OS : l’organisation spéciale

De l’Organisation spéciale aux Francs-tireurs et partisans

L’Organisation spéciale (OS) est, au moment de sa création par le PCF (été 1940), destinée à protéger les militant(e)s prenant la parole sur les marchés, aux portes des usines ou menant des manifestations. On peut considérer que l’organisation des évasions du camp de Choisel en Châteaubriant relève de cette première OS encore informelle en Loire-Inférieure. Les militants sont d’ailleurs ceux qui ont participé avec Marcel Paul à la collecte d’armes en juillet-août 1940 ou qui participeront à la lutte armée par la suite.

La seconde génération de l’OS, organisée à l’automne par Jean Vignau-Balous, vise expressément la lutte armée. Ses membres servent de soutien logistique aux jeunes communistes – Marcel Bourdarias, Spartaco Guisco et Gilbert Brustlein – venus de Paris exécuter le Feldkommandant Hotz le 20 octobre 1941. Jusqu’à l’été 1942, tous les rapports de police ne parlent que d’OS – que la police traduit d’abord par «organisation secrète» – et les militants qui participent aux actions armées et qui sont arrêtés à cette période se considèrent comme membres de l’OS.

Ce n’est qu’à la fin de l’été 1942 qu’un tract rédigé par Jean Vignau-Balous parle de Francs-tireurs et partisans. Ceux-ci sont le regroupement de l’ancienne OS, des Brigades de la Jeunesse (qui n’existent pas en tant que telles en Loire-Inférieure, les JC étant dans l’OS) et des groupes de la Main d’Oeuvre Immigrée (MOI), représentés en Loire-Inférieure par le Parti Communiste espagnol. De fait, OS et FTP se confondent.

Francs-Tireurs et Partisans

La définition allemande des francs-tireurs

… « accusés du crime d’être des francs-tireurs. Ils ont, sans qu’ils aient été membre d’une armée reconnaissable par des signes distinctifs extérieurs reconnus par le droit international, porté des armes et autres moyens de combat et ont détenu ceux-ci avec l’intention de s’en servir contre l’armée allemande, de tirer sur ses membres et de commettre des actes qui, d’après les lois de la guerre, ne peuvent être accomplis que par les membres d’une puissance armée en uniforme.
Ces accusés étaient membres d’une organisation communiste qui avait pour but de résister à l’armée allemande avec tous les moyens à sa disposition. »

Docteur Gottloeb, Procès des 42, Nantes, janvier 1943.

Torture au commissariat central de Nantes

Lettre passée clandestinement à sa femme par Henri Lefièvre (8 octobre 1942)

Quoique ça a été très dur. J’ai été deux heures et demi sous les coups ; je t’assure que je n’étais pas beau à voir pendant huit jours. Trois jours sans pouvoir manger que du raisin ; enfin ça se tasse. Encore mal aux côtes.

Lettre passée clandestinement à sa femme par Claude Millot (12 février 1943)

Au début, nous avons eu à endurer les coups et la torture. Ce fut odieux. Pour moi, un mois de cette existence, menottes aux mains.

Mise en garde
Exemple de collaboration des autorités françaises

Un exemple de collaboration franco-allemande dans la recherche des francs-tireurs :

Les méthodes allemandes sont clairement justifiées par la criminalisation des résistants.

Mise en garde
Mise en garde

Gaêtan Rondeau Maire de Nantes.

Phillipes Dupard est Préfet de Loire Inférieure.

Arrestation de Marin Poirier
La difficile naissance de la Résistance en Loire-Inférieure

LA DIFFICILE NAISSANCE DE LA RÉSISTANCE EN LOIRE-INFÉRIEURE (1940-1942)

Depuis l’été 1940, le département a vu naître de nombreuses formes de résistance spontanée à l’occupation.

Parallèlement, diverses organisations se sont mises en place, tel le comité d’entente des anciens combattants de 14-18 (Léon Jost, Alexandre Fourny) qui fait évader de nombreux soldats français prisonniers des Allemands vers la zone non occupée.

C’est aussi à ce moment que les premiers réseaux se créent (Bocq-Adam, Marcel Hatet, Marcel Hévin) et entrent en relation avec les envoyés de Londres (D’Estienne d’Orves ou le colonel Rémy). Des militants syndicaux entrent en contact avec la direction nationale de Libération-nord.

Mais la plupart de ces premiers résistants sont rapidement arrêtés.

Arrestation de Marin Poirier
Arrestation de Marin Poirier

Marin Poirier, cheminot socialiste, est le premier Nantais fusillé pour avoir participé à l’évasion de nombreux prisonniers de guerre français et les avoir aidés à passer en zone non-occupée – dans le cadre du groupe des Anciens combattants dirigés par Léon Jost. Il est aussi accusé d’avoir commis des attentats contre l’armée allemande (avec le groupe Bocq-Adam).

Depuis Septembre 1939, le Parti communiste français est interdit. Jusqu’au printemps 1941, la principale activité résistante des communistes qui se réorganisent clandestinement est la confection de tracts et de papillons principalement dirigés contre le régime de Pétain, ce qui amène l’internement au camp de Châteaubriant de nombre d’entre eux.

Camp de Choisel 1941
Camp de Choisel 1941

Autour de Marcel Paul, un petit groupe de militants récupère des armes.

A partir de l’attaque allemande contre l’URSS, le 22 Juin 1941, le PCF organise la lutte armée en créant l‘Organisation spéciale (OS). À Nantes, elle est mise sur pied par Jean Vigneau-Ballous. Au tout début, à Nantes, cette OS se confond avec les Bataillons de la jeunesse, organisation armée des Jeunesses communistes. Elle sert de logistique aux jeunes communistes venus de Paris exécuter le Feldkommandant Holtz le 20 octobre 1941.

L’exécution des 48 otages le 22 octobre et les arrestations massives de militants communistes obligent à la réorganisation de l’OS et retardent les sabotages.

CHAUVIN Auguste, Henri

Né le 27 février 1910 à Nantes, section de Chanrenay (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), fusillé le 13 février 1943 à Nantes ; chaudronnier ; militant communiste de Loire-Inférieure ; résistant OS puis FTPF ; Procès des 42.

Fils de Auguste Chauvin, coupeur en fer-blanc et de Jeanne Lechat, ménagère, le jeune Auguste Chauvin devint orphelin à l’âge de quatre ans, son père décéda en 1914 de maladie. Il avait une sœur aînée handicapée. Sa mère prit la place de son père comme coupeuse de fer blanc pour les conserveries. La famille habitait 7 Chemin du Bois Haligand à Nantes. Le jour de ses 13 ans, Auguste Chauvin entra comme apprenti chaudronnier à l’usine « Courtois Delezy à Chantenay. A 16 ans, il fut embauché comme jeune ouvrier à l’usine de locomotives Batignolles-Chatillon (LBC) en 1923, puis trois ans plus tard comme chaudronnier. Il n’avait pas de lien de famille avec Eugène Chauvin, même s’ils travaillaient tous les deux aux Batignolles et habitaient Chantenay. Licencié en août 1929 à cause de la crise, il travailla alors dans diverses entreprises de travaux publics et effectua son service militaire dans la marine en 1931-1932. Réembauché en 1934 aux LCB, il adhéra au Parti communiste en 1936.
Mobilisé comme affecté spécial à Lorient, puis à Guérigny (Nièvre), il revint à Nantes en juillet 1940 et fut démobilisé en janvier 1941. En août 1940, il découvrit un camion chargé de fusils sur la route de Pont-Saint-Martin (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). Ces armes furent récupérées par Marcel Paul et entreposées chez les Michel à Saint-Sébastien-sur-Loire. Il participa à la réorganisation clandestine du Parti communiste. En août 1941, suite à une distribution de tracts communistes dans son usine, la police nantaise fut chargée de l’arrêter, en vain, et la perquisition de son domicile ne donna aucun résultat. C’est à cette date qu’Auguste Chauvin entra dans la clandestinité avec plusieurs de ses camarades des Batignolles, pour participer, sous le pseudonyme d’Henri Brunelière, aux activités de l’OS, puis des FTP. Le groupe de FTP mené par Raymond Hervé et Louis Le Paih commit de nombreux attentats contre l’armée allemande et les collaborateurs nantais dans les années 1941-1942. Ainsi, en avril 1942, avec Turpin et Le Paih, Auguste Chauvin participa à un attentat contre une ligne électrique et à la destruction du pont roulant de l’usine des Batignolles qui travaillait pour l’Allemagne. Poursuivis activement par les polices allemande et française, la plupart des membres du groupe furent arrêtés.
Auguste Chauvin fut arrêté le 13 août 1942 avec Raymond Hervé par le Service de Police Anticommuniste (SPAC). Le 1er septembre 1942, il épousa en prison Marie-Madeleine Fallourd-Maisonneuve avec qui il vivait depuis 1940 et qui accoucha quelques semaines plus tard de leur fils Jean. Il réussit à lui transmettre clandestinement des lettres lui donnant notamment des nouvelles de ses codétenus résistants espagnols, comme Miguel Sanchez Tolosa. Ces lettres ont été publiées en 2003 par son fils Jean, dans L’ORIBUS N° 58 (http://www.oribus.fr) sous le titre « Lettres d’un héros ordinaire ».
Jugé par le tribunal militaire allemand FK 518 à partir du 15 janvier 1943, dans le cadre du procès dit « des 42 », condamné à mort pour « activités de franc-tireur », il a été fusillé sur le terrain du Bêle à Nantes. À l’issue du procès, il déclara : « C’est un honneur pour un Français de mourir sous les balles allemandes. » Une cellule nantaise du PCF porte son nom. Il fut homologué lieutenant FFI à la Libération et reçut la Légion d’honneur, la Croix de Guerre et la médaille de la Résistance.
La mention « Mort pour la France » lui fut attribuée suivant décision du Secrétaire général aux anciens combattants en date du 14 février 1945.
Son épouse, née le 5 octobre 1903 à Nantes, veuve en 1936 de Camille Maisonneuve dont elle eut deux enfants, travaillait elle aussi aux Batignolles, le couple était domicilié Cité Halvêque , 49e Rue, n°6, . Elle hébergea Léon Mauvais après son évasion de Châteaubriant le 19 juin 1941 et, par la suite, plusieurs autres responsables de la résistance communiste. Pour cela, elle fut traduite devant la « Section Spéciale de la Cours d’Appel de Rennes » le 20 mai 1943 et « relaxée au bénéfice du doute ». Membre du Comité départemental de libération en 1945, Marie-Madeleine Chauvin mourut le 19 octobre 1961.

Pour citer cet article :

https://maitron.fr/spip.php?article19708, notice CHAUVIN Auguste, Henri par Jean-Pierre Besse, Guy Haudebourg, Jean Chauvin, version mise en ligne le 10 mars 2015, dernière modification le 28 décembre 2021.

Auguste Chauvin
La résistance armée communiste

Les Francs-tireurs et partisans (FTP)

En 1942, les membres de l’OS qui participent directement aux actions de sabotage ou aux attentats contre des soldats allemands et des collaborateurs sont regroupés dans quatre groupes : un nantais, deux rezéens et un nazairien.

Leurs responsables inter-régionaux sont Louis Le Paih et Jean Vignau-Balous tandis que Marcel Brégeon est responsable départemental.

Rezé Pont-Rousseau Maurice Lagathu

Robert Douineau
André Guinoiseau
Maurice Jouard
André Rouault
Yves Brisson, chargé de créer un groupe rural, agit alors avec Lagathu

Rezé

Félicien Thomazeau

Georges Barbeau
Albert Brégeon
Marcel Duguy

Nantes

Auguste Chauvin
Auguste Chauvin

André Pérocheau

Auguste Chauvin
Valentin Cléro
Marcel Danigo
Raymond Hervé
Gaston Turpin

Saint-Nazaire

Georges Girard
Guy Lelan
Albert Rocheteau
Ce groupe agit de façon autonome

Parti communiste espagnol

Benedicto BLANCO DOBARRO
Basilio BLASCO MARTIN
Ernesto PRIETO HIDALGO
Miguel SANCHEZ TOLOSA

Les contacts avec le PCF sont effectués par Alfredo GOMEZ OLLERO

Ces militants sont tous issus du PCF et de la JC.

Si, au début de leur action, presque tous conservent leur activité légale, progressivement, à mesure que la traque policière se fait plus forte, certains passent dans l’illégalité. C’est le cas, par exemple, de Raymond Hervé ou de Marcel Brégeon.

Voir photos

Bureau d'embauche
Faits d’armes

LES PRINCIPAUX FAITS D’ARMES DES FTP

La première action authentifiée de l’OS nantaise – après l’exécution du colonel Hotz le 21 octobre 1941 – est la tentative de sabotage d’un pylône électrique, route de Clisson le 29 novembre 1941.

Dans la région nazairienne, les premiers sabotages se situent en avril 1942.

De novembre 1941 à août 1942, date des principales arrestations, la quasi totalité des actions armées menées dans les régions nantaises et nazairiennes et relevées par les autorités françaises sont à porter au compte des groupes de l’OS.

Ces actions sont essentiellement des sabotages.

Attentat contre le bureau de la main d’œuvre pour l’Allemagne, juillet 1942

Bureau d'embauche
Bureau d’embauche

À côté, on relève des attentats contre les « collaborateurs ».

Il faut attendre juin 1942 pour qu’une attaque ait clairement comme but la mort de soldats allemands : l’attentat contre l’Hôtel de la Duchesse Anne.

La traque des terroristes

LA TRAQUE DES « TERRORISTES »

Dès les premiers sabotages, les polices et autorités françaises et allemandes en recherchent activement les auteurs, alliant les mesures vexatoires (amendes, gardes de voies, otages), les exécutions et les promesses de récompenses.

Après les arrestations du début 1941, les sabotages ont nettement diminué.

Un nouveau cap est franchi avec l’exécution du Feldkommandant Hotz (20 octobre 1941). Désormais, les attentats visent aussi les personnes.

La multiplication des actions au début 1942 amène les autorités françaises à intensifier les efforts dans la lutte « anti-terroriste ».

Grâce aux renseignements recueillis (types d’engins explosifs utilisés, procédures, objectifs visés), la police fait des recoupements et surveille de plus en plus étroitement les « milieux communistes ». Dès le printemps, les soupçons se portent sur Raymond Hervé dont le domicile est fouillé par la police française.

Les informations obtenues lors des interrogatoires des premiers inculpés permettent à la police française d’opérer un vaste coup de filet à partir de la fin juillet 1942 auxquels échappent plusieurs FTP de premier plan (Louis Le Paih, Jean Vignau-Balous, Marcel Brégeon, Raymond Hervé, par exemple).

Les méthodes utilisées vont des simples menaces à de violentes séances de torture menées par le SPAC au Commissariat central de Nantes, rue Garde-Dieu, contre ceux qui sont fortement soupçonnés d’appartenir au groupe des francs-tireurs. Le commissaire Fourcade se met entièrement au service du SPAC et répond si bien à ses attentes qu’il est nommé à la direction de l’une des deux sections de ce service en novembre 1942.

Les photos des militants évadés, publiées par Le Phare, sont assez édifiantes quant aux méthodes policières. Les juges allemands justifieront d’ailleurs la torture.