Les camps d’internement de Châteaubriant 

Choisel et Moisdon-la-Rivière. 1940-1945 

Un entretien avec Louis Poulhès 

A l’occasion de la parution de cet ouvrage de 407 pages, abondamment illustré, nous avons posé quelques 

questions à Louis Poulhès, déjà auteur des livres : Un camp d’internement en plein Paris. 
Les Tourelles 1940-1945 et L’Etat contre les communistes 1938-1944 parus en 2019 et 2021 chez le 
même éditeur. 

*Pourquoi un tel ouvrage ? Le camp est connu pour les internés qui y ont été fusillés comme 
otages,notamment GuyMôquet, Jean-PierreTimbaud, Charles Michels. Paradoxalement, l’histoire 
du camp a été assez peu étudiée. La mémoire des fusillés a contribué à la reléguer un peu dans 
l’ombre. Le livre ne porte pas seulement sur Choisel,mais aussi surMoisdon-la-Rivière, un camp

ouvert en novembre 1940 pour des nomades, transférés ensuite à Choisel fin février début mars 1941, 
puis renvoyés à Moisdon début septembre 1941. 
Les deux camps ont fait l’objet d’une gestion commune jusqu’au transfert de tous les internés dans 
d’autres camps de la zone occupée dans la première quinzaine de mai 1942. Sous l’Occupation, le 
camp de Moisdon-la-Rivière a donc fonctionné de novembre 1940 à février 1941, puis de septembre 
1941 à mai 1942, celui de Choisel de mars 1941 à mai 1942. Leur histoire ne doit pas être dissociée. 

*Comment avez-vous travaillé ? Comme pour tout travail historique de fond, le recours aux archives est indispensable. La plupart des documents sont conservés aux archives départementales de LoireAtlantique, mais aussi aux

 archives de la préfecture de police à Paris, aux archives d’Eure-et-Loir et du Maine-et Loire et d’autres 

encore. J’ai croisé ces documents avec les informations issues des internés eux-mêmes : journaux 
des internés, correspondances avec leurs familles, témoignages et mémoires. 

*Votre éditeur précise que vous avez conçu votre ouvrage « en dehors de tout esprit polémique 
et d’idéalisation ». Pourquoi ce commentaire ? 

Il s’agit simplement d’indiquer que ce travail se veut distancié par rapport à son objet, même si 
je reste très ému du sort de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants privés de leur liberté 
pour  nombre  d’entre  eux  durant  des  années, au-delà des seuls fusillés. En particulier, j’ai pris 

soin de prendre en compte les internés autres que politiques, la mémoire commune réduisant 
souvent le camp aux seuls politiques. La mémoire de ces camps, qui fait partie de leur histoire, a fait 
aussi l’objet d’un chapitre du livre.

*Qu’est-ce qu’un camp d’internement ? C’est un camp qui est destiné à enfermer des individus 
selon une procédure tout à fait particulière : l’internement administratif. En ce qui concerne les 
politiques (principalement des communistes et des syndicalistes), les internés n’ont commis aucune

infraction, mais ils sont seulement suspectés de pouvoir en commettre. Ils peuvent aussi ne pas avoir 

été libérés après avoir purgé une peine ou après avoir été absous par un juge. La décision d’internement est prise par le ministre de l’Intérieur ou les préfets (autorité administrative) et non par un juge (autorité 

judiciaire). La durée de privation de liberté n’est pas limitée dans la très grande majorité des cas, 

arrestations et libérations étant totalement aux mains de l’administration. 
Les internés administratifs ne sont donc pas des « prisonniers » comme les autres, prévenus ou 
condamnés, détenus en vertu d’une procédure judiciaire. La procédure de l’internement n’a pas 
été inventée par le gouvernement de Vichy, qui a seulement élargi les publics visés à tous ceux qu’il 
a considéré comme « indésirables », mais par le gouvernement Daladier sous la IIIe République. 

  *Combien y-a-t-il eu de camps d’internement sous l’Occupation allemande ? Leur nombre a 
varié fortement dans le temps. Certains ont été très éphémères (quelques semaines) et leur taille 
extrêmement variée. On peut les estimer à moins d’une trentaine pour l’ensemble de la période de 
l’Occupation. Dans la zone non occupée, on distingue principalement des camps pour les étrangers 

(les plus grands avec jusqu’à plusieurs milliers d’internés) et des camps pour les Français 
(nettement plus petits avec de quelques dizaines d’internés à plusieurs centaines). Dans la zone 

occupée, le gouvernement de Vichy est soumis à l’autorisation des Allemands. Le premier camp est 
celui d’Aincourt en Seine-et-Oise créé début octobre 1940 pour les politiques, les Allemands ayant 
également enjoint Vichy d’interner les nomades dès octobre-novembre 1940. L’internement des 
Juifs commence principalement en mai 1941. Tous ces camps sont gérés et gardés par des Français 
sous l’autorité du gouvernement de Vichy. Rares sont les camps allemands (Compiègne, Romain- 
ville ou Drancy après juillet 1943). 

*Combien de personnes ont été internées à Châteaubriant ? Dans les deux camps de Moisdon 
et Choisel, 1601 personnes au total ont été enregistrées. Les politiques sont au nombre de 682, 
soit un peu plus des deux cinquièmes (42,3% du total). Ils sont entrés à Choisel à partir d’avril 1941, 
puis surtout en mai et à l’été 1941. Les nomades sont 544, soit un peu plus du tiers (34,2 %) et les 
« indésirables », qui regroupent les autres catégories d’internés 375, soit un peu moins du quart 
avec 23,5 %. Le maximum des internés présents à Choisel est d’environ 860 personnes à la fin août 
1941. Une des originalités de l’ouvrage est de produire la liste complète de tous les internés, par 
dates d’entrée, avec leurs noms, prénoms, dates de naissance, catégorie d’internement. 

*Qu’est-ce qui a conduit à la fermeture du camp en mai 1942 ? Les différentes catégories d’internés 
ont été transférés dans des camps spécialisés dans la première quinzaine de mai 1942 : Voves pour les 
politiques, Mulsanne pour les nomades, Aincourt pour les femmes (politiques et « indésirables »), 
Rouillé pour les repris de justice, Gaillon pour les « marché noir », Pithiviers pour les juifs. Le camp 
de Choisel a sans doute été considéré par les Allemands comme trop connu. Les exécutions 
d’otages ont en effet profondément bouleversé les Français. Vichy et les Allemands souhaitent 
également spécialiser les camps. A la différence de Moisdon, définitivement fermé, Choisel a été 
ré ouvert en septembre 1944 jusqu’en décembre 1945 pour les collaborateurs, puis transformé en 
annexe de la prison de Fontevrault jusqu’en décembre 1946. Le camp a ensuite été détruit. 

Propos recueillis par Loïc Legac

Ruffigné honore les fusillés de Châteaubriant inhumés au cimetière communal

La commune de Ruffigné et le Comité local du souvenir de Châteaubriant à l’origine de l’initiative, ont inauguré samedi 25 juin 2022 une plaque au cimetière communal où furent inhumés jusqu’à la Libération Henri Barthélémy, Emile David et Désiré Granet, fusillés par les nazis le 22 octobre 1941 à Châteaubriant parmi les 27 otages.

Malgré le temps incertain, la population s’était déplacée nombreuse, dont les enfants de l’école, leurs parents et les enseignants, et les représentants des associations locales. Plus d’une centaine de personnes étaient ainsi présentes pour assister à la cérémonie dont il faut souligner la parfaite organisation.

.

Monsieur Chauleur, sous-préfet de Châteaubriant-Ancenis, était présent, ainsi que Jean-Claude Raux, nouveau député de la circonscription, Catherine Ciron, adjointe au maire de Châteaubriant et conseillère départementale et de nombreux maires de la communauté de communes. L’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt était représenté par Joël Busson vice-président, le Comité départemental par son président Christian Retailleau et le Comité d’Indre par Bruno Gourdon vice-président.

Le groupement des portes drapeaux était fortement représentatif, avec une vingtaine de drapeaux, Jean-Luc Amouriaux du Comité de Châteaubriant portant celui du Comité départemental du souvenir.

Le Maire monsieur Louis Simoneau prenant la parole : « Pour chacun d’entre nous, pour les jeunes générations, mais aussi pour celles qui survivront, la mémoire doit être vivante dans nos cœurs. Et elle le sera si justement elle aide à vivre, si elle vient appuyer le combat de la vie contre la barbarie, l’aveuglement des hommes ou les machines étatiques qui trop souvent s’emballent. C’est là que réside le sens du message que nous transmettent les Résistants, il est de notre devoir de l’entendre ».

Avant d’intervenir, le président du Comité local de Châteaubriant Serge Adry a lu un message de Colette Granet : «C’est en souvenir et au nom des morts qui ont scellé de leur sang l’unité de tous les hommes épris de liberté en Europe que nous sommes réunis ici pour renouveler le serment sacré : ne jamais oublier, ne jamais permettre que l’Humanité oublie l’Idéal auquel ces hommes ont sacrifié leur vie, nous guide sur notre chemin de lutte pour un avenir dans l’unité et l’indépendance, pour la Paix et la Liberté « 

Puis, dans son intervention il a rappelé :« Ces hommes ont été fusillés par les nazis parce qu’ils s’étaient engagés et unis dans la résistance pour lutter contre le nazisme et le vaincre, libérer la France de l’occupation allemande, mettre à bas le régime collaborationniste de Vichy. Rendre hommage à nos trois camarades inhumés dans ce cimetière n’a rien de passéiste, c’est au contraire nécessaire pour éveiller, mettre en garde.  Aujourd’hui, nous devons dénoncer et combattre la destruction méthodique du programme du conseil National de la Résistance ».

Pierre Chauleur dans son allocution : « En cette journée de souvenir, nous avons le devoir ineffaçable envers les 27 fusillés, assassinés dans le silence des profondeurs de la carrière, de rappeler le refus de l’occupant et leur acte de bravoure exceptionnel. Notre souvenir est la première marque de respect que nous devons aux victimes de la barbarie nazie, à ceux qui ont traversé ces fleuves de souffrance en portant bien haut les valeurs de la Nation, de la Démocratie et de l’Humanité ».

Les gars à la remorque ont ensuite, comme lors des précédentes cérémonies, relaté la vie et l’engagement de ces trois résistants communistes, récitant leurs dernières lettres, rappelant les faits de résistance de la population de Ruffigné pendant l’Occupation.
Avant le dévoilement de la plaque, les enfants de l’école primaire publique Les magnolias ont interprété Le chant des partisans.
Hommage à Gérard ROULIC  – Château-Thébaud,  21 juillet 2022

Intervention de Christian RETAILLEAU

Président du Comité du souvenir des fusillés de Châteaubriant, Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure

Nous étions nombreux, malgré la période de congés, le jeudi 21 juillet au crématorium de Château-Thébaud pour accompagner la famille de Gérard Roulic et lui rendre un dernier hommage. Lors de l’échange qui a suivi la crémation, à l’invitation de la famille Céline Pella pour le SNES-FSU, Christian Retailleau pour notre Comité et Jean-Paul Martel pour le MNLE ont évoqué la mémoire de notre camarade et ami. Nous publions ci-dessous le texte de l’intervention de Christian Retailleau.

« Je veux tout d’abord présenter les plus sincères condoléances de notre Comité à la famille et aux proches de Gérard et les remercier pour leur invitation à ce moment de partage.

Nous ne verrons plus Gérard dans les manifestations et les commémorations. Il y était toujours présent même dans la dernière période en dépit des difficultés qu’il rencontrait pour se déplacer.

Derrière ce militant, qui a été un pilier du syndicalisme en Loire-Atlantique, il y avait une vie d’engagements d’une incroyable richesse  dont sa notice du Maitron donne toute la dimension. Il était entré dans le dictionnaire en 2015.

Il n’a cessé de multiplier les engagements les plus divers, n’hésitant jamais à payer de sa personne. Modeste, il n’en tirait pas gloire. Attentif et généreux, il montrait un dévouement sans faille aux causes qu’il défendait.

Nous lui devons beaucoup. Il était membre de notre bureau départemental. Il avait l’Espagne au cœur et s’était tout naturellement consacré à faire sortir de l’oubli les cinq Républicains espagnols jugés lors de la parodie de procès dit des 42 et fusillés au Bêle le 13 février 1943. Il est souvent intervenu, et cette année encore, au cimetière de La chapelle-Basse-Mer devant les tombes où ils reposent.

Pour donner à l’histoire de ces héros l’écho qu’elle mérite, il s’était engagé avec Annie et d’autres membres de notre collectif dans un long travail d’enquête en Espagne, émaillé de nombreuses péripéties pour retrouver les cinq familles qui ignoraient tout ou presque du parcours français de leurs ancêtres, les inviter à Nantes et à La Chapelle-Basse-Mer et contribuer à activer le travail de mémoire de l’autre côté des Pyrénées.

Gérard était pleinement investi dans la préparation du 80ème anniversaire et travaillait à la participation des familles espagnoles aux cérémonies des 28 et 29 janvier prochains. Nous lui devons de poursuivre son travail pour donner un éclat particulier à ces commémorations.

Gérard, ta mort subite nous laisse émus et attristés. Nous garderons non seulement ton souvenir mais le plaisir et la fierté d’avoir croisé ton chemin. »

Nous publions ci-dessous la notice du dictionnaire Maitron consacrée à Gérard Roulic

Gérard ROULIC

Né le 13 avril 1935 à Cancale (Ille-et-Vilaine), mort le 14 juillet 2022 ; professeur d’espagnol ; militant syndicaliste en Loire-Atlantique, secrétaire du S2 du SNET (1964-1965), secrétaire de la section départementale de la FEN (1965-1967), secrétaire du S2, puis secrétaire du S3 du SNES de Nantes (1967-1977) ; militant communiste ; militant associatif.

Son père, employé municipal, devint directeur du service administratif de la mairie de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Militant local de la CGT à partir de 1934, ce dernier milita après 1948 à la CGT-FO en étant responsable local, puis départemental, puis régional de la Fédération des services publics ; après sa prise de retraite, il était responsable régional des retraités CGT-FO des services publics. Sa mère fut employée des PTT durant une douzaine d’années. Ses grands-pères paternel et maternel étaient « morts pour la France » durant la Première Guerre mondiale.

Comme sa sœur, Gérard Roulic fut baptisé, fit sa communion et reçut une éducation petite-bourgeoise provinciale. Son père était cependant un laïque et tenait à ce qu’il suive sa scolarité dans des établissements publics. Après l’école primaire à Saint-Malo, il entra au cours complémentaire puis termina son cursus scolaire secondaire au collège de Saint-Servan, aucun lycée ou collège public n’existant alors à Saint-Malo. Il y obtint le baccalauréat série philosophie en 1952 et, sur les conseils de son professeur de philosophie, M. Decaen, décida de ne pas devenir instituteur, mais d’aller préparer le concours d’entrée à l’École normale supérieure de l’enseignement technique au lycée Lakanal de Sceaux (Seine/Hauts-de-Seine). Il intégra l’ENSET en 1955 (section F) et, après avoir obtenu des certificats de licence d’espagnol à la Sorbonne, en sortit en 1959, muni du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique (CAPET F, lettres, espagnol). Son goût pour la richesse linguistique et culturelle du monde hispanique lui avait été communiqué au départ, en classes de première et terminale, par sa professeur, Suzanne Autissier ; il fut alors conforté dans son choix par le lecteur d’espagnol au collège, M. Pons, républicain espagnol exilé, qui lui fit découvrir les méfaits du franquisme.

Gérard Roulic avait commencé à trouver dans la lecture de Témoignage chrétien une orientation correspondant à son éducation chrétienne, puis il était devenu lecteur de l’Humanité à partir de 1954 ; il se trouvait de plus en plus proche des analyses du Parti communiste français, notamment en raison de ses prises de position contre les guerres coloniales, la guerre d’Algérie en particulier. Mais il n’adhéra pas encore au PCF.

Il épousa à l’église, le 3 août 1957 à Château-Gontier (Mayenne), une institutrice, Liliane Dacosse, avec laquelle il eut trois enfants, dont deux survécurent : Anne, devenue cadre SNCF, et Armel, technicien territorial ; ils divorcèrent en 1997.

Dispensé du service militaire, il débuta sa carrière d’enseignant au lycée Saint-Cricq de Pau (Basses-Pyrénées/Pyrénées-Atlantiques) de 1959 à 1961, puis fut muté à Nantes (Loire-Atlantique), successivement au lycée technique Livet, de 1961 à 1963, au lycée Launay La Chauvinière, de 1963 à 1965, et enfin au lycée Vial, de 1965 à sa retraite, prise en 1995 au grade d’agrégé obtenu par promotion interne.

Gérard Roulic commença à se syndiquer au Syndicat national de l’enseignement technique à l’ENSET en 1957. Il commença à y prendre des responsabilités dans le bureau de la section (S1) du lycée Saint-Cricq. Arrivé à Nantes, il devint secrétaire du S1 du lycée Livet en 1962-1963 puis secrétaire de la section départementale (S2) en 1964-1965 et, bien que militant du courant de pensée « Union pour une action syndicale efficace », secrétaire de la section départementale de la Fédération de l’Éducation nationale, de mai 1965 à novembre 1967. Devant l’impossibilité de trouver un candidat parmi les « autonomes » du département, il avait en effet été recommandé par le secrétaire général de la FEN, Georges Lauré, ancien secrétaire général du SNET, et soutenu par Jean Parc, un militant actif du Syndicat national de l’enseignement secondaire, « cégétiste » de la liste « B ». Cette expérience fut très féconde pour lui, car il eut l’occasion de mieux connaitre les réalités du monde ouvrier et de son syndicalisme, entre autres lors des actions intersyndicales pour la défense de la Navale en 1965, notamment au contact de Georges Prampart, militant de la CGT et de Gilbert Declercq, militant CFTC fondateur de la CFDT, militant de l’unité d’action dans un esprit de respect de chaque organisation.

Après la fusion du SNES et du SNET en 1966, Gérard Roulic, clairement identifié militant « Unité et Action », devint secrétaire départemental du nouveau Syndicat national des enseignements de second degré, la section académique (S3) restant dirigée par deux militants « autonomes », Raymond Guillon pour l’ancien SNES, et Michel Metterie pour l’ancien SNET. À la suite des élections à la commission administrative nationale de mai 1967, où la liste « B » U-A arriva en tête dans le S3 avec 47 % des exprimés, la CA académique décida de revoir sa composition en invitant d’autres camarades U-A et « École émancipée », à titre provisoire, jusqu’au prochain congrès. Gérard Roulic devint alors secrétaire général, tandis que Raymond Guillon fut secrétaire académique adjoint, mais ce dernier démissionna au bout de quelques mois et ne fut pas remplacé, la liste « A » étant dans l’incapacité de désigner un candidat pour lui succéder. En octobre 1967, le S3 fut particulièrement actif pour dénoncer les conditions de la rentrée et populariser les revendications du SNES, notamment lors d’une manifestation où Gérard Alaphilippe vint apporter le soutien de la nouvelle direction nationale.

Au cours des événements de mai-juin 1968, Gérard Roulic et son équipe furent en permanence sur le terrain, dans les établissements scolaires et aux côtés des travailleurs en lutte. Il fut un des animateurs du Comité central de grève de Nantes constitué par les UD- CGT, CFDT, CGT-FO et la SD-FEN, qui avait pour but de régler les nombreux problèmes de ravitaillement en lien avec les militants de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, d’organiser un service de cantine, de surveiller les prix des denrées alimentaires, et de coordonner les comités de grève locaux. Il eut l’occasion de s’opposer aussi aux militants « gauchistes », comme le 13 mai, où il fut pris à partie parce que les syndicats refusaient de marcher sur la préfecture, marche qui eut pourtant lieu et qui fut marquée par de violents affrontements avec la police.

En 1969, la liste U-A devint majoritaire dans le S3 et Gérard Roulic put conserver sa responsabilité face à d’actives minorités de l’ « École-émancipée-Rénovation syndicale » et du « Front unique ouvrier ». Membre suppléant de la CA nationale de 1967 à 1977, il participait régulièrement à ses réunions, apportant aux débats et aux décisions une contribution fondée sur l’expérience du terrain.

En 1977, il décida de passer le témoin de la direction du S3 à des militants plus jeunes, Jean-Claude Lucas, Alain Fouché et Annette Bigaud, qu’il avait contribué à former. Il continua cependant de siéger à la CA académique comme actif jusqu’en 1995 puis comme retraité, étant devenu responsable académique en 2002. Il siégeait en même temps au conseil délibératif fédéral départemental de la Fédération syndicale unitaire et participa à l’animation de la section fédérale des retraités de la FSU de 2002 à 2014.

En 1978, Gérard Roulic avait adhéré au PCF car il avait toujours voulu éviter les interférences entre parti politique et syndicat. Il resta ensuite fidèle à ce parti où il militait toujours en 2014 dans le cadre du Front de gauche. Il était aussi membre du collectif des « procès des 42 et des 16 » du Comité du souvenir des fusillés de Châteaubriant et Nantes et de la Résistance en Loire-Inférieure. À ce titre, il prononça un discours poignant en février 2011, à la Chapelle Basse-Mer, devant la stèle élevée en mémoire des cinq républicains espagnols fusillés par les nazis le 13 février 1943. Dix ans plus tard, il était toujours présent pour ce témoignage de mémoire.

Par ailleurs, il s’était engagé dans le Mouvement national de lutte pour l’environnement et en était membre du bureau départemental. Il était aussi adhérent de l’association « Vivre à Djinadio » (commune du Mali) et de l’association Nantes-histoire.

Pour citer cet article :

https://maitron.fr/spip.php?article170510, notice ROULIC Gérard, Eugène, René par Alain Dalançon, version mise en ligne le 8 février 2015, dernière modification le 16 juillet 2022.

Sortie Scolaire CM2 Indre à Saffré et Châteaubriant

Le comité d’Indre a accompagné au maquis de Saffré et à la carrière de Châteaubriant 3 classes de CM2 d’Indre et leurs enseignants. A Saffré Etienne Gasche a accueilli les groupes et répondu aux nombreuses questions des élèves. A Châteaubriant les enfants ont interprété devant le monument le chant des partisans et l’âge d’or sous la houlette de Pascal Gilet, moment inoubliable et rempli d’émotion. Ensuite ils ont visité le musée et le site de la Carrière .

Pire que le Titanic : la tragédie du Lancastria

Rappelons le contexte: le 1er septembre 1939, la radio française annonce la mobilisation générale. Le 3 à 10 h la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne, la France en fait autant le même jour à 17 h.

Le gouvernement britannique ordonne en mars 1940 de réquisitionner le Lancastria, pour transformer ce paquebot et l’affecter au transport de troupes. Le 13 avril, la Grande-Bretagne annonce que le Lancastria est mis à la disposition de l’Etat. Le RMS devient HMT(1). Le Lancastria ? Bâtiment de la Cunard White Star Line, de 1926 à 1932, il assurait la liaison hebdomadaire Londres – New York. Plus tard, il est transformé en paquebot de luxe pour croisières en Méditerranée et dans les fjords norvégiens. Au début de la guerre, vu sa grande capacité de chargement, il est engagé pour le transport de troupes dans l’Atlantique-nord. Il transporte des troupes depuis Hardstad, revient en Angleterre avec ses salles remplies de soldats épuisés et déprimés évacués à la suite de l’avancée des troupes allemandes en Norvège. Le Lancastria participe en effet à l’opération franco-britannique de Narvik (nom de code Alphabet), destinée à évacuer les soldats britanniques, français, canadiens et polonais. Lors d’une escale, il s’arme de matériel de guerre pour sa défense contre les avions et sous-marins allemands.le_lanscaria.jpg
Le 28 mai, il quitte Glasgow, où il avait débarqué ses « voyageurs », et repart pour la Norvège où il arrive le 4 juin. Sur zone se trouvent déjà une vingtaine de transatlantiques manœuvrant dans les eaux de Namsos. Les allers-retours sont assurés par des destroyers qui ont la tâche de ramener tous les soldats polonais, canadiens, britanniques et français. 2 653 soldats embarquent sur le Lancastria malgré une météo peu propice.

De l’opération Dynamo…

Le 23 mai, la 1ère armée française, l’armée belge et la BEF (Corps expéditionnaire britannique) s’étaient trouvés pris en étau par les troupes allemandes et s’étaient repliés vers Dunkerque. L’évacuation a lieu entre le 26 mai et le 4 juin : 340 000 soldats anglais et français sont sauvés par des destroyers, chalutiers, bateaux de plaisance et ferry-boats en provenance des côtes anglaises. C’est l’opération Dynamo, qui demeure en Grande-Bretagne une opération mémorable. Les 110 000 soldats français sauvés sont ensuite embarqués à destination de ports bretons où ils rejoindront les forces qui s’opposent à l’avancée allemande.
Mais il reste des civils et 150 000 soldats du Corps Expéditionnaire britannique, non encore évacués. Ordre leur est donné de rejoindre les ports de l’Ouest. A partir du 15 juin 1940, près de 40 000 soldats, fuyant l’avancée des Allemands ont reflué vers Saint-Nazaire pour tenter de rejoindre la Grande-Bretagne.

…à l’opération Aerial

Subissant déjà des raids aériens, St Nazaire est au cœur de cette opération baptisée Aerial (ou Ariel). Dans cette guerre éclair, les Allemands progressent rapidement sur le sol français, sans rencontrer d’opposition ou presque et ont, eux aussi, ordre de gagner rapidement les ports de la côte atlantique.

Le 14 juin 1940 au soir, le Lancastria appareille depuis Liverpool avec à son bord 3 000 tonnes de combustible, pour une destination tenue secrète de l’équipage. Le 16 juin, à 7 heures le navire arrive dans la rade de Plymouth et mouille l’ancre. Des fonctionnaires montent à bord pour examiner les capacités de logement des troupes. Puis il quitte Plymouth pour Brest, accompagné du Franconia. En passant au large de Brest, ils aperçoivent d’énormes colonnes de fumée provenant des réservoirs en feu. Le destroyer HMS Highlander(1) contacte le Lancastria et lui donne la consigne de faire route plus au sud en passant au large de la baie de Quiberon. A 20 h, le Franconia et le Lancastria sont seulement à quelques milles de leur destination, quand tout à coup un avion allemand surgit dans le ciel et largue quatre bombes entre les deux navires. Le Franconia est touché. Le Lancastria poursuit sa route et aperçoit un chalutier qui fait route vers lui. Le patron du chalutier informe le capitaine Sharp que le secteur n’est pas sûr et lui conseille de faire route vers Saint-Nazaire.
Au matin du 17 juin 1940, le Lancastria arrive en rade de Saint-Nazaire et reçoit M. Guillemet, pilote de Loire qui déconseille au capitaine Sharp de mouiller à proximité des côtes. Le capitaine Sharp décide alors de mouiller à 4 km au large. De là, on peut apercevoir un grand nombre de navires – environ 80 – mouillés aux alentours du phare des Charpentiers: navires de transport de troupes et autres, notamment des bâtiments au tirant d’eau plus important qui s’alignent dans le chenal d’accès des Grands Charpentiers.

Dans la nuit du 15 au 16 juin, les Allemands mouillent des mines magnétiques à l’entrée de l’estuaire de la Loire. La drague La Courbe en subit les conséquences, elle saute sur l’une d’elles à proximité de la bouée 4, faisant quatre morts. Le 16 juin, une section britannique vient renforcer la flottille de démineurs qui se trouvent déjà sur place. L’embarquement sur le Lancastria commence ce matin là à 11 heures. Les soldats et les civils attendent sur le boulevard de mer les bateaux de petit tonnage pour les mener au large. L’état-major évalue à 40 000 le nombre des hommes à rapatrier. Aux troupes anglaises s’ajoutent des polonais, des tchécoslovaques qui arrivent à Saint-Nazaire par camions entiers.

Saint-Nazaire, un petit Dunkerque

Les Anglais sont arrivés au début d’octobre, avec leurs tanks et leurs canons. La région nazairienne accueille déjà des réfugiés en grand nombre, au point qu’à La Baule on en compte sept par habitant. St Nazaire devient pour les alliés un port de rembarquement. Bien qu’il y ait eu de nombreuses alertes, les Nazairiens n’ont pas encore bien pris la mesure de ce qui les attend. Par exemple, le 12 juin à 22 heures quand hurlent les sirènes, ils sont à la fenêtre. Pourtant l’affaire est sérieuse, un avion allemand bombarde Penhoët, « Energie électrique » et touche la voie ferrée. Les dégâts matériels sont notables. Le 15 juin, quand refluent les Anglais accompagnés de Belges, de Polonais et de Tchécoslovaques dans l’espoir d’embarquer, les Nazairiens sont persuadés qu’ils viennent les défendre contre l’avance ennemie. Pourtant il leur faut déchanter car Saint-Nazaire est en train de devenir un petit Dunkerque. Des files interminables de camions, d’automitrailleuses etc. s’échelonnent le long des routes de tous côtés. En effet, suite au désastre de Dunkerque, les Anglais réquisitionnent toutes sortes de navires pour évacuer les hommes menacés par l’avancée fulgurante de la Wehrmacht. Les vaisseaux, mouillés en rade, ne font qu’attendre les vedettes et les remorqueurs chargés des « tommies » qu’il faut rapatrier. Pétain, nommé Président du Conseil des ministres, appelle le 17 juin à « cesser de combattre » et adresse aux Allemands une demande d’armistice. Les événements s’accélèrent et rendent l’évacuation urgente. D’autant que les alertes se multiplient.

L’opération Aerial, que protègent, contre les bombardiers allemands, la DCA et les chasseurs canadiens, dure jusqu’au 18. Le Royal Ulsterman est le dernier navire à quitter la rade vers minuit avec 3 500 hommes à bord. Les Polonais sont remontés à La Turballe où des sardiniers les ont conduits aux navires de transport de troupes. Ce 17 juin 1940, les Allemands sont à Rennes. En gare, la Luftwaffe mitraille un train de munitions qui se trouve à proximité de deux trains de réfugiés et de soldats. Bilan: 800 morts, autant de blessés et de disparus. Les dizaines de milliers d’Anglais et de Polonais arrivés à St-Nazaire dans l’espoir de pouvoir embarquer pour l’Angleterre, avaient installés des camps de fortune dans la région, ils détruisent le matériel qu’ils ne peuvent emporter, les voitures parquées à Gron brûlent, ils font exploser les réservoirs d’essence ainsi que les stocks de munitions pour ne pas les abandonner aux Allemands. Mais ils ne peuvent pas tout emporter. La population nazairienne en profite d’ailleurs pour se servir généreusement en conserves, victuailles, chaussures…dans le camp installé à Plaisance: « On ne va quand même pas laisser ça aux Boches ».
En rade, mouille toute une flotte de vieux paquebots qui ont repris du service. Ils sont chargés de rapatrier les « Tommies »(2), ainsi que quelques civils prioritaires, dont des femmes et des enfants. Parmi ces paquebots, le Lancastria. Un incessant ballet de remorqueurs et de chalutiers se déroule entre le port et les navires.
A bord du Lancastria s’embarquent, dans un ordre impeccable, de 6 000 à 9 000 passagers, pour la plupart de l’Army Pay Corps et de la Church Army. Les commandants ont pour instruction de prendre à leur bord le maximum de passagers, sans tenir compte des normes de sécurité requises en temps de paix. Une photographie montre les passagers entassés, serrés sur le pont comme des sardines dans leur boîte.troupe_a_bord.jpg
En début d’après-midi, les Stukas de la Luftwaffe attaquent le navire et larguent un chapelet de bombes. Quatre d’entre elles atteignent leur objectif: l’une dans la cale n°2, où sont entassés 800 soldats de la Royal Air Force, une autre dans un réservoir de mazout qui prend feu, la troisième tombe droit dans l’unique cheminée du paquebot, faisant exploser les chaudières, une quatrième bombe explose le long du bord: le bâtiment se met alors à gîter fortement par tribord.
A bord, c’est la panique. Les survivants essaient de remonter des ponts inférieurs, aveuglés par la fumée, gênés par l’eau qui s’engouffre de partout.le_lancastria_sombre_vu_du_destroyer_highlander.jpg
Certains se jettent à l’eau, tentent de se raccrocher à ce qui flotte: canots, radeaux, planches… Le Lancastria pique du nez et coule en 24 minutes, par 25 mètres de fond, au large de la Pointe Saint-Gildas. Les équipages des navires alentour: chalutiers, remorqueurs, torpilleurs, bateaux de plaisance tentent de porter secours aux naufragés. Des dizaines d’embarcations affluent. On compte un grand nombre d’actes d’héroïsme pour arracher des victimes à la mort. Malgré cela, des milliers de personnes périssent noyées, brûlées par le mazout en flammes, mitraillées par l’aviation allemande qui s’acharne. Dans les jours et les semaines qui suivent la catastrophe, la mer rejette sur les côtes de Piriac à Noirmoutier, des milliers de cadavres. Au total, le drame a fait entre 3 000 et 4 000 morts, trois fois plus de victimes que le Titanic: on ne l’a jamais su exactement.

Secret défense
En effet, Winston Churchill a décidé, pour ne pas démoraliser les Anglais de classer le drame Secret défense pour 100 ans. Un silence va occulter longtemps la plus grande catastrophe maritime de l’histoire britannique. Au large de Saint-Nazaire, seule une bouée marque aujourd’hui, le lieu de la tragédie.seule_une_bouee_marque_aujourd_hui_le_lieu_de_la_tragedie.jpg
Bibliographie
AREMORS, Saint-Nazaire et le mouvement ouvrier, t. 3, éditions Aremors, 1986
OUEST-FRANCE 21.06.2015
BEAUJUGE Yves www.lelancastria.com
Crédits photos: DR
Notes
1- RMS préfixe de Royal Mail Ship (paquebot transportant aussi du courrier)
HMS préfixe de His/Her Majesty’s Ship (navire de guerre)
HMT préfixe de His/Her Majesty’s Troopship (transport de troupes)
2 – surnom donné aux soldats britanniques

Ces quelques jours sont marqués par deux autres événements majeurs, outre la catastrophe du Lancastria: l’évasion du cuirassé Jean Bart le 19 juin, et la veille, par la tentative de départ du pétrolier de 20 000 tonnes La Palmyre en finition aux chantiers de Penhoët. Son hélice n’a pas pu être mise en place, il réussit néanmoins à sortir de la cale, mais en passant dans l’estuaire, une mine magnétique provoque une voie d’eau et l’immobilise. Le capitaine Léon Caron ordonne de larguer l’hélice. Le pétrolier est resté pendant toute la guerre dans le port de Paimboeuf.
Le navire Teiresias construit en 1914 à Newcastle est également réquisitionné par le gouvernement anglais, il arrive en rade de Saint-Nazaire le 17 juin 1940 pour aider à l’évacuation des restes de la Force expéditionnaire Britannique. En arrivant il est bombardé par un avion allemand. La première bombe a inondé la salle des machines et créé une fissure à travers le pont principal rejoignant la ligne de flottaison. Le capitaine JR Davies ordonne à l’équipage d’embarquer dans les canots de sauvetage. Une nouvelle attaque allemande quelques heures plus tard le coule. La majorité de l’équipage qui a abandonné le navire est transférée sur le HMS Oracle(1), l’équipage resté à bord étant pris en charge par l’Homside
Le 1er Mai sous l’Occupation (1939-1944)

Sous la menace d’un second conflit mondial le 1er Mai 1939 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Signés en septembre 1938, les accords de Munich censés préserver la paix divisent la CGT. Dans les entreprises, les conquêtes du Front populaire, contestées par le patronat, sont remises en cause par les décrets-lois gouvernementaux. La grève générale de protestation décidée lors du congrès de la CGT réuni à Nantes en novembre 1938 est sévèrement réprimée, de nombreux militants sont arrêtés, des milliers de travailleurs licenciés. Dans ce contexte inquiétant, la CGT affaiblie et divisée déclare que le 1er Mai 1939 n’entraînera pas obligatoirement de cessation de travail. Les grévistes sont rares en Loire Inférieure mais des rassemblements à Nantes, Saint-Nazaire, Châteaubriant témoignent d’une volonté de maintenir le caractère traditionnel du 1er Mai.

            Les divisions au sein de la CGT s’étalent au grand jour lors du congrès de l’Union départementale réuni à Saint-Nazaire les 13 et 14 avril 1940 lorsque Léon Jouhaux, secrétaire confédéral, critique avec véhémence les dirigeants locaux (Jacquet et Gaudin) qui n’ont pas dénoncé le pacte germano-soviétique signé le 20 août 1939. Alors que la France est en guerre depuis huit mois, le 1er Mai 1940 est calme et laborieux. La CGT n’a pas appelé à manifester. La CFTC a cru de son devoir de célébrer la fête chrétienne du 1er Mai … le jour de l’Ascension. Les dirigeants des deux organisations (Jouhaux et Tessier) exaltent à la radio nationale « la collaboration du patronat et du salariat à la pacification intérieure par l’intensification de la production et de la justice sociale ». En août, CGT et CFTC sont dissoutes. La « Révolution nationale » est en marche.

            En 1941, le gouvernement de Vichy entend s’approprier le 1er Mai. Considéré comme un symbole de division et de haine, il devient désormais légal de célébrer « la Fête du travail et de la concorde sociale », journée prétexte à écouter la parole du maréchal. L’initiative n’est pas unanimement partagée et soulève les craintes de la Feldkommantur de Nantes qui  interdit toutes manifestations alors que la presse locale relaie de rassurantes informations préfectorales sur la mise sous surveillance d’éléments perturbateurs susceptibles de se livrer à une propagande communiste. Ces mesures préventives n’évitent pas que des résistances se manifestent : diffusion de L’Humanité clandestine, collage de papillons tricolores sur les vitrines de la rue Crébillon, inscriptions « Vive Thorez » quai de Versailles, drapeau rouge avec faucille et marteau hissé au mat de pavillon près du monument aux morts.

            En 1942, l’hostilité à la Charte du travail promulguée le 4 octobre 1941 commence à s’exprimer. L’occupant, dont une partie de l’armée est empêtrée sur le front russe, donne des signes de fébrilité. La « Fête du travail et de la concorde sociale » qui se voulait grandiose, est morose. Décalée au 2 mai pour assurer deux jours de repos consécutifs et une économie de charbon et d’électricité, elle traduit les difficultés du moment. Consacrée au travail, elle offre l’opportunité d’une large distribution de médailles aux plus méritants. De son côté, dans l’ombre, la résistance s’organise et s’exprime sous différentes formes : le discours du maréchal n’est pas, comme prévu, diffusé par haut-parleur dans toutes les entreprises faute d’un réel empressement à les doter du matériel nécessaire ; l’occupant, qui redoute les manifestations le plus souvent à l’initiative des groupes communistes, ne peut empêcher la diffusion de tracts dénonçant le pillage des matières premières, revendiquant tickets d’alimentation et augmentations de salaires ; entre Nantes et Pontchâteau, deux pylônes sont dynamités, un troisième dynamitage aurait privé la Bretagne d’électricité ; répondant à un appel de la radio anglaise, 1500 Nantais bravent l’interdiction expresse de manifester en se rassemblant près de la mairie sans être autrement inquiétés par la police municipale nantaise.

            En 1943, le cours de la guerre est en train de changer mais toute manifestation demeure interdite « tout incident, dans les circonstances actuelles étant de nature à provoquer une dangereuse tension dans les rapports entre l’occupant et l’occupé » rappelle le préfet régional. Après trois ans d’activités clandestines, les militants CGT confédérés et unitaires, aboutissent à la réunification syndicale le 17 avril 1943, cinq semaines avant la création du Conseil national de la Résistance. Malgré un appel de Londres à cimenter cette unité ouvrière dans la lutte, aucune manifestation n’est organisée le 1er Mai dans le département. Le maréchal peut donc tenter de faire oublier aux Français son impuissance à régler leurs problèmes en leur distribuant force médailles à son effigie et en offrant un goûter aux enfants de prisonniers.

            En mai 1944, alors que l’on évoque la possibilité d’un débarquement des troupes alliées et que l’urgence est à l’intensification des actes de résistance à l’occupant, la CGT reconstituée appelle à faire du 1er Mai une journée de combat pour la libération. Un appel resté vain à Nantes où aucune manifestation à caractère politique n’est tolérée hormis cette fête organisée au théâtre Graslin, en présence d’artistes parisiens, au cours de laquelle le préfet est chargé de s’assurer que le seul orateur autorisé soit acquis aux principes de la Révolution nationale. Dans une ville sous les décombres des derniers bombardements, le cœur n’y est pas. Le matin du 1er Mai, beaucoup de Nantais ont quitté la ville à bicyclette. Les nécessités du ravitaillement l’avaient emporté sur les attraits du music-hall parisien.

            Après quatre ans d’occupation, la tentative de récupération politique du 1er Mai par le gouvernement de Vichy a échoué. C’est dans une France libérée du totalitarisme nazi et de la « Révolution nationale » que les Nantais célébreront le 1er Mai 1945.

                                                                                                          Michel TACET.

bulletin avril 2022
Bulletin d’Avril 2022

HALTE AU FEU !
Au moment où ces lignes sont écrites, cela fait cinq semaines que les troupes russes
sont entrées, sur ordre de Vladimir Poutine, en territoire ukrainien semant la mort et la
désolation au sein des populations civiles. Les réfugiés et déplacés se comptent par millions, rappelant que le devoir d’entraide s’applique à tous les êtres humains, sans distinction aucune, pour quelques motifs que ce soient, rappelant que la solidarité est sans frontières.