Villepot rend hommage à trois fusillés de l’Octobre sanglant 1941

81 ans après leur exécution, une plaque pour commémorer la mémoire de trois des vingt-sept fusillés du 22 octobre 1941 a été inaugurée le 22 octobre 2022 à Villepot (Loire-Atlantique) dans le cadre des cérémonies du 81e anniversaire du massacre d’octobre 41.

Ils s’appelaient Edmond Lefebvre, Henri Pourchasse et Jean Poulmarc’h.(liens vers leurs biographies) Tous trois syndicalistes et communistes, ils avaient été arrêtés lors de la grande rafle d’octobre 1940 opérée par la police de Pétain, en accord avec les autorités allemandes, puis détenus dans différentes prisons avant d’être internés administrativement  dans le camp de Choisel à Châteaubriant.

©Patrice Morel

Vingt-sept otages avaient été désignés par le Commandant militaire allemand en France Otto von Stülpnagel à la suite de l’une des premières actions armées de la Résistance, lorsque le 20 octobre trois jeunes résistants communistes ont abattu le Feldkommandant Hotz à Nantes.

Choisis sur une liste transmise par le ministre de l’intérieur de Pétain, Pierre Pucheu, les 27 fusillés dans la carrière de La Sablière en Châteaubriant dans l’après-midi du 22 octobre 1941 ont été inhumés le lendemain dans neuf communes du castelbriantais dépourvues de moyens de transport afin d’éviter les « pèlerinages ». Ce 22 octobre 2022, 81 ans jour pour jour après leur exécution, un hommage leur a été rendu en présence d’une foule nombreuses estimée à 150 personnes par Philippe Dugravot, maire de Villepot et conseiller départemental, Pierre Chauleur, sous-préfet, Catherine Ciron, adjointe au maire de Châteaubriant et conseillère départementale, Carine Picard-Nilès, présidente de l’Amicale Châteaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt, un représentant de la Fédération CGT des industries chimiques, Christian Retailleau, président du Comité départemental du souvenir – Résistance 44, Serge Adry, président du Comité local du souvenir des héros de Châteaubriant et cheville ouvrière du projet, assisté de Denis Fraisse.

©Patrice Morel

Le maire de Villepot, Philippe Dugravot, a d’emblée rappelé ce jour où « l’Histoire a fait une halte sanglante dans notre belle commune ». Cette page d’histoire, les fusillés « l’écrivirent de leur sang » a dit Serge Adry, ajoutant : «  Nous avons un devoir de mémoire envers celles et ceux qui eurent la lucidité de nous léguer, dans les pires conditions, le programme du Conseil national de la Résistance (…) Ils voulaient vivre à en mourir, ils rêvaient de liberté. »   Puis ce fut au tour des petits-enfants de Henri Pourchasse, Brigitte Creton et Pascal Pourchasse, présents pour témoigner : « Nous ne devons pas oublier qu’ils ont sacrifié leur vie pour que nous vivions libres et en paix et parce qu’ils croyaient en un monde sans pauvreté et sans violence ». Il appartenait alors à Pierre Chauleur, sous-préfet de Châteaubriant-Ancenis d’exprimer le sens de cette cérémonie : « Nous sommes réunis aujourd’hui pour crier notre rejet de la barbarie, du terrorisme et de l’intolérance » avant d’appeler à la minute de silence. A noter la présence de 22 porte-drapeaux.

L’émotion était forte lorsque le quatuor de la Compagnie des gars à la remorque a lu les dernières lettres adressées à leurs proches par les trois résistants, écrites dans la baraque 6 quelques instants avant d’être fusillés. Emotion renforcée encore lorsqu’ils ont entonné Le Chant des partisans, de concert avec l’Ensemble vocal du Conservatoire de Châteaubriant-Derval, dirigé par Pierre-Olivier Bigot.

En hommage, le maire a planté trois arbres à l’entrée du cimetière – un noyer, un châtaignier et un chêne – déclarant : « Ceux-là non plus ne plieront pas »  On ne pouvait mieux dire.

Voici un témoignage transmis par Patrick Pérez, ancien adjoint au maire :

Marie Huguette Legobien née Ploteau avait presque 5 ans en 1941, voici son témoignage :

Mon grand-père, François Ploteau, âgé alors de 70 ans, habitait à Villepot. Il s’occupait toujours de l’entretien de l’église, sonnait les cloches, était également fossoyeur. C’est à ce titre qu’il fut réquisitionné pour enterrer trois des fusillés de Châteaubriant.

Mon père, prisonnier en Allemagne, ma mère et moi avions quitté Rennes après les bombardements du 17 juin 1940 pour nous réfugier à Villepot près de la famille. Elle aidait souvent mon grand-père pour l’entretien du cimetière et du haut de mes presque 5 ans, je les accompagnais. Nous étions donc présents tous les trois quand les cercueils sont arrivés.

Ma mère et moi avons alors été conduites dans une baraque à outils comme il y en avait dans les cimetières. Elle était située à proximité des tombes et un soldat armé était posté devant la porte.

J’étais sans cesse derrière la petite fenêtre pour tenter de voir ce qu’il se passait. J’ai toujours la vision de mon grand-père muni de sa pelle, refermant mes tombes.

Ma mère nous a toujours dit qu’il n’avait cessé de maugréer et d’exprimer à haute voix, son horreur, à tel point qu’elle avait craint pour notre vie à tous les trois.

Les cercueils avaient été fabriqués à la hâte et du sang des fusillés avait coulé sur ses sabots. Mon grand-père n’a jamais voulu les remettre et les a brûlés.

Par la suite, mes grands-parents, conservant des liens avec les familles, ont entretenu les tombes jusqu’à ce que les cercueils soient exhumés.

POUR EN SAVOIR PLUS:

Discourt de Mr Dugravot, maire

Serge Adry

Brigitte Creton

P. Chauleur, sous-préfet

Texte des Gars à la remorque

Dernières lettres :

Edmond Lefebvre

Jean Poulmarc’h

Henri Pourchasse

Auguste Chauvin – Résistant FTP  1910 – 1943

Lettres d’un héros ordinaire

Jean Chauvin, le fils d’Auguste, est né à Nantes en 1942. Elevé dans le souvenir de son père, il s’était juré de lui rendre hommage en publiant ses lettres écrites en prison entre son arrestation et son exécution. Ce travail de mémoire, Jean Chauvin y est d’autant plus attaché que la postérité réservée à ces victimes de la répression nazie et vichyste lui paraît quelque peu injuste. Il s’agit cependant de jeunes héros, militants communistes qui ont tout sacrifié en choisissant la lutte armée contre les occupants nazis et les collaborateurs français.

Sollicité, L’Oribus a décidé de reprendre à son compte le projet de Jean Chauvin, de répondre positivement à son souci de mémoire, d’éclairer un aspect souvent mal connu de la Résistance française et de redonner à Auguste Chauvin et à ses compagnons la place qui leur revient dans le souvenir de cette page de l’Histoire de France.

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Une plaque entretient la mémoire des Otages

à Saint-Julien-de-Concelles

Une plaque a été dévoilée le samedi 19 novembre 2022 devant le cimetière de Saint-Julien-de-Concelles (44)  en présence d’une centaine de personnes, du maire Thierry Agasse, du représentant de l’UNC et du conseiller départemental Jean-Pierre Marchais.

La pose de cette plaque s’inscrit dans le parcours de la mémoire initié dans neuf communes du  castelbriantais où avaient été inhumés les 27 de Châteaubriant le 23 octobre 1941 après leur exécution dans la carrière de la Sablière. Ce parcours se prolonge  aujourd’hui dans le vignoble nantais et des plaques seront inaugurées à Basse-Goulaine – dont le maire Alain Vey était présent à la cérémonie- et à Haute-Goulaine.

Cette initiative du Comité départemental du souvenir  a été réalisée grâce au soutien de la municipalité et particulièrement du maire « très attaché au devoir de mémoire ». Ce projet est dans la continuité du travail de la commune pour entretenir le souvenir des fusillés, déjà présent dans le cimetière où une stèle a été édifiée.

A la suite du maire, Christian Retailleau, président du Conseil départemental du souvenir  a rappelé le contexte de l’époque. Le 11 novembre 1940, la première manifestation publique depuis l’entrée des Allemands dans Nantes le 19 juin 1940 est celle de lycéens nantais, bravant l’interdiction. Il a  évoqué l’audace de Christian de Mondragon (16 ans) – dont la fille était présente dans l’assistance – et Michel Dabat (19 ans) qui, la nuit précédente, avaient hissé le drapeau tricolore au sommet de la cathédrale. «  Ces premières manifestations publiques sous l’Occupation ont fait grandir l’esprit de résistance », a -t-il poursuivi  citant les noms de Maurice Allano, Frédéric Creusé, Michel Dabat, Jean-Pierre Glou fusillés le 22 octobre 1941 au stand de tir du Bêle avec 12 autres Nantais, à l’heure où 27 autres otages étaient fusillés à Châteaubriant et 5 au Mont-Valérien. Inhumés anonymement dans la soirée à St Julien-de-Concelles, ils ont été rejoints le 13 novembre 1941par Marin Poirier qui avait été fusillé le 30 août 1941.

Creusé, Dabat, Glou, jeunes catholiques investis dans des activités de renseignement, Allano, jeune ouvrier et Marin Poirier, cheminot lié au groupe des anciens combattants présidés par Léon Jost représentaient la diversité de la Résistance naissante

« 81 ans après, souvenons-nous de leur héroïsme, de leur patriotisme, de leur engagement et contribuons à ce que leurs noms continuent de vivre. Par leur sacrifice, les 48 ont su insuffler le refus de la défaite et de la servitude et cette volonté de résister à tout prix. Ils ont porté l’espoir de jours meilleurs aux pires heures de l’Occupation » a ajouté C. Retailleauavant d’évoquer « la création du Conseil national de la Résistance dont le programme novateur a façonné à la Libération notre modèle démocratique et social » et faisant écho à l’actualité : « Ne laissons pas prospérer les idées nauséabondes (…) continuons d’agir pour un monde en paix. »

Théâtre d’ici ou d’ailleur

Après La Marseillaise et le Chant des partisans interprétés par le groupe Cancelli musique, une évocation artistique et historique très émouvante a été proposée par le Théâtre d’ici ou d’ailleurs. Claudine Merceron, Elodie Retière et Pascal Gillet ont retracé les parcours de vie des fusillés, lu avec sensibilité des extraits de leurs dernières lettres ponctuées de poèmes d’Aragon et Desnos. Les membres du conseil municipal des enfants ont eu le dernier mot et ont interprété la chanson d’Aldebert  Aux âmes citoyens, « Allons enfants de toutes les patries/ Que les armées désertent nos chansons… »

Des membre du conseil municipal des enfants

Les commémorants se sont retrouvés à l’Hôtel de ville à l’invitation de la municipalité autour du verre de l’amitié. Le président du Comité du souvenir a offert à Thierry Agasse le livre En vie, en joue, enjeux. Les 50 Otages écrit par D. Guyvarc’h et L. Le Gac

« 81 ans après, souvenons-nous de leur héroïsme, de leur patriotisme, de leur engagement et contribuons à ce que leurs noms continuent de vivre. Par leur sacrifice, les 48 ont su insuffler le refus de la défaite et de la servitude et cette volonté de résister à tout prix. Ils ont porté l’espoir de jours meilleurs aux pires heures de l’Occupation » a ajouté Christian Retailleauavant d’évoquer « la création du Conseil national de la Résistance dont le programme novateur a façonné à la Libération notre modèle démocratique et social » et faisant écho à l’actualité : « Ne laissons pas prospérer les idées nauséabondes (…) continuons d’agir pour un monde en paix. »

  • Merci au Service Animation de la mairie de Saint-Julien-de-Concelles et à Alexandra Dubois pour le reportage photo.

POUR EN SAVOIR PLUS

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Les cinquante otages

Les 50 otages, fusillés par les nazis

– Les 48 qui furent fusillés par les Allemands le 22 octobre 1941

  • 27 d’entre eux furent fusillés à Châteaubriant,
  • 16 à Nantes
  • et les 5 autres près de Paris vers 16h au Mont Valérien à Suresnes.

La liste fut établie par le Commandant militaire de la Wehrmacht en France Stülpnagel, avec la complicité active de Pucheu ministre de l’Intérieur, son chargé de mission Chassagne … du gouvernement de Pétain.

Ceux de Châteaubriant fusillés le 22 octobre 1941 à la Sablière:

Charles MICHELS, de Paris, communiste, secrétaire général de la Fédération du Cuirs et peaux, député de Paris, 38 ans

Jean POULMARC’H, d’Ivry-sur-Seine, communiste, secrétaire général du syndicat de la chimie de la région parisienne, 31 ans

Jean Pierre TIMBAUD, de Paris, communiste, secrétaire général de la Fédération de la Métallurgie. 38 ans

Jules VERCRUYSSE, de Paris, communiste, secrétaire général de la Fédération des Textiles. 48 ans

Désiré GRANET, de Vitry-sur-Seine, communiste, secrétaire général de la Fédération des Papiers et cartons. 37 ans

Maurice GARDETTE, de Paris, artisan, conseiller municipal communiste de Paris 11ème, 49 ans

Jean GRANDEL, de Gennevilliers, secrétaire de la Fédération postale CGT, maire communiste de Gennevilliers et conseiller général de la Seine, 50 ans

Jules AUFFRET, de Bondy (Originaire de Trignac-44), adjoint au maire de Bondy, conseiller général communiste de la Seine, 39 ans.

Pierre GUEGUIN, professeur, maire communiste de Concarneau, 45 ans

Raymond LAFORGE, de Montargis, communiste, instituteur, 43 ans

Maximilien BASTARD, de Nantes, communiste, chaudronnier, 21 ans

Julien LE PANSE, de Nantes, communiste, peintre en bâtiment, 34 ans

Emile DAVID, de Nantes, communiste, mécanicien-dentiste. 19 ans

Guy MÔQUET, de Paris, lycéen, fils de Prosper Môquet, député communiste de Paris, 17 ans

Henri POURCHASSE, d’Ivry-sur-Seine, communiste, fonctionnaire, 34 ans

Victor RENELLE, de Paris, syndicaliste, ingénieur, 53 ans

Maurice TENINE, d’Antony, élu municipal communiste, médecin, 34 ans

Henri BARTHELEMY, de Thouars, communiste. 58 ans

Raymond TELLIER, d’Amilly, communiste, imprimeur. 44 ans

Marc BOURHIS, de Trégunc, instituteur. 34 ans

Titus BARTOLI, de Digoin, communiste, instituteur. 58 ans

Eugène KERIVEL, de Basse-Indre, communiste, capitaine côtier. 50 ans

AN HOUYNK-KUONG, de Paris, communiste, professeur. 29 ans

Claude LALET, de Paris, communiste, étudiant. 21 ans

Charles DELAVAQUERIE, de Montreuil, communiste, imprimeur. 19 ans

Antoine PESQUE, d’Aubervilliers, communiste, docteur en médecine. 55 ans

Edmond LEFEBVRE, d’Athis-Mons, communiste, métallurgiste. 38 ans

carrière 2021

Ceux de Nantes fusillés le 22 octobre 1941 au Terrain du Bêle:

Léon JOST, de Nantes, 57 ans. Président des anciens combattants. Groupe des ACVG de L. Inf, organisateur des évasions des camps de prisonniers.

Alexandre FOURNY, de Nantes. 43 ans. Avocat et socialiste. Conseiller Général et Municipal de Nantes. Groupe des anciens combattants.

Maurice ALLANO, de Nantes. , 21 ans, violences contre un soldat allemand.

Paul BIRIEN, de Nantes, 50 ans. Groupe des anciens combattants.

Joseph BLOT, de Nantes, 50 ans. Groupe des anciens combattants.

Auguste BLOUIN, de Nantes, 57 ans. Groupe des anciens combattants.

René CARREL, de Nantes. 25 ans, communiste soupçonné de résistance.

Frédéric CREUSE, de Nantes. 20 ans, soupçonné de résistance.

Michel DABAT, de Nantes. 20 ans, a hissé les couleurs nationales avec Christian de Mondragon, le 11 novembre 1940 sur la cathédrale.

José GIL, de Nantes. 19 ans, communiste soupçonné de résistance.

Jean-Pierre GLOU, de Nantes. 19 ans, soupçonné de résistance.

Jean GROLLEAU, de Nantes. 21 ans, soupçonné de résistance.

Robert GRASSINEAU, de Nantes. 34 ans, communiste soupçonné de résistance.

Léon IGNASIAK, de Saint-Herblain. 48 ans, communiste soupçonné de résistance.

André LE MOAL, de Saint Nazaire. 17 ans, violences contre les soldats allemands.

Jean PLATIAU, non résistant, soupçonné de résistance par « action en faveur de l’ennemi ».

Ceux fusillés le 22 octobre 1941 au Mont Valérien. vers 16 h

Emprisonnés au Fort de Romainville

Hubert CALDECOTT, 28 ans, de Nantes.. Résistant

Marcel HEVIN, 35 ans de Nantes. ( chef du groupe Hévin.)

Philippe LABROUSSE, 32 ans, de Saint-Nazaire. Résistant.

Alain RIBOURDOUILLE, 33ans, de Nantes. ( Originaire de Dinard ) Résistant.

Victor SAUNIER, 27 ans de Nantes. ( Originaire de St Suliac 35) Résistant.

Les Justes, une leçon pour aujourd’hui

par Alain CROIX

80 ans déjà, mais une leçon de solidarité bien utile aujourd’hui. Une sale époque : des Français, ou des réfugiés, écartés de toute fonction en lien avec le public, mal vus par beaucoup de compatriotes sensibles à la politique de Pétain et à des décennies d’antisémitisme. Des juifs donc, fichés, dénoncés et, en juillet puis octobre 1942, victimes de rafles au cours desquelles la police et la gendarmerie françaises collaborent avec la police allemande. Un climat de terreur entretenu, en Loire-Atlantique en particulier, par une répression féroce, semée de crimes de guerre, à l’exemple de l’exécution des Cinquante otages l’année précédente. Aucun véritable espoir alors d’une défaite allemande : la débâcle allemande de Stalingrad, tournant de la guerre, c’est seulement en février 1943.

            Et pourtant, en cette terrible année 1942, en Loire-Atlantique, trois couples osent. Même pas s’engager dans la Résistance, ce que font déjà bien plus de femmes et d’hommes. Non, plus simplement, en risquant beaucoup et peut-être leur vie, faire preuve de solidarité à l’égard de ces juifs rejetés. Adolphe Le Gualès de Mézaubran, le maire de Joué-sur-Erdre, et son épouse. Charles Fuller, ingénieur à Nantes, et son épouse Charlotte. Marie-Esther Mousson et son époux Auguste, un « roulant » des chemins de fer à Châteaubriant. Un couple de bons conservateurs, un autre mu par sa foi protestante, un autre par ses engagements communistes, Auguste ayant créé la cellule communiste de sa ville en 1935.             Les Fuller et les Mousson n’ont pas les mêmes idéaux, mais partagent des valeurs essentielles, ne pas accepter l’injustifiable, et agir. Ils font la même chose : sauver des enfants juifs dont les parents ont été arrêtés et disparaîtront à Auschwitz. Bien plus complexe que ces quelques mots : fausses identités, le risque permanent d’une dénonciation, assumer la charge en période de rationnement, et le faire dans la durée. Les Fuller iront même jusqu’à adopter un de leurs protégés. Marie Mousson, venue à Nantes négocier pied à pied la libération des enfants de ses voisins et amis les Rimmer, a peut-être plus de mérite encore : la Croix-Rouge, à qui les enfants ont été confiés, refuse de les leur remettre en raison de leur passé politique et

il faudra qu’elle et son mari convainquent en toute discrétion la nourrice castelbriantaise qui en a hérité…

            Trois couples, choisis ainsi parmi la vingtaine de « Justes » du département : c’est peu, bien trop peu, mais ces héros modestes, presque anonymes, suffisent à inscrire leurs valeurs dans l’histoire. Tous seront reconnus « Juste parmi les nations » et leurs noms inscrits dans le mémorial de Yad Vashem en Israël comme dans le mémorial de la Shoah à Paris, bien après leur décès il est vrai. La reconnaissance des enfants sauvés se manifestera en fonction des possibilités : Auguste Mousson, veuf, sera invité au mariage de Robert Rimmer en 1968, mais Bella, la sœur de Robert, a été emmenée par un grand-père aux États-Unis. Et la reconnaissance locale est, disons, inégale : les Gualès bénéficient d’une reconnaissance largement liée aux fonctions exercées par Adolphe, les Fuller ont leur très modeste rue à Nantes depuis peu, les Mousson ne survivent, et trop discrètement, que dans la mémoire militante…

Marie et Auguste Mousson © DR

            Alain CROIX,

Historien

*A Châteaubriant aucune trace n’évoque le geste de Marie et Auguste Mousson. Le temps n’est-il pas venu d’apposer une plaque là où ils vivaient, de donner leur nom à une rue, voire d’accoler leur nom à celui du collège de la Ville aux Roses ?

Les camps d’internement de Châteaubriant 

Choisel et Moisdon-la-Rivière. 1940-1945 

Un entretien avec Louis Poulhès 

A l’occasion de la parution de cet ouvrage de 407 pages, abondamment illustré, nous avons posé quelques 

questions à Louis Poulhès, déjà auteur des livres : Un camp d’internement en plein Paris. 
Les Tourelles 1940-1945 et L’Etat contre les communistes 1938-1944 parus en 2019 et 2021 chez le 
même éditeur. 

*Pourquoi un tel ouvrage ? Le camp est connu pour les internés qui y ont été fusillés comme 
otages,notamment GuyMôquet, Jean-PierreTimbaud, Charles Michels. Paradoxalement, l’histoire 
du camp a été assez peu étudiée. La mémoire des fusillés a contribué à la reléguer un peu dans 
l’ombre. Le livre ne porte pas seulement sur Choisel,mais aussi surMoisdon-la-Rivière, un camp

ouvert en novembre 1940 pour des nomades, transférés ensuite à Choisel fin février début mars 1941, 
puis renvoyés à Moisdon début septembre 1941. 
Les deux camps ont fait l’objet d’une gestion commune jusqu’au transfert de tous les internés dans 
d’autres camps de la zone occupée dans la première quinzaine de mai 1942. Sous l’Occupation, le 
camp de Moisdon-la-Rivière a donc fonctionné de novembre 1940 à février 1941, puis de septembre 
1941 à mai 1942, celui de Choisel de mars 1941 à mai 1942. Leur histoire ne doit pas être dissociée. 

*Comment avez-vous travaillé ? Comme pour tout travail historique de fond, le recours aux archives est indispensable. La plupart des documents sont conservés aux archives départementales de LoireAtlantique, mais aussi aux

 archives de la préfecture de police à Paris, aux archives d’Eure-et-Loir et du Maine-et Loire et d’autres 

encore. J’ai croisé ces documents avec les informations issues des internés eux-mêmes : journaux 
des internés, correspondances avec leurs familles, témoignages et mémoires. 

*Votre éditeur précise que vous avez conçu votre ouvrage « en dehors de tout esprit polémique 
et d’idéalisation ». Pourquoi ce commentaire ? 

Il s’agit simplement d’indiquer que ce travail se veut distancié par rapport à son objet, même si 
je reste très ému du sort de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants privés de leur liberté 
pour  nombre  d’entre  eux  durant  des  années, au-delà des seuls fusillés. En particulier, j’ai pris 

soin de prendre en compte les internés autres que politiques, la mémoire commune réduisant 
souvent le camp aux seuls politiques. La mémoire de ces camps, qui fait partie de leur histoire, a fait 
aussi l’objet d’un chapitre du livre.

*Qu’est-ce qu’un camp d’internement ? C’est un camp qui est destiné à enfermer des individus 
selon une procédure tout à fait particulière : l’internement administratif. En ce qui concerne les 
politiques (principalement des communistes et des syndicalistes), les internés n’ont commis aucune

infraction, mais ils sont seulement suspectés de pouvoir en commettre. Ils peuvent aussi ne pas avoir 

été libérés après avoir purgé une peine ou après avoir été absous par un juge. La décision d’internement est prise par le ministre de l’Intérieur ou les préfets (autorité administrative) et non par un juge (autorité 

judiciaire). La durée de privation de liberté n’est pas limitée dans la très grande majorité des cas, 

arrestations et libérations étant totalement aux mains de l’administration. 
Les internés administratifs ne sont donc pas des « prisonniers » comme les autres, prévenus ou 
condamnés, détenus en vertu d’une procédure judiciaire. La procédure de l’internement n’a pas 
été inventée par le gouvernement de Vichy, qui a seulement élargi les publics visés à tous ceux qu’il 
a considéré comme « indésirables », mais par le gouvernement Daladier sous la IIIe République. 

  *Combien y-a-t-il eu de camps d’internement sous l’Occupation allemande ? Leur nombre a 
varié fortement dans le temps. Certains ont été très éphémères (quelques semaines) et leur taille 
extrêmement variée. On peut les estimer à moins d’une trentaine pour l’ensemble de la période de 
l’Occupation. Dans la zone non occupée, on distingue principalement des camps pour les étrangers 

(les plus grands avec jusqu’à plusieurs milliers d’internés) et des camps pour les Français 
(nettement plus petits avec de quelques dizaines d’internés à plusieurs centaines). Dans la zone 

occupée, le gouvernement de Vichy est soumis à l’autorisation des Allemands. Le premier camp est 
celui d’Aincourt en Seine-et-Oise créé début octobre 1940 pour les politiques, les Allemands ayant 
également enjoint Vichy d’interner les nomades dès octobre-novembre 1940. L’internement des 
Juifs commence principalement en mai 1941. Tous ces camps sont gérés et gardés par des Français 
sous l’autorité du gouvernement de Vichy. Rares sont les camps allemands (Compiègne, Romain- 
ville ou Drancy après juillet 1943). 

*Combien de personnes ont été internées à Châteaubriant ? Dans les deux camps de Moisdon 
et Choisel, 1601 personnes au total ont été enregistrées. Les politiques sont au nombre de 682, 
soit un peu plus des deux cinquièmes (42,3% du total). Ils sont entrés à Choisel à partir d’avril 1941, 
puis surtout en mai et à l’été 1941. Les nomades sont 544, soit un peu plus du tiers (34,2 %) et les 
« indésirables », qui regroupent les autres catégories d’internés 375, soit un peu moins du quart 
avec 23,5 %. Le maximum des internés présents à Choisel est d’environ 860 personnes à la fin août 
1941. Une des originalités de l’ouvrage est de produire la liste complète de tous les internés, par 
dates d’entrée, avec leurs noms, prénoms, dates de naissance, catégorie d’internement. 

*Qu’est-ce qui a conduit à la fermeture du camp en mai 1942 ? Les différentes catégories d’internés 
ont été transférés dans des camps spécialisés dans la première quinzaine de mai 1942 : Voves pour les 
politiques, Mulsanne pour les nomades, Aincourt pour les femmes (politiques et « indésirables »), 
Rouillé pour les repris de justice, Gaillon pour les « marché noir », Pithiviers pour les juifs. Le camp 
de Choisel a sans doute été considéré par les Allemands comme trop connu. Les exécutions 
d’otages ont en effet profondément bouleversé les Français. Vichy et les Allemands souhaitent 
également spécialiser les camps. A la différence de Moisdon, définitivement fermé, Choisel a été 
ré ouvert en septembre 1944 jusqu’en décembre 1945 pour les collaborateurs, puis transformé en 
annexe de la prison de Fontevrault jusqu’en décembre 1946. Le camp a ensuite été détruit. 

Propos recueillis par Loïc Legac