Marthe GALLET
de Saint-Nazaire à la Libération de Paris
Le 3 novembre 2014, une foule emplit la grande salle de la résidence du Traict, sur le front de mer de Saint-Nazaire. Tous ces gens, famille, amis, camarades, résidents, personnel de l’EPHAD sont venus souhaiter un bon anniversaire à Marthe Gallet, et pas n’importe lequel : le 100ème.Retour ligne automatique
Marthe Gallet, « ce petit bout de femme à la vie extraordinaire »1 est une figure nazairienne dont la vie est jalonnée d’engagements multiples.
Née en 1914, Marthe Robert entre à l’Ecole normale d’institutrices de Nantes et commence à militer au syndicat des instituteurs, au Groupe des jeunes. Elle militait déjà au Parti communiste depuis 1934. C’est l’époque des luttes antifascistes, du soutien à l’Espagne républicaine et du Front populaire qui l’enthousiasme. C’est dans un défilé à La Baule qu’elle rencontre Frédéric. Instituteur, lui est passé par l’Ecole normale de Savenay. Tous deux sont militants, Frédéric devient responsable du Comité du Front populaire, tandis que Marthe s’occupe de l’Union des Jeunes Filles de France, un mouvement créé par Danièle Casanova et d’autres pour permettre aux jeunes filles, en un temps où la mixité n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, de s’engager elles aussi. Elle épouse Frédéric en 1937 et ils obtiendront un poste double à Trignac en 1939.
1939, c’est la guerre. Frédéric est mobilisé, il laisse sur le quai de la gare sa femme et sa fillette, Françoise née l’année précédente. Grâce à deux militants, Raymonde et Ernest Pichon2, elle reprend contact avec le parti communiste, hors la loi depuis le 26 septembre 1939 et participe à la diffusion de tracts et journaux clandestins et apporte son aide aux militants traqués par la police, car la répression est féroce.
« Septembre 1942. Soudain vers onze heures du soir, des coups violents ébranlent la porte. Ma sœur était avec moi. Son mari venait de quitter la maison avec Albert Rocheteau3. Tout de suite, nous avons eu peur pour eux. Mais la police arrêtait cette nuit-là toute une liste de suspects dont je faisais partie. Comment expliquer que malgré la douleur de quitter ma petite Françoise endormie dans son berceau, je ressentis une sorte de soulagement. Ma sœur partit dans la nuit par des chemins détournés, roulant ma petite fille dans sa poussette. Elle la conduisit à Saint-Nazaire chez ses grands-parents.(…)
Je fus conduite à pied à la prison de Saint-Nazaire où je retrouvai « Tante Fine » arrêtée la nuit même au Croisic. Les policiers voulaient savoir où se trouvaient Georges et Léone, les interrogatoires se succédèrent. A l’un d’eux, ils amenèrent une petite fille de l’âge de Françoise me promettant la liberté si je donnais une adresse.
Je fis connaissance avec la saleté de la prison et pourtant j’étais privilégiée. Nous n’étions que trois dans une grande pièce, mais les tas de chiffons qui s’amoncelaient étaient un lieu d’élection pour les souris ; nous trouvions sous nos paillasses des nichées de petites souris toutes roses. J’étais avec deux condamnées de droit commun dont je garde un excellent souvenir, l’une emprisonnée pour avortement, l’autre rejetée par la société, Marie, à qui j’apprenais l’orthographe. »
Après Saint-Nazaire, c’est le circuit des prisons : château de Gaillon (Eure), camp de la Lande près de Tours, où elle fait une tentative d’évasion, infructueuse mais qui lui fait inventer La Chanson des évadés, de nouveau Tours puis le transfert à la prison des Tourelles à Paris qu’évoque Patrick Modiano dans son roman Dora Bruder, d’où elle s’évade en février 1944 après avoir pris quelques cours d’espagnol auprès de Républicaines internées. Elle reprend sa place dans la résistance, et s’engage dans les FTP, elle devient l’agente de liaison Michèle, attachée à l’Etat-major du Colonel André, de son vrai nom Albert OUZOULIAS4 et parcourt Paris à vélo pour transmette les courriers et les instructions. Arrive l’insurrection d’août 1944, elle est en première ligne et participe à ce titre à la libération de Paris.
Après la Libération, elle rentre à Saint-Nazaire et reprend son métier d’institutrice à l’école Jean Jaurès. Elle anime et préside l’Union des Femmes françaises, mouvement né pendant l’Occupation à partir des comités populaires féminins (aujourd’hui Femmes solidaires). Les combats ne manquent pas. Si la guerre est finie, les conflits ne manqueront pas – Indochine, Algérie, Vietnam . Conflits sociaux également dans lesquels elle est investie : 1955, 1967, 1968. Luttes pour l’école et la laïcité.
Marthe Gallet nous a quittés en 2015 dans sa 101ème année.
1- Ouest-France 7/11/2014Retour ligne automatique
2- Ernest Pichon, membre du triangle de direction de la résistance communiste nazairienne avec Emile Bertho et Pierre Mahé, il sera arrêté le 5 août 1942, torturé, emprisonné, il comparaît devant la Cour spéciale de Rennes avec 25 autres communistes, en février 1943. Il sera déporté à Buchenwald
3- Albert Rocheteau, membre de l’Organisation spéciale, puis des FTPRetour ligne automatique
4 – Albert Ouzoulias, adjoint du colonel Rol-Tanguy, auteur de Les Bataillons de la jeunesse Editions sociales
Le camp des Tourelles Avant le Bureau des légendes et l’existence de la télévision, la caserne des Tourelles, dans le 20ème arrondissement de Paris, qui abrite aujourd’hui les services de renseignements, a été un camp d’internement. 7 658 personnes y ont été internées entre novembre 1940 et le 19 août 1944 : des « indésirables » étrangers, des communistes, des femmes juives, des réfractaires au STO.Retour ligne automatique Le 14 mai 2018, la Ville de Paris a dévoilé une plaque commémorative, au 163, boulevard Mortier Paris 20ème, à la mémoire des populations internées dans cette caserne entre 1940 et 1944. Le Musée de l’Histoire vivante de Montreuil possède et a exposé fin 2019/début 2020 trente et un portraits d’interné-e-s des Tourelles Pour en savoir plus * reportage dans L’Humanité-Dimanche n° 689 2 au 8 janvier 2020 Retour ligne automatique * Louis Poulhès , Un camp d’internement en plein Paris : Les Tourelles, Atlande éditeur |
Suzanne MAHÉ, Lucienne, Alphonsine [née JUSTAMONT Suzanne]
par Julian Mischi
Née le 19 janvier 1913 à Niort (Deux-Sèvres), morte le 5 avril 2005 à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique) ; institutrice ; résistante ; militante communiste, conseillère municipale communiste de Saint-Nazaire.
Suzanne Justamont était fille d’un père petit industriel d’une famille protestante et d’une mère catholique. Des dépôts de bilans successifs entraînèrent une relative prolétarisation de la famille. Son père était indiqué « barman » sur le registre de naissance et en 1940, lors du mariage de sa fille « commerçant ». Sur les conseils d’un enseignant, elle passa le concours d’entrée à l’École normale d’institutrices où elle découvrit les textes de Marx.
Lors de sa première année d’enseignement en 1933-1934, à une quarantaine de kilomètres de Niort, elle adhéra au Syndicat des instituteurs et se lia avec deux enseignantes avec qui elle effectua, pendant l’été, un voyage de six semaines à bicyclette, en Allemagne, y découvrant l’implantation du nazisme. Revenue en France, nommée à Saint-Martin-de-Mâcon près de Thouars, elle adhéra au Secours Rouge International. Responsable de l’Union des jeunes filles de France à Thouars (Deux-Sèvres), elle adhéra au Parti communiste en 1934 et milita aussi au comité mondial des femmes contre la guerre. En avril 1936, lors d’un meeting du comité thouarsais du Front populaire des jeunes, elle représenta la section de Thouars du comité mondial des jeunes filles. Après juin 1936, elle vérifia régulièrement si les employées des magasins disposaient bien d’un siège qu’elles venaient d’obtenir. Elle consacrait aussi ses moments de liberté à collecter pour l’Espagne républicaine.
Elle participa à la création, dans le SNI des Deux-Sèvres, d’un groupe des jeunes de l’enseignement, dont elle fut secrétaire à partir de 1935, qui, chaque été, voyageait dans différentes régions de France, s’efforçant de nouer le contact avec les populations ouvrières et paysannes. Par ailleurs, aux vacances de Pâques, elle participait à Paris aux écoles du Parti communiste. Enfin, à Noël, les groupes des jeunes de l’enseignement organisaient des rencontres internationales ; en 1939, elle y rencontra Pierre Mahé, son futur mari. Comme lui, elle avait fait grève le 30 novembre 1938, malgré la réquisition des fonctionnaires, par discipline d’organisation et pour montrer l’exemple. Pierre Mahé étant mobilisé, ils décidèrent de se marier pour qu’il bénéficie d’une permission, le 23 mars 1940 à Saint-Nazaire. Il fut fait prisonnier et envoyé en captivité près de Stettin à Rawa Ruska (Allemagne) ; après cinq tentatives infructueuses, il s’évada et gagna la Suède, mais ne réussit à revenir en France qu’en juin 1945.
En février 1940, lors d’une perquisition à son domicile, la police trouva des livres communistes. Elle fut arrêtée peu après son mariage et incarcérée en avril à la prison de Tours (Indre-et-Loire) dont elle fut libérée le 18 juillet 1940. Elle reprit son poste d’institutrice à la Madeleine de Guérande, près de Saint-Nazaire, où existait une cellule communiste clandestine. Elle était chargée d’aller dans les familles pour repérer qui, éventuellement, pourrait aider, cacher un militant. Figurant sur la liste des enseignants(e)s communistes, elle fut révoquée en décembre 1940 et en avril-mai 1941, recherchée par la police française, elle gagna le Morbihan, puis Paris où elle trouva le contact avec le Parti communiste. Elle habita Argenteuil puis Colombes, et dans cette ville, fut responsable du comité des femmes du réseau du Parti communiste clandestin. Elle prit le nom d’Annick pour son travail de liaison. Elle fut arrêtée le 19 novembre 1941 et interrogée par le commissaire David, de la Brigade spéciale 2, quatre jours plus tard. Condamnée à deux ans de prison, elle fut enfermée à la Petite Roquette, où les détenues les plus politisées organisèrent des cours, un journal et réussirent à faire sortir des renseignements par leur avocate. Le jour anniversaire de la victoire de Valmy, suivant le mot d’ordre du PC de manifester, elle participa à une prise de parole dans la cour de la prison. A la suite d’un procès en janvier 1943, condamnée à une peine de prison, envoyée au fort de Romainville, elle fut déportée le 13 mai 1944 et arriva au camp de Ravensbrück (Allemagne) le 16 mai 1944 par le dernier convoi de 750 femmes. Elle fut, de là, envoyée à Hanovre (Allemagne) dans une usine de produits chimiques où, là aussi, les déportées politiques essayèrent de constituer un collectif capable d’actes de résistance dans leur vie quotidienne. Elles furent délivrées par l’armée américaine en mars-avril 1945.
Rapatriée en France, très amaigrie, elle retrouva son mari en juin 1945. Ils furent d’abord réintégrés dans l’enseignement à Pornichet (Loire-Atlantique), où elle commença une intense vie militante de quartier, autour des questions du ravitaillement, et dans le cadre du PCF. De retour en septembre 1947 à Saint-Nazaire où la vie reprenait lentement, ils s’installèrent dans le quartier de Kerlédé, habitant l’un des 210 bungalows provisoires. Elle participa aux nombreuses activités de l’Amicale de quartier, très vite sous influence communiste : lutte pour l’amélioration des conditions de vie quotidienne, accueil d’enfants du Secours populaire, d’enfants des mineurs en grève en 1948, sou du soldat, lutte contre la guerre du Vietnam, puis d’Algérie. En 1954, Suzanne et Pierre Mahé s’installèrent dans le quartier de Plaisance ; elle continua le même type d’activités militantes et prit plusieurs fois la parole contre la guerre d’Algérie, à Saint-Nazaire, et à Rennes, lors de la fête de l’Union des femmes françaises. En 1950, elle remplaça, après sa destitution du conseil municipal, Madeleine Gallen*, en tant que conseillère municipale communiste, administratrice du Bureau de bienfaisance ; elle assura ce mandat jusqu’en avril 1953. Elle intervint à plusieurs reprises pour défendre les positions de la minorité communiste (distribution de lait aux enfants des chômeurs, carte sociale municipale pour les économiquement faibles, questions scolaires). De 1962 à 1968, la famille Mahé, avec ses deux enfants, vécut à Nantes afin que Suzanne, victime d’une dépression, puisse y être soignée. Ils revinrent à Saint-Nazaire en 1968. Elle mourut dix années après la disparition de son mari.
POUR CITER CET ARTICLE :
https://maitron.fr/spip.php?article119469, notice MAHÉ Suzanne, Lucienne, Alphonsine [née JUSTAMONT Suzanne] par Julian Mischi, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 13 novembre 2019.
SOURCES : Arch. Dép. Deux-Sèvres, 4M 13/4E. — Arch. mun. Saint-Nazaire (Cristel Gravelle). — Entretiens avec S. Mahé et témoignage écrit. — Émission de « Turbulences », radio libre locale, 17 février 1984. — Raconte camarade, par Maxime (pseudonyme de Pierre Mahé), Saint-Nazaire, 1974, 354 p. —MAHE (Pierre), Raconte Pierre, Saint-Nazaire, AREMORS, 1994, 135 p. — Presse locale (quartier de Kerlédé). — Dominique Loizeau, Femmes et militantismes, Paris, L’Harmattan, Logiques sociales, 1996. — Camélia Zegache, Les femmes dans la Résistance en banlieue Nord, 2000, Mémoire de maîtrise, 178 p. (Université de Paris 13). — Julian Mischi, Traditions politiques locales et communismes ouvriers. L’implantation du PCF dans la région de Saint-Nazaire, Saint-Nazaire, AREMORS, 1998, 201 p. — Notes de Jacques Girault, d’Alain Prigent et de Guy Texier. — RGASPI, pas de dossier au Komintern.
Il s’agit d’un « procès » à grand spectacle. Le décor est conçu pour impressionner : les murs sont recouverts de tentures rouges agrémentées de croix gammée. Le public est limité : seuls quelques officiels et surtout des journalistes de la presse collaborationniste car l’objectif est d’impressionner l’opinion. Les avocats – le bâtonnier Guinaudeau et ses confrères ont été commis d’office, le traducteur officiel E. Duméril les assiste. Les entretiens se déroulent en allemand, le réquisitoire n’est pas traduit aux accusés. Il s’agit d’une parodie de procès.
Les inculpés sont des membres de l’Organisation spéciale, organisation dédiée à l’action directe, créée par le PCF dès octobre 1940. Ils doivent répondre de 49 chefs d’accusation : attentats contre l’occupant ou contre des collaborationnistes notoires, sabotages, vols de tickets d’alimentation, aide aux résistants, propagande communiste. Le contexte n’est guère favorable à la mansuétude des autorités allemandes. Contrairement à ce qu’elles espéraient à la suite de l’exécution de 48 otages le 22 octobre 1941 : faire peur pour dissuader le développement d’actes de ré-sistance, c’est en effet l’inverse qui s’est produit. De l’automne 1941 à l’année 1942 les actes de sabotage se sont multipliés. Par ailleurs le contexte international préoccupe le Reich confronté à la combativité de l’Armée rouge à Stalingrad où la Wehrmacht conduite par von Paulus devra capituler le 2 mars.
A l’évidence, les Allemands veulent faire un exemple. Ils considèrent les accusés comme des « assassins » ou des francs-tireurs, des « terroristes » criminalisant ainsi leur action. Trois inculpés sont condamnés à des peines de prison, trois sont acquittés faute de preuve mais deux d’entre eux seront déportés. Les deux femmes sont renvoyées à un complément d’enquête, mais également déportées. En dépit du délai de grâce fixé au 2 février, dès lendemain 29 janvier, 9 condamnés sont fusillés au terrain militaire du Bêle à Nantes. 25 autres le seront le 13 février 1943, parmi lesquels 5 Républicains espagnols. Les trois derniers seront exécutés le 7 mai 1943.
Au moment où se déroule ce « procès », de nouvelles arrestations surviennent. Des FTP – Francs tireurs et partisans – qui ont pris la relève en novembre 1942 des premiers résistants de l’OS, tombent à leur tour. Mais contrairement au procès très médiatisé de janvier, celui dit « des 16 » qui se déroule les 12 et 13 août passe quasiment inaperçu. Les autorités françaises vichystes n’ont même pas été informées, des « avocats » allemands sont désignés pour « défendre » les accusés, mais ils abondent dans le sens de l’accusation. 15 accusés sur 16 sont condamnés à mort dont deux seront graciés mais déportés (Denise Ginollin et Armand Loyen). Roger Astic est acquitté mais déporté. Le 25 août, 11 FTP sont fusillés au Bêle. Deux sont transférés en Allemagne et seront exécutés le 20 novembre 1943 à Tübingen.
Pour en savoir plus :
www.resistance-44.fr
*Dossier Les procès des 42 et des 16
*Liste des fusillés
Guy HAUDEBOURG, Nantes 1943. Fusillés pour l’exemple. Geste Editions.
Jean CHAUVIN, Lettres d’un héros ordinaire. Auguste Chauvin, résistant FTP (1910-1943), L’Oribus n°58
Marc GRANGIENS, Les procès des 42, film documentaire réalisé avec les étudiants du BTS audio-visuel du Lycée Léonard de Vinci, Montaigu-85.
CEREMONIE COMMEMORATIVE
DU 22 OCTOBRE 2022
-Adresse: comitesouvenir@orange.fr
ou
Le Comité est dirigé par un Conseil d’Administration de 36 membres et par un bureau de 16 membres. Une commission de contrôle financier de 4 membres qui participent aux réunions du CA . Ceux-ci sont élus par l’Assemblée Générale réunie annuellement.
Association reconnue d’intérêt général est habilitée à recevoir des dons et à délivrer des certificats fiscaux en application des dispositions de l’article 200 du Code Général des Impôts.
Déclaration en Préfecture de Nantes: Dossier 12034 – le 27/01/1977 ( JO du 03/02/1977 – Siret:502 320 492 000 15 )
N° d’enregistrement en préfecture : 0442042034
Voir document : Statuts_Comite_.pdf
Choisel, le 22 octobre 1941
Ma petite chérie,
Quand cette lettre te parviendra, je ne serai plus de ce monde. Je voudrais, avant de mourir, te direencore une fois combien je t’ai aimée, combien je t’aime encore.
Surtout, élève nos enfants dans la voie où moi-même je les aurais élevés. J’aurais voulu que
Jacqueline ait son petit coffret, dernier souvenir de son papa, comme Claude son petit avion.
Malheureusement, telle n’était pas ma destinée.
Il est douloureux, quand on est plein de santé comme je le suis, à 34 ans, de voir ainsi sa vie
terminer. Je meurs pour mon idéal ; mes petits, eux, le verront. Sois persuadée, ma chérie, que je mourrai tout à l’heure, courageusement, aux cris de Vive la France, Vive le Parti Communiste.
Ne me pleure pas trop, songe à nos enfants ; élève-les bien.
Embrasse bien ma petite maman et sois bonne pour elle ; je l’aimais bien aussi.
Embrasse mon frère, ma sœur, la Suzon et tous ceux que j’aimais.
Pour les camarades, mon fraternel salut.
On te fera parvenir mon argent et mes dernières petites affaires.
Je t’aime. Courage.
Maurice.
Châteaubriant, le 22 octobre 1941
Ma petite Lolo chérie,
Je m’excuse de la peine immense que je vais te causer : je vais mourir. Otage des Allemands, dans quelques minutes, dans quelques heures au maximum, je vais être fusillé. Tu verras, hélas, dans la presse la longue liste des copains qui, innocents comme moi, vont donner bêtement leur vie.
Du courage, j’en ai à revendre ! Mes amis aussi sont admirables devant la mort. C’est surtout à toi que je veux m’adresser pour les tourments, la douleur infinie que cette nouvelle va te causer.
Sois forte, chérie. Tu es jeune encore, ne te laisse pas sombrer dans la tristesse, et le découragement. Refais ta vie en gardant au cœur le souvenir impérissable de celui qui t’a aimée jusqu’à son dernier souffle. Élève notre fils chéri dans l’esprit qui fut celui de toute ma vie, qu’il devienne un homme libre, épris de justice, attaché à la défense des faibles, ce sera la meilleure vengeance.
Console mes parents chéris, ma maman et mon papa que j’ai aimés de mon mieux. Qu’ils soient forts devant l’adversité. Embrasse-les et mets tout ton cœur.
Pauvre Marguerite, pauvre Jeanne, je regrette le chagrin que je vais leur causer ! Je les ai-
mais bien et elles me le rendaient au mieux.
À tous, adresse mon salut ; apporte-leur ma confiance inébranlable en la victoire prochaine. L’heure n’est plus aux pleurnicheries et à la passivité ; l’heure est à la lutte impitoyable pour la libération de la France et de son peuple glorieux.
Jusqu’à ma mort, j’ai lutté. Je suis fier de ma vie et je ne doute pas que mon sacrifice, comme celui de mes camarades, ne soit pas vain.
Excuse-moi, j’écris sur mes genoux ; mais ne crois pas que je tremble !
Chérie, encore une fois, si tu trouves un compagnon pour poursuivre ta vie, ton Jean n’hésite pas à te dire : « Prends-le ! » Essuie tes pleurs, ressaisis-toi, et poursuis ta vie courageusement.
Que notre Claude sache comment son père est mort et qu’il poursuive la route que son père a tracée.
Ma petite femme, je t’embrasse une dernière fois, que mes baisers soient les plus ardents, qu’ils soient le témoignage de mon attachement dernier.
Embrasse encore papa, maman, Marguerite, Jeanne, notre pauvre chéri, ta brave et admirable maman ; embrasse René, Suzanne, Jacqueline, Lise et tous les amis qui nous sont chers.
Adieu, pauvre petite, mais courage, courage.
Ton mari tombera la tête haute, le cœur solide, confiant dans l’avenir de bonheur qui régnera sur le monde.
Vive le Communisme !
Vive la France libre, forte et heureuse.
Jean.
14H
Châteaubriant, le 22 octobre 1941.
Chère femme et chers enfants,
Je vous envoie ces derniers mots pour vous dire adieu. Car nous sommes une trentaine qui viennent d’être remis aux autorités allemandes, nous savons ce que cela veut dire. Je mourrai courageusement, soyez en sûrs. C’était mon destin.
Adieux à tous. Je vous embrasse bien tendrement une dernière fois. J’espère que l’on vous enverra mes effets.
Que les enfants se rappellent leur père. Je ne songeais guère, lorsque je vous ai envoyé les souvenirs, qu’ils seraient les derniers.
Adieu, chère femme. Sois courageuse ; continue à élever nos enfants pour en faire des hommes ; moi ma tâche est terminée.
Embrasse bien les enfants pour moi.
Ton époux et votre père.
E. Lefèbvre.
P.S. – Je te joins le reste de mon argent. Préviens mes frères et ma sœur.
JEAN JACQUES
Inauguration de la plaque commémorative en hommage aux fusillés de la
Sablière du 19 octobre.
Octobre 1941.
Depuis un an déjà, la grande moitié Nord de la France est
occupée. Le gouvernement s’est installé à Vichy et Pétain a serré la
main d’Hitler à Montoire dans le Loir et Cher. Il collaborera.
Très vite, depuis l’appel de Jacques Duclos et Maurice Thorez,
la résistance de l’ombre s’organise.
Déjà en France, les nombreux camps d’internement se
remplissent de la politique anti-communiste, raciste, xénophobe,
élitiste menée par les nazis. Ils y puiseront leurs otages à chaque
victoire de la Résistance.
45000 prisonniers passeront par les 4 camps répartis autour de
la ville de Châteaubriant, Choisel sera celui ou seront incarcérés les
Grenier, Mauvais, Poulmarch, Granet, Timbaud et tous les
opposants communistes et syndicalistes.
Le tout récent « code des otages » mis en place par les nazis,
avec la complicité du gouvernement de Vichy, définit les priorités et
permettra à Pucheu, ministre de l’Intérieur de Pétain et grand
serviteur de la finance, de se débarrasser de ses ennemis politiques
et syndicaux qui représentaient la classe ouvrière en 36.
Le 20 octobre1941, l’exécution du lieutenant- colonel Hotz leur
donnera l’opportunité d’assassiner, dans la carrière de la Sablière,
les 27 de Châteaubriant soigneusement choisis selon ce « code des
otages ».
Parmi les 50 otages désignés, 16 passeront par les armes à Nantes et
5 au Mont Valérien à Paris.
Serge
Edmond Lefèbvre – 38 ans
Né le 17 juin 1903 à Lille (Nord)
D’abord ouvrier métallurgiste, Edmond Lefèbvre devient
employé communal à Athis-Mons (Seine et Oise), où il milite pour le
Parti communiste.
Il est arrêté dès le 6 octobre 1940 du fait de son activité
clandestine, comme d’autres militants, avant d’être placé en
internement administratif au camp d’Aincourt puis à la centrale de
Poissy. Il arrive au camp de Choisel à Châteaubriant le 5 mai 1941.
Fusillé le 22 octobre 1941 à 16h10
Chère femme et chers enfants,
Je vous envoie ces derniers mots pour vous dire adieu. Car
nous sommes une trentaine qui viennent d’être remis aux
autorités allemandes, nous savons ce que cela veut dire. Je
mourrai courageusement, soyez en sûrs. C’était mon destin.
Adieux à tous. Je vous embrasse bien tendrement une
dernière fois. J’espère que l’on vous enverra mes effets. Que les
enfants se rappellent leur père. Je ne songeais guère, lorsque je
vous ai envoyé les souvenirs, qu’ils seraient les derniers.
Adieu, chère femme. Sois courageuse ; continue à élever
nos enfants pour en faire des hommes ; moi ma tâche est
terminée.
Embrasse bien les enfants pour moi.
Ton époux et votre père.
E. Lefèvre.
P.S. – Je te joins le reste de mon argent. Préviens mes frères et
ma sœur.
ème |
prénom Maurice. |
PHILIPPE
Henri Pourchasse – 34 ans
Né le 16 octobre 1907 à Paris (Seine)
Ouvrier métallurgiste à Ivry sur Seine, Henri Pourchasse est un
militant syndical et politique actif, secrétaire de la cellule communiste
de son usine et membre du bureau de sa section locale.
Il est arrêté une première fois en août 1939 lors de l’interdiction
du Parti communiste ; puis une seconde fois le 20 juin 1941 pour
avoir reconstitué illégalement un syndicat CGT sur son lieu de travail à
la Compagnie des Eaux. Placé en internement administratif, il est
rapidement transféré au camp de Choisel à Châteaubriant.
²Fusillé le 22 octobre 1941 à 16h00
Ma petite chérie,
Quand cette lettre te parviendra, je ne serai plus de ce monde. Je
voudrais, avant de mourir, te dire encore une fois combien je t’ai aimée,
combien je t’aime encore.
Surtout, élève nos enfants dans la voie où moi-même je les aurais
élevés. J’aurais voulu que Jacqueline ait son petit coffret, dernier souvenir
de son papa, comme Claude son petit avion.
Malheureusement, telle n’était pas ma destinée.
Il est douloureux, quand on est plein de santé comme je le suis, à 34 ans,
de voir ainsi sa vie se terminer. Je meurs pour mon idéal ; mes petits, eux,
le verront. Sois persuadée, ma chérie, que je mourrai tout à l’heure,
courageusement, aux cris de Vive la France, Vive le Parti Communiste.
Ne me pleure pas trop, songe à nos enfants ; élève-les bien.
Embrasse bien ma petite maman et sois bonne pour elle ; je l’aimais bien
aussi.
Embrasse mon frère, ma sœur, la Suzon et tous ceux que j’aimais.
Pour les camarades, mon fraternel salut.
On te fera parvenir mon argent et mes dernières petites affaires.
Je t’aime. Courage.
Il signe de son 2
Serge
Edmond Lefèbvre – 38 ans
Né le 17 juin 1903 à Lille (Nord)
D’abord ouvrier métallurgiste, Edmond Lefèbvre devient
employé communal à Athis-Mons (Seine et Oise), où il milite pour le
Parti communiste.
Il est arrêté dès le 6 octobre 1940 du fait de son activité
clandestine, comme d’autres militants, avant d’être placé en
internement administratif au camp d’Aincourt puis à la centrale de
Poissy. Il arrive au camp de Choisel à Châteaubriant le 5 mai 1941.
Fusillé le 22 octobre 1941 à 16h10
Chère femme et chers enfants,
Je vous envoie ces derniers mots pour vous dire adieu. Car
nous sommes une trentaine qui viennent d’être remis aux
autorités allemandes, nous savons ce que cela veut dire. Je
mourrai courageusement, soyez en sûrs. C’était mon destin.
Adieux à tous. Je vous embrasse bien tendrement une
dernière fois. J’espère que l’on vous enverra mes effets. Que les
enfants se rappellent leur père. Je ne songeais guère, lorsque je
vous ai envoyé les souvenirs, qu’ils seraient les derniers.
Adieu, chère femme. Sois courageuse ; continue à élever
nos enfants pour en faire des hommes ; moi ma tâche est
terminée.
Embrasse bien les enfants pour moi.
Ton époux et votre père.
E. Lefèvre.
P.S. – Je te joins le reste de mon argent. Préviens mes frères et
ma sœur.
Cette page d’Histoire, cette mémoire, au-delà d’être celles des
familles de ces hommes, sont aussi celles des gens du pays de
Châteaubriant.
Voici un témoignage que m’a transmis Patrick Pérez, ancien adjoint.
Marie Huguette Legobien née Ploteau avait presque 5 ans en 1941.
Mon grand-père, François Ploteau, âgé alors de 70 ans, habitait
à Villepot. Il s’occupait toujours de l’entretien de l’église, sonnait les
cloches, était également fossoyeur. C’est à ce titre qu’il fut
réquisitionné pour enterrer trois des fusillés de Châteaubriant.
Mon père, prisonnier en Allemagne, ma mère et moi avions
quitté Rennes après les bombardements du 17 juin 1940 pour nous
réfugier à Villepot près de la famille. Elle aidait souvent mon grand-
père pour l’entretien du cimetière et du haut de mes presque 5 ans, je
les accompagnais. Nous étions donc présents tous les trois quand les
cercueils sont arrivés.
Ma mère et moi avons alors été conduites dans une baraque à
outils comme il y en avait dans les cimetières. Elle était située à
proximité des tombes et un soldat armé était posté devant la porte.
J’étais sans cesse derrière la petite fenêtre pour tenter de voir ce
qu’il se passait. J’ai toujours la vision de mon grand-père muni de sa
pelle, refermant mes tombes.
Ma mère nous a toujours dit qu’il n’avait cessé de maugréer et
d’exprimer à haute voix, son horreur, à tel point qu’elle avait craint
pour notre vie à tous les trois.
Les cercueils avaient été fabriqués à la hâte et du sang des
fusillés avait coulé sur ses sabots. Mon grand-père n’a jamais voulu
les remettre et les a brulés. Par la suite, mes grands-parents,
conservant des liens avec les familles, ont entretenu les tombes
jusqu’à ce que les cercueils soient exhumés.
Après le Chant des Partisans
Avec cette 9ème inauguration, s’achève la mission que nous a confiée
le Comité local du Souvenir. Qu’il sache que nous en avons été
honorés et que nous remercions chaleureusement l’ensemble du
Comité local et départemental pour sa bienveillance à notre égard.
Nous adressons également nos remerciements aux 9 municipalités
qui nous ont toujours accueilli avec fraternité, nous donnant, une fois
de plus, l’occasion de resserrer les liens de mémoire et d’amitié qui
nous rassemblent dans le devoir de transmission qui nous anime.
Tous nos vœux de succès durable également à l’Amicale de
Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, organisatrice de la cérémonie
de la Sablière, dans la mission qu’elle s’est donnée de perpétrer le
souvenir des 27 fusillés et de tous les résistants.
Tous nos voeux dans sa volonté d’ouvrir au plus grand nombre cette
page d’histoire qui, à l’heure où beaucoup trop d’esprits malveillants
ou ignorants veulent la refermer, doit plus que jamais rester grande
ouverte.
Nous réitérons bien sûr nos remerciements à Alexis Chevalier du
Théâtre Messidor qui vient de fêter avec panache ses 40 ans, ainsi
qu’à Claudine Merceron du Théâtre d’Ici et d’Ailleurs que nous
retrouverons avec bonheur demain après midi sur le plateau de la
Sablière.
Sans eux et leur précieux encadrement pendant une quinzaine
d’années, nous ne serions pas là ! Enfin, tout au moins pas sur le
podium !
Donc quoi de mieux pour conclure que de vous inviter à chanter ce
qui est devenu l’emblématique point d’orgue des commémorations :
L’Age d’or de Léo Ferré
Cimetière de VILLEPOT
Samedi 22 OCTOBRE 2022
Monsieur le Maire de Villepot,
Mesdames et Messieurs les membres des familles des fusillés de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt,
Mesdames et Messieurs les membres de l’Amicale de Châteaubriant-Voves- Rouillé-Aincourt,
Chers concitoyens,
Nous sommes ici aujourd’hui pour rendre hommage à notre grand-père, Henri Pourchasse, à Jean
Poulmarch et à Edmond Lefebvre, résistants, militants de la CGT et membres du PCF, fusillés parmi les
27 otages de Châteaubriant, dont les corps ont été jetés au cimetière de Villepot par les nazis.
Nous ne devons pas oublier qu’ils ont sacrifié leur vie pour que nous vivions libres et en paix et parce
qu’ils croyaient en un monde sans pauvreté et sans violence.
Rappelons leur parcours.
Notre grand-père Henri Pourchasse est métallurgiste, secrétaire adjoint de la CGT de la Ville de Paris,
secrétaire de la Cellule communiste de l’usine des Eaux et membre du Bureau de la Section d’Ivry-sur-
Seine, lorsqu’il est arrêté à son domicile d’Ivry-sur-Seine par la police française, livré aux nazis et
incarcéré à la Santé avant d’être envoyé au Camp de Châteaubriant le 15/06/1941.
Il y sera fusillé dans la fleur de l’âge le 22/10/1941 ; il avait 34 ans.
Jean Poulmarch est membre du Comité central des Jeunesses communistes puis Secrétaire général de la
CGT des industries chimiques de la région parisienne lorsqu’il est arrêté à son domicile d’Ivry-sur-Seine le
5/10/1940.
Interné à Aincourt d’octobre à décembre 1940, emprisonné à Fontevraud jusqu’en janvier 1941 puis à
Clairvaux et enfin à Châteaubriant le 15/05/1941 où il sera fusillé le 22/10/1041 ; il avait 31 ans.
Edmond Lefebvre est métallurgiste puis employé communal, militant communiste à Athis-Mons, quand il
est arrêté le 6/10/1940 et interné à Aincourt où il fut l’un des organisateurs de la grève de protestation
contre l’insuffisance de nourriture et l’absence de visites en avril 1941.
En représailles, il est envoyé à la Centrale de Poissy puis au camp de Châteaubriant le 5/05/1941 où il
sera fusillé le 22/10/1941 ; il avait 38 ans.
En cette période charnière où l’extrême-droite siège à l’Assemblée nationale, il est de notre devoir en tant
que petits-enfants d’Henri Pourchasse et au nom des 27 otages, de mettre en garde tous ceux qui pensent que l’extrême-droite n’est plus un danger et que les temps ont changé, alors qu’elle attise toujours la haine et le racisme primaire qui aboutissent à l’oppression, voire au génocide, comme l’a fait Hitler, alors qu’il promettait pourtant du travail pour tous.
N’oublions pas que des étrangers se sont également battus pour la France, comme notamment le Groupe
Manouchian ou Joséphine Baker, ou enrôlés comme les combattants africains et maghrébins issus des
colonies.
Tous ces résistants ont fait leur la phrase : « tout homme a 2 patries, la sienne et la France ».
N’oublions pas non plus que des Français ont dénoncé des résistants, des politiques, des étrangers, des
gens de couleur, même leurs voisins pour les spolier ou par jalousie, et que cette situation pourrait se
reproduire.
Comme le disait Bertholt Brecht : « Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution
par temps de crise » et cela n’a jamais été aussi actuel.
Nous vous remercions pour votre écoute.