papen, ancien chancelier, ambassadeur à Vienne puis en Turquie Konstantin von Neurath, ex-ministre des Affaires étrangères, gouverneur de Bohême-Moravie
Erich Raeder, commandant en chef de la Marine, responsable de la guerre sous-marine
Martin Bormann, chancelier du parti nazi (NSDAP), présumé en fuite Hans Fritzsche, responsable de la propagande nazie au ministère de la presse et de la radio
Gustav Krupp von Bohlen und Halbach, industriel, fournisseur s’acier et de canons du Reich

Trois absents importantsAdolf Hitler, le «Führer». Il s’est suicidé le 30 avril 1945 dans son bunker à Berlin
Heinrich Himmler, Chef de la SS (Schutzstaffeln, escadrons de protection, initialement chargée de la garde personnelle du Führer) et l’un des principaux organisateurs de la «Solution finale». Il est mort le 23 mai 1945 de façon suspecte (la version officielle présente un suicide par cyanure, contestée par la thèse d’un assassinat)
Joseph Goebbels, ministre de la Propagande et de l’Information. Il s’est suicidé à Berlin le 1er mai 1945.

Les quatre chefs d’accusation Les prévenus sont accusés de crimes contre la Paix, de crimes de guerre, de crimes contre l’Humanité et d’un plan concerté ou complot en vue de commettre ces crimes. Les actes sont définis dans l’article 6 de l’Accord de Londres.

L’acte d’accusation mentionne les rafles, le meurtre d’otages à Châteaubriant et à Nantes, les sanctions collectives, le pillage d’œuvres d’art au Musée de Nantes

Huit organisations sont également traduites en justice *le gouvernement du Reich (Die Teichsregierung) * le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) * la SS (Schutzstaffel «escadron de protection») * la Gestapo (Geheime Staatspolizei – la police secrète d’État) * le SD (Sicherheitsdienst «service de sécurité», milice) * la SA (Sturmabteilung «section d’assaut», formation paramilitaire) * l’état-major général * le haut commandement des forces armées allemandes

Le choix de la ville de Nuremberg
Nuremberg est choisie par les Alliés pour des raisons de commodités. Située en zone d’occupation américaine, le palais de justice de Nuremberg est resté intact. De plus, il est relié par un tunnel sous-terrain à la prison voisine, qui comprend de nombreuses cellules et un bon système de sécurité. Les Soviétiques auraient préféré Berlin, siège du pouvoir du Reich. Le lieu est cependant hautement symbolique. C’est en effet dans le stade de cette ville que paradaient les organisations paramilitaires du Parti nazi. Et c’est également à Nuremberg que les lois antisémites ont été promulguées en 1935.

Le procès Le procès préparé par le procureur Robert Jackson sur les instructions du président H. Truman, se voulait rapide. Le marathon judiciaire durera 218 jours, il y aura 403 audiences publiques. Ceci s’explique par la volonté du ministère public d’être précis et du souci de respecter les droits de la défense. La séance inaugurale a lieu le 18 octobre 1945 à Berlin, le procès commence le 30 novembre par la lecture, pendant 5 heures, de l’acte d’accusation. La présentation des chefs d’accusation -preuves à l’appui- par les quatre délégations alliées dure quatre mois. Le 8 avril 1946, la parole est à la défense. Les réquisitoires débutent le 25 juillet 1946 et le 31 août les débats sont enfin clos.

Au cours des débats, les accusés, Göring en tête, sont souvent arrogants, pleins d’assurance.

Le verdict Il est prononcé les 30 septembre et 1er octobre. Le jugement comporte 170 pages.
* 12 condamnations à mort par pendaison (dont 1 par contumace : M. Bormann) : H. Franck, H. Göring (il se suicide avant l’exécution de la sentence), A. Jodl, E. Kaltenbrunner, W. Keitel, J. Ribbentrop, A. Rosenberg ; F. Sauckel, A. Sess-Inquart, J. Streicher.
* 7 condamnations à des peines de prison : 3 à perpétuité (W. Funck, R. Hess, E. Raeder), 2 à 20 ans d’emprisonnement (B. Schirach, A. Speer), 1 à 15 ans (K. Neurath) et 1 à 10 ans K. Dönitz) * 3 acquittements ( H. Fritzsche, F. von Papen et H. Schacht) * 4 organisations sont déclarées criminelles (le NSDAP, la Gestapo, le SS et le SD)


Nuremberg en chiffres

3 000 tonnes de documents

400 journalistes du monde entier sont présents à l’ouverture du procès

94 témoins sont entendus au cours du procès (61 à décharge et 33 à charge). Le 28 janvier 1946, Marie-Claude Vaillant-Couturier, rescapée des camps d’Auschwitz et Ravensbrück est invitée à témoigner.

42 volumes contiennent l’intégralité des actes du procès

24 accusés sont initialement sélectionnés. Trois ne comparaîtront pas: l’industriel allemand Gustav Krupp très âgé est écarté en raison de son état de santé; Martin Bormann, disparu (en fuite ?) et Robert Ley, responsable du Front allemand du travail, qui s’est suicidé en prison le 25 octobre 1945.

8 juges composent le Tribunal qui est présidé par le britannique Geoffrey Lawrence. Chaque pays a désigné deux juges. Pour la France, Henri Donnedieu de Vabres (contesté pour sa proximité avec Vichy et certains accusés) suppléé par Robert Falco.

Les procureurs français sont François de Menthon puis Auguste Champetier de Ribes assistés d’une équipe de 10 juristes dont notamment Edgar Faure, Joë Nordmann, Charles Dubost.

4 langues officielles pour les débats (anglais, français, russe et allemand)

1 film de 4 heures, intitulé «Le plan nazi», est projeté au cours du procès. C’est la première fois que des films sont présentés au cours d’un procès, lequel est lui-même filmé.

Procès de Nuremberg

Quand elle entre dans la salle d’audience du procès des dignitaires nazis le 28 janvier 1946, à 10 heures, Marie-Claude Vaillant-Couturier attire tous les regards. Au lieu de s’avancer vers la barre où le président du Tribunal militaire international vient de l’appeler, elle se dirige droit vers les bancs des accusés. Elle plante ses yeux dans ceux des criminels nazis, un à un. « Avant de prendre la parole devant la Cour, je suis passée devant les accusés, très lentement. Je voulais les regarder de près (…) Pendant que je les dévisageais, je me disais : « Regardez-moi car, à travers mes yeux, ce sont des centaines de milliers d’yeux qui vous regardent, par ma voix, ce sont des centaines de milliers de voix qui vous accusent. » La déposition de Marie-Claude Vaillant-Couturier, jeune femme rescapée d’Auschwitz et Ravensbrück, fut un réquisitoire implacable contre la barbarie nazie.

Témoignage de Marie-Claude Vaillant-Couturier (1)
https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjnoaLq7dftAhUi4YUKHUqwCwwQwqsBMAR6BAgCEBA&url=https%3A%2F%2Fwww.humanite.fr%2Fvideos%2Fmarie-claude-vaillant-couturier-au-proces-de-nuremberg-1-563547&usg=AOvVaw1Bw-vp-fEssLF5iN_-D7ZO

Témoignage de Marie-Claude Vaillant-Couturier (2)
https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjnoaLq7dftAhUi4YUKHUqwCwwQwqsBMAN6BAgCEAs&url=https%3A%2F%2Fwww.humanite.fr%2Fvideos%2Fmarie-claude-vaillant-couturier-au-proces-de-nuremberg-2-563548&usg=AOvVaw3PtrULkmXkyTYMva0LYLoD

Elle témoigne en 1975 dans Le Patriote résistant, journal de la FNDIRP (Fédération nationale des déportés, internés, résistants et prisonniers) dont elle a été la présidente, de son expérience et livre son analyse du procès.

« Je suis revenue de Nuremberg choquée et inquiète. J’ai retrouvé mes notes de l’époque. Déjà durant le voyage j’avais constaté, en traversant la Ruhr, que les hauts fourneaux fonctionnaient alors que les nôtres étaient éteints (…)

Quant au procès lui-même, je ne le trouvais satisfaisant ni sur le fond, ni dans la forme. J’étais indignée de l’absence des dirigeants des grands Konzern allemands, les Krupp, Thiessen, Flick, Siemens, IG Farben etc. qui, premièrement avaient apporté leur soutien actif à la montée d’Hitler au pouvoir et ensuite avaient réalisé des profits monstrueux sur le sang versé et la vie de millions d’hommes, de femmes et d’enfants parmi lesquels les déportés raflés à travers l’Europe.

En ce qui concerne la forme, j’étais exaspérée de la procédure tatillonne. On cherchait la responsabilité de chaque accusé sur des questions de détails alors qu’il était indifférent de savoir si von Papen, Schacht ou Speer avaient personnellement donné des ordres pour les massacres et les tortures. Ceux-ci se faisaient sur une telle échelle, qu’il était impossible qu’ils aient pu les ignorer. Le racisme et la volonté d’exterminer les races dites inférieures faisaient partie de doctrine nationale-socialiste énoncée dans de nombreux écrits officiels, à commencer par Mein Kampf. En tant que dirigeants, ils étaient responsables ensemble de l’application de la politique nazie. A travers ces crimes, il aurait fallu faire le procès du fascisme en montrant qu’ils étaient les conséquences d’une idéologie consistant à transformer les hommes en bêtes féroces, bourreaux et victimes.

J’écrivais à l’époque « on ne peut pas s’empêcher de penser que si les choses traînent en longueur, c’est parce qu’il y a certaines têtes que l’on voulait sauver et qu’il sera plus facile de le faire en endormant l’opinion publique. Il y a quelque chose de choquant dans la forme de ce procès, dans la longueur des débats. On ne semble pas attaquer le fond du problème. Le procès de Nuremberg ne sert pas à éclairer le peuple allemand (…) Dans l’ensemble, les Allemands n’ont pas du tout conscience de leurs fautes. Ils considèrent qu’ils ont eu la malchance de perdre la guerre et que s’ils avaient l’occasion de recommencer, ils le feraient tout de suite. »

Elle n’était pas la seule à partager ce pessimisme parmi les acteurs du procès ou les envoyés spéciaux de la presse française. Plus tard, grâce à son expérience au sein des organisations mémorielles de la résistance et de la déportation, elle reviendra sur ce premier jugement et considérera alors : « Le fait que le Tribunal de Nuremberg ait retenu les notions de génocide, de crime contre l’humanité est un progrès de la conscience humaine. »

Elle–même ouvrira le chemin à l’imprescribilité des crimes contre l’Humanité, ce qui permettra de juger Klaus Barbie et Paul Touvier ainsi que l’adoption dans le droit pénal français des articles 211-2 et 212-2 définissant le « crime de génocide » et » les autres crimes contre l’humanité »

Allo, Londres – Ici, Nantes

La première liaison radiotélégraphique clandestine, en morse, de la France occupée vers Londres est établie par depuis Nantes, plus précisément Chantenay, le 25 décembre 1940. Récit.

1940, la résistance est embryonnaire. Des individus ou des groupes tentent d’établir des liaisons avec Londres. Par bateau ? Les liaisons avec l’Angleterre étaient rares et périlleuses. Il fallait pourtant transmettre quantités d’informations et dans des délais très courts. Il n’existait pas de smartphone, la solution fut le poste émetteur-récepteur.

Jan Doornick (1905 – 1941), est un commerçant hollandais bloqué en France par l’avance allemande. Il gagne Londres et est chargé par le Service de renseignement (SR) de la France Libre d’une mission de reconnaissance des installations de la Kriegsmarine sur la côte française. Il débarque à Plogoff à la fin de septembre 1940 et rejoint Nantes le 10 octobre. Fin octobre, il accueille le lieutenant Maurice Barlier, envoyé d’Angleterre pour le seconder. Barlier, prisonnier de guerre avait réussi à s’évader et à rejoindre l’Angleterre. Il est représentant de commerce pour les conserveries Amieux et a, de ce fait, des contacts nantais, Léon Setout et André Clément, directeur technique et directeur export chez Amieux. Nantes est pour lui une destination naturelle.

Le lieutenant de vaisseau Louis-Henri HONORE, comte d’ESTIENNE d’ORVES, surpris par l’armistice alors qu’il est au mouillage à Alexandrie, à bord du croiseur Duquesne, avait décidé en août 1940, refusant l’armistice, de désobéir et de rejoindre l’Angleterre ; il y était arrivé à la fin du mois de septembre. Affecté au 2ème Bureau des Forces navales françaises libres (FNFL), sa première mission est de constituer un réseau de renseignement en France occupée. Ce sera le réseau Nemrod.

1, rue du Bois Haligan

Le 21 décembre 1940, il est envoyé en France, accompagné du quartier-maître radiotélégraphiste Georges Marty, à bord du chalutier La Marie-Louise, alias Le Louis-Jules qui est rattaché au 2ème Bureau et barré par le Senan François Follic, qui a gagné l’Angleterre depuis le 16 juin 1940. Ils débarquent le 22 à Plogoff où une planque les attend puis rejoignent Nantes le 24 décembre. Ils s’installent à Chantenay chez André et Paule Clément au 1, rue du Bois-Haligan, près de la place Jean Macé, dans leur maison Ty Brao.

Le 25 décembre, après le repas de Noël pris en famille et en présence d’un voisin, Jean Le Gigan, directeur des achats aux chantiers Dubigeon qui doit diriger le groupe pour toute la Bretagne, D’Estienne d’Orves, Barlier et Marty montent l’appareil radio qu’ils ont apporté d’Angleterre. A 13 h 30, ils établissent la première liaison radio entre la France occupée et Londres. D’autres trans-missions suivront au rythme de quatre à cinq par semaine. Les renseignements transmis à Londres comprennent le QG allemands dans les châteaux des environs de Nantes, les emplacements précis des dépôts de carburants, le terrain d’aviation de Château-Bougon, celui de Meucon, les positions des batteries côtières, les plans du réseau de distribution d’énergie électrique de la région Ouest, la liste des sous-marins relevée à l’arsenal de Lorient, la construction de la base sous-marine de Saint-Nazaire. Pour ne pas attirer l’attention, Léon Setout a trouvé pour Marty un emploi de dessinateur auprès de l’architecte de la ville, André Chauvet.plaque_au_1_rue_du_bois-haligan.jpg
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D’Estienne d’Orves repart à Paris pour s’assurer des contacts pris à Paris et à Vichy par Jan Doornick qu’il rencontre pour la première fois dans un café de Montparnasse, le 4 janvier 1941. D’Estienne d’Orves le félicite de l’action accomplie et lui propose de repartir pour Londres avec lui à la fin du mois. Mais de cette expédition qui doit comprendre près de trente hommes, peu nombreux sont ceux qui échapperont aux arrestations. A Paris d’Estienne d’Orves installe un nouveau secteur avec un poste émetteur à Saint-Cloud. Il noue des contacts avec le réseau du musée de l’Homme.

La trahison de Marty
A son retour à Nantes, il est informé du comportement peu discret de Marty qui entretient des relations suspectes, bavarde imprudemment avec des soldats allemands et mène la grande vie dans les bars du port. Menacé de sanction et de renvoi à Londres, transféré dans d’autres hébergements rue de l’Abbaye et rue de la Brianderie, le capitaine lui laisse une deuxième chance. Marty continue à envoyer des messages. Mais en réalité, Marty est un traître. Son vrai nom est Alfred Gaessler. Le 1er janvier 1941, il était allé se présenter 24, boulevard Guisth’au auprès des services de contre – espionnage allemands de l’Abwehr. Là, dans le bureau du capitaine Pussbach, il a rendu compte de tous les renseignements utiles au démantèlement du réseau Nemrod. Il est envoyé à Angers au siège régional de l’Abwehr et répète au colonel Dernbach ce qu’il a dit à Nantes : noms, adresses, planques, codes de la radio. Ce jeune alsacien de 20 ans, qui a grandi auprès d’un père pro-nazi, est en réalité un agent de l’Abwehr. Il sera exfiltré vers l’Autriche par les Allemands.

Dans la nuit du 21 au 22 janvier, après avoir escaladé le mur du jardin, les policiers allemands surprennent dans leur sommeil André Clément, sa femme Paule et sa mère ainsi qu’Honoré d’Estienne d’Orves. Ils sont rapidement menottés ou ligotés. La scène est si violente que Mme Clément mère succombe à une crise cardiaque. Le voisin, Jean Le Gigan, alerté par les cris de Clément, est déjà entre les mains de l’Abwehr ; Léon Setout et André Chauvet sont également arrêtés à leur domicile. Tous sont conduits boulevard Guisth’au pour y subir un interrogatoire.

Le réseau Nemrod est démantelé entre le 20 et le 24 janvier, à la veille de l’embarquement prévu pour l’Angleterre. Le 3 février, Jan Doornick revient à Nantes. Informé du désastre, il retourne immédiatement à Plogoff dans une ferme où il est à son tour surpris par un détachement de cent hommes qui cernent la ferme et le capturent.

Monsieur le Président,
devrais-je exécuter ma peine avant ou après ma mort ?

D’abord emprisonnés à Angers, au Pré-Pigeon, d’Estienne d’Orves et ses compagnons sont transférés à Berlin, prison du Praesidium et reviennent à Paris le 26 février d’abord à la prison du Cherche-Midi dans l’attente de leur procès, puis à Fresnes après leur condamnation et au Fort de Romainville avant leur exécution. Tous comparaissent devant la Cour martiale du Gross Paris du 13 au 25 mai 1941. D’Estienne d’Orves couvre ses hommes et prend sur lui l’entière responsabilité de l’activité du réseau.

Le verdict tombe le 26 mai. Honoré d’Estienne d’Orves, Maurice Barlier, Jan Doornick, Jean Le Gigan, André et Paule Clément, Jean-Jacques Le Prince, un nouveau radio, François Follic, le capitaine du bateau et son second, Pierre Cornel (à partir des renseignements de Gaessler deux patrouilleurs allemands les avaient arraisonnés et arrêtés au large de Brest le 15 février) sont condamnés à mort.
En plus de sa condamnation à mort, Doornick est condamné à trois ans de détention en forteresse, ce qui lui fera poser la question : « Monsieur le Président, devrais-je exécuter ma peine avant ou après ma mort ? » Léon Setout est condamné à quatre ans de travaux forcés, les époux Normant (qui fournissaient la planque à Plogoff), à six mois. Seuls D’Estienne d’Orves, Barlier et Doornick sont exécutés. Les autres peines ont été commuées. Ainsi celle d’André Clément, commuée en 15 ans de réclusion et qui a en fait été déporté.
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Curieusement, les condamnés ne sont pas immédiatement exécutés. Stülpnagel a-t-il voulu garder des otages pour une occasion spectaculaire ? A-t-il cherché à temporiser compte tenu de la forte émotion provoquée dans l’opinion publique par la condamnation d’un officier de marine ? La Cour martiale, impressionnée par l’attitude des accusés, signe leur recours en grâce adressé à Hitler.
Le 21 août 1941, le résistant communiste Pierre George – futur colonel Fabien – secondé par Gilbert Brustlein, abat l’aspirant de la Kriegsmarine Alfonso Moser au métro Barbès à Paris. Cet acte donne le signal de la lutte armée contre l’Occupant. Le lendemain, les Allemands promulguent une ordonnance transformant tous les prisonniers français en otages. Hitler a refusé la grâce. Stülpnagel veut faire un exemple. Le 28 août 1941, d’Estienne d’Orves, Barlier et Doornick obtiennent de passer leur dernière nuit dans la même cellule. Ils obtiennent également que leurs yeux ne soient pas bandés au moment du supplice. Ils sont fusillés au Mont Valérien le lendemain, 29 août 1941, à l’aube, la veille de l’exécution de Marin Poirier au champ de tir du Bêle à Nantes.

Le 30 août, un Avis signé par le commandant militaire allemand en France, paraît en Une des journaux collaborationnistes Le Petit Parisien et Le Matin et est placardée sur les murs. Elle y côtoie celle annonçant l’exécution de cinq résistants communistes. Leur mort courageuse frappe les consciences et beaucoup de jeunes vont s’engager dans la Résistance pour se montrer dignes de leur exemple. Le premier groupe FTPF 1, en 1942, prend le nom d’ Honoré d’Estienne d’Orves, L’Humanité clandestine cite fréquemment son nom. Louis ARAGON lui dédie, ainsi qu’à Guy Môquet, Gabriel Péri et Gilbert Dru, son célèbre poème La Rose et le réséda, publié en 1943

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Qui est Henri Louis HONORE, comte d’Estienne d’Orves (1901-1941) ? Il est le descendant d’une vieille lignée aristocratique, cousin d’Antoine de Saint-Exupéry et Louise de Vilmorin. Son père – qui a obtenu que son prénom, Honoré, soit ajouté au patronyme familial devant le titre nobiliaire – est royaliste légitimiste et à la maison le drapeau blanc est de rigueur. Lycéen, Henri est proche de l’Action française. Il intègre Polytechnique en 1921, puis l’Ecole navale. Lieutenant de vaisseau depuis 1930, l’armistice le surprend en rade d’Alexandrie à bord du croiseur Duquesne. Il est promu capitaine de frégate lorsqu’il devient chef du 2ème Bureau des Forces navales françaises libres.

Sources
Musée de l’Ordre de la Libération
Musée de la Résistance nationale – Champigny
Bloyet Dominique et Etienne Gasche, Les 50 Otages, Editions CMD
Marcot François (dir), Dictionnaire historique de la Résistance, Payot
Maitron, Dictionnaire des fusillés, Editions de l’Atelier
Honoré Rose et Philippe, Honoré d’Estienne d’Orves, pionnier de la Résistance, France-Empire
Aragon, La Diane Française, Seghers

Mémoire

Jan DOORNICK (1905–1941) a été fait Compagnon de la Libération, à titre posthume, le 7 mars 1945. Un square de Paris 16ème porte son nom.
Louis Henri HONORE, comte d’ESTIENNE D’ORVES a été fait Compagnon de la Libération, à titre posthume le 30 octobre 1944.
Le grand hall de l’Ecole Polytechnique, la cour d’honneur de l’Hôtel de la Marine, plusieurs lieux de Paris (place, métro Trinité), portent son nom de même que des rues dans 18 villes des Hauts-de- Seine, 11 en Essonne, 9 en Yvelines, 14 en Seine-Saint-Denis et 15 en Val-de-Marne. Nantes a un cours Honoré d’Estienne d’Orves, comme Marseille (le journal La Marseillaise y a son siège), un lycée de Nice et depuis peu, le lycée de Carquefou portent ce patronyme.
Une plaque est apposée au n°1 rue du Bois-Haligan. A noter qu’au n°7 habitait le résistant FTP Auguste Chauvin qui sera fusillé en février 1943 au champ de tir du Bêle, à l’issue de la parodie de « procès » dit des 42. A proximité, une rue porte le nom de Maurice Barlier. Nantes honore également André Clément dont une rue de Chantenay (près du cinéma Concorde) porte le nom.